Kléber, Georges Loustau
1915 - 2008
Né le 5 février 1915 à Romorantin (Loir-et-Cher)
Membre de la seconde Assemblée nationale constituante (Loir-et-Cher)
Député du Loir-et-Cher de 1946 à 1958
Sous-secrétaire d'Etat à l'agriculture du 1er février 1956 au 10 juin 1957
Secrétaire d'Etat à l'équipement et au plan agricole du 17 juin 1957 au 16 octobre 1957
Après avoir été ajusteur, Kléber Loustau a travaillé à l'Office national interprofessionnel des céréales, d'abord comme contrôleur auxiliaire, puis comme chef de groupe. A la Libération il est nommé sous-préfet de sa ville natale Romorantin.
Il se met en disponibilité pour conduire la liste socialiste aux élections à la seconde Constituante, le député SFIO du département (Robert Mauger) ne se représentant pas. La liste obtient 23 921 voix (sur 125 340 suffrages exprimés). Il en est le seul élu. Il est nommé à la Commission de l'équipement national et de la production. Il se représente aux législatives de novembre 1946 à la tête d'une liste totalement renouvelée. Ce changement ne permet pas d'améliorer le score. Kléber Loustau est réélu, mais la liste ne recueille plus que 21 106 voix (sur 118 879 suffrages exprimés). Membre de la Commission de la production industrielle, il participe accessoirement à d'autres commissions (défense nationale, ravitaillement, boissons). En 1947 il dépose deux propositions de lois : l'une visant à la destruction des lapins en Sologne, l'autre tendant à la création de caisses de calamités viticoles.
Aux législatives de 1951, il dirige une liste SFIO de nouveau transformée. La liste est apparentée à celle du MRP (Mouvement républicain populaire) et à celle des « Indépendants », paysans et républicains nationaux. La profession de foi s'attache à justifier l'apparentement : « Il nous appartient aujourd'hui électrices, électeurs, de barrer définitivement la route tant aux serviteurs fanatiques de l'URSS qu'à l'équipe militariste d'un dictateur. » L'alliance obtient la majorité absolue et se partage tous les sièges à pourvoir. La liste socialiste recueille 16,3 % des suffrages exprimés. Kléber Loustau retrouve son siège de député. Membre de la Commission de la production industrielle, il est élu secrétaire le 19 juillet 1951. Il participe aussi aux travaux de la commission de l'agriculture. Durant cette législature il intervient à de nombreuses reprises sur les problèmes agricoles. Le 18 février 1953 il dépose une proposition de loi tendant à mettre à parité le salaire minimum garanti des travailleurs de la terre. Le 15 mars 1955, il dépose une proposition de résolution demandant au gouvernement de prendre des mesures pour assurer le financement de l'assurance vieillesse agricole. Dans la délicate affaire de l'armée européenne il suit la direction du parti : il se prononce pour la CED (Communauté européenne de défense).
Aux élections de janvier 1956, la liste socialiste de Kléber Loustau est apparentée aux trois autres listes de centre gauche. Avec 33 151 voix sur 125 284 suffrages exprimés cette alliance est loin de la majorité absolue. Cette majorité n'est pas non plus obtenue par les listes qui se sont apparentées à droite. La SFIO du Loir et Cher maintient à peu près son score (15 % des suffrages exprimés). Kléber Loustau entame une nouvelle législature. Nommé de nouveau membre de la Commission de l'agriculture, il entre le 1er février dans le gouvernement Guy Mollet comme sous-secrétaire d'Etat à l'agriculture. Il est placé sous l'autorité du ministre des affaires économiques et financières Paul Ramadier (qui remplace Robert Lacoste dès le 14 février 1956) et auprès du secrétaire d'Etat à l'agriculture, le sénateur (radical) André Dulin. Après la chute du cabinet Mollet, Kléber Loustau poursuit son expérience gouvernementale au sein du gouvernement constitué (en juin 19578) par Maurice Bourgès-Maunoury, cette fois en tant que secrétaire d'Etat à l'équipement et au plan agricoles et sous l'autorité de Félix Gaillard, ministre des finances, des affaires économiques et du plan. Durant ses mandats ministériels Kléber Loustau s'est heurté à l'opposition d'une bonne partie des dirigeants agricoles. Il a été particulièrement attaqué par le Rassemblement paysan (animé par Pierre Poujade, Henri Dorgères et Paul Antier). Le 1er juin 1958 Kléber Loustau se prononce contre l'investiture du général de Gaulle puis refuse les pleins pouvoirs mais s'abstient sur la révision constitutionnelle (2 juin). Il poursuit sa carrière politique sous la Ve République.
LOUSTAU (Kléber)
Né le 5 février 1915 à Romorantin (Loir-et-Cher)
Décédé le 11 octobre 2008 à Saint-Avertin (Indre-et-Loire)
Député du Loir-et-Cher de 1962 à 1968
(Voir première partie de la biographie dans le Dictionnaire des parlementaires français (1940-1958), Paris, La Documentation française, tome 5, 2005)
Se prononçant contre l'investiture du général de Gaulle (1er juin), lui refusant les pleins pouvoirs, mais s'abstenant sur la révision constitutionnelle (2 juin), le vote du député du Loir-et-Cher témoigne du clivage qui règne au sein de la SFIO. Déjà affecté par les débats liés à la question algérienne, le parti se scinde entre minoritaires qui refusent de soutenir le général de Gaulle et majoritaires qui, sous l’égide de Guy Mollet, participent à la mise en place des nouvelles institutions. Dénonçant l’ombre du césarisme qui plane au-dessus du retour de l’homme providentiel, Kléber Loustau se range, pour sa part, aux côtés des premiers qui condamnent un processus de retour qui s’apparente davantage à un coup d’État, tout en contestant les mécanismes de retour à l’ordre qui en découlent. Ces derniers sont jugés au service d’un pouvoir éminemment personnel. Nommé, le mois suivant, secrétaire de la Fédération socialiste de Loir-et-Cher, le député, constamment réélu depuis 1946, bien implanté à Romorantin, se représente pour un nouveau mandat lors des élections législatives prévues les 23 et 30 novembre 1958 dans la 2ecirconscription du Loir-et-Cher (cantons de Bracieux, Lamotte-Beuvron, Mennetou-sur-Cher, Neung-sur-Beuvron, Romorantin, Saint-Aignan, Salbris, Selles-sur-Cher).
Axant sa campagne sur les enjeux locaux d’une circonscription rurale et agricole, le député sortant se rappelle habilement aux viticulteurs qui ont bénéficié d’un vaste plan d’aide au lendemain des calamités de février 1956, tout en rappelant son rôle d’intercesseur parlementaire et surtout son influence, comme sous-secrétaire d’État à l’Agriculture (dans le gouvernement Mollet du 1er février 1956 au 16 juin 1957) puis comme secrétaire d’Etat à l’Équipement et au Plan agricole (dans le gouvernement Bourgès-Maunoury du 17 juin au 17 octobre 1957). Le bilan flatteur qu’il tire de son mandat n’exclut pas cependant une certaine prudence concernant la politique nationale, notamment vis-à-vis du général de Gaulle. Les craintes du mois de juin laissent ainsi place à la confiance envers l’homme de l’apaisement. Kléber Loustau s’avère d’autant plus habile qu’il se rattache dorénavant, par la réaffirmation de son soutien envers Guy Mollet, à la frange majoritaire de la SFIO qui a soutenu la mise en place des nouvelles institutions : « Après les dramatiques évènements d’Alger, la situation s’est améliorée grâce à l’action du général de Gaulle. Le Référendum a montré que vous approuviez le nouveau chef du gouvernement qui a appelé Guy Mollet à ses côtés et la nouvelle Constitution présentée pour mettre fin à l’instabilité de l’Exécutif et assurer l’autorité du gouvernement ». Devancé au premier tour d’une centaine de voix par le candidat gaulliste de l’Union pour la nouvelle République (UNR), Pierre Comte-Offenbach (24,74% des suffrages exprimés contre 24,51% pour Kléber Loustau), et surtout pénalisé par le maintien au second tour du communiste Bernard Paumier, le député sortant échoue à rassembler sur son nom. Recueillant 26,76% des suffrages exprimés contre 53,92% pour son adversaire gaulliste, la défaite n’en est que plus dure.
L’homme maintient toutefois son influence au sein de l’appareil socialiste comme secrétaire de la Fédération de Loir-et-Cher. Appelé, quatre ans plus tard, à se représenter lors des législatives de novembre 1962 dans la 2e circonscription du Loir-et-Cher, Kléber Loustau s’érige avant tout en « victime de la confusion des événements de mai et juin 1958 » et dénonce les errements politiques d’un Pierre Comte-Offenbach « en fuite », alors qu’il change de département pour sa candidature. Bien décidé à profiter de ce qu’il estime une première usure du pouvoir gaullien, il recentre cette fois sa campagne sur le terrain national et fait de son adversaire, le centriste Jacques Thyraud, maire de Romorantin-Lanthenay, qui se présente sous l’étiquette UNR-Union démocratique du travail (UDT). Kléber Loustau en fait le porte-étendard d’une politique gaullienne « anti-agricole », « contraire aux lois fondamentales de la République » et « dangereuse » à l’échelle internationale. Son positionnement politique traduit en réalité celui de la SFIO qui, bien que soutenant la politique algérienne du général de Gaulle, se désolidarise de la politique intérieure du gouvernement et s’oppose fermement, au sein du « cartel des NON », à toute idée de présidentialisation du régime. Distancé de plus de 10 points lors du premier tour (25,71% des suffrages contre 35,03% pour le candidat UNR-UDT), Kléber Loustau bénéficie cependant du report des voix du candidat communiste Bernard Paumier qui lui avait jadis manqué, et recueille sur son nom 52,32% des suffrages au second tour. L’homme retrouve son siège au Palais-Bourbon.
Inscrit au groupe socialiste, membre de la Commission de la production et des échanges, le député, s’appuyant sur sa riche expérience comme sous-secrétaire d’État à l’Agriculture sous la IVe République se consacre principalement aux questions agricoles. Il témoigne d’une expertise d’autant plus reconnue que la loi du 5 août 1960, relative à l’orientation agricole, s’inspire largement du projet de loi (fixant les principes de la politique agricole) dont il a été antérieurement chargé. Membre de la Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi tendant à définir les principes et les modalités de l'économie contractuelle en agriculture (11 juin 1963) et auteur pour cette même commission d’un rapport d'information sur la garantie contre les calamités agricoles (17 juillet 1963), le député socialiste fait de nombreuses interventions lors de l’examen des projets de loi de finances (1963, 1964, 1966, 1967) au sein du volet concernant le Fonds d'orientation et de régularisation des marchés agricoles (établissement public à caractère industriel et commercial créé en 1961 pour orienter et régulariser la production de la plupart des produits agricoles). Il n’hésite pas au passage à interroger avec alacrité le ministre de l’Agriculture, Edgard Pisani, pour l’alerter sur « la déception des agriculteurs devant l’attitude négative du gouvernement », insistant notamment sur la grève du lait face au refus d’augmenter son prix, la multiplication des mesures anti-agricoles depuis 1958, l’insuffisance de l'augmentation consentie sur le prix de la viande, la réorganisation nécessaire du marché des fruits et des légumes, la mauvaise application des mesures relatives à la réforme des structures notamment en termes de remembrement, ou encore le nécessaire développement du revenu des agriculteurs. De même, élu représentant de la France au Parlement européen (19 décembre 1962), il prend part aux discussions relatives à la politique agricole commune (PAC), et notamment à celles portant sur le fonctionnement du Fonds européen d'orientation de garantie agricole (FEOGA), le prix commun européen, sans oublier l’épineuse question d’une ouverture de contingents pour les vins français (question suivie de très près dans une circonscription agricole et viticole).
Confortant son ancrage local par son élection, en 1963, comme conseiller général dans le canton de Selles-sur-Cher, à l'occasion d'une partielle et la même année, en octobre, comme maire de Selles-sur-Cher, le député entend bien se représenter sous la bannière de Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) aux prochaines élections législatives prévues les 5 et 12 mars 1967. Celles-ci reproduisent à l’identique le déroulement des précédentes. Une nouvelle fois au coude à coude avec son opposant de droite, le candidat UNR-Ve République Jacques Thyraud, lors du premier tour (36,6% des suffrages exprimés pour le premier, 36,16% pour le second), et bénéficiant au second tour du report des voix du candidat communiste Bernard Paumier, à nouveau troisième, Kléber Loustau devance largement son adversaire avec plus de 58,46% des suffrages exprimés.
Membre de la Commission de la production et des échanges (6 avril 1967) et élu représentant de la France au Parlement européen (24 mai 1967), le député, inscrit au groupe de la FGDS, fit par ses nombreuses interventions lors des discussions relatives aux questions agricoles. Il vote les motions de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou.
Les événements de mai 1968 et l’organisation de nouvelles élections le mois suivant mettent toutefois fin à sa trajectoire politique. Largement devancé lors du premier tour par le candidat UDR Roger Corrèze (de plus de 11 points), Kléber Loustau est finalement battu de peu au tour suivant (51,08% des suffrages exprimés contre 49,92%). Cet échec marque la fin de sa carrière parlementaire, dans le contexte de la « chambre introuvable » de 1968 issue du raz-de-marée gaulliste.
La démission du général de Gaulle à la suite du référendum de 1969, comme les clivages exacerbés au moment de la transformation de la SFIO en « nouveau parti socialiste » (Congrès d’Alfortville du 4 mai qui est marqué par des débats houleux et confus), poussent Kléber Loustau à quitter le comité directeur et la direction fédérale du parti. C’est une première étape avant sa démission en mars 1976 du Parti socialiste, né à l’issue du Congrès d’Epinay en 1971.
L’homme se consacre désormais pleinement à ses mandats locaux, comme maire de Selles-sur-Cher (jusque 1989), mais aussi comme président du conseil général du Loir-et-Cher jusqu’en 1988. Il est désigné en octobre 1973 sans avoir fait acte de candidature.
Ne souhaitant pas se représenter lors des municipales de 1989, Kléber Loustau se retire définitivement de la vie politique. Il décède, le 11 octobre 2008, à Saint-Avertin (Indre-et-Loire - France), à l’âge de 93 ans, des suites d’un accident domestique.