Louis-Jean, Paul, Marc Malvy
1875 - 1949
* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936
Né le 1er décembre 1875 à Figeac (Lot).
Député du Lot de 1906 à 1919 et de 1924 à 1942.
Sous-secrétaire d'Etat à la Justice du 2 mars au 23 juin 1911.
Sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur et aux Cultes du 27 juin 1911 au 14 janvier 1912.
Ministre du Commerce, de l'Industrie et des P.T.T. du 9 décembre 1913 au 16 mars 1914.
Ministre de l'Intérieur du 17 mars 1914 au 31 août 1917.
Ministre de l'Intérieur du 9 mars au 15 juin 1926.
Louis-Jean Malvy est issu d'une famille implantée depuis plusieurs générations dans le Lot. Son doctorat en droit obtenu, à 22 ans, il est attaché au cabinet de Léon Bourgeois, à 26 ans, en 1901, il est élu conseiller général de Vayrac. L'année suivante, il se présente aux élections législatives, sous l'étiquette radicale-socialiste, mais il échoue de justesse. Après ce premier essai encourageant, Malvy entre au cabinet d'un radical de gauche, Camille Pelletan, ministre de la Marine dans le cabinet Combes qui succède à Waldeck-Rousseau.
Aux élections législatives de 1906, il retrouve dans le Lot son adversaire de 1902, mais cette fois l'emporte dès le premier tour, le 6 mai, avec 10.008 voix contre 8.774 à Lachièze.
Il est nommé membre de la commission de législation fiscale. Dès le début de sa carrière politique, il se spécialise dans les questions économiques et financières et se consacre, au cours de cette première législature, à la défense de l'impôt sur le revenu. Le projet n'aboutira qu'en 1917, alors que son principal artisan, Joseph Caillaux, qui a dominé la politique financière française de 1898 à 1914, est sur le point d'être abattu par Clemenceau. C'est l'occasion de signaler l'étonnant parallélisme des destins politiques de Caillaux et de Malvy.
A partir de 1910, Malvy avait appartenu à l'équipe Caillaux. Pendant la guerre, aux yeux des nationalistes, Malvy est considéré, dans les ministères successifs où il occupe l'Intérieur, pour le représentant de Caillaux, écarté du pouvoir. Ses liens avec lui ne seront pas étrangers à sa chute. Les deux hommes politiques seront l'un et l'autre poursuivis par la haine de Clemenceau et lourdement condamnés. Leur retour sur la scène politique, en 1924, à la suite d'une loi d'amnistie votée par la Chambre issue du cartel des gauches, apparaîtra comme un désaveu du « clemencisme ».
Les destins jumelés de Caillaux et Malvy se poursuivent lorsqu'ils redeviennent ministres, l'un et l'autre, en 1925 et 1926. Pour peu de temps : Caillaux ne réoccupe le ministère des Finances - bien de famille - que d'avril à octobre 1925 ; il y revient en juin 1926, vice-président d'un ministère Briand, mais c'est pour moins d'un mois ! Quand à Malvy, sa revanche est de plus courte durée encore : il redeviendra ministre de l'Intérieur mais devra quitter la place Beauvau à la suite d'incidents de séance dramatiques presque aussitôt après y être revenu. La fin de carrière de Joseph Caillaux et celle de Louis Malvy seront, elles aussi, étrangement semblables : ils seront tous deux, pendant de nombreuses années, président de la commission des finances, l'un de la Chambre, l'autre du Sénat.
Aux élections législatives du 24 avril 1910, Malvy est réélu dès le premier tour, avec 10.561 voix contre 6.392 à Delsol. Il entre comme sous-secrétaire d'Etat à la Justice le 2 mars 1911 dans le cabinet Monis. Le 21 mai, lors d'une manifestation aéronautique à Issy-les-Moulineaux, le ministre de la Défense nationale, Berteaux est tué par l'appareil d'un des concurrents et Monis est sérieusement blessé ; son cabinet sera renversé le 23 juin 1911.
C'est un ministère Caillaux qui succède au ministère Monis. Malvy y figure comme sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur et y restera jusqu'à la chute du ministère, provoquée par Poincaré et Clemenceau, le 15 janvier 1912.
Malvy revient à la Chambre et, à la fin de l'année suivante, il est ministre du Commerce, de l'Industrie et des P.T.T. dans un cabinet Doumergue : la promotion a été rapide puisque son bénéficiaire n'a pas encore 38 ans! Le 17 mars 1914, le ministère Doumergue est remanié à la suite de l'assassinat de Calmette qui a provoqué la démission du ministre des Finances, Caillaux. Renoult lui succède et Malvy remplace Renoult à l'Intérieur. Il va rester à ce poste jusqu'au 31 août 1917, c'est-à-dire pendant quarante-deux mois.
Le 24 avril 1914, sa réélection dans la circonscription de Gourdon n'a été qu'une formalité.
Le cabinet Doumergue ayant démissionné le 3 juin 1914, a pour successeur un cabinet Viviani qui se succédera à lui-même en juillet. Malvy conservera son portefeuille dans les deux cabinets Viviani, les 5e et 6e cabinets Briand et le 5e cabinet Ribot.
Lors de la déclaration de guerre, il prend deux mesures dont la première lui sera vivement reprochée par la suite. Il décide d'abord de ne pas mettre en application les mesures - arrestation et détention préventive - prévues de longue date contre 3.000 personnes (secrétaires ou militants d'organisations syndicales) dont les noms figuraient sur un document de la préfecture de police : le carnet B. (Le futur président du Conseil, Pierre Laval, était l'un d'eux). Malvy reçoit les principaux chefs syndicalistes, obtient leur neutralité - d'ailleurs acquise en raison du climat hyper-patriotique de l'époque - et décide de les laisser en liberté.
Ce refus de pratiquer une politique de répression à l'égard de la gauche syndicaliste et socialiste allait pourtant être à la base de l'accusation de complaisance à l'égard des menées défaitistes portée contre Malvy. Radical de gauche, il est certain qu'il s'est toujours refusé avec énergie, tant qu'il a été ministre de l'Intérieur, à mettre hors la loi les chefs de la classe ouvrière. A la répression, il a préféré la négociation.
L'affaire du Bonnet rouge a cristallisé l'opposition contre le comportement du ministre de l'Intérieur. Il n'est pas contestable que Malvy, d'ailleurs avec l'accord du conseil des ministres, a subventionné jusqu'en 1914 cette feuille qui tirait à 40.000 exemplaires et dont l'influence était grande sur une clientèle socialiste et libertaire. Jusqu'en 1916, le Bonnet rouge soutient sans réticence « l'union sacrée ». Mais quand Almereyda, à partir de fin 1916, vire de bord et soutient la cause défaitiste, les subventions du ministère de l'Intérieur sont supprimées.
L'échec de l'offensive Nivelle en avril 1917, la lassitude générale, la révolution russe d'avril mai, donnent à beaucoup le sentiment que la guerre est à un tournant. C'est l'heure des soupçons, des anathèmes, il faut trouver des responsables : le ministre de l'Intérieur va être une victime toute désignée.
Le 29 juillet 1917, en comité secret du Sénat, Clemenceau se livre contre Malvy à une charge féroce. Son discours dura deux heures : le Sénat n'en devait pas moins voter un ordre du jour de confiance au cabinet. Malgré ce vote - obtenu à l'unanimité y compris la voix de Clemenceau - Malvy démissionna le 31 août mais son geste ne fit pas tomber les passions.
Un fait capital intervint bientôt après. A la suite de la démission de Painlevé, Clemenceau devint, le 16 novembre 1917, président du Conseil. Dans sa déclaration d'investiture, il flétrit les « campagnes pacifistes » et les « demi-trahisons ». Malvy se sentit menacé. Pour devancer ses adversaires et avoir le choix de la juridiction devant laquelle il entendait se justifier, dès le lendemain il demanda à la Chambre d'examiner s'il y avait lieu qu'il soit déféré devant la Haute Cour.
Deux jours après l'investiture du ministère Clemenceau, Malvy proposa la constitution d'une commission de 33 membres chargée d'examiner s'il y avait lieu de le mettre en accusation pour crime commis dans l'exercice de ses fonctions. La commission estima qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le fond et vota - par 13 voix contre 4 et 9 abstentions - une motion invitant la Chambre à ordonner la mise en accusation de l'ancien ministre de l'Intérieur. Le 28 janvier 1918, le Sénat réuni en Haute Cour décida d'instruire l'affaire et ordonna qu'il soit procédé, sur les faits visés, à un supplément d'information par la commission d'instruction de la Cour de justice. Celle-ci jouait, dans la loi constitutionnelle, le rôle de juge d'instruction. La Cour de justice se réunit le 16 juillet au Palais du Luxembourg. Les débats du procès Malvy durèrent jusqu'au 4 août.
La Haute Cour rendit un verdict où elle déclarait Malvy non coupable « ... du crime d'intelligence avec l'ennemi » mais le déclarait coupable « ... d'avoir dans ses fonctions de ministre de l'Intérieur, de 1914 à 1917, méconnu, violé et trahi les devoirs de sa charge dans des conditions le constituant en état de forfaiture, et encouru les responsabilités criminelles prévues par l'article 12 de la loi du 16 juillet 1875 ». L'arrêt de la Cour de justice condamnait Malvy à cinq ans de bannissement. Elle le dispensait de la dégradation civique.
Malvy avait décidé de résider désormais à Saint-Sébastien. Il demanda à être conduit vers la frontière espagnole. Il passera plus de cinq ans en Espagne. Rentré en France, la peine de la dégradation civique n'ayant pas été prononcée contre lui il peut se présenter aux élections législatives de 1924. Il est élu à la majorité absolue, la liste à laquelle il appartient battant la liste républicaine de défense agricole et économique conduite par le prince Murat (respectivement 22.382, 21.948 et 19.456 suffrages pour les trois têtes de liste) et une liste communiste dite du bloc ouvrier et paysan.
Cette victoire est une belle revanche pour le condamné de 1918, bien que les électeurs ne l'aient placé qu'en troisième position (27.229 voix pour Malvy et respectivement 28.797 et 28.141 pour ses colistiers : Bouat et Calmon, élus). Ce succès sera renouvelé de manière plus brillante encore et avec un mode de scrutin différent : le 22 avril 1928 où il obtient 8.517 suffrages sur 14.032 votants, contre 4.618 à Vaissié, droite modérée et 423 à Bourriane, communiste, et, le 1er mai 1932, 9.708 sur 12.329 votants, Auricoste et Touzé n'obtenant respectivement que 2.308 et 313 voix. Dans cette seconde partie de la carrière de Malvy, la séance publique ne mérite que rarement le gros plan : deux séances, deux discours - en 1926 et en 1928 - retiennent l'attention mais l'activité en commission est plus intéressante. Elu en 1925 à la présidence de la commission des finances de la Chambre, il y restera sans interruption jusqu'en 1936.
Avec la victoire du cartel des gauches, il semble que les passions s'apaisent. Briand croit donc pouvoir nommer Malvy au ministère de l'Intérieur en mars 1926. Le jeudi 18 mars, le gouvernement se présente devant la Chambre : on oublie la gravité de la situation financière, les problèmes de politique extérieure ; toute la séance - une des plus dramatiques de l'après-guerre - va être dominée par la présence de Malvy au gouvernement. Le 9 avril suivant, il adresse sa démission au Président de la République. Il ne sera plus jamais ministre. Le parallélisme de sa destinée avec celle de Caillaux se poursuit : 1926 est aussi l'année où Caillaux est pour la dernière fois ministre des Finances.
Malvy, cependant, préside personnellement la plupart des séances de la commission des finances et intervient fréquemment en séance publique pour rendre compte de ses décisions. Il n'a pas laissé de mémoires... L'influence a-t-elle vraiment compensé à ses yeux le pouvoir ? Il semble en tout cas que celui-ci lui a été offert à plusieurs reprises et qu'il l'ait refusé.
Le 27 avril 1936, il est réélu au premier tour des élections législatives dans la circonscription de Gourdon, par 6.971 suffrages sur 13.007 votants, contre quatre adversaires dont le plus favorisé, Chassaing, n'obtint que 2.668 voix.
Mais la Chambre de front populaire ne le nomma pas à la présidence de la commission des finances. Pratiquement, la vie politique de Malvy est terminée. Au cours de cette dernière législature de la IIIe République il n'intervient plus guère et pas avant 1939. Le 7 décembre, il prend la parole pour la dernière fois et présente quelques observations sur le budget de la Santé publique. Son nom est encore cité parfois dans les débats mais le nouveau conflit mondial repousse dans le passé la guerre de 1914, ses héros et ses victimes. En juin 1940, pour la seconde fois en vingt-six ans, Malvy, avec le gouvernement et le Parlement, reprend le chemin de Bordeaux. Le 10 juillet 1940, à Vichy, il vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Né le 1er décembre 1875 à Figeac (Lot)
Décédé le 10 juin 1949 à Paris (XVIème)
Député du Lot de 1906 à 1919 et de 1924 à 1942
Sous-secrétaire d'Etat à la justice du 2 mars au 23 juin 1911
Sous-Secretaire d'Etat à l'intérieur et aux cultes du 27 juin 1911 au 14 janvier 1912
Ministre du commerce, de l'industrie et des PTT du 9 décembre 1913 au 16 mars 1914
Ministre de l'intérieur du 17 mars 1914 au 31 août 1917 et du 9 mars au 15 juin 1926
(Voir première partie de la biographie dans le Dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, Tome VII, p. 2349 à 2351)
Retiré de la vie politique, Louis Malvy demeure à Paris pendant l'occupation. Il y meurt le 10 juin 1949, à l'âge de 73 ans.