Pierre, Joseph, Dominique Battesti
1905 - 1973
BATTESTI (Joseph, Pierre, Dominique)
Né le 2 novembre 1903 à Pont-de-Duvivier, commune mixte de l’Edough (Algérie)
Décédé le 20 mai 1973 à Biguglia (Corse)
Député de la Seine-et-Marne de 1958 à 1962
Le nom de Pierre Battesti est plus volontiers évoqué à propos du climat troublé des dernières années de la IVème République ou de la défense de l’Algérie française qu’au sujet des débats parlementaires entre 1958 et 1962. Elu de Seine-et-Marne, l’ancien officier fit entendre la voix des rapatriés d’Afrique du Nord dans l’hémicycle au détriment de toute autre préoccupation. Sa carrière publique suivit les aléas de la cause de l’Algérie française.
Né au début du siècle dans l’est de l’Algérie, où les colons sont moins nombreux que dans l’Oranais ou l’Algérois, Pierre Battesti est élevé dans le culte de la patrie et du drapeau français. Il décide très tôt d’embrasser une carrière militaire qui le mène jusqu’au grade de colonel. Il aurait appartenu, selon Christophe Nick, à un des cabinets ministériels de Georges Mandel à la fin des années 1930. L’engagement de Pierre Battesti dans les armées de la France Libre lui vaut ensuite d’être décoré de la Légion d’honneur, de la croix de guerre 1939-1945 et des théâtres d’opérations extérieures (TOE). Il reçoit la médaille militaire à titre exceptionnel, ainsi que plusieurs citations. Après avoir longtemps vécu au Maroc, il s’installe à Fontainebleau à la Libération, sans jamais rompre les liens avec l’Afrique du Nord.
La défaite de Diên Biên Phu, la perte des territoires d’Indochine et l’indépendance des protectorats marocain et tunisien heurtent la conception que Pierre Battesti se fait du destin de la France et de sa grandeur. Il prend la présidence de l’Association des Français rapatriés d’Afrique du Nord au milieu des années 1950 et entretient de nombreux contacts dans les milieux nationalistes d’un côté et de l’autre de la Méditerranée. Il est proche de l’Union pour le salut et le renouveau de l’Algérie française (USRAF) fondée en avril 1956, sans partager les vues de certains des « progressistes » qui y adhèrent au départ comme le Gouverneur Delavignette. La « ligne » de Pierre Battesti est plus conservatrice, au-delà des positions exprimées par exemple par Jacques Soustelle en 1956-1957. A partir de février 1956, l’ancien colonel devenu entrepreneur en travaux publics participe à des réunions informelles en vue de réfléchir à un possible changement de régime, autour de Michel Debré, sénateur d’Indre-et-Loire. Il y côtoie Jean-Baptiste Biaggi, ancien du RPF, le conseiller d’Etat Maxime Blocq-Mascart, l’ancien résistant Alain Grioterray, le député Pascal Arrighi, le général Faure ou le syndicaliste André Lafond.
Pierre Battesti s’associe aux initiatives visant à déstabiliser ou à critiquer la IVème République. Comme le colonel Bourgoin, il se trouve aux côtés des étudiants de classes préparatoires à Saint-Cyr ou à l’Ecole navale qui organisent au printemps 1957 des veillées sur la tombe du soldat inconnu en l’honneur du capitaine Moureau. Cet officier français, enlevé en juin 1956, à une époque où les pouvoirs de police venaient à peine d’être transférés aux autorités marocaines, aurait ensuite été torturé à de nombreuses reprises et exhibé par ses bourreaux dans des villages isolés du royaume chérifien. Pierre Battesti fait également partie de l’équipe fondatrice du Courrier de la colère, dont le premier numéro paraît le 22 novembre 1957. Le ton en est particulièrement violent à l’égard du « régime des partis » : condamné à disparaître, la IVème République ne pourrait, selon les auteurs, être remplacé que par le communisme ou par de Gaulle. Pierre Battesti accueille très favorablement les événements de mai 1958, mais on ne sache pas qu’il s’associe aux troubles algérois ou aux initiatives de Pascal Arrighi en Corse.
L’ancien officier, père de cinq enfants, décide de se présenter aux élections législatives de novembre 1958 dans la 5e circonscription de la Seine-et-Marne, dont fait partie la ville de Fontainebleau. Il obtient l’investiture de l’Union pour la nouvelle République (UNR) comme du Centre national des Indépendants et paysans (CNIP) et se donne comme but d’ « aider le général de Gaulle, car c’est sur lui et sur lui seul que repose l’avenir de notre Pays ». Il se présente aux électeurs comme un homme qui a « toujours servi la France » et « toujours combattu ses adversaires, intérieurs ou extérieurs », ajoutant que « ceux-ci ne sont pas moins dangereux que ceux-là ». Il vise ainsi les partisans de l’indépendance algérienne, soutiens métropolitains du FLN ou simples critiques des méthodes de l’armée en Algérie. Pierre Battesti plaide pour une consécration définitive du destin de l’Algérie comme province française « avec sa personnalité propre, dans la paix retrouvée, et dans l’esprit du discours de Constantine du général de Gaulle ». Il défend en outre la liberté de l’enseignement et la possibilité pour l’Etat d’accorder des subventions aux établissements privés. Son principal adversaire est le modéré Etienne Dailly, alors premier magistrat de Moncourt-Fromonville, futur sénateur-maire de Nemours. Le 23 novembre 1958, Pierre Battesti rassemble 35,4% des suffrages exprimés et arrive en tête du premier tour. Il est cependant devancé par Etienne Dailly dans deux des six cantons de la circonscription (La Chapelle-la-Reine et Nemours). Le « pied-noir » né dans le Constantinois est élu député de la Seine-et-Marne par 60,4% des voix le 30 novembre 1958, dans le cadre d’une triangulaire qui l’oppose aux candidats communiste, socialiste et poujadiste.
Il s’inscrit d’abord au groupe de l’Union pour la Nouvelle République et y siège jusqu’au 28 octobre 1959. Le 16 septembre 1959, de Gaulle a en effet reconnu le droit des Algériens à l’autodétermination par référendum et évoqué trois solutions institutionnelles : la sécession, la francisation ou l’association. Ce discours est compris comme une menace d’abandon de l’Algérie par les milieux nationalistes. Non inscrit de l’automne 1959 à décembre 1960, Pierre Battesti rejoint à cette date la formation parlementaire du « Regroupement national pour l’Unité de la République ». Il s’agit de l’ancien groupe des élus d’Algérie et du Sahara, que rejoignent des partisans de l’Algérie française comme Léon Delbecque. Pierre Battesti est élu membre du Sénat de la Communauté le 8 juillet 1959.
Le député de Seine-et-Marne travaille au sein de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de janvier à octobre 1959, puis d’octobre 1960 à octobre 1962. Il prend la parole à dix-huit reprises dans l’hémicycle sous la première législature de la Vème République. Ses interventions portent uniquement sur les questions d’Afrique du Nord, qu’il s’agisse de défendre le regroupement des services concernant les rapatriés dans un organisme unique placé sous l’autorité du Premier ministre (4 novembre 1960), ou de dénoncer les campagnes de presse orchestrées contre les « pieds noirs » (29 juin 1961). Il déplore avec constance les conditions dans lesquelles les rapatriés ont été accueillis en métropole et regrette par exemple, le 24 novembre 1959, que seuls 100 millions de francs leur aient été consacrés au titre de la politique du logement. Pierre Battesti plaide pour une indemnisation des rapatriés qui ne se réduise pas à ceux qui possédaient un patrimoine outre-mer : il convient selon lui que les « réparations » comprennent les dommages subis par les non-propriétaires et par les salariés. Le 22 novembre 1961, il propose notamment que le projet de loi relatif à l’accueil et à la réinstallation des Français d’outre-mer reprenne les dispositions de la loi sur les dommages de guerre du 28 octobre 1946.
Pierre Battesti se fait le porte-parole des rapatriés au Palais-Bourbon et auprès des services de l’Etat. Il n’hésite pas à appeler l’attention du secrétaire d’Etat compétent, Robert Boulin, sur des situations graves, voire dramatiques. Le contexte dans lequel s’opère le retour en métropole de ces populations lui semble marqué par « une campagne d’intoxication généralisée de la presse, de la radiodiffusion et de la télévision » qui tend à faire croire que tout est prêt pour les recevoir. Or, le ministère des Finances ne cesserait, selon lui, de déployer des manœuvres dilatoires pour condamner les initiatives de Robert Boulin (11 mai 1962).
L’ancien officier ne bascule pas dans la clandestinité avec l’évolution de l’Algérie vers l’indépendance, bien qu’il effectue plusieurs voyages de l’autre côté de la Méditerranée entre 1958 et 1962. Il passe du soutien au pouvoir gaulliste à l’opposition sous la première législature. Il vote le programme du gouvernement Debré (16 janvier 1959) comme le projet de règlement de l’Assemblée nationale (3 juin 1959). Proche du Premier ministre depuis plusieurs années, il approuve encore sa déclaration de politique générale le 15 octobre 1959, quoiqu’elle intervienne un mois après le discours de De Gaulle sur « l’Algérie algérienne » et soutient la loi Debré sur l’enseignement privé (23 décembre 1959). Il s’abstient volontairement quand le Gouvernement demande les pouvoirs spéciaux pour rétablir l’ordre en Algérie, peu après la crise des barricades (2 février 1960) et ne suit donc pas ceux qui, à l’instar de Pascal Arrighi, s’y opposent. Il rejette en revanche le programme du gouvernement de Georges Pompidou (27 avril 1962) comme la demande de levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault (5 juillet 1962). Elu sous l’étiquette UNR, il vote la motion de censure du 4 octobre 1962, comme les gaullistes Raymond Dronne et Léon Delbecque.
Pierre Battesti ne sollicite pas le renouvellement de son mandat de député de Seine-et-Marne à l’occasion des élections des 18 et 25 novembre 1962. Son successeur, le centriste Paul Séramy, maire de Fontainebleau, critique pendant sa campagne un député sortant qui, « du fait des origines et des circonstances », aurait abandonné sa circonscription du Gâtinais.
Pierre Battesti reste fidèle à la cause des rapatriés et de l’Algérie française dans les années 1960. Il réclame l’amnistie pour les membres de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS) dès le 13 avril 1963 et parle de « prisonniers politiques » au sujet de certains « Croisés de l’Algérie française » ayant payé de leur liberté l’attachement au passé colonisateur de la France.
Retiré en Corse, à quelques kilomètres de Bastia, l’ancien député de Seine-et-Marne s’éteint à l’âge de 69 ans.