Louis Marin
1871 - 1960
* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936
Un fonds Louis Marin est conservé aux Archives nationales sous la cote 317AP 1-270. Il a fait l’objet d’un leg et d’un don par madame Louis Marin, entre 1962 et 1981. Ce fonds représente 34 mètres linéaires et est décrit dans un état sommaire. L’accès à certains documents (317AP/ 53 à 317AP/62, 317AP/65 à 317AP/69, 317AP/181 à 317AP/183, 317AP/247) devra faire l’objet d‘une demande de dérogation. Par ailleurs, des livres provenant de la bibliothèque de Louis Marin sont conservés à la Bibliothèque historique des Archives nationales. Des coupures de presse et de la documentation sur les colonies provenant de Louis Marin, député de Meurthe-et-Moselle, sont également conservées sous les cotes 72AJ/547 à 72AJ/562. De plus amples informations sont disponibles sur le site Internet des Archives nationales .
D’autres archives de Louis Marin ont été léguées par son épouse en 1981 aux Archives départementales de Meurthe-et-Moselle (26 J 1-471). Ce fonds représente 35 mètres linéaires et couvre la période 1870-1975. Il est non seulement composé d'archives politiques et personnelles, mais aussi des archives de madame Louis Marin et des papiers de leur ami journaliste Georges Ducrocq. Ces documents sont librement accessibles, et décrits dans un répertoire numérique. Des informations complémentaires sont disponibles sur le site Internet des Archives départementales _L_L_.
D’autres archives de Louis Marin ont été léguées par son épouse aux Archives départementales de Moselle (14 J 1-15) ainsi qu’aux Archives du ministère des Affaires étrangères et européennes (fonds nominatif, n° 203). Enfin, le musée Guimet conserve aussi un fonds Louis Marin (consul au Yunnan de 1899 à 1902, Louis Marin a ramené de ses voyages en Asie centrale et en Extrême-Orient des notes ainsi que des photographies).
Né le 7 février 1871 à Faulx (Meurthe).
Député de Meurthe-et-Moselle de 1905 à 1942.
Ministre des Régions libérées du 29 mars au 14 juin 1924.
Ministre des Pensions du 23 juillet 1926 au 11 novembre 1928.
Ministre de la Santé publique et de l'Education physique du 9 février au 8 novembre 1934.
Ministre d'Etat du 8 novembre 1934 au 24 janvier 1936 et du 10 mai au 16 juin 1940.
Louis Marin est né dans un petit village lorrain situé dans cette partie de la Meurthe restée française après le traité de Francfort et devenue zone frontière. Son père, qui était notaire et originaire de Bruyères en Vosges, respecta la tradition lorraine du prénom paternel et du prénom unique donné au fils premier né. Privé de l'affection de sa mère morte à sa naissance, l'enfant grandit dans le climat pesant de la défaite, animé d'un sentiment national ardent et du désir d'effacer l'humiliation subie. Ses premières années furent celles des enfants du village dont il partageait les travaux et les jeux. Au contact de cette humble population paysanne, il contracta d'indéfectibles amitiés et fit pour toujours le choix de la simplicité et de la démocratie. Sa vie exemplaire fut placée sous le double signe de la pensée et de l'action.
Louis Marin révéla de bonne heure des aptitudes intellectuelles à la fois solides et originales. Après son certificat d'études, le jeune homme se retrouva, en 1881, au collège de la Malgrange, près de Nancy, vieil établissement renommé qui avait cependant laissé à Maurice Barrès un souvenir exécrable. Marin, lui, s'en accommoda fort bien. Il y fut un excellent élève.
Bachelier à 17 ans, il s'inscrivit d'abord à la Faculté de droit de Nancy avant de se rendre à Paris et de s'installer au quartier Latin. Hormis les mathématiques, il n'est pas de domaines du savoir qui l'aient alors laissé indifférent. Infatigable lecteur, il voulait tout étudier. Sa demeure, nous apprend Louis Madelin, n'était plus qu'une bibliothèque.
Mais le livre n'était pas son seul instrument de culture. Passionné des sciences humaines, il sentit rapidement la nécessité de prendre un contact direct avec le monde. En 1891, il visita l'Allemagne ; l'année suivante la Roumanie et la Serbie, puis l'Algérie ; en 1899, la Grèce, la Pologne, la Russie, la Scandinavie, l'Arménie, le Turkestan, l'Asie centrale, la Chine occidentale ; deux ans plus tard la Sibérie, la Mandchourie, la Corée, la Chine du nord, où il se trouvait lors de l'incendie et du pillage du Palais d'été à Pékin ; en 1902, l'Espagne et le Portugal ; en 1903, l'Asie mineure. Il s'agissait, non de voyages d'agrément, mais d'expéditions méthodiques conçues pour l'étude des civilisations et des rapports sociaux. Louis Marin, fortement marqué par les recherches de Le Play et de l'Ecole d'économie sociale, voulait apporter sa pierre à la construction de la science des faits sociaux.
Le sens du social, qui est sans doute le trait le plus caractéristique de la personnalité de Louis Marin, déterminait non seulement sa pensée mais aussi son comportement et faisait, bien vite, de cet étudiant un maître. Il avait commencé par organiser des cours de perfectionnement pour les instituteurs et institutrices du département de la Seine, et jamais par la suite il ne renonça à cet enseignement bénévole. Prenant rapidement une part active aux travaux de l'Ecole d'anthropologie qui avait été créée par Broca en 1876 et qui se tenait dans un recoin de l'ancien local du club des Cordeliers, il en devint le directeur à partir de 1923. Mais c'est à l'ethnographie, branche maîtresse de l'anthropologie, que son apport fut le plus précieux. En 1893, il avait adhéré à la société d'ethnographie créée par Claude Bernard ; il en devint membre perpétuel en 1900 et président en 1920. Son cours qu'il professa pendant plus de quatre décennies n'avait alors pas d'équivalent. Comme l'a écrit André François-Poncet dans une notice à l'Académie des sciences morales et politiques, son mérite est d'avoir « sinon découvert une nouvelle discipline, du moins de l'avoir considérablement enrichie et marquée d'une empreinte personnelle et durable ». Au milieu d'une foule d'articles, d'études, de commentaires et de relations de voyages, c'est surtout un ouvrage demeuré classique, le Questionnaire d'anthropologie, qui retient l'attention. Il s'agit d'un guide méthodique permettant à l'enquêteur d'analyser jusqu'au dernier degré de la minutie les petits faits sociaux caractéristiques de chaque civilisation.
Homme de réflexion, Louis Marin fut aussi un homme d'action qui choisit de bonne heure un engagement politique vers lequel le conduisaient son sentiment national et sa haute idée du devoir social. En 1903, il s'était inscrit à la fédération républicaine dès la fondation de cette association. Devenu député, il devait rester jusqu'au bout fidèle à ce choix initial, s'affiliant au groupe parlementaire de la fédération qui, désigné sous le vocable de groupe progressiste en 1905, prit le nom d'entente démocratique en 1914 et, en 1924, d'union républicaine démocratique. Il fut d'ailleurs choisi en 1924 comme président du groupe et, en 1925, comme président du parti.
En 1898, il avait écarté l'idée d'une candidature à la députation, s'estimant insuffisamment préparé. Et voilà qu'en octobre 1905, le décès du député de la 1re circonscription de Nancy, Jules Brice, provoqua une élection partielle à laquelle Louis Marin décida brusquement de se présenter sans solliciter l'investiture de la fédération, qui la lui aurait d'ailleurs refusée. Privé de ce soutien, il accomplit avec l'aide de quelques amis une tournée électorale à bicyclette et remporta sans coup férir sur ses six ou sept adversaires, obtenant 8.738 suffrages pour 15.222 votants.
Constamment réélu dans cette même circonscription et quel que fût le mode de scrutin, Louis Marin put ainsi poursuivre une carrière politique continue. Ce qui frappe dans les batailles électorales qu'il eut à soutenir, ce n'est pas tant la réussite que l'aisance de cette réussite. En 1906, il obtenait dès le premier tour de scrutin 10.056 voix sur 17.941 votants ; 10.380 sur 18.043 en 1910 ; 10.608 sur 18.309 en 1914 ; 11.345 sur 18.653 en 1928 ; 10.263 sur 19.834 en 1932 ; 9.655 sur 18.937 en 1936. Au scrutin de liste, les chiffres sont tout aussi éloquents : en 1919, il était second sur la liste emmenée par Albert Lebrun, lequel d'ailleurs avait refusé de céder à la pression de Clemenceau lui demandant de se séparer de son colistier ; la liste fut tout entière élue, Louis Marin obtenant pour sa part 60.449 voix pour 87.614 votants. En 1924, Albert Lebrun devenu sénateur, c'est Louis Marin qui conduisait au succès les sept candidats de la liste d'union républicaine et nationale en portant ses suffrages personnels à 71.508 pour 104.318 votants.
Sur le plan local, il exerça, à partir de 1910, le mandat de conseiller général du canton de Nomény et présida pendant dix-huit ans le Conseil général de Meurthe-et-Moselle. Lorrain par toutes les racines de son être, il attachait la plus grande importance à ses mandats locaux, et sa profonde conscience de la vocation spécifique de sa région le poussa à organiser une union des Conseils généraux des départements de l'Est.
Au Palais Bourbon, Louis Marin ne cessa jamais de jouer un rôle de premier plan. Elu secrétaire de l'assemblée en 1907 et 1908, il devint premier vice-président en 1923 et 1924. Bien qu'appartenant à la minorité, il fut désigné comme rapporteur général du budget de 1917 à 1919. Il fit partie de toutes les commissions importantes : budget, finances, comptes définitifs, réorganisation économique, affaires étrangères, enseignement, traités de paix, Alsace-Lorraine, suffrage universel, programmes électoraux et règlement. Il assura la présidence de la commission des marchés et des spéculations, de la commission extra-parlementaire des réformes, de la commission d'enquête, en 1931, sur l'affaire Oustric, présidences qui constituent un hommage rendu par la Chambre à son désintéressement et à sa probité.
Parlementaire modèle, il se jeta dans le travail politique comme il s'était jeté dans le travail professoral et scientifique. Il fut le député le plus assidu, le plus attentif, acceptant toutes les corvées et les missions les plus délicates. Les archives de la Chambre enregistrent qu'il a déposé, entre 1905 et 1940, près de 250 propositions de loi ou de résolution et autant de rapports. Présent à toutes les séances, il se tenait assis sur les bancs du centre droit, reconnaissable à ses moustaches gauloises d'un blond tirant sur le roux, à son veston uniformément bleu, serré comme un dolman, à sa lavallière à pois blancs, à ses bottines comportant toujours trois œillets très espacés et six crochets. Ses interventions ne peuvent se compter ; il les faisait d'une voix un peu sèche, avec un débit d'une extrême rapidité qui désespérait les sténographes. Sans être particulièrement éloquent, il parvenait à ébranler son auditoire par la cohérence de son argumentation, la précision de ses références et la répétition de ses idées. Cette bouillonnante activité parlementaire ne l'empêchait pas d'assurer, outre ses tâches d'enseignant et de chercheur, ses fonctions de dirigeant de la fédération républicaine. Il fonda en 1925 un organe hebdomadaire La Nation, dont il rédigeait régulièrement l'éditorial.
Sur le plan politique, sa place était dans les rangs de la droite. En fait, nulle position - mieux que la sienne ne montre la relativité de ces notions de droite et de gauche dans la vie politique française. Louis Marin était, si l'on veut, de droite par son libéralisme économique, par son nationalisme aussi, et surtout par son adhésion farouche au principe de la liberté de l'enseignement. Mais ce républicain fervent, fermement acquis au régime parlementaire, se prononçait pour le suffrage des femmes, pour les congés de maternité, pour le libre salaire de la femme mariée, pour l'égalité de condition entre les hommes et les femmes fonctionnaires, pour le repos hebdomadaire, les congés payés, la gratuité de l'enseignement à tous les degrés, l'assistance aux familles nombreuses et la construction d'habitations à bon marché. En réalité, comme l'a très bien dit François-Poncet qui en a dressé un excellent portrait politique, c'était un modéré, un homme de centre, un libéral capable, à l'occasion, de grandes hardiesses de pensée.
Ses premières interventions témoignent de la lucidité d'un homme politique en avance sur l'événement. Il réclamait dès 1906 le droit à réparation pour les victimes de dommages de guerre et il put ainsi être désigné par Gaston Jèze comme le père de la loi de 1919 sur les réparations. L'appréhension de la guerre dominait alors son comportement. Il demanda instamment - et finit par obtenir - que les hauteurs du Grand-Couronné, en avant de Nancy, soient mises en état de défense ; les fortifications, d'ailleurs inachevées lorsque survint la guerre, contribuèrent à favoriser la résistance de nos troupes pendant que se livrait la bataille de la Marne.
Engagé volontaire en août 1914 au 24e bataillon de chasseurs, il continua d'exercer son mandat législatif, apportant son soutien au gouvernement et manifestant sa confiance en la victoire. En novembre 1918, cependant, il n'approuva pas la signature de l'armistice car il estimait préférable de livrer la bataille de Lorraine, dont les préparatifs étaient achevés et qui aurait acculé l'ennemi à la capitulation. Quelques mois plus tard, le 19 et le 23 septembre 1919, il dressa contre le traité de Versailles, dans un discours fleuve étendu sur deux séances de la Chambre, un réquisitoire retentissant, que Clemenceau ressentit comme un insulte. Le député de Nancy reprochait au traité de laisser subsister le militarisme prussien, de ne pas nous donner la frontière militaire du Rhin et de ne contenir aucune garantie sérieuse quant au paiement des réparations. Il insistait sur le caractère réel des concessions faites par la France et le caractère simplement hypothétique des avantages obtenus en contrepartie - et l'on ne peut dire que sur ce point, dans la querelle qui l'opposa alors à André Tardieu, l'histoire lui ait donné tort. Ce discours lucide et courageux n'emporta pas la conviction et Louis Marin, avec son ami Franklin-Bouillon, fut le seul des députés modérés à voter contre le projet de ratification.
La succession des événements ne tarda pas à confirmer ses craintes. Il dénonça sans relâche les manquements de l'Allemagne aux clauses de désarmement et de réparations, approuvant avec vigueur les sanctions décidées par Raymond Poincaré. Il combattit les accords de Locarno parce qu'ils ne garantissaient pas les frontières des pays alliés, Tchécoslovaquie et Pologne, et parce qu'ils mettaient désormais l'Allemagne à l'abri des sanctions militaires. Adversaire de la politique de réconciliation d'Aristide Briand et de l'évacuation anticipée de la Rhénanie, il n'obtint que peu d'écho à la Chambre qui jugeait son opinion respectable mais trop systématiquement pessimiste. En revanche, il fut suivi par l'assemblée lorsqu'il défendit, en 1932, contre Edouard Herriot, la thèse selon laquelle la France n'avait pas à payer les sommes qu'elle devait aux Etats-Unis. Après l'avènement du régime hitlérien, Louis Marin multiplia ses efforts pour faire partager à ses collègues la conscience du danger. Convaincu que la guerre était inévitable, il aurait voulu que la France s'y préparât, non seulement par un renforcement de ses moyens militaires mais aussi par un effort de renouvellement de ses institutions. Lors de la discussion, en 1938, de la loi sur l'organisation de la Nation en temps de guerre, il fut sans cesse sur la brèche, essayant sans grand succès d'obtenir une meilleure coordination des instances politiques et militaires.
Depuis 1924-1925, le président national de la fédération républicaine était devenu une personnalité politique de premier rang. Ministre des Régions libérées en 1924 dans le 3e cabinet Poincaré et dans l'éphémère cabinet François-Marsal, il se vit confier le ministère des Pensions lors du retour de Poincaré en 1926. Leader de l'opposition contre Briand, contre Tardieu et contre Herriot, il obtint de Gaston Doumergue en 1934 le portefeuille de la Santé publique. Il fut ensuite ministre d'Etat dans les cabinets Flandin en 1934, Bouisson en 1935, Laval en 1935-1936 et Paul Reynaud en 1940. Sans doute ne détint-il jamais de grands portefeuilles mais, par un privilège singulièrement honorable, il suffisait de sa présence au sein d'un gouvernement pour que celui-ci put se réclamer de l'union nationale.
Louis Marin représenta le gouvernement français aux obsèques de la reine Astrid ; à la réception du cardinal Pacelli comme légat pontifical ; au sacre du pape Pie XII ; à l'exhumation à Nancy des cendres du maréchal Liautey et à leur transfert à Rabat.
En 1940, à l'heure de l'épreuve, ministre d'Etat dans le cabinet Paul Reynaud, il fut l'un des adversaires les plus résolus de l'armistice. Plus tard, dans une étude publiée sous le titre Contribution à l'étude des prodromes de l'armistice, il a montré que cette solution, tenue pour nécessaire par le commandant en chef, n'avait trouvé au sein du Conseil, le 16 juin, que neuf partisans contre quinze et qu'ainsi le président du Conseil n'avait pas été abandonné par ses collègues du cabinet. Quant à lui, fidèle à sa ligne d'action, il ne voulut participer ni au débat, ni au vote qui, le 10 juillet 1940, conférèrent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Né le 7 février 1871 à Faulx (Meurthe-et-Moselle)
Décédé le 23 mai 1960 à Paris (Seine)
Député de Meurthe-et-Moselle de 1905 à 1942
Ministre des régions libérées du 29 mars au 14 juin 1924
Ministre des pensions du 23 juillet 1926 au 11 novembre 1928
Ministre de la santé publique et de l'éducation nationale du 9 février au 8 novembre 1934
Ministre d'Etat du 8 novembre 1934 au 24 janvier 1936 et du 10 mai au 16 juin 1940
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Meurthe-et-Moselle)
Député de Meurthe-et-Moselle de 1946 à 1951
(Voir première partie de la biographie dans le Dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, Tome VII, page 2371).
Louis Marin quitte ses fonctions de ministre d'Etat le 16 juin 1940 et, partisan de la poursuite du combat, ne veut participer ni au débat ni au vote qui, le 10 juillet 1940, confère les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Il choisit la voie de la résistance et de la clandestinité, participant notamment, lui le symbole de la droite catholique républicaine, mais avec de nombreux autres non-communistes, au mouvement de résistance « Front National ». Capitaine des Forces françaises de l'intérieur (FFI), membre de plusieurs réseaux de renseignements militaires et de résistance, il gagne Londres le 10 avril 1944, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Gestapo.
Pour sa conduite durant l'occupation, l'ancien ministre et député, savant septuagénaire, et qui sera nommé président d'honneur des parlementaires résistants, reçoit la Légion d'honneur à titre militaire et la Croix de guerre avec palme, ainsi que la médaille de la résistance (1945). Les Américains lui décernent, à la Libération, le diplôme de l'OSS (Office of Strategic Services, le service de renseignement des Etats-Unis pendant la guerre).
Louis Marin devient membre de l'Assemblée consultative provisoire (1944 -1945) et, à la Libération, le général de Gaulle lui offre de participer au gouvernement provisoire, offre qu'il décline. Du fait de sa réputation et de son âge, Louis Marin est un acteur important du procès de Philippe Pétain en juillet et août 1945, qui aboutit à condamner le maréchal à la peine de mort, à l'indignité nationale et à la confiscation de ses biens, la Cour émettant le vœu que la sentence de mort ne soit pas exécutée.
Il reprend ses activités habituelles, la recherche et l'enseignement, et il est nommé membre de l'Institut, à l'Académie des sciences morales et politiques, le 27 novembre 1944. Il reprend également son rôle de directeur de journal. La Nation, hebdomadaire qu'il avait fondé en 1925, et qui avait disparu en 1940, devient un quotidien du matin, en 1945 et 1946 ; Louis Marin y publie de longs éditoriaux.
Il ne renonce pas pour autant à sa carrière politique. Il est réélu à ses fonctions de conseiller général du canton de Nomeny et de président du conseil général de Meurthe-et-Moselle dès 1945. Le 21 octobre, il se présente aux élections de l'Assemblée nationale constituante, en tête d'une liste d'Union nationale démocratique. Cette liste obtient 16 % des suffrages exprimés, et Louis Marin est élu à la plus forte moyenne.
L'historien et ethnographe, mais aussi ancien ministre, pendant ce mandat de constituant et celui qui le suit (de juin à octobre 1946), s'intéresse activement aux questions d'organisation des pouvoirs publics, de réparations de guerre et de relations internationales - il siège en effet à la Commission des affaires étrangères au cours des deux constituantes. Ainsi dès le 27 décembre 1945, il dépose une proposition de loi tendant à abroger les textes qui autorisent les gouvernements à réaliser par décret des manipulations monétaires et notamment des dévaluations ; il déposera ce même texte à nouveau en 1948. Le 30 décembre 1945, le député de Meurthe-et-Moselle, venu d'un département très touché par la guerre, dépose une proposition de loi tendant à la réparation des dommages de guerre, dépôt qu'il renouvelle dans la seconde Assemblée nationale constituante le 26 juin 1946 ; quelques semaines plus tard, en juillet, il interpelle le gouvernement sur son retard à déposer le projet de loi sur la réparation intégrale des dommages de guerre.
Ses plus longues interventions à la tribune sont réservées à la politique étrangère : le 16 janvier 1946, il interpelle le gouvernement sur la question des frontières occidentales de l'Allemagne et expose aux autres constituants les raisons historiques et théoriques - les « bases d'invasion » dont l'Allemagne se sert pour envahir ses voisins - pour lesquelles la rive gauche du Rhin doit être occupée par la France. « Je ne vous apprendrai rien en disant que les négociations de 1919 ont porté essentiellement, entre de nombreux problèmes territoriaux, spécialement sur la question de la rive gauche du Rhin, à ce moment-là reconnue comme base d'invasion essentielle de l'Allemagne vis-à-vis de nous, depuis des millénaires. Ce problème était tellement le centre des négociations que le plus grand succès que Clemenceau reconnaissait avoir acquis pendant ces longues et âpres négociations de paix était d'avoir amené les chefs d'Etat alliés à accepter que la rive gauche du Rhin fût détachée de l'ensemble de l'Allemagne. » Mais, explique Louis Marin, ce succès de Clemenceau lui échappa lorsque Woodrow Wilson voulut lâcher du lest face à un Congrès américain réticent ; et il dut accepter d'y renoncer au bénéfice d'un double pacte de garantie, britannique et américaine, qui lui-même s'évanouit avec le rejet du Traité de Versailles et des autres traités par le Congrès en 1920.
Il s'agit, pour le député lorrain qui avait déjà défendu avec passion cette même cause en 1919, de ne pas répéter les erreurs de l'après-guerre. « Nous demandons que, sur la rive gauche du Rhin, il ne subsiste plus un seul soldat allemand, une seule fabrique allemande d'armements, et qu'il n'y ait plus, dans notre zone, sur ce territoire, que des soldats et des armements français, seuls garants de la défense de la France. Nous le demandons, non seulement pour l'intérêt et la sécurité de la France, mais aussi pour l'intérêt et la sécurité du monde entier. »
Le 2 juin 1946, Louis Marin se présente pour la seconde Assemblée nationale constituante, cette fois comme tête d'une liste du Rassemblement républicain de la liberté. Son score s'améliore nettement, puisqu'il atteint cette fois 28 % des suffrages exprimés, ce qui permet l'élection de son second de liste, Pierre André.
Inscrit au groupe des Républicains indépendants, Louis Marin, outre la Commission des affaires étrangères, siège à la Commission du règlement et des pétitions, et il est désigné juré à la Haute Cour de justice. Il intervient activement, par ses dépôts et ses amendements, pour tenter d'imposer certains principes qui lui tiennent à cœur dans le second projet de texte constitutionnel en débat. Il souhaite notamment défendre les électeurs contre les manipulations de la loi électorale par les pouvoirs publics et contre le pouvoir des partis, en inscrivant dans la Constitution quelques articles « généraux et simples » qui garantissent les droits de l'électeur et empêchent les manipulations de tous ordres - ceci expliquera son opposition aux apparentements en 1951. « La discipline des partis, note-t il ce 3 septembre 1946, est une chose excellente en soi. Poussez-la à l'extrême et vous arriverez également à d'autres catastrophes. » Pour prévenir ces catastrophes, Louis Marin préconise le panachage, afin que l'électeur ne soit pas limité dans ses choix par les partis. Mais sa suggestion d'introduire le panachage aux côtés du scrutin de liste à la proportionnelle, en permettant à des candidats non investis par les partis de se présenter, est massivement repoussée par les partis politiques.
La solution alternative qu'il offre à la constitutionnalisation des droits de l'électeur - que les changements de loi électorale soient soumis au référendum afin que l'électeur se prononce directement sur la manière dont il souhaite voter - est également repoussée par ses pairs, non sans un débat de très haute volée. C'est aussi le sort qui attend trois autres propositions de Louis Marin pour affaiblir la toute-puissance des partis dans ce projet de Constitution, la première tendant à rendre l'exercice du droit de vote obligatoire, la seconde à sanctionner lourdement toute fraude ou pression électorale, et la troisième à établir le vote personnel et secret à l'Assemblée.
Louis Marin, mécontent des projets de constitution votés par les deux assemblées successives en 1946, s'oppose à chacun d'entre eux, le 19 avril et le 28 septembre 1946. Mais le second projet est adopté à la fois par la Constituante et par le peuple français, et le 10 novembre 1946, pour les élections à la première législature, Louis Marin se présente aux suffrages de ses concitoyens, et son score progresse une nouvelle fois grandement. La liste du Rassemblement républicain et gaulliste de la liberté qu'il propose aux électeurs de Meurthe-et-Moselle totalise cette fois 37 % des suffrages exprimés, ce qui permet l'élection de Pierre André et Jean Crouzier, respectivement second et troisième sur cette liste.
Louis Marin retrouve donc les bancs de l'Assemblée nationale, où il continue de siéger avec les Républicains indépendants. Il retrouve aussi les deux commissions où il a travaillé récemment, de même que la Haute cour de Justice. Il y ajoute les fonctions de membre de la Commission de l'éducation nationale, de la Commission de la comptabilité, et de la Commission chargée d'enquêter sur les événements survenus en France de 1933 à 1945.
Louis Marin continue à défendre les intérêts des sinistrés, dont il a de si nombreux exemples dans son département. Le 23 décembre 1946, présentant ses articles additionnels visant à permettre aux sinistrés de contracter des emprunts en vue de la reconstruction, il déclare à André Philip, ministre de l'économie : « Les sinistrés ont donné au monde politique un bel exemple. Ils se sont solidarisés avec leurs amis, et c'est en défendant leurs amis qui les défendaient qu'ils vous attaquent depuis lors. Vous avez, aujourd'hui, une occasion de vous racheter à leurs yeux. » Il explique son point de vue : « Dans cette pénurie générale dans l'ensemble de notre peuple, qu'est-ce qui se passe, pour qui connaît les villages sinistrés ? Des quantités de communes ont tout ce qu'il leur faut comme matériaux pour bâtir, comme ouvriers, même comme ouvriers qualifiés. Il leur manque une chose : l'argent. Faut-il vous citer les innombrables endroits où les matériaux sont là et où l'entrepreneur ne peut les mettre en œuvre parce que l'Etat ne lui donne pas l'argent qu'il a promis ? » Mais André Philip combat cette proposition inspirée d'une loi de 1919, car il la juge inflationniste.
Le député de Meurthe-et-Moselle consacre également beaucoup d'attention aux questions scientifiques et d'enseignement supérieur. Il se préoccupe ainsi, en juillet 1948, du régime des retraites des professeurs artistes de l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts ; en 1950, il dépose une proposition de loi tendant au transfert au Panthéon du corps du professeur Hyacinthe Vincent. Ayant pris part aux travaux de la Commission d'enquête sur les événements survenus en France de 1933 à 1945, il oeuvre en faveur des résistants et dépose en 1951, des propositions de résolution tendant à inviter le gouvernement à établir, pour les deux guerres mondiales, un Livre d'or rappelant le souvenir des victimes civiles et leurs souffrances, de même qu'un Livre d'or à la gloire des combattants tombés pour la défense et la libération de la France.
Il intervient à de nombreuses reprises à la tribune, très souvent sur des questions de politique étrangère qu'il connaît bien. Il répète ainsi, à l'occasion des préparatifs de la conférence de Moscou en 1947, sa méfiance de l'Allemagne et son scepticisme sur les entreprises de dénazification qui selon lui prendront plus de temps que prévu - malgré les propos rassurants de René Capitant, de retour d'Allemagne pour la Commission d'enquête sur le sujet. Il défend une position très dure à l'égard de l'Allemagne, afin d'éviter que l'histoire ne se répète.
« Qu'ont fait les grandes nations ? Elles ont confié l'épuration aux tribunaux allemands. [...] Les jeunes filles âgées aujourd'hui de 17 ans ont subi l'éducation imposée par le régime totalitaire hitlérien. Ces fillettes ou ces adolescentes qui seront mères dans quelques années élèveront leurs enfants comme elles ont été élevées elles-mêmes, selon les principes imposés par le régime hitlérien. [...] Tout est remis entre les mains des Allemands, notamment les pouvoirs municipaux, qui sont bien plus importants qu'en France. D'autre part, je le répète, vouloir renforcer l'unité administrative et, encore plus, l'unité politique de l'Allemagne, sont deux fautes très lourdes. »
Louis Marin vote pour la question de confiance au gouvernement le 4 mai 1947, jour où Paul Ramadier se sépare de ses ministres communistes. Il s'oppose au projet de loi sur le statut de l'Algérie (27 août 1947). En politique étrangère, il refuse de ratifier la convention de coopération économique organisant l'aide du plan Marshall à la France (juillet 1948), de même qu'il rejette la constitution du Conseil de l'Europe le 9 juillet 1949 ; mais il se prononce en faveur de la ratification du Pacte de l'Atlantique quelques semaines plus tard (26 juillet 1949). Hostile, comme il a été noté, aux manipulations de la loi électorale, il se prononce contre le projet de loi sur les apparentements le 7 mai 1951, projet modifiant les règles relatives aux élections en faveur de la troisième Force.
Cette loi ne modifie d'ailleurs pas sensiblement l'arithmétique électorale en Meurthe-et-Moselle le 17 juin 1951, et c'est bien plutôt l'arrivée du RPF et la puissance de la liste Indépendants et paysans, menée par les anciens colistiers de Louis Marin, qui permettent d'expliquer son échec aux secondes élections législatives de la Quatrième République. L'académicien forme un apparentement entre sa liste Républicains démocrates - MRP et la liste du socialiste Pierre-Olivier Lapie, mais cet accord ne leur confère pas d'avantage supplémentaire. Sa liste obtient 21 804 votes (mais sur son nom se portent 25 004 voix), soit 9,1 % des suffrages exprimés, tandis que celle de Pierre-Olivier Lapie en obtient 11,6 %, suffisamment pour décrocher un mandat. Pierre André et Jean Crouzier, qui ont pris la tête de la liste Indépendants et paysans et obtiennent 23,6 % des suffrages exprimés, de même que Philippe Barrès et Napoléon Cochart, sur la liste RPF qui en obtient 23,1 %, auraient été élus sans l'apparentement qu'ils ont conclu, tandis que les communistes conservent leur siège.
Louis Marin connaît un second échec qui assombrit la fin de sa carrière politique, aux élections au Conseil de la République pour la Meurthe-et-Moselle, le 18 mai 1952 : il est battu par Pierre de Chevigny, investi par les Indépendants et paysans. Il abandonne en 1952 la présidence du Conseil général de Meurthe-et-Moselle qu'il occupait depuis 1934, de même que son mandat de conseiller en 1955.
Sa carrière scientifique se poursuit cependant : Louis Marin continue à enseigner et publie de nombreux livres politiques de réflexion sur l'entre-deux guerres et les régimes totalitaires, mais aussi des œuvres morales, historiques, ethnographiques, etc. En 1957, il préside l'Académie des sciences morales et politiques. Ses titres d'après guerre sont innombrables : professeur à l'Ecole d'anthropologie, il est président adjoint de l'Institut international d'anthropologie, de l'Association pour l'enseignement des sciences anthropologiques, de la société d'ethnographie de Paris, de la société pour la propagation des langues étrangères en France, ainsi que du comité international pour la moralisation, la diffusion littéraire, scientifique, artistique, par le cinématographe. Membre de l'Académie diplomatique et de l'Académie des sciences d'outre-mer, il dirige les revues de l'Ecole d'anthropologie, de la société d'ethnographie de Paris et de la société de géographie commerciale.
Ses titres militaires et civils sont tout aussi impressionnants : outre la Légion d'honneur et la Croix de guerre, Louis Marin, chevalier du mérite social, est, à la fin de sa vie, titulaire de la médaille d'or de l'Assistance publique, de l'Education physique, de l'Hygiène publique, mais aussi, à l'étranger, grand-croix du Dragon d'Annam, du Ouissam Alaouite, grand-croix de l'Etoile de Roumanie, de la renaissance de Pologne, de la Couronne de Belgique, de Serdar d'Ala d'Afghanistan, d'Isamaïl d'Egypte, de Saint-Sava de Serbie, du Christ de Portugal, du Lion blanc de Tchécoslovaquie, de l'Aigle blanc de Yougoslavie, de la République espagnole, et de l'Ordre de Pie IX.
Louis Marin, resté célibataire toute sa vie, s'éteint à Paris en 1960, à l'âge de quatre-vingt neuf ans. Son nom sera attribué à une place de Paris, non loin de la Sorbonne, sur le boulevard Saint-Michel, de même qu'à plusieurs espaces publics et monuments en Meurthe-et-Moselle ; chaque année, un prix Louis Marin est décerné par l'Institut en mémoire de la carrière scientifique et politique exceptionnelle de ce grand ethnographe.