Jules Méline
1838 - 1925
Représentant en 1871, député de 1876 à 1889, ministre, né à Remiremont (Vosges) le 20 mai 1838, il fit à Paris ses études de droit et s'inscrivit au barreau de la cour d'appel.
D'opinions républicaines modérées, il devint, après le 4 septembre 1870, adjoint au maire du 1er arrondissement. Il s'associa à la politique du gouvernement de la Défense nationale, et, en mars 1871, fut élu membre de la Commune par les républicains conservateurs de son arrondissement. M. Méline n'accepta pas ce mandat. Le 8 février précédent, il avait réuni dans les Vosges, comme candidat à l'Assemblée nationale, sans être élu, 20 063 voix (58 175 votants).
Il n'entra au parlement qu'à la faveur d'une élection partielle, le 12 octobre 1872, en remplacement de M. Steinhell, avec 32 160 voix (55 143 votants, 112 184 inscrits), contre 25 868 à M. Mougeot, monarchiste. M. Méline appartint, dans l'Assemblée, aux groupes de la gauche et de l'Union républicaine. Il soutint le gouvernement de Thiers, prit quelquefois la parole et vota : pour le service de trois ans, contre la chute de Thiers au 24 mai, contre le septennat, contre l'état de siège, contre le ministère de Broglie, pour l'amendement Wallon, pour l'ensemble des lois constitutionnelles.
Il se représenta, le 20 février 1876, dans l'arrondissement de Remiremont, qui l'envoya siéger à la Chambre des députés, par 8 071 voix (9 430 votants, 17 960 inscrits). Membre du conseil général des Vosges pour le canton de Portieux, fondateur du journal le Mémorial des Vosges publié à Epinal, M. Méline suivit, dans la Chambre nouvelle, la même ligne de conduite que précédemment. Il opina avec la fraction la plus modérée de la majorité républicaine, proposa (août 1876) un amendement transactionnel en faveur des aumôniers militaires demandant leur maintien là seulement où il y aurait 2 000 hommes rassemblés, et se prononça contre la proposition d'amnistie plénière.
Dans le cabinet du 13 décembre 1876 (cabinet Jules Simon), il fut nommé sous-secrétaire d'Etat au ministère de la Justice. Il resta en fonctions jusqu'au 16 mai 1877, et fut au nombre des 363 adversaires du gouvernement qui prononça la dissolution de la Chambre.
Réélu, après cette dissolution, le 14 octobre 1877, par 9 750 voix (15 387 votants, 18 987 inscrits), contre 5 519 à M. Krantz, candidat officiel, frère du sénateur républicain, il reprit sa place à gauche, soutint le cabinet Dufaure et les cabinets qui suivirent, vota pour l'article 7, pour les lois Ferry sur l'enseignement, contre l'amnistie plénière, pour l'invalidation de l'élection de Blanqui, et, membre de la commission du tarif général des douanes, fut un des principaux rapporteurs du projet (1880) ; en cette qualité, il affirma ses théories protectionnistes, à l'encontre des tendances libre-échangistes du ministre du Commerce d'alors.
Ayant obtenu le renouvellement de son mandat, le 21 août 1881, par 8 936 voix 10 842 votants, 19 443 inscrits), M. Méline continua de soutenir en politique le système opportuniste, en matière économique le système protectionniste ; il donna son suffrage au ministère Gambetta, et, lors de la constitution du second cabinet présidé par M. J. Ferry (21 février 1883), il accepta le portefeuille de l'Agriculture, le département du Commerce étant confié à M. Hérisson. M. Méline donna libre cours à ses idées protectionnistes: parmi les lois d'affaires dont il obtint le vote en 1884, la première place appartint à la loi sur le régime des sucres ; cette loi n'était pas seulement une réforme fiscale de l'assiette de l'impôt, elle marquait encore le début d'une ère nouvelle dans la politique économique : d'une part, en effet, la loi relevait les droits sur les sucres qui avaient été abaissés en 1880, de l'autre elle renfermait certaines dispositions dont le sens « prohibitionniste» était conforme aux promesses faites, en diverses circonstances, aux intérêts ruraux par le ministre de l'Agriculture. M. Méline saisit aussi la Chambre d'un projet relevant les droits d'entrée sur les bestiaux et les céréales: ce projet donna lieu à d'ardentes polémiques au Palais-Bourbon et dans la presse, et le ministre et ses amis, qualifiés de partisans du « pain cher », furent de la part des radicaux l'objet de vives attaques.
M. Méline quitta le pouvoir en même temps que M. Jules Ferry, le 5 avril 1885, après avoir créé une décoration spéciale pour les agriculteurs, le Mérite agricole. Il avait, avec ses collègues, partagé la responsabilité de l'entreprise du Tonkin.
Porté, le 4 octobre 1885, sur la liste opportuniste, des Vosges, il fut élu député de ce département, le 1er sur 6, par 47 292 voix (87 635 votants, 108 409 inscrits). Il donna son vote à la politique suivie par MM. Rouvier et Tirard, tout en se montrant fidèle à ses principes économiques : en mars 1887, il défendit la surtaxe des céréales, en juin, il combattit le projet relevant les taux légaux de rendement des betteraves prises en charge, et fut rapporteur, en décembre, du projet de prorogation à six mois du traité de commerce avec l'Italie.
Lorsque M. Floquet, président de la Chambre, fut appelé à prendre la présidence du conseil, ce fut M. Méline qui lui succéda au fauteuil, élu, le 3 avril 1888, au 3e tour de scrutin, à égalité de voix et seulement au bénéfice de l'âge, contre M. Henri Brisson. Mais sa voix trop faible, l'autorité insuffisante de sa parole dans les débats orageux, firent généralement trouver trop lourdes pour lui ces hautes fonctions qu'il a exercées néanmoins jusqu'à la fin de la législature. Selon l'usage, M. Méline n'a pas pris part aux votes de la Chambre tant qu'il a occupé le fauteuil de la présidence.
Né le 20 mai 1838 à Remiremont (Vosges),
mort le 21 décembre 1925 à Paris.
Député des Vosges de 1876 à 1903.
Sénateur des Vosges de 1903 à 1925.
Sous-secrétaire d'Etat à la Justice et aux Cultes du 21 décembre 1876 au 16 mai 1877
Ministre de l'Agriculture du 21 février 1883 au 6 avril 1885.
Président du Conseil et ministre de l'Agriculture du 29 avril 1896 au 28 juin 1898.
Ministre de l'Agriculture du 21 octobre 1915 au 12 décembre 1916.
(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. IV, p. 333.)
Le 3 avril 1888, Jules Méline fut élu président de la Chambre des députés à égalité de voix, au bénéfice de l'âge, contre Clemenceau et en remplacement de Floquet, porté à la présidence du Conseil. Il fut réélu, au troisième tour, le 8 janvier 1889, par 253 voix sur 410 votants.
Pendant toute la période d'agitation boulangiste, il compta comme l'un des plus redoutables adversaires de ce mouvement et, à ce titre, il fut violemment combattu. Aux élections générales du 22 septembre 1889, il n'en fut pas moins réélu, par 8 238 voix contre 6 956 à Flayelle, candidat du comité national.
Jules Méline, durant cette législature, fut rapporteur général en même temps que président de la commission générale des douanes. Il fit voter l'ensemble des lois économiques ayant pour but la protection des intérêts agricoles nationaux, connues sous le nom de « Tarif Méline ». Il défendit tous les articles additionnels avec une ténacité et un talent oratoire qui lui valurent de beaux succès de tribune et le triomphe final de ses idées. L'œuvre de Méline, si elle a modifié profondément le régime économique de la France, a été diversement appréciée et elle a donné des résultats très divers, enrichissant certaines industries et nuisant à d'autres.
Nommé président du conseil général des Vosges en remplacement de Jules Ferry, Méline fut réélu député au renouvellement d'août 1893, par 11 338 voix sur 13 144, sans concurrent. Le 2 novembre de cette même année, il prit la direction du journal La République française, qu'il conserva jusqu'en 1896. Le 26 décembre 1893, il refusa la mission de former un ministère.
Le 19 décembre 1894, porté de nouveau candidat à la présidence de la Chambre des députés, il recueillit 213 voix contre 290 à Henri Brisson, qui fut élu.
Jules Méline, dans un discours prononcé le 23 avril 1896 et qui eut un certain retentissement, s'éleva contre le projet d'impôt sur le revenu du cabinet Bourgeois, dont il provoqua la chute.
Chargé de former le ministère, le 29 avril 1896, Méline, avec la présidence du Conseil, prit le portefeuille de l'agriculture.
En octobre de la même année, l'empereur et l'impératrice de Russie furent reçus en grande pompe en France.
Au cours de l'année 1897, le ministère présida aux élections sénatoriales triennales qui renforcèrent la majorité républicaine de la Chambre haute, fit voter une loi sur le régime des sucres, fit reprendre les poursuites à propos de l'affaire de Panama contre des membres du Parlement, qui d'ailleurs furent acquittés, et organisa le voyage en Russie de Félix Faure du 18 au 31 août, au cours duquel fut officiellement proclamée l'alliance entre la France et ce pays.
A la fin de 1897, une agitation considérable se produisit dans le pays en faveur de la révision du procès du capitaine Dreyfus, condamné pour trahison en 1894. Interpellé maintes fois, le cabinet se contenta d'appels au respect de la chose jugée. Il fit exercer des poursuites contre Zola et s'opposa constamment à la révision.
Le principal objectif politique du ministère Méline tendait à l'union des républicains modérés avec les conservateurs. C'est à droite qu'il trouva la majorité qui lui permit de gouverner, ayant contre lui les radicaux et les socialistes.
Il prépara les élections générales législatives des 8 et 22 mai 1898, qui amenèrent cependant une Chambre où l'élément nettement républicain s'affirma dès les premières séances. A la suite de celle du 14 juin, le cabinet dut démissionner, la Chambre des députés ayant voté un ordre du jour, repoussé par lui, demandant que le gouvernement s'appuie sur une majorité exclusivement républicaine.
Très fréquemment interpellé au cours de son existence, le ministère Méline n'en a pas moins été le plus long de la IIIe République.
Jules Méline avait été réélu député de l'arrondissement de Remiremont, le 8 mai 1898, par 13.767 voix, toujours sans concurrent.
Candidat à la présidence de la République après la mort de Félix Faure, Jules Méline ne recueillit que 279 voix, tandis que 483 se portaient sur Loubet, qui fut élu le 18 février 1899.
Réélu député en 1902, par 9.197 suffrages contre 9.094 à deux concurrents, il posa sa candidature au Sénat après le décès de Brugnot et fut élu sénateur des Vosges le 5 juillet 1903, au premier tour, par 659 voix sur 982 votants.
Il apporta dans la Haute Assemblée le fruit de son expérience, le charme et la bonne grâce d'une bonhomie et d'une courtoisie appréciées de tous.
Dans les débats relatifs à l'agriculture et aux questions douanières, Jules Méline joua un rôle éminent et, d'un ton net et convaincu, fit bénéficier ses collègues de précieux conseils.
C'est à lui que l'on doit, en 1920, la création d'une commission générale de l'agriculture, qu'il n'a cessé de présider avec autorité. C'est en son nom que, pour la dernière fois, le 25 mars 1925, il prit la parole pour exposer dans quel esprit sa commission acceptait le projet de loi relatif aux céréales indiquant au gouvernement avec quel doigté il faudrait appliquer la loi.
Le nom de Méline est demeuré fort longtemps entouré d'une sorte de vénération par les masses rurales du pays, car il avait toujours regardé la terre de France comme la source de notre richesse nationale et de notre relèvement économique. Les conséquences de la politique protectionniste dont il fut l'instigateur ont marqué très longtemps le pays et ont été diversement appréciées.
Jules Méline décéda à Paris le 21 décembre 1925, à l'âge de quatre-vingt-sept ans
On lui doit plusieurs ouvrages :
- Le retour à la terre et la surproduction industrielle en 1905,
- Tout en faveur de l'agriculture,
- également en 1905, un Guide électoral, en collaboration avec Jazou.
Officier de la Légion d'honneur, il était également commandeur du Mérite agricole, ordre qu'il avait fondé.