Jean Masson
1907 - 1964
Né le 8 septembre 1907 à Bayon (Meurthe-et-Moselle)
Décédé le 10 août 1964 à Calvi (Corse)
Membre de la seconde Assemblée nationale constituante (Haute-Marne)
Député de la Haute Marne de 1946 à 1958 Secrétaire d'Etat à l'éducation nationale, chargé de l'enseignement technique, de la jeunesse et des sports, du 20 janvier 1952 au 28 juin 1953.
Secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil, chargé de la fonction publique, du 30 juin au 12 novembre 1954
Ministre des anciens combattants et victimes de guerre du 3 septembre 1954 au 23 février 1955
Secrétaire d'Etat aux affaires économiques du 1er février 1956 au 13 juin 1957
Jean Masson est né en Meurthe-et-Moselle le 8 septembre 1907, d'un père trésorier payeur général de son état, originaire de la Haute-Marne. De solides études juridiques mènent le jeune Jean Masson jusqu'au doctorat en droit ; il devient avocat au barreau de la Haute-Marne et, plus tard dans sa carrière, exercera les fonctions de bâtonnier de l'ordre. Il se marie à Mademoiselle Demonsang ; un fils naîtra de cette union.
Lieutenant de réserve de l'armée de l'air, Jean Masson se distingue au cours de la seconde guerre mondiale : il reçoit, à la Libération, la croix de guerre 1939 -1945 et sera fait chevalier de la Légion d'honneur.
Il se lance alors dans la politique : élu maire de Chaumont le 18 mai 1945, il y ajoute la charge de conseiller général de Haute-Marne le 30 septembre suivant. Il sera réélu à ces deux fonctions jusqu'en 1958 et présidera jusqu'à cette date l'association amicale des maires de Haute-Marne.
Jean Masson vise également des charges nationales : cette même année 1945, il se présente aux suffrages de ses concitoyens aux élections à l'Assemblée constituante du 21 octobre, comme tête de liste radicale-socialiste ; mais celle-ci atteint seulement 13 786 des 87 989 suffrages exprimés, score insuffisant pour obtenir l'un des trois sièges en jeu. La liste MRP l'emporte largement, devant les communistes et les socialistes, presque à égalité avec environ 18 000 voix.
Le premier projet de Constitution ayant été rejeté, c'est sous l'étiquette du Rassemblement des gauches républicaines que Jean Masson, tête de liste, tente à nouveau sa chance le 2 juin 1946 à la seconde l'Assemblée nationale constituante. Le MRP de Haute-Marne, perd plus d'un quart de ses électeurs, mais parvient à conserver son siège, tandis que la SFIO, qui connaît un recul similaire, perd le sien. Cette situation profite directement à la liste RGR qui arrive en tête, avec 23 780 des 89 909 suffrages exprimés, soit une progression de 10 000 voix.
Jean Masson, tête de la liste RGR victorieuse, fait donc son entrée au Palais-Bourbon : son élection est validée le 13 juin 1946. Il est nommé membre de la Commission de l'agriculture et de la Commission du ravitaillement ; il est également nommé juré à la Haute cour de justice. Pendant les quelques mois que dure cette assemblée constituante, Jean Masson dépose trois propositions de résolution et une proposition de loi : il souhaite notamment inciter le gouvernement à faire procéder à la relève des combattants d'Indochine.
Il intervient à plusieurs reprises à la tribune, s'intéressant particulièrement au projet de nouvelle Constitution. Le 28 septembre 1946, par exemple, il défend son amendement visant à insérer dans le préambule du nouveau texte la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « le meilleur moyen de réaffirmer ces droits et ces libertés, estime-t-il, c'est encore, non seulement, les rappeler à ceux qui déjà les connaissent, mais encore de les apprendre à ceux qui pourraient les ignorer. Et vous me permettrez de penser qu'il en existe ! »
Estimant le texte insatisfaisant en l'état, avec 106 autres représentants du peuple, Jean Masson vote contre l'adoption du nouveau projet de constitution, ce même 28 septembre 1946. Celui-ci est cependant adopté par la seconde Assemblée nationale constituante puis par le peuple français qui est alors renvoyé aux urnes pour élire la première assemblée législative de la Quatrième République.
En Haute-Marne, ce vote du 10 novembre 1946 est à nouveau marqué par une progression de la liste conduite par Jean Masson. Celle-ci, rassemblant cette fois 27 341 des 84 927 suffrages exprimés, n'est devancée que de 1 300 voix par le MRP dont le score s'est redressé. Le troisième élu reste le communiste Marius Cartier, tandis que la SFIO voit à nouveau ses résultats s'effriter.
De retour à la chambre, Jean Masson retrouve la Commission de l'agriculture, dont il est nommé vice-président en janvier 1950. Il est également nommé membre de la Commission des boissons, de celle des finances, de la Commission de la reconstruction et des dommages de guerre et nommé membre suppléant de la Commission de la réforme administrative. Il déploie alors une très intense activité parlementaire, déposant plus de cinquante propositions de loi et de résolution et intervenant fréquemment à la tribune.
Les trois secteurs dans lesquels Jean Masson s'investit le plus sont l'agriculture (productions betteravière et laitière notamment), les questions administratives, statutaires et fiscales (retraites, droits de succession, personnel des PTT, etc.), et les dossiers de réparation des dommages de guerre et des droits des prisonniers de guerre et des survivants. De 1946 à 1950, il se bat avec opiniâtreté, déposant plusieurs propositions successives en ce sens, pour que soit assimilé au mineur appelé sous les drapeaux, en temps de guerre, le mineur déporté, requis ou victime de faits de guerre et dont l'acte de décès mentionne qu'il est mort pour la France.
Jean Masson prend part à de nombreuses interpellations du gouvernement sur les questions économiques et financières, ainsi que sur des dossiers de politique générale. Il défend sans relâche ses amendements visant à garantir les prix agricoles et à accorder davantage de crédits à l'agriculture. « Nous ne voulons pas en France, explique-t-il le 13 mai 1947, une industrie puissante et une agriculture faible ; nous voulons une industrie et une agriculture harmonieusement équilibrées. Nous estimons que l'agriculture occupe dans l'économie française une place de premier plan, et qu'elle constitue une industrie de base ». Luttant contre le dirigisme (« Un Etat directeur, non ! Un Etat régulateur, oui ! » s'exclame-t-il à la tribune deux ans plus tard), il critique l'organisation économique européenne qu'il trouve trop libre-échangiste (25 janvier 1950), mais réclame un approvisionnement accru en tracteurs et en carburant. Par ailleurs, il ne se désintéresse pas des questions extérieures et coloniales et intervient à plusieurs reprises sur ces dossiers, soulignant fréquemment la menace que fait peser l'URSS sur les autres pays.
Au cours de cette première législature, le député de Haute Marne, très anticommuniste, vote pour la question de confiance au gouvernement le 4 mai 1947, vote à la suite duquel Paul Ramadier se sépare de ses ministres communistes ; il vote aussi pour le projet de loi sur le statut de l'Algérie (27 août 1947). Jean Masson se prononce en faveur du plan Marshall (7 juillet 1948) et de la constitution du Conseil de l'Europe le 9 juillet 1949.
C'est à nouveau sous l'etiquette du Ras semblement des gauches républicaines qu'il se présente à l'élection de la seconde législature de la Quatrième République. Ses engagements électoraux, conformes à ceux du RGR en général, comportent notamment la construction de 250 000 logements par an pendant vingt ans ; la promesse d'une réforme fiscale ; l'accroissement de l'équipement rural ; le développement de l'Union française ; et « l'organisation de l'Europe ».
Pour ces élections du 17 juin 1951, la loi électorale des apparentements, visant à protéger les partis de la troisième force de la double menace communiste et gaulliste, bouleverse la donne en Haute-Marne. Le RGR avait critiqué cette loi jusqu'au bout, mais l'avait finalement voté (7 mai 1951) notant qu'elle permettait, malgré ses défauts, « le salut de la République et de la patrie ». De fait, l'apparentement conclu entre la liste RGR - radicale socialiste, la liste MRP et la liste des Indépendants et paysans offre au seul RGR deux élus (Jean Masson et Paul Aubry) au lieu d'un, alors que son score n'est que de 23,4 %, en recul sur les élections de 1946. Les communistes, avec 21,2 % des voix, perdent leur unique siège, et les gaullistes, pourtant forts de 26,6 % des voix, n'en obtiennent qu'un.
Jean Masson retrouve la vice-présidence de la Commission de l'agriculture. Mais, au cours de cette seconde législature, son activité de parlementaire s'est considérablement réduite, car il assume des responsabilités durables au sein du gouvernement.
Il est d'abord secrétaire d'Etat à l'éducation nationale, chargé de l'enseignement technique, de la jeunesse et des sports, de janvier 1952 à juin 1953, dans les cabinets Faure, Pinay, et Mayer. Un an après, il est nommé secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil, chargé de la fonction publique, du cabinet Mendès France, du 30 juin au 3 septembre 1954 (assurant l'intérim de cette fonction du 3 septembre au 12 novembre), puis ministre des anciens combattants et victimes de guerre du 3 septembre 1954 au 23 février 1955.
C'est donc, selon les années, en sa qualité de député, de secrétaire d'Etat ou de ministre qu'il intervient à la tribune de l'Assemblée, soit pour interpeller le gouvernement, comme le 22 octobre 1953 à propos de la crise agricole (reclamant le soutien des prix à la production et des crédits d'investissement, il défend le rôle du secteur agricole dans le commerce extérieur : « Cessons de négliger cette richesse nationale et faisons en sorte qu'elle devienne un élément positif, prédominant, de notre balance des comptes »), soit pour défendre les positions du cabinet auquel il appartient.
Au début de la seconde législature, Jean Masson s'oppose à la loi Barangé - Marie sur la question de l'école libre, qui divise la Troisième force d'entrée de jeu, le 21 septembre 1951. Il soutient le projet de Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA, 13 décembre 1951). Il approuve successivement l'investiture d'Antoine Pinay, le 6 mars 1952, et de Joseph Laniel, le 26 juin 1953. Il vote bien sûr en faveur de l'investiture de Pierre Mendès France, le 17 juin 1954. S'il ne prend pas part au vote sur le projet de communauté européenne de défense (CED), le 30 août 1954, il approuve les accords de Londres qui mettent un terme à l'occupation de l'Allemagne, ainsi que les accords de Paris le 29 décembre, qui permettent le réarmement de la RFA et son entrée dans l'OTAN. Enfin, le 23 février 1955, il accorde sa confiance à Edgar Faure, mais la lui refuse, avec une majorité de ses pairs, le 29 novembre 1955, ce qui autorise le président du Conseil à dissoudre l'Assemblée, forçant ainsi à procéder à des élections anticipées.
Pour ces échéances anticipées du 2 janvier 1956, le cœur du programme électoral du RGR, tel qu'il ressort des engagements électoraux signés conjointement par Jean Masson et Edgar Pisani, est le soutien sans faille à Pierre Mendès France, seul espoir d'un redressement national. Bien que toujours critique de la loi sur les apparentements, la liste de Jean Masson en conclut pourtant un nouveau, cette fois avec les socialistes et les républicains sociaux. Mais le succès est moindre qu'en 1951 : les communistes, atteignant 25,6 % des suffrages exprimés, récupèrent le siège perdu cinq ans plus tôt, tandis que les Indépendants et paysans, dont la tête de liste, Robert Huel, avait porté les couleurs gaullistes à l'assemblée nationale, récupèrent le siège du défunt RPF, avec 18,7 % des voix. Jean Masson est donc seul élu de la liste RGR dont le score reste stable, à 23,5 % des suffrages exprimés.
Pour Jean Masson, la troisième législature va ressembler à la seconde, partagée entre sa fonction de parlementaire et ses responsabilités dans l'exécutif : si, à la Chambre, il retrouve la Commission de l'agriculture, celle de la famille et celle des finances, il est surtout nommé secrétaire d'Etat aux affaires économiques du cabinet Guy Mollet, fonction qu'il occupe du 1er février 1956 au 13 juin 1957, soit plus de la moitié de la législature. C'est donc surtout en cette qualité qu'il intervient à la tribune, pour répondre aux interpellations de ses pairs.
Jean Masson accorde sa confiance au gouvemement Guy Mollet (31 janvier 1956). Il s'oppose à la ratification des traités instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique (9 juillet 1957) ; il refuse au gouvernement les pouvoirs spéciaux en Algérie le 12 novembre 1957. Lors de la crise qui emporte la Quatrième République, il vote pour l'investiture de Pierre Pflimlin (13 mai 1958), qu'il souhaite aider à redresser la situation nationale et en faveur de la révision de la Constitution (27 mai 1958).
Et c'est comme député qu'il prend la parole, le 1er juin 1958, pour apporter son soutien prudent d'homme de gauche au général de Gaulle : rappelant que ce dernier a rendu la République à la France après la guerre, estimant que « la triste aventure du RPF n'a pu faire oublier que le chef de la France libre a toujours condamné le coup d'Etat », rassuré par les déclarations du général sur la préservation des libertés publiques, et certain que seul celui-ci peut assurer de manière démocratique l'émancipation des Etats composant l'Empire colonial, il déclare : « me séparant pour une fois aujourd'hui non sans un serrement de cœur du président Mendès France, avec lequel depuis deux ans nous avons lutté pour ce que nous estimions indispensable au redressement du pays, je voterai, oh ! non sans crainte, bien sûr, et non sans appréhension, l'investiture du général de Gaulle. » De même qu'il accorde, le 2 juin 1958, les pleins pouvoirs au gouvernement et vote la révision constitutionnelle.
La carrière politique de Jean Masson prend fin avec la Quatrième République : il ne se représente, sous la Cinquième République, à aucun de ses mandats locaux ou nationaux. Il meurt à Calvi, en Corse, le 10 août 1964.