Pierre, Alexandre, Just Monnerville
1895 - 1970
Né le 24 février 1895 à Cayenne (Guyane)
Décédé le 6 septembre 1970 aux Abymes (Guadeloupe)
Député de la Guadeloupe de 1956 à 1958
Les parents de Pierre Monnerville sont originaires de la Martinique. Son père est un fonc tionnaire de rang modeste. Pierre Monnerville comme son jeune frère Gaston (le futur président du Sénat) sont reconnus à leur naissance bien que leurs parents ne soient pas mariés. En 1911, Pierre Monnerville est reçu au concours des bourses et part pour Toulouse (où son frère Gaston le rejoint l'année suivante). C'est là qu'il achève ses études secondaires et fait sa médecine. Il participe à la phase finale de la guerre. Médecin-auxiliaire, il est blessé. Docteur en 1921, il part pour la Guadeloupe. Il s'installe dans la bourgade de Morne-à-l'Eau.
Dévoué à ses patients, impliqué dans la vie sportive, Pierre Monnerville acquiert une popularité qui lui permet de se faire élire conseiller général en 1945. En 1947, il conquiert la mairie de Morne-à-l'Eau. Il va rester à la tête de sa commune jusqu'à sa mort. Aux législatives de 1956, Paul Valentino, député socialiste de la Guadeloupe depuis 1945, ne se représente pas. C'est Pierre Monnerville qui prend la tête de la liste SFIO. Il affronte une liste communiste dirigée par le député sortant Rosan Girard, une liste néo-gaulliste dirigée par un autre député sortant Furcie Tirolien et une liste radicale conduite par Fernand Balin. La campagne est rude. En témoigne la vigueur des termes de la profession de foi socialiste : « Ce serait se cracher au visage, humilier notre pays en allant déposer un bulletin dans l'urne pour un Furcie Tirolien ou un Fernand Balin. (...) En avant pour assurer la défaite du stalinisme, cette plaie hideuse qui défigure notre pays. » Avec 20 % des suffrages exprimés, la liste socialiste arrive en troisième position derrière la liste communiste (46,2 %) et la liste Tirolien (33,4 %). Pierre Monnerville est élu, ainsi que les deux sortants. La Guadeloupe garde la même représentation politique.
En janvier 1956, Pierre Monnerville est nommé membre de la Commission de la famille, de la population et de la santé publique et membre de la Commission du travail et de la sécurité sociale. Au nom de la première, il rédige un rapport sur la nécessité d'ouvrir en Guadeloupe un centre régional de cancérologie. Au nom de la seconde, il est l'auteur de deux rapports sur l'extension aux départements d'outre-mer du système d'allocations familiales. Le 4 octobre 1956, il dépose une proposition de résolution invitant le gouvernement à allouer en urgence une indemnité pour réparer les dommages du cyclone qui vient de frapper son île. Inscrit au groupe socialiste, Pierre Monnerville applique la discipline de vote de son parti. Lors du retour au pouvoir du général de Gaulle, il ne participe pas au deux premiers scrutins (investiture, pleins pouvoirs), mais vote le projet de loi relatif à la révision constitutionnelle. Réélu en novembre 1958, Pierre Monnerville va continuer sa carrière parlementaire sous la Ve République.
Pierre Monnerville s'est marié en 1921 à une Martiniquaise (Virginie Monnerville, née en 1894). Il a un enfant, André, né en 1923 et devenu lui aussi médecin. Titulaire de la Croix de guerre, Pierre Monnerville est également officier de la Légion d'honneur.
MONNERVILLE (Pierre, Alexandre, Just)
Né le 24 février 1895 à Cayenne (Guyane)
Décédé le 6 septembre 1970 aux Abymes (Guadeloupe)
Député de la Guadeloupe de 1956 à 1967
Pierre Monnerville est né le 24 février 1895 à Cayenne, en Guyane. Sa mère couturière et son père comptable sont tous deux originaires de Guadeloupe. Ensemble, ils donnent naissance à deux grands hommes politiques de l’île, puisque Pierre et Gaston Monnerville y deviennent respectivement député et sénateur après la deuxième guerre mondiale.
Avant 1914, Pierre Monnerville a choisi la médecine comme vocation. Boursier, il se rend en 1911 à Toulouse pour y achever ses études secondaires. Il est rejoint par son frère Gaston l’année suivante. Bachelier en 1911, il entame alors sa médecine. Mobilisé en 1917 comme médecin auxiliaire, il est blessé au front en mars 1918. Décoré de la Croix de Guerre, puis plus tard de la Légion d’honneur, il ne retourne en Guadeloupe qu’en 1921 pour s’y installer comme médecin, s’y marier avec Virginie Monnerville, qui lui donne un fils, André, né en 1923, et lui aussi futur médecin.
C’est par sa profession et la notabilité qu’elle lui garantit que Pierre Monnerville est entré en politique. Entre 1921 et 1956, il est l’unique médecin de campagne de la ville de Morne-à-l’Eau où il s’est installé. Son dévouement a laissé des traces dans la mémoire de l’île. Cela lui permet de devenir maire de Morne-à-l’Eau de décembre 1947 à sa mort en 1970, mais aussi conseiller général du 2e canton de Morne-à-l’Eau d’octobre 1945 à juin 1961.
Cet ancrage local est le tremplin d’une carrière politique nationale. Elu dans la 2e circonscription de la Guadeloupe lors des élections de 1956 sur la liste de la Fédération de la Guadeloupe du Parti socialiste SFIO, il conserve son siège en 1958.
La configuration du scrutin de novembre 1958 ne lui est pourtant pas nécessairement favorable. La SFIO est divisée dans la 2e circonscription : outre Pierre Monnerville, René Toribio, maire du Lamentin, se présente lui aussi sous cette étiquette. Le troisième candidat, Paul Lacavé, est d’obédience communiste. Maire de Capesterre, il aurait pu jouer de ces divisions. Pierre Monnerville, cependant, peut s’appuyer sur le bastion de Morne-à-l’Eau, la plus grande ville de sa circonscription. Au premier tour, le 23 novembre 1958, Pierre Monnerville obtient 6 955 voix dans sa ville, contre moins d’une vingtaine de voix à chacun de ses adversaires. Capesterre n’apporte que 3 943 voix à Paul Lacavé, et Fromentin 3 039 voix à René Toribio. Malgré les divisions socialistes, Pierre Monnerville est donc largement en tête au premier tour avec 9 093 voix (29,5% des inscrits, mais 43,9% des exprimés) devant Paul Lacavé (6 647 voix, 32,1% des exprimés) et René Toribio (4 937 voix, 23,8% des exprimés). Au second tour, seul Paul Lacavé parvient à consolider son score en absolu (6 989 voix, 29,11% des exprimés), mais la forte augmentation de la participation (plus de 4 000 électeurs supplémentaires, soit près de 25% des électeurs du premier tour, se déplacent le 30 novembre) et le recul de René Toribio (4 015 voix, soit 16,7% des voix) assurent à Pierre Monnerville une très large victoire : il est élu avec 13 001 voix, soit 54,1% des suffrages exprimés.
Les élections de 1962 lui sont tout aussi favorables. Pierre Monnerville se présente sous l’étiquette de l’« Union Socialiste de Gauche pour la Défense de la République ». Il est toujours opposé à un autre socialiste, sous étiquette SFIO cette fois, Paul Valentino. Mais celui-ci ne parvient pas à représenter une sérieuse menace. Au premier tour, Paul Valentino ne rassemble que 3 922 voix (11,7% des inscrits, soit 17,4% des exprimés) contre 10 534 voix à Pierre Monnerville (46,9% des exprimés) et 7 989 voix à Paul Lacavé (35,6% des exprimés). Au second tour, la domination de P. Monnerville se confirme, avec 13 211 voix (56,7% des exprimés). Mais son adversaire communiste Paul Lacavé a renforcé ses positions. En quatre ans, la population de Capesterre, la ville dont il est maire, a quasiment doublé : il y puise 5 290 suffrages, contre 3 943 en 1958. Il est d’ailleurs élu député en 1967, mais à cette date, Pierre Monnerville s’est retiré de la compétition politique, malade déjà sans doute du cancer du poumon qui devait l’emporter trois ans plus tard.
Dans sa profession de foi de 1958, Pierre Monnerville a exprimé les grandes lignes d’un vrai programme politique : une politique d’équipement de la Guadeloupe, la transformation de l’île en un « véritable département français », le maintien de la souveraineté française dans le cadre de la départementalisation et la lutte contre les « autonomo-séparatistes ». C’est ce programme qu’il s’efforce d’imposer à la Chambre entre 1958 et 1967. C’est pourquoi il peut se réclamer, dans sa profession de foi de 1962, du vote de la loi du 2 août 1961 sur la réforme agraire, de celle du 27 décembre 1960 sur l’extension du bénéfice des allocations familiales aux citoyens des DOM, et de celle du 29 juillet 1961 sur l’aide sociale aux personnes âgées.
Pierre Monnerville, pendant ses mandats, est d’abord membre de la Commission de la Production et des Echanges entre janvier et novembre 1959, mais il en démissionne à cette date. Il entre alors à la Commission des Lois où il demeure de novembre 1959 à 1961, puis à la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales où il siège sans discontinuer jusqu’en 1967.
A la Chambre, il prend part le 21 novembre 1959 à la discussion de la loi de finances pour 1960 : il évoque alors les conditions de fixation du prix et de l’exploitation de la canne à sucre, déplore l’augmentation du coût de la vie et réclame l’uniformisation des lois sociales entre les DOM et la métropole. Ces propositions constituent les lignes de force de ses interventions parlementaires. Le 30 juin 1960, il prend ainsi part à la discussion sur le projet de loi de programme pour les DOM. Il dépose puis retire un amendement sur les conditions d’exploitation de la canne. Le 18 juillet 1961, c’est dans le cadre de la discussion de la loi sur le régime foncier des DOM qu’il intervient, à propos de la concentration de la propriété foncière et de l’accès à la petite propriété. Il prend également part le 21 juillet 1961 à la discussion de la loi sur le Fonds national de solidarité à l’égard des DOM, à la fois sur les conditions d’extension de la législation sociale aux citoyens des DOM et à la lutte contre les inégalités entre les DOM et la métropole. Le 25 octobre 1961, il dépose un amendement sur la suppression des crédits destinés au service militaire adapté dans le cadre de la discussion de la loi de finances pour 1962. Le 21 juin 1962, il intervient encore lors des discussions sur le projet de loi du IVe Plan. Il souligne l’insuffisance de l’équipement social de l’île, réclame une réforme agraire et la création d’une faculté des sciences en Guadeloupe.
Lors de son second mandat sous la Ve République, son activité est moindre à la Chambre. Le 22 janvier 1963, il déplore l’insuffisance des Allocations familiales dans les DOM, demande de mettre un terme à la crise du logement qui règne en Guadeloupe, et invite à développer l’équipement culturel de l’île. Lors de la discussion de la loi de finances pour 1964, le 8 novembre 1963, il insiste à nouveau sur la nécessité d’améliorer la voirie de la Guadeloupe, de lutter contre les ravages du cancer dans la population, dont il redit l’attachement à la France.
Ce programme se double d’une attitude d’opposition à la Chambre. Inscrit au groupe socialiste, il vote non au programme de gouvernement de Michel Debré le 16 janvier 1959. Il refuse également d’approuver le nouveau règlement définitif de l’Assemblée nationale le 3 juin 1959. Il approuve cependant la déclaration de politique générale du Premier ministre le 15 octobre 1959, puis les pouvoirs spéciaux au gouvernement le 2 février 1960. Mais il vote contre la loi sur l’enseignement privé le 23 décembre 1959, contre la modification du titre XII de la Constitution le 11 mai 1960, et contre le programme du gouvernement Pompidou le 27 avril 1962. Son attitude d’opposition ne se dément pas lors de son second mandat : il vote en particulier pour la motion de censure le 4 octobre 1962. S’il s’oppose à la loi sur la coopération franco-allemande le 13 juin 1963 et au projet de la loi sur les modalités de grève le 26 juillet suivant, il s’abstient seulement sur la modification de l’art. 28 de la Constitution le 20 décembre 1963, et approuve la loi sur le Service national le 26 mai 1965.
Veuf depuis 1963, miné par la maladie, Pierre Monnerville ne se représente pas en 1967. Il s’éteint aux Abymes, en Guadeloupe, le 6 septembre 1970. Sa mort est l’occasion d’un très large hommage dans l’île.