Noël, François, Alfred Madier de Montjau
1814 - 1892
Représentant en 1850, député de 1874 à 1889, né à Nîmes (Gard) le 1er août 1814, fils aîné de Joseph Paulin Madier de Montjau (1785-1865), député de 1831 à 1837, il étudia le droit, s'inscrivit comme avocat à la cour de Paris en 1838, et plaida, non sans talent, plusieurs causes politiques.
Il accueillit avec joie la révolution de 1848, fut, sans succès, candidat à la Constituante dans la Seine et le Pas-de-Calais, défendit devant les conseils de guerre un certain nombre de compromis de juin, et fut l'avocat ordinaire du journal le Peuple.
Républicain ardent, il fut le candidat des démocrates avancés à l'Assemblée législative, le 10 mars 1850, lors de l'élection partielle destinée à compléter la représentation de Saône-et-Loire, où six sièges étaient devenus vacants par suite de l'affaire du 13 juin 1849. M. Madier de Montjau fut élu, le 1er sur 6, par 61 412 voix (105 573 votants, 157 148 inscrits.) La majorité de l'Assemblée annula le scrutin ; mais les électeurs, convoqués à nouveau le 28 avril suivant, renommèrent M. Madier de Montjau, le 1er sur 6, par 73 109 voix (120 162 votants, 154 015 inscrits). Il prit place à la Montagne, vota constamment avec la minorité démocratique, se mêla aux tentatives de résistance qui eurent lieu à Paris lors du coup d'Etat du 2 décembre, fut expulsé de France par décret présidentiel du 9 janvier 1852, et passa en Belgique, où il fit des conférences remarquées.
M. Madier de Montjau appartint, pendant toute la durée de l'Empire, à la fraction la plus irréconciliable de l'opposition démocratique, et il refusa, en 1869, la candidature indépendante au Corps législatif que lui offrait un groupe d'électeurs du Gard.
Après avoir réuni, le 8 février 1871, à Paris, 35 567 suffrages seulement sur 328 000 votants, M. Madier de Montjau ne rentra dans la vie politique active qu'en 1874 : le 8 novembre de cette année, la démission de M. Dupuy ayant déterminé une vacance dans la députation de la Drôme, il accepta cette fois la candidature républicaine radicale intransigeante dans ce département, fit des déclarations très hostiles à la politique de compromis suivie et recommandée par Gambetta, et, ayant été élu par 41 995 voix (69 678 votants, 95 801 inscrits), alla siéger à l'extrême gauche, à côté de Louis Blanc. Il refusa, comme lui, de s'associer au vote de la Constitution du 25 février 1875, déposa, avec plusieurs de ses amis, une proposition de dissolution et une proposition d'amnistie, et prononça, pendant les vacances parlementaires, à Romans, un discours qui eut un grand retentissement ; peu après, il menait, de concert avec M. Alfred Naquet, une campagne des plus vives contre « l'opportunisme » auquel se résignait de plus en plus la majorité du parti républicain.
Réélu, le 20 février 1876, député de la 1re circonscription de Valence par 12 794 voix (17 415 votants, 23 211 inscrits, contre 4 485 à M. Dugas, candidat constitutionnel, M. Madier de Montjau reprit sa place à l'avant-garde de la majorité républicaine. La profession de foi qu'il avait adressée à ses électeurs contenait ce passage : « Je ne hais pas moins l'Empire que le cléricalisme, s'efforçant de détruire l'œuvre de 1789 et le code civil pour leur substituer l'ancien régime et le droit canon. Il me trouvera, comme la royauté et l'Empire, devant lui, en toute occasion, vigilant et inflexible. Je veux la liberté, l'ordre et la paix, et pour les assurer, la clémence. »
M. Madier de Montjau fit preuve d'une véritable éloquence dans plusieurs discussions auxquelles il prit part : celles du régime de la presse, pour laquelle il revendiqua la liberté absolue ; de l'amnistie qu'il réclama pleine et entière ; du traitement des aumôniers militaires, dont il proposa la suppression ; du budget des cultes qu'il fut également d'avis de supprimer, etc.
Après avoir voté l'ordre du jour Leblond contre les menées « ultramontaines », le 4 mai 1877, il fut un des adversaires les plus décidés du gouvernement du Seize-mai.
Réélu, le 14 octobre, par 14 363 voix (19 552 votants, 23 793 inscrits), contre 5 122 à M. Forcheron, candidat officiel et monarchiste, il continua la lutte avec la même ardeur, fit partie du comité des Dix-huit, appuya vivement le projet d'une commission d'enquête sur les actes du 16 mai, et se montra, sous le ministère Dufaure, le partisan d'une politique plus accentuée dans le sens républicain ; en 1879, il adressa à ce sujet au cabinet une interpellation dont l'objet était de réclamer, comme conséquence des élections sénatoriales du 5 janvier, une application sincère et sans arrière-pensée des principes démocratiques. Peu satisfait de l'article 7 de la loi Ferry sur l'enseignement supérieur, il lui opposa, au nom de quelques radicaux et au sien, un amendement qui tendait à rendre la loi plus rigoureuse à la fois et plus efficace à l'égard des congrégations, auxquelles le député de la Drôme prétendait refuser le droit d'enseigner. Ce système n'eut pas seulement contre lui la droite et la majorité modérée de la Chambre : il n'obtint pas non plus l'agrément de ceux des membres de l'extrême gauche qui, fidèles au principe de la liberté d'association, n'admettaient pas qu'il y fût porté atteinte.
À dater de ce jour, M. Madier de Montjau, dont les tendances « autoritaires » étaient visibles, se sépara en mainte occasion du groupe intransigeant de l'extrême gauche, dont il avait été un des premiers adhérents ; par exemple, il prit la parole avec une extrême vivacité pour combattre la validation de l'élection de l'inéligible Blanqui, au nom du « respect dû à la loi » (juin 1879). L'influence personnelle de Gambetta, et certaines paroles flatteuses adressées au député radical par le chef de la majorité n'avaient pas faiblement contribué à cette évolution, qu'un incident retentissant rendit définitive : pendant les vacances parlementaires qui avaient précédé la législature de 1879, Gambetta, se rendant en Suisse par le Dauphiné, s'était arrêté à Romans, chez M. Madier de Montjau, y avait prononcé un véritable discours-programme de l'opportunisme accueilli par des applaudissements auxquels l'intransigeant de la veille ne se contenta pas de s'associer : il alla jusqu'à donner publiquement à Gambetta une accolade enthousiaste.
Adversaire de la candidature radicale-socialiste de M. Alphonse Humbert à Orange, lorsque M. Gent, démissionnaire à la suite de sa nomination comme gouverneur de la Martinique, se représenta devant ses électeurs, M. Madier de Montjau acheva de rompre avec ses anciens amis, et à l'ouverture de la session suivante (janvier 1880), il fut nommé questeur de la Chambre.
Il occupa encore cette fonction dans la législature suivante, ayant été réélu député, le 21 août 1881, par 12 415 voix (13 538 votants, 23 760 Inscrits). II aborda fréquemment la tribune et parla notamment :
- en 1882, sur l'enseignement secondaire privé ; sur le projet de loi relatif aux victimes du coup d'Etat du 2 décembre ; sur l'envoi des troupes en Egypte ; sur le budget des affaires étrangères ;
- en 1883, sur le projet de loi relatif aux membres des familles qui avaient régné en France ; sur la révision de la Constitution ; sur une apposition de scellés à l'abbaye de Solesmes ; sur les conventions avec les grandes compagnies ;
- en 1884, sur l'enseignement primaire, sur la révision, sur le budget, etc. ;
- et en 1886, sur la modification de la loi électorale.
Toujours réélu questeur de la Chambre, il soutint le ministère Gambetta, puis vota tantôt avec les radicaux, tantôt avec les opportunistes. Il combattit, dans un discours célèbre, l'institution du Sénat, et demanda avec insistance la suppression du budget des cultes et de l'ambassade de France auprès du pape.
Aux élections d'octobre 1885, porté sur la liste républicaine du département de la Drôme, il y obtint 43 083 voix (74 089 votants, 95 343 inscrits), et fut élu député, le 3e sur 5.
En même temps, il avait engagé la lutte dans le Gard, où il fut élu au second tour, comme radical, le 4e sur 6, par 58 079 voix (110 923 votants et 133 886 inscrits); dans l'Ardèche, où il n'obtint que 2 403 voix (88 137 votants, 111 845 inscrits), et dans le Rhône où il réunit 18 599 voix sur 136 430 votants.
M. Madier de Montjau opta pour la Drôme, et, redevenu questeur comme précédemment, vota le plus souvent avec la majorité ; il parla sur les pensions à accorder aux blessés de février 1848, sur le tarif des douanes, etc. , s'étant attiré, par son attitude peu conciliante, des difficultés avec la presse parlementaire, il fut amené à donner (1888) sa démission de questeur, qu'il maintint, bien qu'il eût été réélu encore à la suite de cet incident. M. Madier de Montjau s'est prononcé, à la fin de la législature :
- pour le rétablissement du scrutin d'arrondissement (11 février 1889),
- pour l'ajournement indéfini de la révision de la Constitution,
- pour les poursuites contre trois députés membres de la Ligue des patriotes,
- contre le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse,
- pour les poursuites contre le général Boulanger.
Né le 1er août 1814 à Nîmes (Gard) mort le 26 mai 1892 à Chatou (Seine-et-Oise).
Représentant de Saône-et-Loire à l'Assemblée législative en 1850.
Représentant de la Drôme de 1874 à 1876.
Député de la Drôme de 1876 à 1892.
(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires t. IV p. 216).
Aux élections générales de 1889, qui se déroulent le 22 septembre au scrutin uninominal, Noël Madier de Montjau est réélu triomphalement, dès le premier tour, député de Montélimar, avec 10.055 voix contre Guynet son suivant le plus proche qui n'obtient que 6.466 suffrages.
Son passé constitue à lui seul la meilleure affiche électorale : fils d'un conseiller à la Cour de cassation et lui-même avocat et conseiller général, il était depuis sa jeunesse un fervent défenseur de la démocratie. Républicain sous la monarchie de Juillet, révolutionnaire en 1848, proscrit sous l'Empire, questeur sous la IIIe République, antiboulangiste dès la première heure, cet orateur généreux mais au verbe courtois - qui se proclamait dans sa profession de foi le chaleureux propagateur de l'enseignement du peuple et le défenseur résolu de la prépondérance, de l'affranchissement et de l'indépendance du pouvoir civil - s'inscrivit, dès son retour à la Chambre, à plusieurs commissions et prit part à de nombreux débats.
Mais une maladie impitoyable devait l'enlever en quelques jours. Il mourait à Chatou le 26 mai 1892, âgé de 77 ans.