Jacques Barrot

1937 - 2014

Informations générales
  • Né le 3 février 1937 à Yssingeaux (Haute-Loire - France)
  • Décédé le 3 décembre 2014 à Neuilly-sur-seine (Hauts-de-Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 3 avril 1967 au 30 mai 1968
Département
Haute-Loire
Groupe
Progrès et démocratie moderne
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IVe législature
Mandat
Du 11 juillet 1968 au 1er avril 1973
Département
Haute-Loire
Groupe
Progrès et démocratie moderne
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ve législature
Mandat
Du 2 avril 1973 au 8 juillet 1974
Département
Haute-Loire
Groupe
Union centriste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIe législature
Mandat
Du 3 avril 1978 au 5 mai 1978
Département
Haute-Loire
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 2 juillet 1981 au 1er avril 1986
Département
Haute-Loire
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 2 avril 1986 au 14 mai 1988
Département
Haute-Loire
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IXe législature
Mandat
Du 6 juin 1988 au 1er avril 1993
Département
Haute-Loire
Groupe
Union du centre
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Xe législature
Mandat
Du 2 avril 1993 au 18 juin 1995
Département
Haute-Loire
Groupe
Union pour la démocratie française et du centre
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIe législature
Mandat
Du 1er juin 1997 au 18 juin 2002
Département
Haute-Loire
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIIe législature
Mandat
Du 19 juin 2002 au 6 mai 2004
Département
Haute-Loire
Groupe
Union pour la majorité présidentielle

Fonds d'archives

Dans les versements effectués par l’Assemblée nationale aux Archives nationales, on compte plusieurs procès-verbaux de séances en commission dans lesquels sont retranscrites les auditions de Jacques Barrot en qualité de secrétaire d’État au Logement, ministre de la Santé et de la Sécurité Sociale de ministre du Commerce et de l’Artisanat, ainsi que ministre du Travail, du Dialogue social et de la Participation (versements 20060509, 20060511 et 20060698).

Les Archives nationales conservent, d’autre part, des documents provenant des ministères à la tête desquels il avait été nommé (versements 19870486, 19870502, 19870503, 19870507, 19890294, 19910806, 19920441, 19930592, 19950194, 19950312, 19980538, 19990204, 20000361, 20000469, 20010003, 20010071, 20010152, 20010242, 20010282, 20010308, 20010531, 20010533, 20020435, 20030446, 20030502, 20040214, 20120246, 20130040, 20130050 et 20150760).

Il s’agit notamment des dossiers de préparation de conseil des ministres, des communications, des dossiers de presse, de la correspondance, des notes sur la composition de ses cabinets, des discours et des interviews, etc.

D’autres versements, conservés aux Archives nationales et provenant de ministères, concernent le Parlement :
- 19790635/1 Questions écrites et réponses de Jacques Barrot (Député de la Haute-Loire, U.C.) (1974-1976),
- 19860540/26 Interventions de Jacques Barrot (1981-1986),
- 19920383/3 Courrier adressé par des parlementaires au Cabinet d'Édith Cresson, Premier ministre (1991-1992),
- 19970106/10 Participation de Jacques Barrot, Président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, au colloque de 250 dirigeants PME-PMI (1993),
- 20020406/1 Courrier envoyé au Premier ministre par Jacques Barrot (ancien ministre député de la Haute-Loire, président du Conseil général, maire d'Yssingeaux) (1999-2001),
- 20120432/1-2, 9 Interventions des parlementaires auprès du cabinet de Jean-Jacques Aillagon et du cabinet de Renaud Donnedieu de Vabres (2002-2003 ; 2005-2006),
- 20150188/4, 58, 60 Archives d'Alain Savary, ministre de l'Éducation nationale (1981-1984).

Dans le versement 20160515 regroupant les archives du Cabinet de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État chargé de l'Écologie et du Développement durable (2001-2010), on recense aussi plusieurs documents relatifs à des entretiens avec Jacques Barrot alors vice-président de la Commission européenne et Commissaire chargé des Transports.

En plus de ces documents, on peut noter des documents audiovisuels classés dans les archives de l’émission "Le téléphone sonne" (1977-1980) de Radio France, France Inter (versement 20141160), à laquelle il fut plusieurs fois invité lorsqu’il était ministre.

On trouve également un témoignage oral sur Georges Pompidou, sous la cote AV11AV/453 : entretien de Jacques Barrot, réalisé par Anne Leboucher-Sebbab et Murielle Montero (9 novembre 1999).

Enfin les Archives nationales conservent l’exemplaire original de la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale (cote AE/I/29/27), scellé et signé de Jacques Chirac, président de la République, d'Alain Juppé, Premier ministre, de Jacques Toubon, garde des Sceaux et de Jacques Barrot, ministre du Travail et des Affaires sociales.

Les Archives départementales de la Haute-Loire conservent dans les fonds du cabinet du préfet plusieurs interventions de Jacques Barrot, députés : 1182 W, 1184W, 1243 W, 1265 W, 1279 W. Elles conservent également ses archives privées, cotées en 302 J. Ces archives ayant fait l’objet d’un dépôt représente environ 50 ml.

La division des Archives de l’Assemblée nationale conserve quelques photographies de Jacques Barrot (versement 2007-095), ainsi que des enregistrements audio de ses auditions par la commission des lois, plusieurs commissions d’enquête et missions d’information.

Biographies

Biographie de la Ve République

BARROT Jacques
Né le 3 février 1937 à Yssingeaux (Haute-Loire)
Décédé le 3 décembre 2014 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

Député de Haute-Loire de 1967 à 1974, puis de 1981 à 1995, puis de 1997 à 2004
Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Équipement chargé du Logement du 27 mai 1974 au 31 mai 1978
Ministre du Commerce et de l’Artisanat du 31 mars 1978 au 4 juillet 1979
Ministre de la Santé et de la Sécurité sociale du 4 juillet 1979 au 13 mai 1981
Ministre du Travail, du Dialogue social et de la Participation du 18 mai au 8 novembre 1995
Ministre du Travail et des Affaires sociales du 8 novembre 1995 au 3 juin 1997

Né le 3 février 1937, Jacques Barrot passe son enfance et son adolescence dans son département natal, la Haute-Loire, plus précisément à Yssingeaux, où ses parents, originaires de Saint-Étienne, se sont installés comme pharmaciens. Son père, Noël, engagé dans la Résistance, devient député dès la première Assemblée nationale constituante, en 1945, et le restera, sous les couleurs du Mouvement républicain populaire (MRP), représentant la démocratie chrétienne, jusqu’à sa brutale disparition au Palais-Bourbon, en juin 1966. Il aura été, de surcroît, de 1956 à 1966, questeur de l’Assemblée nationale.

À cette date, Jacques Barrot succède à son père. Ce choix n’est pas naturel. Après une licence en droit et une année d’étude complémentaire de sociologie qui le conduisent à l’Université d’Aix-en-Provence, le jeune Jacques entre au séminaire du Puy, puis au Grand séminaire de Lyon où il s’oriente vers le sacerdoce. Mais la Guerre d’Algérie, qu’il accomplit comme instituteur, le convainc qu’il sera plus efficace dans la vie civile ; il s’oriente ainsi vers une carrière de professeur d’Université, tout en fréquentant les cercles rocardiens du PSU, avec son ami et futur député Daniel Mandon. Les modèles politiques de Jacques Barrot restent cependant les figures de la démocratie chrétienne, Pierre-Henri Teitgen, Robert Schuman ou Paul Coste-Floret.

Alors qu’il a rejoint l’Institut d’Etudes Politiques de Paris pour achever sa formation, la mort de son père l’arrache à ses études et, à la demande des amis politiques de Noël Barrot, le cadet de ses enfants se porte candidat aux élections législatives, puis est élu le 12 mars 1967. Arrivé en tête au premier tour, il l’emporte au second tour dans une triangulaire avec 23 970 voix face à Jean Proriol, conseiller général, maire de Beauzac, 19 045 voix, et Louis Exbrayat, conseiller général, maire de Brives-Charensac, 12 397 voix. Le très jeune conseiller municipal d’Yssingeaux, élu en 1965, entre au Palais-Bourbon. À tout juste 30 ans, il est avec Alain Terrenoire l’un des benjamins de la IIIe législature. Il commence alors une longue carrière de parlementaire de laquelle il ne sortira qu’en 2004, pour rejoindre la Commission européenne.

Jacques Barrot va creuser son sillon, en commission comme dans l’hémicycle, fidèle à deux constantes de sa vie politique : le centrisme, celui des « crêtes », comme il aimait le préciser, et la question sociale dont il se fait une spécialité et bientôt une légitimité, nécessaire pour entrer au gouvernement. Membre du groupe Progrès et démocratie moderne (P.D.M.), en 1967 et en 1968, il siège au groupe de l’Union centriste, à compter de 1973, dans la logique du choix qu’il fait avec les démocrates-chrétiens Joseph Fontanet et Jacques Duhamel, de suivre le Président Pompidou, plutôt qu’Alain Poher ou Jean Lecanuet.

L’activité parlementaire de Jacques Barrot est d’emblée soutenue. En sept ans, de 1967 à 1974, il prend la parole dans 81 discussions différentes en séance et, après plusieurs hésitations entre les commissions des Lois, de la Production et des échanges, puis des Finances, il est un membre actif de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, dont il devient l’un des vice-présidents, le 5 avril 1973. Dans ces années qui précèdent son entrée dans le premier gouvernement Chirac, il dépose 11 propositions de loi et 2 rapports, et pose de très nombreuses questions orales avec ou sans débat aux membres des différents gouvernements.
Dans l’activité du député trentenaire pointent ses premiers sujets de prédilection : l’emploi (notamment des travailleurs apprentis et salariés), la réforme hospitalière, la sécurité sociale et l’assurance maladie, l’organisation des professions médicales. Il soutient de ses votes la plupart des mesures gouvernementales dans la ligne de la Nouvelle Société de Jacques Chaban-Delmas, et de celles des gouvernements conduits par Pierre Messmer. Ses votes de confiance rompent avec ses premières oppositions à la politique gaulliste, oppositions qu’il qualifia lui-même de risquées. À titre d’exemple, il vote la motion de censure en 1968, mais il est réélu aux législatives de juin, au second tour, avec 28 023 voix face à Jean Proriol, 23 648 voix. Ces premières années de mandat parlementaire sont rythmées par les grands scrutins sur lesquels Jacques Barrot prend position nettement : il vote pour le projet de loi d’habilitation en matière économique et sociale, les 20 mai, 9 juin et 16 juin 1967 ; il vote pour le projet de loi d’orientation de l’enseignement supérieur – dite loi Edgar Faure, le 10 octobre 1968 ; il en est de même du projet de loi relatif à l’exercice du droit syndical dans les entreprises, le 4 décembre 1968 ; il vote également pour le projet de loi tendant à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance, le 29 avril 1970, le projet de loi tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, le 28 mai 1970, le projet de loi relatif au service national, le 10 juin 1970 ; le projet de loi portant création et organisation des régions, le 27 avril 1972. Il est d’ailleurs un soutien actif de la Nouvelle Société promue par Jacques Chaban-Delmas qu’il soutient encore après la dernière déclaration de politique générale, le 23 mai 1972. Il apportera sa voix à Pierre Messmer, à la suite de sa déclaration de politique générale, le 12 avril 1973.

Fort de sa jeune mais solide expérience de député, Jacques Barrot est appelé au gouvernement en juin 1974, à la suite de l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République. Ses origines auvergnates y sont pour beaucoup, car Jacques Barrot n’est pas un élu proche des Républicains indépendants et a fait campagne pour Jacques Chaban-Delmas. Mais le nouveau Président de la République souhaite qu’un démocrate-chrétien du Centre Démocratie et Progrès (C.D.P.) figure au gouvernement ; il le choisit parmi les élus de sa région. Jacques Barrot est nommé secrétaire d’État au Logement. Il a 37 ans ; il est avec Lionel Stoléru l’un des benjamins du gouvernement de Jacques Chirac.
Comme il le fait dans ses premiers pas au Palais-Bourbon, il s’investit complètement dans sa tâche, au point de garder son portefeuille quatre années durant et de s’installer comme une valeur sûre de la galaxie giscardienne. À ce poste, il crée l’Allocation pour le logement (A.P.L.) à la fin de l’année 1976 et publie son premier ouvrage pour en populariser l’idée : Les Pierres de l’avenir (France-Empire). Simultanément, il fait la promotion de l’accession des salariés à la propriété et à la location, en suscitant l’aide au logement nécessaire. Il est attentif à l’habitat social et à sa rénovation, et l’ouvre notamment aux handicapés physiques. Il défend son budget avec ténacité et acquiert progressivement une technicité nouvelle en matière de politique du logement.

Le 12 mars 1978, il est élu au premier tour des législatives avec pour suppléant Roger Fourneyron, maire du Puy, recueillant 37 639 voix, soit 58,2 % des suffrages exprimés. Le 5 avril 1978, la promotion ministérielle arrive enfin avec sa nomination à un ministère de plein exercice, celui du Commerce et de l’artisanat. Il n’y reste qu’une année, le temps, ici encore, d’y laisser sa marque, celle du dialogue et de l’écoute, qui doit, selon lui, précéder toujours la décision. Jeune parlementaire, le député de la Haute-Loire avait pu étudier ces questions, notamment comme membre de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’orientation du commerce et de l’artisanat, entre 1973 et 1974. Suivant le modèle allemand, il défend le secteur artisanal comme ayant sa place dans une économie moderne, promeut la politique d’implantation artisanale dans le centre des villes (développement des zones artisanales) et souhaite revaloriser l’apprentissage, fort de son constat sur l’insuffisance de la formation continue. Il crée, enfin, un statut pour les commerçants, ouvrant la voie à la consolidation de leur retraite. Sur le plan local, le conseiller général d’Yssingeaux devient président du département de la Haute-Loire en 1976. Il le restera 28 ans.

Jacques Barrot n’attend pas longtemps une nouvelle promotion ministérielle. L’élection de Simone Veil à la présidence du Parlement européen dont les membres sont pour la première fois élus au suffrage universel le propulse au ministère de la Santé et de la Sécurité sociale, le 4 juillet 1979. Il y voit une récompense de son engagement dans les politiques à caractère social. C’est aussi pour lui un symbole familial, dans le sillage de son père qui s’intéressa longtemps, comme parlementaire, aux questions de santé. Sa mère, Marthe, voit l’accession de son fils au ministère de la Santé, avant de disparaître quelques mois plus tard. Il s’agit de nommer à la tête de ce ministère difficile un négociateur efficace et habile et de promouvoir un homme jeune, il a 42 ans.

Jacques Barrot a déjà une expérience dans le domaine de la Santé, acquise à la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, étant intervenu, à plusieurs reprises, dans les débats relatifs à la réforme hospitalière. Il fut en lien très étroit avec son ami démocrate-chrétien – son mentor sous la Vème République – Joseph Fontanet, ministre du Travail et de la Participation dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, en vue de l’amélioration des professions de santé à l’hôpital.

Arrivé au ministère, Jacques Barrot poursuit ses activités dans la politique de santé et la gestion des dossiers qui commencent à agiter l’opinion publique, alors que la France vient de franchir la barre du premier million de chômeurs et que le nombre de demandeurs d’emplois a ainsi triplé depuis 1974. Le ministre présente quatre projets de loi sur le maintien des droits, en matière de sécurité sociale, de certaines catégories d’assurés ; l’exercice de la profession d’infirmiers ; la publicité des boissons alcooliques ; les modifications du Code de la Santé publique relatives à l’exercice des professions médicales. Grâce au premier texte, il défend la politique familiale qui, estime-t-il, perd son élan depuis mai 1968. Si la branche « familles » reste excédentaire, le déficit de la branche « maladie » rend nécessaire une meilleure maîtrise des dépenses de santé. C’est pour lui la meilleure chance de garantir le financement de la politique familiale. Le deuxième texte le conduit à revaloriser les professions d’infirmier ou d’infirmière et de masseur-kinésithérapeute.
Ce qui mobilise le plus le ministre de la Santé est la venue en discussion de la réforme hospitalière, fin 1978, et surtout, fin 1979, le projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse (I.V.G.) visant à rendre définitives les dispositions de la loi du 17 janvier 1975. Jacques Barrot considérait cette réforme comme une exigence de santé publique, et c’est Roger Fourneyron, qui l’avait remplacé à l’Assemblée nationale, qui avait voté « pour » le projet de loi initial, le 20 décembre 1974. Avec le départ de Simone Veil, ce démocrate-chrétien, pratiquant, élu d’un département au catholicisme très ancré, est chargé d’appliquer cette législation qui divise les députés de la majorité puisque parmi ceux ci 70 sur 290 votent pour le projet de loi, le 29 novembre 1979.

Il annonce ainsi des sanctions contre les médecins qui tentent, par des manœuvres dilatoires, de faire dépasser le délai légal aux femmes. Jacques Barrot s’emploie aussi à présenter une politique de prévention de l’I.V.G. par le développement de la contraception et de l’action d’information. Le démocrate-chrétien qu’il reste vise au dépassement de la loi sur l’I.V.G. par une politique active de régulation des naissances, par une politique familiale, et par une politique d’accueil de l’enfance.

Malgré l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, Jacques Barrot est réélu député sous l’étiquette U.D.F. de la première circonscription de la Haute-Loire, le 14 juin 1981, au premier tour avec 36 592 voix, soit 62,3 % des suffrages exprimés. Il s’inscrit au groupe parlementaire UDF et choisit de siéger à la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. À 44 ans, commence alors pour lui « l’hiver de sa vie politique ». Battu à la présidence du C.D.S. par Pierre Méhaignerie en 1982, il en devient néanmoins le secrétaire général jusqu’en 1991, ce qui en fit, selon ses mots, « le numéro deux d’un numéro un pour longtemps ».

Au cours de la VIIe législature, il dépose deux propositions de loi, l’une tendant à réserver aux pharmaciens la délivrance au public de certaines essences végétales ; l’autre à accorder le bénéfice de la campagne double aux fonctionnaires anciens combattants d’Afrique du Nord. Au cours de ces cinq années, il intervient dans 44 discussions différentes, soit une dizaine de fois par législature, et sur des sujets divers : de la situation de l’agriculture et de l’économie rurale dans les zones de montage et défavorisées aux projets de loi de finances, du rapport entre l’État et les collectivités locales aux difficultés liées au commerce et à l’artisanat. Il se prononce, comme quelques-uns de ses collègues de l’opposition, pour l’abolition de la peine de mort, le 18 septembre 1981.

Au cours de la session parlementaire 1984-1985, Jacques Barrot, qui est désormais marié et père de famille, réélu président de l’Assemblée départementale, s’investit dans le débat relatif aux rapports entre l’État et l’enseignement privé. Après avoir soutenu l’exception d’irrecevabilité du projet de loi présenté par le ministre de l’Éducation nationale Alain Savary, il souligne « l’archaïsme de la querelle » dont la relance par la majorité de gauche ne recherche que « la division des Français ». Sans s’opposer au ministre qu’il apprécie, Jacques Barrot critique les tenants d’un jusqu’au-boutisme laïque qui font, dit-il, du grand Service publié unifié et laïque de l’Éducation nationale (S.P.U.L.E.N.) une arme contre l’enseignement privé. Il est présent dans la grande manifestation pour la défense de l’enseignement libre à Versailles, au mois de juillet 1984.

Il apporte en revanche son soutien à Michel Rocard, ministre de l’Agriculture, qui présente un projet de loi relatif aux relations entre l’État et les établissements d’enseignement privé agricoles. Il le considère comme un modèle qu’Alain Savary aurait dû suivre. Jacques Barrot applaudit à la reconnaissance par le texte du fait associatif, ainsi qu’au lien affirmé entre l’enseignement et le monde professionnel ; il se reconnaît tout à fait dans la méthode contractuelle déployée et invite son groupe à voter pour la réforme.

L’une de ses dernières interventions en séance publique, avant la suspension des travaux parlementaires en vue des élections législatives de 1986, est de s’opposer au projet de loi relatif aux mesures, selon lui insuffisantes, en faveur des jeunes familles et des familles nombreuses. Rappelant l’une des promesses de campagne présidentielle de François Mitterrand d’augmenter de 50% les allocations familiales, il reproche au gouvernement une forme de malthusianisme et l’encourage à affirmer ses « conceptions natalistes » et notamment à promouvoir l’importance du troisième enfant pour relancer la natalité française.

Aux élections législatives de mars 1986, tête de liste d’union RPR-UDF, qui obtient 2 sièges, avec 57,2 % des suffrages, il est réélu avec Jean Proriol. Il est susceptible d’entrer au gouvernement comme Garde des Sceaux mais sa fidélité passée à Raymond Barre, hostile à la cohabitation, interdise à cet homme consciencieux de renoncer à ses idées pour un maroquin ministériel, fût-il régalien. Figure du centre, il est néanmoins récompensé de son investissement parlementaire de presque 20 années, en obtenant la présidence de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale.

À ce poste de vigie, le député centriste organise les travaux de la commission qu’il préside comme une caisse de résonance de la politique sociale et culturelle du gouvernement : réforme du licenciement, aménagement du temps de travail, projet de réforme de l’Université retiré, le 4 décembre 1986, débat sur la mort de Malik Oussekine, privatisation de TF1, régulation de l’audiovisuel, procédant dans le cadre de la commission à de nombreuses consultations. Il intervient dans vingt-trois débats différents, de 1986 à 1988. Toutes ces interventions sont d’importance : suppression de l’autorisation administrative de licenciement ; réforme du régime juridique de la presse ; liberté de communication ; organisation des collectivités locales ; politique de la famille ; sélection à l’université ; épargne ; code de la route ; aménagement du temps de travail ; emploi des travailleurs handicapés ; financement de la sécurité sociale. Enfin, le président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales intervient dans les discussions relatives aux projets de loi de finances pour 1987 et 1988 au titre des budgets de l’Agriculture, de l’Éducation nationale, de la Culture et de la Communication. En deux années, le président Barrot ne dépose que trois propositions de loi, mais deux d’entre elles rencontrent immédiatement un écho médiatique : il s’agit, d’une part, de la répression de l’incitation au suicide, et, d’autre part, du financement et de la transparence des dépenses électorales des partis politiques, à une époque où la législation n’encadre pas encore les rapports entre l’argent et le pouvoir.

Membre de la commission spéciale des comptes de la sécurité sociale, toujours membre du groupe U.D.F. Jacques Barrot fait entendre la voix du Parlement dans les batailles politiques de la première cohabitation. D’une part, le Président de la commission, dans le cadre de la majorité parlementaire, vient en soutien des ministres défendant leur projet de loi face à une opposition pugnace menant une bataille d’amendements et d’obstruction. D’autre part, en homme de consensus, Jacques Barrot entretient de bonnes relations avec les commissaires de l’opposition, apaisant ainsi l’exacerbation des tensions entre le Premier ministre et le Président de la République, notamment quand François Mitterrand fait connaître, le 17 décembre, son refus de signer l’ordonnance sur le temps de travail. Au cours de cette VIIIe législature, Jacques Barrot vote pour le projet de loi autorisant la ratification de l’Acte unique européen, le 20 novembre 1986. À son poste, il contribue à l’adoption, à l’unanimité, du projet de loi relatif à l’exercice de l’autorité parentale.

Au printemps 1988, alors que le chef de l’État sortant est réélu et qu’une majorité relative socialiste et communiste l’emporte aux élections législatives, il est réélu député avec 30 438 voix, soit 58,3 %. Conformément au vœu du Président de la République, deux présidences de commission sont offertes à des députés de l’opposition, celle des affaires étrangères et celle des affaires culturelles, familiales et sociales. Mais cette tentative se heurte à l’opposition du groupe RPR alors même que les groupes UDF et UDC réclament trois présidences afin d’assurer la représentation de l’opposition. Jacques Barrot, devant l’impossibilité d’un accord sur la répartition des commissions, retire finalement le 28 juin sa candidature à la présidence de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Au cours de la réunion de la commission, sous la présidence du doyen d’âge Aimé Césaire, c’est Jean-Michel Belorgey, député socialiste de l’Allier, préféré à Yvette Roudy, qui est élu président.

La configuration politique de cette nouvelle législature et la recherche par le gouvernement de majorités à géométrie variable, qui doit faire des concessions, alternativement au groupe communiste et au groupe centriste, rappelle les temps des majorités d’idées des Troisième et Quatrième Républiques. Premier vice-président du nouveau groupe de l’Union du centre (U.D.C.) jusqu’en 1991, Jacques Barrot et les élus de cet aréopage mènent une opposition constructive au gouvernement du Premier ministre Michel Rocard. Si l’Assemblée nationale n’avait pas été dissoute en juin 1988, un grand nombre de députés centristes du C.D.S. auraient pu faire leur entrée dans la combinaison gouvernementale de l’ouverture. Le Professeur Guy Carcassonne, conseiller parlementaire de Michel Rocard, et Michel Albert tentent en vain d’organiser un ralliement structuré. Jacques Barrot est approché, comme ses collègues Pierre Méhaignerie, Bernard Stasi et Bernard Bosson. Même si quelques individualités de la précédente majorité obtiennent un portefeuille, il ne s’agit pas à proprement parler de centristes issus du courant démocrate-chrétien, mais d’élus de centre droit classiques, tels Jean-Pierre Soisson, Jean-Marie Rausch, Lionel Stoléru et Bruno Durieux.

Cette ouverture permet ainsi l’abstention des députés centristes et, ce faisant, l’adoption de nombreux budgets. Jacques Barrot retrouve, comme membre, la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, et se réinvestit dans l’activité parlementaire, à commencer par la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, adoptée par le Sénat, et qui vient en discussion à l’Assemblée nationale, en décembre 1988. Le député de la Haute-Loire dépose et ne soutient pas moins de 33 amendements et sous-amendements. Il déclare qu’il subordonnera son vote à la réponse du gouvernement à trois questions principales : la désignation de la future instance de régulation, les moyens et les pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel (C.S.A.) et le fait que « le Parlement soit associé au perfectionnement de l’organisation du secteur public de l’audiovisuel et à la régulation des modes de communication eux-mêmes ». Ainsi engagée, son action pour la législature est marquée par le dépôt de trois propositions de loi, cinq propositions de résolution et prend la parole dans 56 discussions différentes mises à l’ordre du jour du Parlement.

L’année 1989 est marquée par les élections municipales auxquelles Jacques Barrot est candidat et élu au premier tour. Il a choisi de porter sa candidature à la mairie de sa ville natale, Yssingeaux. Le député-maire, réélu l’année précédente à la tête du département, prend part à l’Assemblée nationale à la discussion de nombreux textes à un moment où la France célèbre le bicentenaire de la Révolution française. Il s’intéresse à l’avenir, aux missions et aux moyens donnés au secteur de l’audiovisuel public, et reste très vigilant quant aux modifications souhaitées par le gouvernement du Code du Travail en vue de la prévention du licenciement économique et du droit à la conversion, étant hostile à une réintroduction de l’autorisation administrative de licenciement. Il est également attaché au développement de l’apprentissage et plus généralement à celui de l’alternance. Il souhaite aussi la clarification du financement des activités politiques. Il intervient aussi dans la discussion du projet de loi relatif au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l’amélioration de leur environnement économique, juridique et social. Il défend et fait adopter le souhait de contraindre le conjoint du chef d’entreprise artisanale ou commerciale de redéfinir sa situation au regard de l’entreprise par déclaration expresse. Il prend part à la discussion sur le temps de travail au cours de laquelle il voit poindre les premiers arguments qui conduiront à la législation relative aux 35 heures hebdomadaires.

Il intervient en mai et juin 1990 dans la discussion de la proposition de loi relative au conseiller du salarié et en décembre 1990 dans celle du projet de loi portant réforme hospitalière. Il soutient activement le ministre rocardien de la Santé, Claude Evin, dans la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme « Pour nous, il n’est pas possible de mettre en balance la liberté de quelques-uns à encourager des consommations nocives pour la santé et la liberté des jeunes Français que le niveau social et culturel rend plus vulnérables ». Il en est de même s’agissant de l’action de Michel Rocard sur les retraites et il apporte même son aide au « Grenelle des retraites ». Mais il reproche au ministre, en mai 1991, le retard d’une réforme inéluctable et la tentation d’organiser un débat qui lui permettrait de faire endosser par d’autres les responsabilités qu’il hésite à assumer.

Les années 1988-1991 correspondent à une entente parlementaire bien réelle entre les centristes et le gouvernement. Relayé par son collègue Jean-Jacques Hyest, député de Seine-et-Marne et expert en financement des collectivités locales, Jacques Barrot, élu à la tête du groupe UDC fin mars 1991, défend la solidarité financière entre les communes, alors qu’il s’agit de réformer la dotation globale de fonctionnement (D.G.F.). Il fait ainsi adopter un amendement visant à instituer un mécanisme de solidarité financière par prélèvement d’une partie de la DGF au profit de 25 départements ruraux défavorisés au détriment de 24 départements riches.

Le nouveau président Barrot consacre une partie importante de son emploi du temps au fonctionnement du groupe qu’il préside et, progressivement, abandonne le poste de secrétaire général du CDS. Il intervient dans le débat sur la réforme hospitalière ; il reproche au gouvernement de proposer un ensemble de mesures et de limiter le progrès que pourrait entraîner une gestion novatrice du personnel en choisissant de faire de l’hôpital un établissement public administratif, en considérant comme intangible la référence à la fonction publique. Sur trente-trois amendements déposés ou présentés par l’UDC, six sont adoptés ; ils visent à confier aux établissements de soins une fonction de coordination médico-sociale ; à ajouter l’odontologie à la liste des spécialités ; à souligner l’importance des centres hospitaliers régionaux et universitaires. Il souhaite également et obtient que le fonctionnement des services d’aide médicale urgente puisse être assuré sans le concours des praticiens non hospitaliers.

Une tribune de Bernard Stasi de soutien au Premier ministre, publiée dans Le Monde et signée par Jacques Barrot, titrée : « Merci Michel ! » manifeste la confiance accordée au Premier ministre Michel Rocard, rappelant la liste des scrutins publics lors desquels le groupe U.D.C. a renoncé à voter contre le gouvernement : déclaration du gouvernement de Michel Rocard lors de la Guerre du Golfe ; approbation de la convention d’application de l’accord de Schengen.
Avec la nomination d’Édith Cresson à Matignon, les rapports entre le groupe U.D.C. et le nouveau gouvernement sont moins faciles. Le groupe UDC dénonce ainsi le 22 mai 1991, dans la discussion sur la déclaration de politique générale l’ambiguïté du message économique et européen. Le Président Barrot doit batailler à l’occasion de la discussion de nombreux textes, qu’il s’agisse du projet de loi d’orientation sur la ville, de celui consacré à l’Agence du médicament ou du texte relatif à l’administration territoriale de la République. Il en est de même dans les débats sur les textes du gouvernement concernant les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ou les conditions d’exercice des mandats locaux. Ces tensions politiques conduisent le groupe centriste à s’associer aux groupes UDF et RPR pour voter, à plusieurs reprises, la censure. Les dernières interventions de la IXe législature de Jacques Barrot concernent l’audiovisuel public pour l’avenir duquel il demande et obtient la création d’une commission d’enquête, le 11 juin 1992. Précédemment, il avait demandé la création d’une commission d’enquête sur la présence en France de M. Georges Habache, responsable d’un mouvement palestinien.

En mai 1992, s’il critique la politique du gouvernement de Pierre Bérégovoy s’associant au cri d’alarme du monde rural, il déclare que les centristes veulent prévenir toute évolution du débat vers un procès de la construction communautaire. Il intervient notamment dans la discussion du projet de loi relatif aux assistants maternels et assistantes maternelles ; aux relations entre les médecins et l’assurance-maladie – 5 amendements sont déposés et défendus, mais rejetés ou retirés – ; au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain et à la procréation médicalement assistée ; à l’emploi et au développement du travail à temps partiel et à l’assurance chômage. En novembre, alors que l’Assemblée nationale est appelée à se prononcer sur les intérêts agricoles de la France, Jacques Barrot estime que la déclaration du Premier ministre Pierre Bérégovoy est susceptible d’être soutenue si elle est limitée au seul dossier du GATT, mais finalement vote contre sous la pression du groupe RPR. Début décembre 1992, il intervient à de nombreuses reprises dans la discussion du projet de loi portant création d’un fonds de solidarité vieillesse relayé dans le débat par Adrien Zeller, député du Bas-Rhin.

Aux élections législatives du mois de mars 1993, la coalition RPR-UDF sort grand vainqueur avec 44,12 % des suffrages et remporte avec les divers droites 480 députés, soit plus de 80 % des sièges de l’Assemblée nationale. Le groupe UDC est fondu dans le groupe UDF. La nouvelle structure prend le nom de « groupe UDF et du centre ». Réélu au premier tour député dans la 1ère circonscription de Haute-Loire, avec 28 057 voix, 50,9 %, Jacques Barrot ne prend pas la présidence du groupe, mais obtient de diriger la commission des Finances de l’Assemblée nationale. À ce poste, il obtient une forme de consécration, la reconnaissance de ses pairs pour une action parlementaire dense et jamais ralentie, de surcroît saluée sur tous les bancs. Alors qu’il s’attendait à être nommé dans le gouvernement du nouveau Premier ministre Edouard Balladur, il s’investit davantage encore dans ses missions locales à Yssingeaux où en 1984 il avait fait implanter l’École nationale supérieure de la pâtisserie et il poursuit le développement des équipements de la commune ; il œuvre en faveur de l’ouverture du complexe omnisports dont l’architecture est intégrée au paysage. Au Conseil général de la Haute-Loire dont il sera membre pendant 38 ans, il poursuit avec succès le désenclavement vers le bassin stéphanois, intervenant notamment en vue de l’aménagement de la route nationale reliant Lyon à Saint-Étienne.

Durant les deux années de l’action du nouveau gouvernement de 1993 à 1995, Jacques Barrot dépose deux propositions de loi, deux propositions de résolution (formation, retraites, entreprises en difficultés et formation professionnelle). Son activité se concentre néanmoins sur les projets économiques proposés par le gouvernement et à l’ordre du jour de la commission des Finances. La discussion du projet de loi de finances est, en 1993 et en 1994, au centre de l’attention de Jacques Barrot, aidé par le rapporteur général du budget, Philippe Auberger, député RPR de l’Yonne. En séance les 12, 13, 14 et 15 octobre 1993, puis le 17 novembre et le 6 décembre suivant, le député de la Haute-Loire intervient au titre de nombreux budgets, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative, et défend onze amendements. Il fait constamment preuve de la vigilance nécessaire au respect de l’article 40 de la Constitution qui interdit le vote d’une mesure qui alourdirait le budget de l’État.

L’affrontement entre balladuriens et chiraquiens, qui dure depuis deux ans, trouve un épilogue au premier tour du scrutin de mai 1995, avec la qualification de Jacques Chirac pour le second tour. Victorieux au soir du 8 mai, Jacques Chirac nomme Alain Juppé Premier Ministre. Jacques Barrot, sans être un inconditionnel de la candidature de Jacques Chirac, ne la voit pas d’un mauvais œil et soutient du bout des lèvres le choix de son parti de se ranger derrière le candidat Balladur. Aussi, le nouveau Premier Ministre appelle-t-il dans son gouvernement Jacques Barrot, parlementaire d’expérience, apprécié de tous.

Au poste de ministre du Travail, du dialogue social et de la participation, Jacques Barrot a d’emblée la mission de mettre en œuvre un vaste volet du programme présidentiel de Jacques Chirac décliné à partir du thème de « la fracture sociale ». Il est reconduit dans le deuxième gouvernement Juppé, le 7 novembre de la même année, dans des fonctions élargies de ministre du Travail et des Affaires sociales. Jusqu’à la dissolution d’avril 1997, l’activité ministérielle de Jacques Barrot, réélu maire d’Yssingeaux au scrutin municipal du mois de juin suivant, ne cesse de croître. Au cours de cette période de deux années, il dépose vingt-et-un projets de loi dont les trois plus importants visent à réformer la protection sociale, à faire évoluer le financement de l’apprentissage et à renforcer la cohésion sociale.

En deux ans, il répond à 225 questions posées au gouvernement et prend la parole dans de très nombreux débats parlementaires. Il inaugure ce marathon politique par la discussion du projet de loi sur le contrat initiative-emploi, dès la session extraordinaire de l’été 1995. Il déclare le 21 janvier 1996 que la réduction des déficits n’est pas incompatible avec la réduction de la fracture sociale. C’est sa large contribution à la réforme constitutionnelle conduisant au vote annuel du budget de la sécurité sociale qui doit être retenue, dans les premiers mois de l’action du gouvernement. Une véritable ovation des députés de la majorité accueille le plan de réforme de la sécurité sociale sur lequel le Premier ministre Juppé engage la responsabilité du gouvernement, le 15 novembre 1995, et obtient une majorité de 463 voix contre 87. Cette réforme vaudra à Jacques Barrot le titre de « ministre de l’année » et l’hebdomadaire L’express le qualifie de « ministre de la sérénité sociale ».

Avant que les grandes grèves des services publics de l’automne et de l’hiver 1995-1996 qui paralysent le pays ne perturbent l’action du gouvernement, à la suite de l’annonce par Alain Juppé de la réforme des régimes spéciaux de retraites, Jacques Barrot parvient à se faire entendre sur les propositions tendant à favoriser l’expérimentation relative à l’aménagement et à la réduction du temps de travail.
Le ministre du Travail et des Affaires sociales, dont les colères homériques cachent mal le perfectionnisme, est un atout particulièrement utile dans le dispositif du chef du gouvernement. Jacques Barrot, secondé par son directeur de cabinet Philippe Bas, obtient la création d’un fonds paritaire d’intervention en faveur de l’emploi, en décembre 1995, et parvient à l’adoption du projet de loi relatif au développement des emplois de service aux particuliers. Il défend la réforme de l’apprentissage, entre le 6 février et le 25 avril 1996, au fil de trois lectures dominées par les questions de financement, notamment la taxe d’apprentissage.

Comme il a souhaité rapprocher les jeunes et les Universités du monde de l’entreprise, contribuant à la convergence des talents de chacun au service du monde du travail, Jacques Barrot souhaite également avancer ses propositions en matière de gouvernance de l’entreprise et notamment à améliorer les processus de la négociation collective. C’est l’objet de l’un des derniers textes défendus par le Ministre qui, à compter du 4 juin 1996, souhaite ainsi renforcer l’information et la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d’entreprises de dimension communautaire.

Toujours très investi dans les débats budgétaires, et ceux du projet de loi de financement de la sécurité sociale (P.L.F.S.S.) issu de la révision constitutionnelle du 22 février 1996, Jacques Barrot entame, à l’automne 1996, la discussion des derniers textes qui visent aussi à assurer la solidarité entre les générations. C’est le cas de la mise en place de la prestation d’autonomie pour les personnes âgées dépendantes, autrement appelée « prestation spécifique dépendance », et dont la discussion en première lecture intervient dès le 26 novembre 1996. Ouvert aux mesures venues de l’opposition, le ministre du Travail et des Affaires sociales intervient sur quinze amendements.

Il défend son avant-dernier grand texte, rue de Grenelle, entre la mi-décembre 1996 et la mi-février 1997, en essayant d’introduire des mesures particulièrement contraignantes visant à renforcer la lutte contre le travail clandestin. Dans ce débat, Jacques Barrot, qui a notamment pour interlocuteur le porte-parole du groupe socialiste, le député de Nancy Jean-Yves Le Déaut, prend en considération, à nouveau, les propositions de l’opposition, mais reste très réservé face aux mesures du groupe communiste et de son principal orateur sur le texte, le député de la Somme, Maxime Gremetz.

Le ministre du Travail et des Affaires sociales intervient, après les avoir suscitées, dans la discussion de deux propositions de loi traitant de sujets auxquels il reste particulièrement attaché : le sort des chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant 40 annuités de cotisations d’assurance vieillesse ; la promotion de l’apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial. A quelques jours de la dissolution manquée voulue par Jacques Chirac, Jacques Barrot engage les discussions sur le projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale. Il s’agit, plus largement, de légiférer sur les questions liées aux exclusions. Geneviève Anthonioz-De Gaulle, présidente d’ATD-Quart Monde, est invitée à prendre la parole à la tribune de l’Assemblée nationale, avant que ne s’engage la discussion des articles du projet gouvernemental. Ambitieux, ce texte, qui devait traduire durablement les solutions apportées par l’État à la « fracture sociale », se décline autour de grands thèmes : l’emploi à travers des contrats d’initiative locale et des contrats emploi-solidarité ; la question des jeunes et de l’échec scolaire ; la lutte contre l’illettrisme ; l’insertion professionnelle ; le revenu minimum d’insertion ; la santé publique, au travers de l’accès aux soins ; la sécurité sociale, avec la proposition d’une assurance maladie universelle.

Mais les résultats des élections législatives, consécutives à la dissolution de l’Assemblée nationale, interrompent les discussions et ouvrent les portes de Matignon à la majorité de gauche plurielle et à Martine Aubry qui lui succède au ministère du Travail. Réélu au second tour avec 30 219 voix, 54,7 %, face au socialiste Jean-Paul Thivel, 25 015 voix, 45,3 %, il s’inscrit au groupe parlementaire de l’UDF, qui devient groupe de l’Union pour la démocratie française – Alliance. Membre de la commission des Finances, de l’économie générale et du plan, membre titulaire du comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse, il souhaite poursuivre l’action en matière de lutte contre les exclusions. Il devient membre de la mission d’information commune sur la prévention et la lutte contre les exclusions et de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’orientation relatif à la lutte contre les exclusions.

Au début de cette XIe législature, il prend la parole dans la discussion du projet de loi relatif au développement d’activités pour l’emploi des jeunes et dans celle du projet de loi d’orientation et d’incitation relatif à la réduction du temps de travail. Dans ce dernier débat, il s’oppose à l’approche contraignante de la réduction du temps de travail proposée par la Ministre, et soutient la motion de renvoi en commission défendue par le président de son groupe parlementaire, François Bayrou. Les 38 amendements qu’il dépose et soutient sont rejetés ou retirés. Ses suggestions visent à améliorer la négociation collective dans l’entreprise, notamment en cas d’absence de représentation syndicale, en donnant la possibilité de négocier aux élus du comité d’entreprise et aux délégués du personnel. Ses 28 amendements ou sous-amendements, soutenus par Germain Gengenwin, Bernard Accoyer et François Goulard sont tous rejetés en seconde lecture. Il obtiendra un peu plus de succès dans la discussion du projet de loi d’orientation relatif à la lutte contre les exclusions. Six de ces 23 amendements sont adoptés : nomination d’un délégué spécial subordonnée à l’épuisement des voies de conciliation ; éducation à la santé ; rôle du médecin ; évaluation des besoins du département ; création d’un comité d’appui aux acteurs de la lutte contre l’exclusion dans chaque académie ; définition de la lutte contre l’illettrisme ; tutelle du premier Ministre. Il est rapporteur des crédits de la formation professionnelle, et intervient dans les débats sur le financement de la sécurité sociale. Dans la discussion du projet de loi relatif à la création de la couverture maladie universelle (C.M.U.), il soutient la motion de renvoi en commission défendue par Philippe Douste-Blazy. Ses 14 amendements sont tous retirés ou rejetés. Il dépose, le 17 novembre 1998, une proposition de loi visant à assurer aux salariés une « formation tout au long de la vie », proposition qui n’est finalement pas inscrite à l’ordre du jour parlementaire. Le 16 juin 1999, sa proposition relative au serment républicain subit le même sort.

Membre assidu de la commission des Finances, il accepte la proposition de son rapporteur général Didier Migaud de siéger à la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi organique relative aux lois de finances. Dans la discussion de ce texte, il dépose 11 amendements qui tous seront retirés ou rejetés. S’il rejoint pour 15 jours la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, du 26 janvier au 10 février 2000, c’est pour rapporter la proposition de loi relative à la participation et à la croissance pour tous. Le 17 avril 2001, il pose une question au gouvernement sur le développement et les perspectives de la formation professionnelle. Dans un rapport d’information déposé le 28 novembre 2001, Jacques Barrot défend le modèle suédois de la formation professionnelle, rendant compte d’expériences innovantes dans le domaine de la formation et de la gestion des ressources humaines dans l’entreprise.

Le président du Conseil général de Haute-Loire, membre fondateur du club Dialogue et initiative qui manifeste une proximité politique avec Jacques Chirac, concentre ses interventions au cours de cette dernière session parlementaire du septennat sur l’épargne salariale d’abord. Ses quatre amendements, relatifs à la participation des chefs d’entreprise et des mandataires sociaux à l’accord d’intéressement, sont rejetés ; mais le député de la Haute-Loire participe activement aux débats, en binôme avec Jean-Jacques Jégou, député centriste du Val-de-Marne. Il s’intéresse aussi à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Il regrette la disparition de la mesure dont il fut à l’initiative quelque temps plus tôt, la Prestation Dépendance, et émet les plus vives critiques sur le financement de l’A.P.A., « une prestation bâtie sur du sable ». Le seul amendement déposé dans la discussion du texte d’initiative gouvernementale, relatif à la représentation des associations de service de maintien à domicile, est rejeté par le gouvernement.

Sans surprise, Jacques Barrot prend une part active en 2002 à la campagne présidentielle de Jacques Chirac. Exprimant son émotion au soir du premier tour de scrutin, quant à la qualification de Jean-Marie Le Pen, il dit se réjouir malgré tout de la présence de Jacques Chirac et appelle au sauvetage de la République. Réélu député, à l’occasion de sa dixième et dernière campagne pour les élections législatives, Jacques Barrot accepte la proposition de présider le groupe parlementaire de l’Union pour un Mouvement populaire (U.M.P.), le nouveau parti de la droite et du centre souhaité par Jacques Chirac et créé par Alain Juppé. Le groupe parlementaire est composé de 363 députés issus du R.P.R., de Démocratie libérale (D.L.) et d’une partie de l’U.D.F. Jacques Barrot s’inscrit à la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, estimant que sa tâche le conduira désormais davantage à l’organisation du travail entre députés UMP – il fait 8 rappels au règlement en une seule session (2002-2003) – qu’à un travail assidu en commission. Pressenti au ministère de l’Économie et des finances, puis au ministère de l’Éducation nationale, il regrette de ne pas faire son entrée dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, lequel lui préfère deux personnalités de la société civile : Francis Mer à l’Économie et Luc Ferry à l’Éducation.

Figurant à l’aile gauche du groupe UMP, il parvient à trouver un point d’équilibre de la plupart des textes en discussion, y compris sur le projet de loi relatif à l’interdiction du port de signes ostentatoires dans les établissements d’enseignement public, primaire et secondaire. Il défend la philosophie libérale de la loi de séparation des Églises et de l’État, en adepte d’Aristide Briand dont il loue les qualités de pacificateur. Il dépose deux propositions de loi et cinq propositions de résolution dont la dernière, tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule, quelques semaines après la démission du ministre de la santé, Jean-François Mattéi. Dans la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République, en novembre 2002, il insiste sur la nécessaire autonomie financière des collectivités territoriales. Il rappelle la position de son groupe, méfiant voire hostile, s’agissant du projet organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l’organisation constitutionnelle de la Corse, au cours de la dernière semaine du mois de mai 2003. Il fait de même s’agissant du programme pour l’Outre-mer et sur la réforme relative aux retraites. Il regrette le dépôt de la motion de censure par 115 députés de l’opposition, le 2 juillet 2003.

Élu à l’Assemblée nationale depuis 1967, il est, à la date du mois de mars 2004, parmi les parlementaires ayant exercé le plus grand nombre de mandats sous 10 législatures successives. L’Europe est désormais son horizon. Après avoir manqué de peu en 1993 sa nomination comme commissaire européen, il obtient de Jacques Chirac d’être nommé à la Commission européenne, le 2 avril 2004. Après deux dernières interventions comme président de groupe et député – sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales et sur le texte d’initiative gouvernementale relatif à la politique de santé publique –, Jacques Barrot démissionne de son mandat parlementaire, le 6 mai. C’est son suppléant, Laurent Wauquiez, qui lui succède dans la première circonscription de la Haute-Loire. Jacques Barrot devient alors député honoraire.

Le député de Haute-Savoie, Bernard Accoyer, l’un de ses proches, prend sa succession à la tête du groupe U.M.P. À 67 ans, Jacques Barrot renonce à ses mandats en Haute-Loire pour Bruxelles. La « méthode Barrot » fondée sur la recherche inépuisable du compromis et la part des choses fait ses preuves à nouveau. Commissaire chargé de la politique régionale dans la commission Prodi, il est reconduit dans la première commission Barroso à la politique des Transports, en vue de promouvoir une politique de mobilité durable en Europe et mène à bien le projet européen de radionavigation par satellite Galileo lancé en 2003. Puis, en février 2009, il est nommé commissaire européen à la justice et œuvre en faveur d’un régime d’asile européen. Il est aussi vice-président de la Commission européenne. Il dit vivre alors six belles années de sa vie politique, écho de son engagement de jeunesse pour la cause européenne, noué à la table familiale, à l’écoute de Robert Schuman, l’ami de son père.

En février 2010, alors qu’il n’est pas reconduit dans la commission Barroso 2, Jacques Barrot est nommé, par le président de l’Assemblée nationale, membre du Conseil constitutionnel, succédant à Pierre Joxe. Cette nomination clôt une carrière nationale et européenne particulièrement riche, longue et efficace. Son retour à Paris lui permet de se réinvestir dans l’activité économique et culturelle de son département et il devient Président du festival de musique sacrée de la Chaise-Dieu. Il s’éloigne cependant de Laurent Wauquiez, son successeur choisi puis élu, dont les prises de position successives – notamment sur la question sociale et sur l’Europe - traduisent les vives oppositions qui dominent désormais les rapports entre les deux hommes.

L’activité de Jacques Barrot au Conseil constitutionnel le mobilise et l’intéresse, mais ne le passionne pas ; il regrette souvent des débats juridiques trop longs et théoriques et se décrit volontiers comme un membre à l’expérience plus politique. Il n’en reste pas moins un rapporteur apprécié pour sa mesure. En 2012, il publie un ouvrage, en collaboration avec deux de ses jeunes collaborateurs et amis, De l’indignation à l’engagement. Foi et politique (Cerf), dans lequel il s’adonne à une réflexion sur les fondements et les manifestations de l’humanisme d’inspiration chrétienne. Il y propose une vision de l’avenir sous la forme de grands chantiers, dont le respect de la personne humaine et l’Europe sont les thèmes dominants.
Il ne sait pas que cet ouvrage sera aussi son testament politique. Le 3 décembre 2014, alors qu’il se rend au Conseil constitutionnel, Jacques Barrot est victime dans le métro d’une crise cardiaque. Il disparaît à l’âge de 77 ans. Des obsèques, à Paris et à Yssingeaux, sont organisées qui reçoivent une forte affluence de tous bords, révélant, à la jeune génération et à tous ceux qui le connaissaient peu, une personnalité marquante. Le 29 mars 2017, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, rend hommage au député honoraire, en apposant une plaque à son nom à la place que le député de la Haute-Loire occupa longtemps dans l’hémicycle.

L’hôpital d’Yssingeaux prend en février 2018 le nom de Centre hospitalier Jacques Barrot au cours d’une cérémonie d’hommage en présence de Jean-Louis Debré, ancien Président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel.

Comme Jacques Barrot ayant succédé à son père Noël, Jean-Noël, Professeur d’Économie, est élu député. Conseiller départemental de Haute-Loire, élu dans le canton d’Yssingeaux en tandem avec Madeleine Dubois en 2014, le fils aîné de Jacques Barrot est élu en juin 2017, à l’âge de 34 ans, sous l’étiquette Modem de la deuxième circonscription des Yvelines, cinquante ans après la première élection de son père, soixante-dix ans après celle de son grand-père.