Jules Moch
1893 - 1985
* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936
Né le 15 mars 1893 à Paris (15e).
Député de la Drôme de 1928 à 1936.
Député de l'Hérault de 1937 à 1942. Sous-secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil du 26 mai au 22 juin 1937.
Ministre des Travaux publics du 13 mars au 10 avril 1938.
Jules Moch est issu d'une famille d'officiers. Fils et petit-fils de polytechnicien, il entre à son tour à Polytechnique en 1912. En 1914, il est mobilisé comme officier du génie. Blessé plusieurs fois, il est cité à quatre reprises et reçoit la Légion d'honneur à titre militaire. Après l'armistice, il termine ses études et devient ingénieur de la marine. En 1919, il dirige les services de restitution industrielle et agricole en Allemagne et dans les pays ex-ennemis. L'année suivante, il donne sa démission pour entrer dans l'industrie privée. Il travaille alors en étroite collaboration avec Raoul Dautry, polytechnicien comme lui, qui avait fondé après la guerre une société d'équipement des voies ferrées et qui s'occupait non seulement de la reconstruction du réseau du Nord mais aussi de certains réseaux étrangers. C'est ce qui amena Jules Moch à séjourner pendant plusieurs années dans les états baltes et à passer quelques mois à Moscou en 1924. A son retour de Russie, il adhère à la S.F.I.O. et prend une part active aux travaux de ses organes d'études économiques et financières.
Lors des élections législatives de 1928, Léon Blum et Vincent Auriol l'engagent à se lancer dans la bataille électorale. il choisit la 1re circonscription de Valence, dans la Drôme. Ses adversaires politiques qui ne voient pas d'un très bon œil ce « Parisien, fils de Parisien » venir solliciter les suffrages des Valentinois, mènent contre lui une violente campagne dont il sortira vainqueur. Il est en effet élu au second tour par 10.799 voix contre 9.079 à Reynaud.
A la Chambre, il s'inscrit au groupe socialiste et déploie très vite une grande activité. Vice-président des commissions des travaux publics et de l'aéronautique, membre de la commission de la marine militaire, il dépose plusieurs propositions de loi et se voit confier de nombreux rapports concernant essentiellement les problèmes de transport : généralisation de l'attelage automatique sur tous les réseaux de chemins de fer français ; instauration d'un mode de taxation des camions automobiles tenant compte de la dégradation causée aux chaussées (1929) ; institution d'un système de transport combiné entre avion et chemin de fer ; exploitation de la ligne aérienne France-Amérique du Sud ; création de la Société africaine d'aviation marchande (1931) ; déchéance des compagnies de chemins de fer et institution d'un réseau national d'intérêt public général et régional ; statut de l'aviation marchande (voté en 1932).
Ces problèmes, Jules Moch les étudie non seulement sous leur angle technique mais aussi sous leur aspect humain. C'est ainsi qu'il demande une meilleure protection des cheminots contre les dangers d'électrocution et qu'il interpelle le gouvernement sur le relèvement de leurs salaires. Il plaide aussi en faveur de l'assimilation des cantonniers aux fonctionnaires de l'Etat.
Au renouvellement de 1932, il est réélu dès le premier tour de scrutin, par 11.166 voix contre 7.911 à Thiers.
Au cours de cette législature, son activité ne se ralentit pas. Devenu membre de la commission des finances et rapporteur du budget des chemins de fer, c'est sur ce mode de transport que portent plus particulièrement les nombreux avis et rapports dont il est chargé ainsi que la plupart de ses interventions à la tribune.
Mais la discussion de différents projets lui permet d'aborder bien d'autres sujets comme : la gratuité de l'enseignement secondaire ; le monopole d'importation des pétroles ; les accords professionnels ; la mise en chantier de la tranche de 1935 du programme naval ; l'assainissement des finances publiques, la défense du crédit et le maintien de la monnaie.
Elu conseiller général de la Drôme en 1935, il perdra pourtant son mandat législatif au premier tour des élections générales de 1936, n'obtenant que 9.625 voix contre 10.783 à son concurrent Pécherot, radical-socialiste.
Cet échec n'interrompt pas sa carrière politique pour autant : il est appelé par Léon Blum, alors président du Conseil, pour exercer les fonctions de secrétaire général du gouvernement. Puis, en 1937, à la faveur d'une élection partielle provoquée par le décès de Salette, il retrouve un siège de député dans la 3e circonscription de Montpellier, après avoir recueilli 8.554 voix contre 2.312 à Vuillemin.
Nommé sous-secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil le 26 mai 1937, il intervient dans la discussion du projet de loi tendant à proroger certaines, conventions collectives du travail et les pouvoirs conférés au gouvernement par la loi du 31 mars 1936. Ses fonctions prennent fin avec la démission du cabinet Blum, le 22 juin 1937.
Revenu siéger à la Chambre, il rapporte au nom de la commission du travail le projet sur les procédures de conciliation et d'arbitrage ainsi que celui concernant les conventions collectives.
Le 13 mars 1938, il entre dans le second cabinet Léon Blum comme ministre des Travaux publics. En cette qualité il est entendu lors de l'examen d'une proposition de loi tendant à autoriser les départements et les communes à établir une taxe sur l'énergie électrique exportée hors du département producteur par les usines hydro-électriques qui y sont installées et répond à une question posée sur les retards apportés à l'exécution des travaux d'aménagement du Haut-Thorion déclarés d'utilité publique.
Après la chute du gouvernement consécutive à un vote hostile du Sénat, Jules Moch retourne une nouvelle fois à son banc de député. Il intervient dans la discussion de la proposition de loi visant à instituer un mode de représentation proportionnelle pour l'élection des députés et demande à interpeller le gouvernement sur les raisons qui le pousseraient à restituer l'or espagnol déposé en France.
En 1939, bien que parlementaire et âgé de plus de quarante ans, il s'engage dans la marine, fait la campagne de Norvège et obtient le grade de capitaine de vaisseau.
Rentré en France, il est de ceux qui, au Congrès de Vichy, le 10 juillet 1940, votent contre les pouvoirs constituants au maréchal Pétain.
Chevalier de la Légion d'honneur à titre militaire. Jules Moch est également titulaire de la croix de guerre 1914-1918 et de plusieurs décorations étrangères.
Auteur de nombreux articles de journaux et revues, il a publié les ouvrages suivants : Restitutions et réparations (1921) ; La Russie des Soviets (1925) ; Socialisme et rationalisation, Jean Jaurès et les problèmes du temps présent (1927) ; Le parti socialiste et la politique financière (1928) ; Le rail et la nation (1931) ; Capitalisme et transports ; Socialisme, crises, nationalisation (1932) ; L'Espagne républicaine, en collaboration avec Germaine Picard-Moch (1933) ; Déchéance des réseaux et coordination des transports (1934) ; Pour marcher au pouvoir (1935) ; Arguments et documents (1936).
Né le 15 mars 1893 à Paris
Décédé le 31 juillet 1985 à Cabris (Alpes-Maritimes)
Député de la Drôme de 1928 à 1936
Député de l'Hérault de 1937 à 1942
Sous-secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil du 26 mai au 22 juin 1937
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Hérault)
Député de l'Hérault de 1946 à 1958
Ministre des travaux publics et des transports du 21 novembre 1945 au 24 novembre 1947
Ministre de l'intérieur du 24 novembre 1947 au 7 février 1950
Ministre de la défense nationale du 12 juillet 1950 au 11 août 1951
Ministre de l'intérieur du 17 au 31 mai 1958
(Voir la première partie de la biographie dans le Dictionnaire des Parlementaires 1889-1940, Tome VII, p. 2481)
Bien que non mobilisable, Jules Moch contracte en septembre 1939 un engagement volontaire dans la marine et participe en mai 1940 à la campagne de Norvège. Après l'armistice, il et l'un des 80 parlementaires à refuser les pouvoirs constituants au maréchal Pétain. Arrêté peu après, il est interné à Pellevoisin (Indre) puis à Aubenas (Ardèche) et à Vals (Drôme). Ses bonnes relations antérieures avec l'amiral Darlan lui valent d'être libéré en février 1941. Etabli à Toulouse, il prend ses premiers contacts avec la résistance, notamment avec Pierre Ber-taux qui deviendra l'un de ses plus proches collaborateurs. Il fonde avec l'avocat Pierre Stibbe le réseau « 1793 » et entre dans le mouvement Combat. Par l'intermédiaire de Georges Boris, il parvient à rallier Londres via Gibraltar et s'engage dans les Forces navales de la France libre. Il rencontre le général de Gaulle le 27 avril 1943, qui lui confie la direction d'une Ecole navale pour les volontaires évadés de France. Il participe aussi aux réunions des parlementaires de la France combattante.
Ayant gagné Alger en novembre 1943, il est désigné à l'Assemblée consultative. Membre des Commissions de la défense et des affaires économiques, il dépose diverses propositions de résolution et participe aux discussions du budget général du Comité français de libération nationale. Il effectue parallèlement diverses missions à Beyrouth et à Alexandrie, et représente l'Assemblée consultative à la conférence coloniale de Brazzaville (27 janvier -1er février 1944). Il effectue à cette occasion un long voyage en Afrique noire. Très affecté par la mort de son fils André dans le maquis, peu satisfait du comportement du général de Gaulle lors de l'affaire Pucheu, Jules Moch demande à être versé dans une unité combattante. Affecté au croiseur Emile Bertin, il participe au débarquement de Provence.
De retour à Paris, il siège à nouveau à l'Assemblée consultative (7 novembre 1944) où il exerce les fonctions de secrétaire socialiste. Lors de la discussion budgétaire, en février 1945, il prend parti, contre René Pleven, en faveur des solutions de rigueur déflationniste prônées par Pierre Mendès France qui donne sa démission peu après. En août, au 45e Congrès de la SFIO, il contribue à faire rejeter par le parti toute idée d'unité organique avec le PCF, ce qui lui vaut d'acerbes critiques de ce dernier.
Candidat dans l'Hérault, département qui l'avait porté à la députation en 1937, la liste socialiste qu'il conduit aux élections du 21 octobre 1945 à la première Assemblée nationale constituante obtient 48 373 voix sur 208 516 suffrages exprimés et il en est l'unique élu. Il succède à René Mayer comme ministre des travaux publics et des transports dans le second gouvernement présidé par le général de Gaulle (21 novembre 1945) et dépose divers projets de loi sur les chemins de fer et la remise en état de la batellerie. Il défend par ailleurs le budget de son ministère face à de nombreux et souvent coûteux amendements. Il demeure à ce poste dans le ministère Gouin après la démission du général de Gaulle le 20 janvier 1946. Faiblement impliqué dans la campagne référendaire puis électorale, il est néanmoins réélu député de l'Hérault à la seconde Assemblée nationale constituante le 2 juin 1946, avec 51 134 voix sur 219 990 suffrages exprimés. Nommé à la Commission des moyens de communication et des postes, il retrouve le ministère des travaux publics dans le gouvernement Bidault et dépose de nouveaux projets de réorganisation ou d'amélioration des transports. Il inaugure début juillet la reprise des vols transatlantiques d'Air France et obtient à Washington, en marge de l'accord Blum-Byrnes, diverses facilités américaines. Une fois la Constitution adoptée, Jules Moch retrouve son siège dans l'Hérault aux élections législatives du 10 novembre 1946, malgré une nette déperdition de voix (43 616 sur 211 756 suffrages exprimés), les cinq autres sièges se répartissant entre le PCF (deux), le MRP (deux) et le RGR (un). Il conserve les mêmes fonctions ministérielles dans les gouvernements Léon Blum (17 décembre 1946- 22 janvier 1947) et Ramadier (22 janvier- 22 octobre 1947), déployant une grande activité dans le cadre général de la reconstruction. Malgré les réticences de Robert Schuman, ministre des finances, il fait adopter et voter la nationalisation des deux principales compagnies maritimes, la Compagnie générale transatlantique et les Messageries maritimes. Dans le gouvernement Ramadier remanié le 22 octobre 1947, entre les deux tours des élections municipales, Jules Moch détient un grand ministère des affaires économiques, des travaux publics, des transports, de la reconstruction et de l'urbanisme, mais dont la longévité n'excède pas un mois. Au total, il aura dirigé le secteur des travaux publics et des transports durant deux ans et effectué une œuvre considérable de remise en état et de réorganisation, tant dans les grandes infrastructures que dans la marine marchande et de l'aviation civile.
Son autorité et son sens de l'Etat le désignent comme ministre de l'intérieur dans le gouvernement formé par Robert Schuman le 22 novembre 1947, poste qu'il conserve dans les cabinets Marie (26 juillet - 5 septembre 1948), Queuille (11 septembre 1948 - 28 octobre 1949), et Bidault (28 octobre 1949 - 7 février 1950) avec, dans ce dernier, le titre de vice-président du Conseil. A la suite de la démission de Queuille, il a d'autre part été chargé par le président Auriol d'une mission d'information, puis d'une mission officielle, en vue de former un nouveau gouvernement. Après de multiples consultations, il est finalement investi, le 14 octobre 1949, par 311 voix (soit une de plus que la majorité constitutionnelle) mais il échoue à composer un ministère capable de satisfaire les exigences contradictoires des partis. Son échec traduit bien le glissement à droite de l'Assemblée et l'impossibilité dans laquelle seront désormais les socialistes à diriger un gouvernement.
Au ministère de l'intérieur, où il est demeuré vingt-huit mois et auquel son nom demeure attaché, Jules Moch a déployé la plus intense activité. Outre la défense annuelle des crédits de son ministère, il dépose et défend plu sieurs projets de loi importants, relatifs notamment à l'élection des conseillers de la République (séances des 12 et 13 août 1948) ou aux prochaines élections cantonales. Mais ce sont les tâches de maintien de l'ordre qui ont absorbé l'essentiel de son activité, notamment lors des puissantes vagues de grèves de l'automne-hiver 1947 et la grève des houillères de l'automne 1948. Si l'on ajoute divers heurts et incidents violents survenus à Marseille (12 novembre 1947), Valence (3 et 5 décembre 1947), Clermont-Ferrand (15 juin 1948), Grenoble (18 septembre 1948) et Paris (11 novembre 1948), Jules Moch a dû justifier devant l'Assemblée le comportement souvent brutal des forces de l'ordre. Sans nier le caractère social et salarial, et par là même en partie justifié de ces grèves, il en dénonce la dimension délibérément politique et insurrectionnelle, commanditée à distance par le Kominform comme en témoignerait, par ailleurs, le déraillement du train Paris-Tourcoing le 3 décembre 1947. Une telle détermination, qui ne va pas sans inquiéter certains de ses camarades socialistes soucieux de ne pas couper la SFIO de la classe ouvrière, lui vaut d'essuyer périodiquement des injures et des vociférations du Parti communiste qui a désigné en lui l'ennemi de classe et le valet de l'impérialisme américain. Les séances des 29 novembre au 4 décembre 1947, consacrées à la discussion des projets de loi « de défense de la République », sont demeurées célèbres dans les annales de la vie parlementaire par le déchaînement des violences verbales et même physiques déployées dans les travées communistes. D'importants textes de loi n'en furent pas moins adoptés, comme l'interdiction du droit de grève dans la police et la création des IGAMES (super pré fets) dotés, dans le cadre du maintien de l'ordre, de la plénitude des pouvoirs civils et militaires.
Le 12 juillet 1950, Jules Moch devient le ministre de la défense nationale dans le cabinet Pleven, fonction reconduite dans le troisième cabinet Queuille (10 mars - 10 juillet 1951). Cette nomination suscite les protestations de certains modérés et plus encore la colère du Parti communiste qui monte contre lui une mise en accusation devant la Haute Cour pour certaines négligences, réelles ou supposées, dans l'affaire dite des généraux. La motion communiste est repoussée mais obtient tout de même 235 voix, ce qui affaiblit le ministère autant que le ministre. Entre-temps ce dernier a obtenu de l'Assemblée nationale l'allongement du service militaire à dix-huit mois et les crédits nécessaires qui joints à une substantielle aide américaine, doivent pourvoir à la modernisation et au réarmement de l'armée française (plan du 4 septembre 1950). Bien qu'ayant peu de prise sur le développement de la question indochinoise, il agrée en décembre 1950 la nomination du général de Lattre de Tassigny comme commandant en chef en Indochine.
En vue des élections du 17 juin 1951, Jules Moch procède à un large apparentement avec les listes du MRP (Coste-Floret), du RGR (Badie) et des Indépendants (Delbez). Les listes apparentées dépassant largement la majorité absolue (109 257 sur 211 485 suffrages exprimés), tous les sièges leur sont attribués et répartis à la proportionnelle. L'opération est particulièrement favorable à la SFIO qui en obtient trois sur les six à pourvoir. Jules Moch est donc réélu avec un fort coefficient personnel, 45 142 voix s'étant portées sur son nom pour une moyenne de liste de 39 028 suffrages.
Durant cette seconde législature, Jules Moch, qui n'appartient à la Commission des affaires étrangères qu'à partir de janvier 1953, effectue un travail parlementaire beaucoup plus épisodique que précédemment. Cela s'explique par ses absences fréquentes de Paris en raison des fonctions internationales qu'il assume, tant comme représentant de la France aux VIe et VIIe session de l'Assemblée générale de l'ONU (1951 et 1952) qu'à la Commission internationale de désarmement qui siège à New York puis à Londres. Hormis quelques interventions dans la discussion des crédits de la défense nationale, son action parlementaire se concentre désormais sur les problèmes du réarmement allemand et de la Communauté européenne de défense (CED) dont il est devenu, au fil des ans, un adversaire résolu. Il présente devant l'Assemblée, le 28 août 1954, le rapport de la Commission des affaires étrangères qui conclut à la non ratification du traité signé à Paris le 27 mai 1952. Il est à ce titre l'un des artisans du rejet de la CED le 30 août 1954, ce qui lui vaut une mesure d'exclusion de la SFIO, levée il est vrai quelques mois plus tard, après la ratification des accords de Paris.
Lors des élections du 2 janvier 1956, la SFIO de l'Hérault ne conclut qu'un modeste apparentement avec la liste de l'UDSR, les formations de droite et du centre en concluant un autre. Jules Moch est réélu, seul de sa liste, avec 16,7 % des suffrages exprimés, le Parti communiste retrouvant les deux sièges qui lui avaient été ravis en 1951, les trois autres se répartissant entre le RGR, le MRP et les poujadistes.
Ayant décliné l'offre (discrète) d'un portefeuille dans le ministère Mollet - au demeurant un ministère d'Etat chargé du désarmement- Jules Moch appartient à la Commission des affaires étrangères tout en conservant ses fonctions à l'ONU. Appelé fréquemment hors de France, son activité parlementaire est fort modeste, réduite pour l'essentiel à une longue interpellation du gouvernement Gaillard, le 14 janvier 1958, sur la politique étrangère et les problèmes internationaux de l'heure. Entre-temps, les relations avec Guy Mollet, déjà tendues depuis la crise de la CED, se sont détériorées en raison de la politique algérienne de ce dernier. Auteur d'un « plan de paix » en Algérie (Le Monde des 16 et 24 juillet 1957) qui n'a pas même été pris en considération par les instances dirigeantes de la SFIO il se rapproche de la minorité hostile à la poursuite de la guerre d'Algérie et signe, en mars 1958, la protestation adressée au Comité directeur contre l'interdiction de la Tribune du socialisme.
Député et représentant permanent de la France à l'ONU, Jules Moch cultive bien d'autres activités. Il anime à la SFIO un Comité national d'études où se réunissent périodiquement des « techniciens » du parti (A. Gazier, J. Minjoz, M. Deixonne...) en vue de moderniser la doctrine socialiste, mais dont les travaux se heurtent à la plus totale indifférence de la direction molletiste. Il participe également aux travaux du mouvement « Pugwash » qui réunit, au large de Terre Neuve en 1957, la première réunion de savants désireux de sauver la paix dans le monde. Ecrivain prolixe, il publie des ouvrages sur les sujets les plus divers : Yougoslavie, terre d'expérience, 1953 ; Alerte : le problème crucial de la Communauté européenne de défense en 1954 ; La folie des hommes, consacré au désarmement atomique, en 1955 ; URSS, les yeux ouverts en 1956, etc. Ses mémoires, parus en 1976 sous le titre Une si longue vie contiennent de substantiels développements sur sa vie parlementaire et gouvernementale.
Jules Moch revient au premier plan quand, le 17 mai 1958, il remplace Maurice Faure comme ministre de l'intérieur du cabinet Pflimin dans le contexte dramatique des événements déclenchés le 13 mai à Alger. Pour « défendre la République contre qui que ce soit » il fait preuve de la même détermination que dix ans plus tôt. Mais il se rend rapidement à l'évidence que les rouages de l'Etat n'obéissent plus à leurs chefs. Rallié à la candidature du général de Gaulle pour écarter toute menace de guerre civile, il vote son investiture le 1er juin puis les pleins pouvoirs et la révision constitutionnelle le lendemain.
Ayant fait personnellement campagne pour le Non au référendum de septembre, Jules Moch se porte candidat dans l'Hérault (circonscription de Sète-Pézenas) aux élections de novembre 1958. Arrivé en tête au premier tour, il est battu par le candidat de droite en raison du maintien de Raoul Calas (communiste). Il demeure délégué à la Commission du désarmement de l'ONU jusqu'en 1961.
Aux élections de novembre 1962 il est élu grâce au retrait de son vieil adversaire communiste. Mais peu à l'aise dans les nouvelles structures parlementaires de la Ve République, il décide en janvier 1967 de ne plus se présenter aux élections législatives pour se consacrer à des études personnelles ou à des causes qui lui sont chères comme le désarmement ou la liaison Trans-Manche. Hostile à la stratégie d'union de la gauche et à toute alliance privilégiée avec le PCF, il donne sa démission du Parti socialiste le 31 décembre 1974.
Tour à tour admiré, vilipendé et redouté, Jules Moch fut un homme d'Etat d'une intelligence et d'une énergie exceptionnelles et, à coup sûr, l'une des figures majeures de la vie politique et parlementaire de la IVe République.