Ali Mallem
1915 - 1964
MALLEM (Ali)
Né le 26 septembre 1915 à Batna (Algérie)
Décédé le 4 septembre 1964 à Cucq (Pas-de-Calais)
Député de Batna de 1958 à 1962
Sénateur de la Communauté de 1959 à 1962
Ali Mallem est né le 26 septembre 1915 à Batna, dans les Aurès. Musulman marié en juillet 1946 à une Européenne, Anne-Marie Sabatier, professeur d’anglais au collège mixte de Batna, il est un des piliers de la politique algérienne de la France dans les Aurès avant et pendant la guerre d’Algérie.
Avocat de profession, docteur en droit et licencié en philosophie, Ali Mallem est entre 1943 et 1944 le secrétaire de Gabriel Marty, professeur de droit à la Faculté de droit de Toulouse. Après la guerre, il collabore entre 1945 et 1947 à La République de Toulouse et à Paris-Matin.
Pendant toute sa carrière politique, Ali Mallem s’est efforcé de donner consistance au rêve d’une Algérie française fondée sur l’égalité civile et politique de tous ses citoyens. Membre en 1950 de l’Union Algérienne, constituée à la fin de l’année 1948 par des parlementaires et des élus locaux algériens d’origine musulmane, ce parti proclame son attachement à l’Islam, mais reconnaît la nécessité de l’association de l’Algérie à une puissance occidentale qui ne peut être que la France. L’UA réclame ainsi une évolution politique, économique et sociale non-violente de l’Algérie dans le cadre de la France républicaine. Avocat au barreau de Batna, Ali Mallem cependant ne rompt pas les contacts avec les « rebelles » et les défend à la barre, en particulier Mostafa Ben Boulaïd en 1955.
Cette position intermédiaire, cependant, Ali Mallem ne peut plus la tenir devant les événements de mai 1958. Ali Mallem est l’homme des « fraternisations » de 1958 à Batna : président du Comité de Salut Public de la ville, co-président des Comités de Salut Public d’Algérie-Sahara, c’est par là qu’il rallie la politique algérienne du Général de Gaulle. Dans sa profession de foi présentée lors des élections algériennes de novembre 1958, il affirme ainsi que son programme a été « exposé à Constantine par le général de Gaulle lui-même : de l’instruction et du travail pour tous, de la terre pour ceux qui en ont besoin. Un avenir politique débouchant sur l’égalité et sur la dignité. Depuis le 13 mai, la politique du mépris et de l’humiliation est finie. Devant nous se dessine, grâce au travail admirable de l’armée, un futur plein d’espérance ».
Ali Mallem, homme-clef des Comités de Salut Public de la région de Batna, est chargé par les autorités militaires françaises, qui en ont repris rapidement le contrôle, d’« unir l’opinion publique » algérienne autour d’un tel programme, sur lequel cependant bien des doutes planent au-delà de ses formules habiles. C’est ce rôle qui permet à Ali Mallem de devenir maire de Batna le 24 avril 1959, puis conseiller général de Batna-Sud en mai 1960. Pour les gaullistes, le ralliement de cet homme politique musulman est un atout, à tel point qu’il est membre du Comité central de l’UNR en 1958. C’est par conséquent sur une liste UNR (Comité de Salut Public) qu’il se présente le 30 novembre 1954 aux élections législatives dans la 15e circonscription d’Algérie. Sa liste UNR doit affronter une liste « Républicaine d’Union des Communautés », qui est cependant sèchement battue. La liste UNR est en effet élue par 98 072 voix contre 39 892 à la liste RUC ; sur 242 198 électeurs inscrits, 142 210 Algériens ont voté : avec 68,9% des voix, la liste Mallem remporte la victoire sans difficulté. Le 8 juillet 1959, Ali Mallem est élu également sénateur de la Communauté.
Le nouveau député musulman d’Algérie est, pendant son mandat interrompu en juillet 1962, un parlementaire actif. Inscrit en 1959 au groupe UNR, il appuie de son vote jusqu’en mai 1960 tous les grands scrutins des débuts de la République gaullienne – même s’il ne prend pas part aux votes du 23 décembre 1959 sur l’enseignement privée ou du 11 mai 1960 sur la modification du titre XII de la Constitution. Membre de la Commission des lois d’octobre 1958 à mai 1961, il en est même le vice-président à partir d’octobre 1959. C’est comme rapporteur pour avis qu’il prend part, au nom de cette commission, à la discussion du projet de loi fixant les crédits ouverts au service civil en Algérie pour 1961. C’est pour lui l’occasion de réclamer l’envoi de fonctionnaires dans le bled, la promotion d’Algériens musulmans dans la fonction publique locale et le transfert des jugements de délits aux tribunaux civils. Ses interventions en 1959 ont les mêmes thèmes pour objet. Lors de la discussion du 16 janvier 1959 sur le programme de gouvernement de Michel Debré, il évoque l’importance de la notion d’intégration et la nécessaire attribution de la nationalité française aux Algériens. Le 9 juin 1959, lors de la discussion du projet de loi sur les dispositions financières concernant l’Algérie, il affirme en particulier la « valeur représentative des élus musulmans », proteste contre l’usage de la violence et réclame une application stricte de la justice. En octobre 1959, il est également membre de la Commission spéciale chargée de l’élaboration d’un texte sur la séparation de l’Etat et du culte musulman.
Le 10 mars 1961, cependant, pour avoir signé avec 23 autres députés une motion favorable aux thèses du GPRA, Ali Mallem est exclu du groupe parlementaire de l’UNR. Celui-ci, à cette date, n’avait donc pas renoncé à un destin national algérien. Mais la suite des événements mit fin à ses espoirs. Son attitude depuis le 13 mai 1958 avait annulé son capital de sympathie parmi les nationalistes algériens. Comme le souligne Jean-Pierre Marin, « la perspective de voir les communautés algériennes se rassembler sous l’autorité d’un homme profondément bi-culturel était anéantie et il lui fallait désormais songer à sauvegarder la vie de sa famille et la sienne » (p.401). Rien d’étonnant, de ce fait, à ce qu’il soit réintégré dans le giron du groupe UNR le 19 mars 1962. C’est sous cette étiquette qu’il approuve ainsi le programme du gouvernement Pompidou le 27 avril 1962. Le 20 mars 1962, il avait déjà fait l’éloge des accords d’Evian, et réclamé la nécessité pour la population algérienne d’exprimer librement son choix. Le 5 juin 1962, lors d’un débat sur une motion de censure sur les affaires algériennes, il réitère sa confiance dans la « présence souhaitable des Européens en Algérie ».
Cet engagement et cet espoir ne sont pas non plus sans prix. Le 17 juillet 1959, quatre membres de sa famille sont enlevés par le FLN. En juillet 1962, à la suite du vote sur l’autodétermination du 1er juillet, Ali Mallem est déchu de tous ses mandats par l’ordonnance n°62-737 du 3 juillet. La mise en échec des rêves de l’Algérie française le contraint alors à « quitter précipitamment l’Algérie », comme il le confie dans une lettre adressée en juillet 1963 au secrétaire général de l’Assemblée. Sa mort devait survenir quelques mois plus tard : il s’éteint le 4 septembre 1964, à Cucq (Pas-de-Calais), où son exil l’avait échoué.