Pierre Marquand-Gairard
1902 - 1972
MARQUAND-GAIRARD (Pierre, Marie, Henri)
Né le 11 février 1902 à Marseille (Bouches-du-Rhône)
Décédé le 3 décembre 1972 à Marseille
Député des Bouches-du-Rhône de 1962 à 1967
Pierre Marquand-Gairard naît à Marseille au début du XXème siècle, dans une vieille famille provençale. Ayant achevé ses études secondaires, il étudie le droit à la Faculté de Lyon, y obtient une licence, puis effectue une année de service militaire. Seule note extra-provençale d’un état-civil strictement marseillais, c’est à Nice qu’il se marie en 1926. Son épouse, Louise Rossi, a en effet grandi dans cette ville, qu’une rivalité pluriséculaire oppose à Marseille. Pierre Marquand-Gairard travaille au sein de l’entreprise paternelle de négoce en bois de tonnellerie et de location de futailles pour le transport du vin dans les années 1930. Mobilisé en 1938, puis à nouveau en septembre 1939, il vit la drôle de guerre dans les Alpes, au sein d’une unité d’artillerie lourde, puis est rendu à la vie civile après l’armistice signé à Rethondes, le 22 juin 1940. Son attitude pendant l’Occupation n’est pas aisée à définir, faute de sources.
A la Libération, il s’affirme très tôt comme gaulliste et regrette la démission du Gouvernement provisoire de l’homme du 18 juin. Inscrit au RPF dès son lancement dans les Bouches-du-Rhône, il figure sur la liste que conduit le docteur Michel Carlini pour le mouvement gaulliste, à l’occasion des élections municipales d’octobre 1947, à Marseille. La faveur des urnes lui permet de devenir adjoint au maire au lendemain du scrutin. La municipalité gaulliste et les communistes s’affrontent durement dans la capitale provençale sous la IVème République. Le 12 novembre 1947, l’ancien maire communiste de la ville, Jean Cristofol, entendant protester contre le procès de quatre militants communistes arrêtés au cours d’une manifestation, y lance une attaque contre le Palais de Justice. Du temple de la loi, les militants du PCF passent bientôt à l’Hôtel de Ville, qu’ils mettent à sac, blessant au passage le maire Michel Carlini. C’est à Marseille, ville-symbole de sa lutte contre le communisme, que le RPF tient ses premières Assises nationales, les 16 et 17 avril 1948. Nommé en janvier 1949 délégué à la Propagande du RPF pour l’arrondissement de Marseille, Pierre Marquand-Gairard est en première ligne du face-à-face tendu entre communistes et gaullistes, qui se résout parfois dans la violence.
Non candidat aux législatives du 17 juin 1951, Pierre Marquand-Gairard est réélu conseiller municipal en 1953 et accepte de rejoindre l’équipe du maire Gaston Defferre en qualité d’adjoint. Cette décision surprend certains de ses compagnons du RPF, d’autant que la majorité municipale comprend également des radicaux, des membres de l’UDSR et du MRP. Pierre Marquand-Gairard rejoint les Républicains sociaux de Jacques Chaban-Delmas tout en demeurant membre du RPF après 1954. Il emmène une liste se réclamant du Centre national des Républicains sociaux avec un autre adjoint de Gaston Defferre, Hugues Tatillon, lors des élections législatives du 2 janvier 1956, dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône (arrondissement de Marseille, moins le canton de Roquevaire). La tentative se révèle peu payante. Avec 4 452 voix en moyenne, soit 1,3% des suffrages exprimés, les gaullistes obtiennent le plus mauvais résultat des listes en présence. Le RPF avait pourtant rassemblé 25,3% des voix cinq ans plus tôt. Cet insuccès et sa collaboration avec Gaston Defferre marginalisent pour un temps Pierre Marquand-Gairard au sein de la famille gaulliste à Marseille.
Il se réjouit du retour au pouvoir du général de Gaulle en juin 1958 mais redoute que les soutiens du nouveau pouvoir se limitent, à terme, aux forces conservatrices représentées par un Jacques Soustelle ou un Michel Debré. Ces raisons l’amènent à rejoindre le Centre de la Réforme républicaine : créé le 23 juillet 1958, il s’agit de la première organisation se réclamant explicitement d’un gaullisme de gauche. Face aux refus d’André Malraux ou d’Edmond Michelet, les principales personnalités en sont Henri Frenay, les députés Paul Alduy et Jean de Lipkowski. En novembre 1958, le Centre de la Réforme républicaine accorde son investiture à 83 candidats, mais seuls 35 font ensuite campagne sous cette unique étiquette. Pierre Marquand-Gairard est de ceux-là, qui se porte candidat à un siège de député dans la septième circonscription des Bouches-du-Rhône. Ce découpage correspond au troisième arrondissement de Marseille. La palme du gaullisme lui est disputée dans ce secteur par Joseph Barbier, un officier soutenu par l’UNR. Au premier tour, ce dernier devance Pierre Marquand-Gairard de 3 403 suffrages (7987 voix contre 4584, soit 21,9% et 12,6%), mais c’est le sortant communiste Paul Cermolacce qui s’impose finalement le 30 novembre 1958.
Non réélu en 1959 pour cause de désaccord avec un Gaston Defferre qui critique vigoureusement le pouvoir gaulliste, l’ancien délégué à la propagande du RPF à Marseille reste toutefois très impliqué dans la vie politique municipale. En novembre 1962, il tente sa chance dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône, qui couvre le premier arrondissement de Marseille. Le sortant Henri Bergasse, qui avait été élu en 1958 sous l’étiquette du Centre national des Indépendants et paysans (CNIP), avec le soutien de l’UNR au second tour, ne sollicite pas le renouvellement de son mandat. Le flambeau des Indépendants est repris par l’avocat Théo Lombard, suppléant d’Henry Bergasse en 1958. Pierre Marquand-Gairard bénéficie pour sa part de l’investiture de l’UNR et de l’Union démocratique du Travail (UDT). Dans sa profession de foi, il rejette l’assimilation du gaullisme à « une opinion politique » et le définit comme « une habitude d’esprit » qui interdit d’abord « l’opportunisme et l’immobilisme ». Pierre Marquand-Gairard dépeint ses adversaires sous un jour peu favorable dans ce document électoral : les communistes s’y trouvent assimilés à des « champignons non comestibles qui poussent sur un lit de misère et d’injustice », tandis que les socialistes sont décrits comme opportunistes, tantôt d’un « rouge vif » et « prêts à refaire le Front populaire », tantôt « à peine roses, libéraux et défenseurs de toutes les libertés, y compris celle du commerce ». L’attitude du CNIP à l’égard de De Gaulle est en outre fustigée par l’ancien conseiller municipal. Il voit les élus CNIP comme des « caméléons » qui souhaitent revenir à la IVème République, en exploitant au besoin la détresse des rapatriés pour affaiblir le gaullisme politique. Favorable à une répression sévère des « factieux » de l’OAS, Pierre Marquand-Gairard appelle les Marseillais à choisir « l’Unité nationale » contre « le régime de malheur ». Dans un département qui a rejeté l’élection du Président de la République au suffrage universel à une nette majorité (54,7%) le 28 octobre 1962, le gaullisme ne fait pourtant pas figure de martingale électorale. Le 18 novembre 1962, 9292 voix se portent sur Pierre Marquand-Gairard (32,3%), que devance Théo Lombard (33,1%). Une semaine plus tard, le candidat gaulliste est élu député par les électeurs de la première circonscription des Bouches-du-Rhône. Ce succès est acquis à une très faible majorité (37,6%) dans le cadre du triangulaire.
Pierre Marquand-Gairard s’inscrit au groupe de l’UNR-UDT à l’Assemblée nationale dès décembre 1962. Il siège à la Commission de la production et des échanges du Palais-Bourbon de la fin 1962 à avril 1964, puis à la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Chargé en 1963 d’un rapport concernant la modification des droits de douane à l’importation, il ne paraît cependant guère impliqué dans le travail législatif, en commission ou dans l’hémicycle. Sa seule intervention en séance publique, le 13 décembre 1962, lui permet d’exercer son humour aux dépens du député socialiste du Pas-de-Calais Fernand Darchicourt. Alors que celui-ci, ancien mineur, déclare appartenir « à une catégorie de travailleurs qui n’a pas la mémoire courte », l’élu marseillais l’interrompt pour compléter in petto «… mais qui a un poil dans la main ». Ce propos suscite les rires des députés UNR, tandis que leurs collègues de l’opposition s’indignent de la plaisanterie.
Les votes du député provençal ne se distinguent guère de ceux du groupe UNR-UDT sous la deuxième législature de la Vème République. Il autorise la ratification du traité de l’Elysée (13 juin 1963), approuve l’encadrement de l’exercice du droit de grève dans les services publics (26 juillet 1963) mais ne prend pas part au vote modifiant les modalités de session du Parlement (20 décembre 1963). Il se prononce en faveur de la loi le service national (26 mai 1965).
En mars 1967, Pierre Marquand-Gairard se présente aux élections législatives avec l’investiture du Comité d’Action pour la Vème République. La première circonscription des Bouches-du-Rhône est la seule à avoir donné une majorité à Charles de Gaulle au second tour des élections présidentielles de décembre 1965 (54,1%). Les dirigeants de l’UD-Vème République considèrent ce secteur comme « favorable ». Pierre Marquand-Gairard y arrive logiquement en tête du premier tour avec 30,5% des suffrages exprimés malgré la concurrence d’un gaulliste dissident et de plusieurs modérés. Comme beaucoup de candidats de la majorité, il est victime au second tour de la qualité des reports de voix entre les différentes composantes de l’opposition. Bastien Leccia, investi par la FGDS, réalise en effet une progression de 10 839 voix entre les deux tours de scrutin, contre 6 123 seulement pour Pierre Marquand-Gairard. Le désistement de la communiste Marcelle Bouvet, qui devançait pourtant Bastien Leccia à l’issue du premier tour, permet à ce dernier de défaire Pierre Marquand-Gairard le 13 mars 1967, avec le soutien de 50,6% des électeurs.
L’ancien député gaulliste s’éteint cinq ans plus tard, âgé de soixante-dix ans.