Charles, Léon, Alphonse Margueritte
1913 - 2002
Né le 6 juillet 1913 à Caen (Calvados)
Décédé le 21 août 2002 à Passy (Savoie)
Député du Calvados de 1956 à 1958
Charles Margueritte est issu du monde rural normand. Ses grands-parents étaient fermiers mais son père devint employé du réseau de chemin de fer Normandie-Bretagne. Boursier, Charles. Margueritte commence ses études secondaires au lycée Faidherbe de Caen puis les achève au lycée Louis-le-Grand à Paris. Etudiant à la Sorbonne de 1934 à 1938, il obtient une licence ès lettres (histoire) et un diplôme d'études supérieures d'histoire-géographie en soutenant un mémoire sur Esmengart, intendant de Basse-Normandie, 1782-1784. Il est alors vice-président de l'Amicale des géographes dont le président est Max Lejeune.
Durant ses études secondaires à Caen, Charles Margueritte, par esprit de contestation, s'est réclamé du mouvement bonapartiste mais rallie rapidement le mouvement socialiste. Installé à Châtenay-Malabry, où son épouse enseigne comme institutrice, il y rejoint la SFIO en 1935 ; Jean Longuet, député-maire, est alors son parrain en socialisme. Par ailleurs membre des Etudiants socialistes, Margueritte écrit dans le petit bulletin animé par Max Lejeune Zig-Zag. Admissible à l'agrégation, titulaire d'un certificat pédagogique, il enseigne provisoirement dans une école privée de Neuilly-sur-Seine en 1937-1938, avant d'être mobilisé. Elève à l'Ecole supérieure militaire de Saint-Cyr l'année suivante, classé septième de sa promotion, il est à l'armée au moment de l'ouverture des hostilités et participe à la campagne de France, comme sous-lieutenant et chef d'une brigade, contre les troupes italiennes dans les Alpes. Stationné à Macon après la défaite, il est démobilisé en novembre 1940 et reprend ses fonctions d'enseignant, à Suresnes puis à Bagneux. En 1942, Charles Margueritte - qui a pratiqué le football, le basket et le rugby en participant à des championnats durant ses années d'études - est recruté par le colonel Pascot, responsable vichyste de la Jeunesse et des sports pour s'occuper de ses services dans le département de la Mayenne. Il y entre en résistance, en août de la même année, dans le réseau anglais Buckmaster. En 1943, il est chargé de la région Ml de ce mouvement (Mayenne, Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire, Sarthe). Il est affilié aux Forces françaises libres, avec le grade de capitaine. Fin 1944, le commandant Grossin le fait nommer au troisième bureau de la défense. Il s'installe alors à Bourg-la-Reine où sa femme le rejoint quelque temps plus tard.
A la Libération, Charles Margueritte s'engage résolument dans la politique, toujours au Parti socialiste SFIO. Attaché parlementaire de Marcel Edmond Naegelen, ministre de l'éducation, il entre, comme chargé de mission, au cabinet ministériel d'Andrée Viénot, sous-secrétaire d'Etat à la jeunesse et aux sports dans le gouvernement de transition dirigé par Léon Blum, de décembre 1946 à janvier 1947. Nommé inspecteur de la jeunesse et des sports en 1948, après un retour à ses fonctions d'attaché parlementaire, son ami Max Lejeune, secrétaire d'Etat aux forces armées, l'appelle comme chef adjoint de son cabinet d'octobre 1949 à 1951.
Charles Margueritte a conservé des attaches profondes avec le Calvados, département traditionnellement rétif aux thèses socialistes, mais où il se construit pourtant progressivement un fief. Dès la Libération, il collabore au journal régional socialiste, La République de Normandie. Après les législatives de novembre 1946 où échoue Adrien Rophé, qui a été député SFIO aux deux Constituantes, Margueritte devient progressivement le leader de ce parti dans le département. Secrétaire de la Fédération socialiste du Calvados de 1947 à 1959, il obtient son premier mandat électoral en octobre 1947, en se faisant élire conseiller municipal de Venoix. Cette agglomération étant fusionnée avec Caen, il devient conseiller municipal de cette ville l'année suivante et, reconduit en 1953, il siège à celui-ci jusqu'en 1959. Il se présente, sans succès, en 1949, dans le canton Est de Caen. Tête de la liste socialiste du Calvados, aux législatives de 1951, il obtient 19 300 suffrages, sur 231 919 inscrits et 180 651 exprimés. Ce résultat marque un nouveau recul de deux points pour la SFIO sur les législatives de novembre 1946 et la liste socialiste n'obtient aucun siège. Mais Charles Margueritte poursuit son action de militant, profitant de la disponibilité que lui offre son entrée comme conseiller à l'Assemblée de l'Union française. Il a été désigné à cette fonction par le groupe socialiste, le 2 août 1951, pour remplacer Léon Boutbien, élu député de l'Indre, et est reconduit par l'Assemblée nationale le 12 juillet 1952. Il siège durant cinq ans à l'Assemblée de Versailles, dont il est secrétaire de décembre 1953 à janvier 1955. Il y effectue plusieurs interventions remarquées sur les problèmes militaires et, en 1954, il s'y prononce contre le projet de traité de la Communauté européenne, contrairement aux directives de la SFIO.
Son travail de terrain commence à déboucher lorsque, le 24 avril 1955, il est élu conseiller général dans le canton Est de Caen, le plus peuplé du département. Il est le premier socialiste à siéger dans l'assemblée départementale depuis la Libération, et seul à le faire durant toute la IVe République
Aux élections législatives du 2 janvier 1956, Charles Margueritte conduit de nouveau la liste SFIO, apparentée cette fois avec la liste du Parti républicain radical et radical-socialiste. Il obtient 31 228 suffrages et fait progresser sa liste de près de 12 000 voix et de quatre points par rapport à 1951.
Elu député du Calvados, Charles Margueritte siège à la Commission de la défense nationale, comme titulaire, et à celle des immunités parlementaires comme suppléant. Il est aussi désigné à la Commission d'instruction de la Haute Cour de justice, le 5 mai 1956, puis est élu secrétaire de l'Assemblée, le 3 octobre suivant. Renouvelé dans ces différentes fonctions en 1957, il appartient par ailleurs à la Commission des boissons, à partir de juillet de cette année, puis en octobre suivant à celle du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du règlement et des pétitions. La Commission de la défense nationale le charge de présenter de nombreux rapports. Il est notamment désigné rapporteur du budget de la défense en 1956-1958, alors que les opérations de guerre en Algérie sont en pleine expansion. Ses principales interventions portent sur les questions militaires - notamment sur les dépenses et les questions relatives aux appelés et rappelés. Mais, parlementaire du Calvados, il intervient aussi naturellement sur les problèmes agricoles.
A partir de l'automne 1956, alors que se produisent successivement l'expédition à Suez et le détournement des avions des dirigeants du FLN, Charles Margueritte se montre très critique envers la politique algérienne du gouvernement Guy Mollet et de Robert Lacoste. Il s'engage résolument dans la minorité animée par Edouard Depreux, parrain de l'un de ses fils, et par Robert Verdier, président du groupe socialiste. Comme Edouard Depreux, il respecte toutefois la discipline du parti au Parlement. En juillet 1957, sa présence au congrès de la Ligue de l'enseignement lui permet de ne pas voter le renouvellement et l'extension des pouvoirs spéciaux qu'il désapprouve sans être indiscipliné. Les événements d'Alger en mai 1958 mettent fin à leurs espoirs de faire changer la politique algérienne du parti et de la République.
Le premier juin 1958, Charles Margueritte, comme une petite majorité du groupe socialiste, refuse de voter la confiance à Charles de Gaulle, président du Conseil désigné. Le gouvernement étant malgré tout investi, il vote contre la demande de pleins pouvoirs mais ne prend pas part au vote sur la révision constitutionnelle le lendemain. Il mène ensuite campagne contre le projet constitutionnel de la Ve République, s'engageant dans la création de l'Union des forces démocratiques, avec la Ligue des droits de l'homme, et appelle à voter non lors du référendum constitutionnel du 28 septembre.
Aux élections législatives du 23 novembre 1958, il se présente, toujours sous l'étiquette SFIO, dans la première circonscription du Calvados. Il obtient 10 363 voix au premier tour sur 70 043 inscrits et 54 136 votants, arrivant en troisième position derrière Jean-Marie Louvel, autre député sortant de tendance MRP, et le candidat UNR Henri Buot. Il se maintient au deuxième tour, seul contre le docteur Buot qui l'emporte avec 31 867 suffrages, contre 16 967.
Charles Margueritte n'a pas participé, le 14 septembre 1958, à la fondation du Parti socialiste autonome (PSA) avec son ami Edouard Depreux. Mais il rejoint ce parti dissident de la SFIO un an plus tard, en même temps que Pierre Mendès France et une dizaine d'anciens parlementaires socialistes qu'il contribue activement à rassembler. Il cesse alors de militer dans le Calvados. L'expérience du PSU ne le satisfaisant pas, il rejoint la Convention des institutions républicaines de François Mitterrand puis le Parti socialiste. Il représente ces formations à trois reprises aux élections législatives, en 1967, 1968 et 1973 dans la 4e circonscription de l'Aisne. Installé à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines), Charles Margueritte est élu conseiller municipal de cette commune de 1971 à 1977 et se voit désigner comme adjoint au maire, chargé de l'éducation. Il préside à ce titre le SIVOM de Chevreuse sur les questions de gendarmerie.
Charles Margueritte, après avoir été animateur d'un centre culturel en Tunisie en 1962-1964, travaille dans les années soixante-dix comme directeur de l'Institut supérieur de formation permanente de la Fédération Léo-Lagrange. Il est chargé de la formation permanente à l'ALEFIA, Association laïque pour l'éducation et la formation professionnelle des adultes.
Officier de la Légion d'honneur à titre militaire, Croix de guerre 1939-1945 (avec trois citations), Charles Margueritte est aussi décoré de la Rosette de la Résistance, de la médaille de la France libre, de la Medal of Freedom et est officier d'Académie. Marié, il est père de six enfants.