René Mayer
1895 - 1972
Né le 4 mai 1895 à Paris
Décédé le 13 décembre 1972 à Paris
Membre de la seconde Assemblée nationale constituante (Constantine)
Député de Constantine de 1946 à 1955
Ministre des finances et des affaires économiques du 24 novembre 1947 au 19 juillet 1948
Ministre de la défense nationale du 26 juillet 1948 au 28 août 1948
Ministre de la défense nationale du 5 septembre 1948 au 7 septembre 1948
Garde des sceaux, ministre de la justice du 28 octobre 1949 au 10 juillet 1951
Vice-président du Conseil, ministre des finances et des affaires économiques, du 11 août 1951 au 7 janvier 1952
Président du Conseil du 8 janvier 1953 au 21 mai 1953
René Mayer est né à Paris dans le VIIIe arrondissement le 4 mai 1895. Il est issu de familles de la grande bourgeoisie israélite. Son grand-père paternel, érudit auteur de nombreux livres d'exégèse, a été adjoint au grand rabbin de Paris. Son grand-père maternel, originaire de Metz, a été chef de cabinet de Gaston Thomson au ministère de la marine, avant d'entrer dans de nombreux conseils d'administration où il exerçait une grande influence. Il est cousin par sa mère des Rothschild. Son père étant mort alors qu'il avait deux ans, il est élevé par sa mère et sa grand-mère maternelle.
Après de très brillantes études au lycée Carnot, René Mayer obtient une double licence, en droit et lettres (philosophie), en 1913, tout en suivant les cours de l'Ecole libre des sciences politiques. Mobilisé en décembre 1914 dans l'artillerie comme sous-lieutenant, en permanence au front, il se montre durant la Grande guerre un valeureux combattant. Blessé au printemps 1918, cité deux fois, il est décoré et achève la guerre comme officier instructeur.
Après l'armistice, René Mayer entame une carrière de haut fonctionnaire. Détaché au cabinet du ministre du commerce, René Clémentel, il prépare le concours d'entrée au Conseil d'Etat qu'il passe deux mois après sa démobilisation (décembre 1919). Reçu second, il est nommé auditeur au Conseil d'Etat l'année suivante. En 1923, il accède à la fonction de commissaire adjoint puis de commissaire du gouvernement auprès du Conseil d'Etat statuant au contentieux. Il est par ailleurs commissaire du gouvernement à la commission supérieure des dommages de guerre en 1924, rapporteur à la commission supérieure des bénéfices de guerre et rapporteur à la commission des économies. A l'Assemblée du Palais-Royal, où il devient maître des requêtes en 1925, il se spécialise rapidement dans les rapports entre les particuliers et l'Etat, dont le poids dans la société ne cesse d'augmenter depuis la Grande guerre. Dans le même temps, il enseigne comme maître de conférence puis comme professeur à l'Ecole libres des sciences politiques, de 1921 à 1932, chargé de préparation au concours d'entrée au Conseil d'Etat.
Le conseiller d'Etat est appelé à participer à trois cabinets ministériels en 1924-1926. Il est successivement chef de cabinet de Bovier-La-pierre, ministre des pensions, puis chef adjoint du cabinet de Pierre Laval, ministre des travaux publics dans le gouvernement Painlevé en 1925, enfin chef de cabinet d'Aimé Berthod, sous-secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil, spécialement chargé des questions d'Alsace-Lorraine. C'est alors qu'il se passionne pour les questions de transports, devenant l'un des experts français au comité juridique de l'Organisation des communications et du transit à la Société des nations (SDN). Désigné comme administrateur du port autonome de Strasbourg de 1924 à 1928, il est nommé successivement, membre de la commission de vérification des comptes des compagnies de chemins de fer en 1924, rapporteur de la commission chargée d'étudier la réorganisation du réseau de l'Etat (ancien réseau de l'Ouest) l'année suivante, enfin secrétaire général du Conseil supérieur des chemins de fer, en 1926.
René Mayer quitte le Conseil d'Etat, avec le titre de maître des requêtes honoraire, pour entrer dans les affaires après huit années de service. Administrateur de la banque Rothschild frères, il est nommé administrateur de la Compagnie des chemins de fer du Nord en mai 1928. Il accède à la vice-présidence de cette compagnie en 1932 (son cousin Edouard de Rothschild étant président). Il entre dans d'autres conseils d'administration, comme les affaires d'électricité du groupe d'Albert Petsche et d'Ernest Mercier.
René Mayer mène parallèlement des missions de service public et sert d'intermédiaire dans des questions touchant aux intérêts croisés de l'Etat et d'entreprises privées. André Tardieu le charge en 1932 de réorganiser les finances de la Compagnie internationale des Wagons-lits qui subit les contrecoups de la crise mondiale. Président de la Compagnie, il redresse sa situation et négocie avec ses concurrents allemands et anglais leurs champs d'action respectifs. Pierre Cot, ministre de l'air, lui demande en 1933 de négocier avec les compagnies aériennes la réorganisation de l'aéronautique marchande en une compagnie unique. Pour aboutir ainsi à la création d'Air France dont il devient un des administrateurs de 1933 à 1940. Il joue encore, en 1937, un rôle essentiel dans la constitution de la SNCF en négociant comme représentant de l'ensemble des compagnies avec le ministre des travaux publics, Henri Queuille, et avec Raoul Dautry, représentant des réseaux de l'Etat, la nationalisation sans spoliation des entreprises privées largement déficitaires. Il siège aux conseils d'administration de toutes ces sociétés jusqu'à son expulsion du fait des lois de Vichy.
La seconde guerre mondiale constitue un tournant dans la vie de René Mayer. En 1939, il retrouve le service public en étant placé à la tête de la mission à Londres du ministère des armements. Lors de l'armistice, il ne rejoint pas le général de Gaulle, estimant qu'il ne doit pas séparer son sort de celui de ses coreligionnaires. Il choisit de revenir en France. Installé à Lyon puis à Montpellier, il bénéficie d'une certaine protection de Pierre Laval et de son directeur de cabinet Jean Jardin, mais est victime des lois raciales du régime. Il refuse de faire partie de l'organisme vichyste chargé de gérer les biens des associations philanthropiques juives, mais dirige une commission juridique du Consistoire de France. Critiquant la politique de collaboration de Vichy, il reste jusqu'à l'occupation de la zone libre puis gagne Alger en janvier 1943, après être passé par Barcelone.
Dans l'Afrique du Nord libérée par les alliés, René Mayer prend le 26 mars 1943 la direction du commissariat aux communications et à la marine marchande et le 5 juin suivant entre dans le Comité français de la Libération nationale (CFLN). Nommé comme Jean Monnet et Maurice Couve de Murville par le général Giraud, il se rallie progressivement au général de Gaulle. Leur présence dans le CFLN est critiquée par les mouvements de Résistance. Le journal Libération, rappelle ainsi que René Mayer est lié à la banque Rothschild et qu'il a appartenu au cabinet de Laval (en 1936 est-il écrit par erreur). Avec Jean Monnet, il persiste à déplorer « les excès de De Gaulle » selon Jean-Louis Crémieux Brilhac, mais, écrit celui-ci, ils n'en « soutiendront pas moins l'homme du 18 juin chaque fois que la dignité nationale sera en cause ». Il critique souvent « la politique du tout ou rien » du général face aux Anglo-saxons mais œuvre au rapprochement des deux tendances de la France combattante (« Journal d'Alger 1944 », in René Mayer, Etudes, témoignages, documents). Le nouveau commissaire met en place la coordination des transports en Afrique du Nord et surtout réalise l'unité de la marine marchande, celle de la France libre et celle de l'Afrique du Nord. Ses talents de juriste sont régulièrement sollicités dans d'autres domaines. Dans ses Mémoires de guerre, le général de Gaulle écrit : « René Mayer, tout pétri de capacités fait rendre leur maximum aux chemins de fer, ponts et routes de l'Afrique du Nord » et encore « (il est) un de ceux qui s'imposent par leur valeur et leur notoriété ». Homme clé du fragile et mouvant équilibre algérois, à l'occasion de deux remaniements du CFLN, il est un des trois membres chargés de préparer la nouvelle équipe ministérielle de la France libre. L'ancien administrateur de la SNCF, selon le rapport historique sur « la SNCF dans la seconde guerre mondiale », met en place une épuration modérée de la société, s'efforçant de ne pas désorganiser la compagnie, qui sera poursuivie après la Libération de la France. Il se montre très réticent sur les projets de nationalisations défendus par le socialiste Adrien Tixier.
A son retour à Paris, René Mayer demeure ministre des transports et des travaux publics du Gouvernement provisoire de la République française, de septembre 1944 au 21 octobre 1945. Il met en route la reconstruction du réseau de chemins de fer, des ports, des ponts et des tunnels, grandes infrastructures qui ont particulièrement souffert des bombardements, des combats et des sabotages.
Après avoir été haut-fonctionnaire puis entrepreneur, René Mayer, qui passait pour un « technicien » et n'avait jamais eu de mandat électif, entre totalement en politique et fait montre très vite de qualités indiscutées d'homme d'Etat. Déjà à Alger, il s'était rapproché de dirigeants radicaux, Henri Queuille et Paul Cuttoli, personnalité importante de la colonisation dans le Constantinois. Il s'inscrit au parti radical-socialiste et se fait élire successivement maire de Givemy, où il possédait depuis longtemps une maison, en avril 1945, puis conseiller général de l'Eure en septembre suivant. Mais, la présence dans ce département de deux anciens députés radicaux résistants, Pierre Mendès France et Albert Forcinal, ne laisse guère d'espoir d'élection pour un troisième homme du parti radical. Il se présente donc à la première Assemblée nationale constituante, le 21 octobre 1945, dans un fief traditionnel radical-socialiste, en Charente-Maritime. Sa liste n'a aucun élu car elle arrive en cinquième position, derrière la SFIO, le PCF, le MRP et les Républicains et paysans. Avec 22 729 suffrages sur 256 287 inscrits et 171 624 exprimés, il échoue nettement. Démissionnaire du ministère des transports, René Mayer est nommé commissaire général aux affaires allemandes et autrichiennes, le 15 décembre 1945. Il conserve cette fonction jusqu'aux élections générales de juin 1946.
Pour l'élection à la deuxième Assemblée nationale constituante, le 2 juin 1946, René Mayer se présente grâce au soutien de Paul Cuttoli dans le collège des citoyens français du département de Constantine. Il se définit comme « propriétaire, ancien ministre » et conduit la liste du Rassemblement des gauches républicaines. Elle obtient 12 227 suffrages sur 108 703 inscrits et 72 023 exprimés, devancée par la liste du Mouvement de concentration républicaine de Paul Pantaloni (20 526 suffrages) et par celle de la SFIO (18 405 suffrages), conduite par Raoul Borra. Chacune de ces listes obtient un siège, le MRP et les communistes arrivés ensuite, avec respectivement 11 432 et 9 433 suffrages, n'en obtenant pas.
Elu député de Constantine, René Mayer est nommé dans trois commissions lui permettant de suivre la politique algérienne et ses domaines de prédilection. Il appartient à la Commission des moyens de communication et des postes, télégraphes et téléphones, à la Commission des finances et du contrôle budgétaire et à la Commission de l'intérieur, de l'Algérie et de l'administration départementale et communale. Dès son premier mois de fonction parlementaire, il dépose deux propositions de loi, l'une sur l'Algérie, l'autre visant à mettre fin aux opérations du Jury d'honneur. Il se fait très vite remarquer par sa compétence, son expérience de juriste et d'administrateur, la fermeté de ses propos et, parfois, leur cruauté qui en font un orateur redouté, dans ces commissions et à la tribune, particulièrement dans les débats sur le texte constitutionnel. Il vote contre le projet de Constitution le 28 septembre 1946.
Le 10 novembre 1946, René Mayer conduit une liste dite du « Parti d'union républicaine » qui rassemble trois parlementaires sortants, lui-même, Paul Pantaloni, élu en juin sur la liste du Mouvement de concentration républicaine, et Jacques Augarde, ancien député du Maroc. Cette union des droites et du centre fait le plein des voix, face à la gauche socialiste et communiste. Avec 46 955 suffrages sur 117 644 inscrits et 72 423 exprimés, elle obtient la réélection les trois parlementaires sortants, le quatrième siège restant au socialiste Raoul Borra. Au Palais-Bourbon René Mayer retrouve sa place à la commission des finances et du contrôle budgétaire et est désigné comme juré à la Haute Cour de justice.
Le député de Constantine apparaît rapidement comme un des principaux représentants de l'Algérie française, défenseur efficace des intérêts des colons. Dès juillet 1947, à la réunion du comité exécutif radical auquel il appartient, il fait le procès de la politique du gouvernement. Vice-président du groupe radical au Palais-Bourbon, il est à la pointe de l'opposition radicale dans le débat parlementaire sur le statut de l'Algérie mais vote pour finir le texte le 27 août 1947. L'année suivante, il contribue au renvoi du gouverneur général Yves Chataigneau, jugé comme trop libéral. Considéré comme leader d'un lobby algérien à l'Assemblée, le député renforce ses positions sur le terrain : il est élu conseiller général de Constantine en 1949 et désigné immédiatement comme président du Conseil général. Il occupe cette fonction trois années, jusqu'à l'automne 1951, puis continue à siéger à l'Assemblée départementale et reprend la présidence de l'automne 1953 jusqu'à la fin de son mandat en 1955.
René Mayer qui a déjà travaillé pour la SDN avant la guerre est par ailleurs délégué du gouvernement à des conférences internationales. En 1946, il participe à la conférence franco-britannique et, de 1947 à 1949, il est délégué adjoint puis délégué permanent de la délégation française à l'Assemblée générale des Nations-Unies. Mais il demeure aux portes du pouvoir tant que dure le tripartisme. Parlementaire très actif, il multiplie les propositions de loi et les propositions de résolution, visant surtout l'Algérie et les questions financières.
La naissance de la Troisième force, à l'automne 1947, renforce la présence des radicaux au gouvernement et donne sa chance au député radical de Constantine. Alors que le dirigisme arrive à épuisement, René Mayer, ancien capitaine d'industrie, défenseur des thèses libérales en matière économique face à André Philip dans le débat budgétaire à l'Assemblée en décembre 1946, est désigné comme ministre des finances du gouvernement Robert Schuman, le 24 novembre 1947. Il met en place en décembre un plan d'austérité drastique, imposant un retour à la réalité des prix qui se traduit par de fortes hausses et un prélèvement exceptionnel de 125 milliards de francs, dont les agriculteurs, les commerçants et les professions libérales font principalement les frais. Il est possible de se libérer de ce prélèvement en souscrivant un emprunt à long terme à faible taux, affecté à la reconstruction et à l'équipement. Le ministre cherche ainsi à juguler l'inflation en réduisant la masse monétaire disponible, surtout dans les milieux paysans qui se voient imposer un doublement de leur forfait fiscal. Il complète ce plan par le retrait des billets de 5000 francs, une dévaluation et le rétablissement partiel de la liberté du marché des devises et de l'or. A la suite des débats parlementaires, il doit réduire ce prélèvement.
Après la chute du gouvernement Schuman, René Mayer est nommé ministre de la défense nationale dans le gouvernement André Marie, du 26 juillet 1948 au 28 août 1948. Il conserve cette responsabilité de ministre de la défense nationale dans le deuxième cabinet Schuman, du 5 septembre 1948 au 7 septembre 1948 mais ne participe pas au long gouvernement d'Henri Queuille, refusant le poste des finances que lui proposait son collègue et ami.
René Mayer, redevenu simple député pour une année, se fait un ardent partisan de l'unification européenne, thème qu'il avait déjà défendu à Alger en 1944, et de l'Alliance atlantique. L'ancien ministre de la défense entré à la commission des affaires étrangères le 18 janvier 1949, puis est désigné comme rapporteur du Pacte Atlantique à l'Assemblée en juillet 1949. Il ferraille sans concession avec les élus communistes (Billoux et Malleret-Joinville) sur ce texte et sur tous les projets européens et se montre de nouveau un parlementaire actif lors de très nombreux débats.
Investi président du conseil, par 341 voix contre 183 le 20 octobre 1949, après la chute du gouvernement Queuille, le député de Constantine renonce à former son cabinet trois jours plus tard, refusant les exigences des socialistes. Il entre dans les quatre gouvernements suivants (Cabinets Bidault, Queuille, Pleven, Queuille), du 28 octobre 1949 au 10 juillet 1951, comme garde des sceaux, ministre de la justice. Il s'efforce de liquider les séquelles de l'Occupation et de désengorger les prisons, en faisant de la libération conditionnelle et de la grâce une application élargie. Surtout, il met en chantier en décembre 1949 la grande loi d'amnistie qui vise à effacer les effets de toutes les condamnations légères pour faits de collaboration ou de commerce avec l'ennemi.
Le 17 juin 1951, René Mayer conduit de nouveau la liste d'Union républicaine et de Rassemblement des gauches républicaines dans le département de Constantine. En plus des traditionnels adversaires de gauche, elle se voit opposer trois listes sur sa droite, une des Indépendants, l'autre du RPF, une dernière dite du Rassemblement des populations algériennes. La liste d'Union républicaine obtient 34 138 suffrages sur 114 1409 inscrits et 81 959 exprimés. Faute d'apparentement, elle n'a plus que deux élus à la représentation proportionnelle, René Mayer et Paul Pantaloni. Au Palais-Bourbon, René Mayer retrouve sa place dans la commission des affaires étrangères durant toute la législature et siège, lorsqu'il n'est pas ministre, à la commission de l'intérieur à partir de janvier 1954 et préside cette même année la commission de coordination pour l'examen des problèmes intéressant les Etats associés d'Indochine. Sur la question des subventions à l'enseignement privé qui reconstruit la division droite-gauche, il est des radicaux qui votent la loi Marie, mais ne prend part au vote de la loi Baranger, en septembre 1951.
Henri Queuille ayant démissionné à la suite des élections, une longue crise de vingt-cinq jours commence. René Mayer est l'un des hommes politiques pressentis par Vincent Auriol pour former un gouvernement. Désigné comme président du Conseil, le 24 juillet 1951, il ne reçoit pas l'investiture de l'Assemblée, faute de majorité constitutionnelle : 241 parlementaires se prononcent pour, 105 contre, mais 272 s'abstiennent. René Pleven forme alors un cabinet et le nomme vice-président du Conseil, ministre des finances et des affaires économiques (11 août 1951-7 janvier 1952). Il fait approuver le plan Schuman par le Parlement. Mais la politique d'austérité qu'il impose, alors que l'aide Marshall arrive à son terme, est impopulaire et le cabinet Pleven est renversé sur une loi de finances jugée trop rigoureuse.
S'il ne participe pas au gouvernement Pinay, en décembre suivant, René Mayer est nom mé représentant de la France à l'Assemblée du pool charbon-acier le 18 décembre 1952. Il retrouve aussi les bancs de l'Assemblée où il participe à de nombreux débats, notamment sur le projet de loi d'amnistie.
René Mayer succède à Antoine Pinay le 8 janvier 1953, après une tentative infructueuse de Jacques Soustelle. Le leader radical a obtenu, l'investiture par 389 voix, contre 205. Sa majorité comprend les partis à la base de toutes les combinaisons classiques depuis le début de la législature : les radicaux, l'UDSR, le MRP et les Indépendants et paysans. Mais, plus encore que le gouvernement Antoine Pinay, il rallie les gaullistes. Le groupe parlementaire du RPF, à l'appel de Jacques Chaban-Delmas, a apporté son appui au président du Conseil pressenti et 81 députés gaullistes sur 84 ont voté pour lui. Pour la première fois de son histoire, le groupe gaulliste soutient un gouvernement de la IVe République. Ce succès du dirigeant radical conduit le général de Gaulle à rendre le 6 mai 1953, après les élections municipales du printemps, leur liberté aux parlementaires gaullistes. Dans sa déclaration d'investiture, René Mayer a fait sensation en proposant une révision de la Constitution, avec notamment la restauration du droit de dissolution « trop théorique » à son goût et a promis de déposer sur le bureau de l'Assemblée le traité instituant une Communauté européenne de défense (CED), en se déclarant partisan déterminé de l'armée européenne.
D'importants débats parlementaires, comme le vote du projet de loi d'amnistie, en chantier depuis juillet 1952, marquent sa présidence du conseil. Lorsque à l'occasion du procès des assassins d'Ouradour-sur-Glane, membres de la division Das Reich, la justice condamne des alsaciens membres de cette division, René Mayer prend l'initiative d'un projet de loi d'amnistie pour les incorporés de force. Il est renversé à propos de ses projets financiers. Le 12 mai, il avait demandé des « pouvoirs spéciaux » pour réaliser des économies et instaurer des recettes nouvelles, touchant notamment aux privilèges des bouilleurs de cru. Ce libéral cherchait à réduire de 100 milliards le déficit de l'Etat. Le 21 mai 1953, l'Assemblée lui refuse la confiance par 328 voix contre 244. Sur les 83 députés gaullistes, 71 votent contre lui, dans l'espoir de retarder la ratification de la CED.
René Mayer redevient un simple parlementaire et, après avoir pris position pour des poursuites visant les dirigeants communistes à la suite de l'affaire Duclos lors de l'imaginaire complot des pigeons, se tient relativement en retrait de l'agitation politique durant plus d'une année. A l'Assemblée, le député de Constantine se consacre essentiellement aux débats européens et à ceux que concernant l'Indochine et l'Afrique du Nord. Il ne participe pas au gouvernement Laniel. Il vote certes l'investiture de Mendès France, et approuve les accords de Genève mettant fin à la guerre d'Indochine, mais revient au-devant de la scène en étant l'artisan de la chute de ce dernier, le 6 février 1955. Dans le débat particulièrement agité sur l'Afrique du Nord, il affirme que la politique du gouvernement en Algérie « favorise l'aggravation de la situation en Algérie » et porte l'estocade finale dans une formule tranchante : « Je ne sais pas où vous allez, mais je ne puis croire qu'une politique de mouvement ne puisse trouver un moyen terme entre l'immobilisme et l'aventure ». Les partisans de Pierre Mendès France ayant pris la direction du parti radical, il en est exclu avec Léon Martinaud-Déplat, Bernard Lafay et Jean-Paul David, lors de la rupture du parti avec le RGR.
Appelé aux fonctions de président de la Haute-Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), le premier juin 1955, René Mayer succède à Jean Monnet. Il se met en congé parlementaire. A ce poste, il participe à toutes les négociations sur le Marché commun et contribue à leur succès. Sa carrière parlementaire s'achève avec la dissolution de l'Assemblée nationale par Edgar Faure en décembre 1955. Les élections législatives sont suspendues en Algérie et l'ancien ministre ne cherche pas à se faire réélire en métropole. Il résilie ses fonctions à la CECA le 15 octobre 1957 et retourne dans le secteur privé, où il est, simultanément ou tour à tour, président du Comité permanent de la Sofina (Société de financières de transports et d'entreprises industrielles), président de la société du Nickel, dont les principaux actionnaires sont la Banque Rothschild et la Banque de l'Indochine, président de la société de recherche pétrolière, Eurafrep SA, administrateur des Grands travaux de Marseille, etc. Il préside en outre le conseil d'administration du Conservatoire national des Arts et Métiers.
Retiré de la politique active, René Mayer qui a réintégré le Parti radical en 1961 est désigné comme président d'honneur de l'Organisation française du Mouvement européen. Toujours préoccupé des questions publiques, il agit surtout en faveur des réfugiés et des organisations juives, comme l'Alliance israélite. Ayant conservé des liens avec le général de Gaulle revenu au pouvoir, il intervient pour faire sauvegarder les intérêts des juifs d'Algérie lors des conversations qui aboutirent aux accords d'Evian.
Après trois années de maladie, René Mayer décède à son domicile parisien le 13 décembre 1972, dans sa soixante-dix-huitième année.
Marié, père de deux enfants, dont un fils engagé dans la France libre mort au Champ d'honneur en 1944, René Mayer a reçu de nombreuses décorations. Titulaire de la Croix de guerre 1914-1918 et de la médaille des Evadés, il a été fait commandeur de la Légion d'honneur. Son épouse, Denise Mayer, a publié une fraction de son journal et diverses contributions sur son action dans un ouvrage René Mayer, Etudes, témoignages, documents, paru aux Presses universitaires de France en 1983.