Pierre de Montesquiou
1909 - 1976
MONTESQUIOU (Pierre de)
Né le 1er mars 1909 à Paris-8e.
Décédé le 15 octobre 1976 à Tours (Indre-et-Loire).
Député du Gers de 1958 à 1976
Il est des familles d’antique noblesse qui, après 1789, fournirent à la France des parlementaires en nombre jusque dans les Assemblées républicaines. La lignée des Montesquiou, comme celle des Rohan ou des Harcourt, est de celles-là. Deux Montesquiou siégèrent ainsi aux Etats-Généraux en 1789 : l’un y représenta la noblesse, l’autre le clergé. Ils devaient plus tard présider l’un et l’autre l’Assemblée constituante. Au nombre des ancêtres de Pierre de Montesquiou figurent le maréchal de Montluc, mémorialiste du XVIe siècle, ou le maréchal Masséna, duc de Rivoli et prince d’Essling.
Bien que né dans le huitième arrondissement à Paris, Pierre de Montesquiou a pour précepteur le curé de Marsan, petite commune du Gers. Elève curieux de tout et très doué, il poursuit de brillantes études supérieures : licence ès lettres, diplôme de l’Ecole libre des Sciences Politiques et doctorat en droit.
Pierre de Montesquiou choisit de pratiquer le négoce de spiritueux en créant sa propre marque d’Armagnac dans les années 1930. Quoiqu’à peine âgé de 27 ans, il se présente aux élections législatives de 1936 dans la première circonscription du Gers (Auch-Lombez) comme « radical indépendant » face au radical-socialiste Camille Catalan, député depuis 1928. La défaite qu’il enregistre les 26 avril et 3 mai 1936 est honorable. Il obtient en effet plus de 43% des suffrages exprimés au second tour et devance Camille Catalan dans trois cantons sur dix au premier tour de scrutin. Deux ans plus tard, il entre au cabinet de Raymond Patenôtre, ministre de l’Economie nationale et de la Production d’Edouard Daladier d’avril 1938 à septembre 1939.
Mobilisé à l’automne 1939, Pierre de Montesquiou entend se rendre utile et se porte volontaire pour les opérations alliées en Norvège, à Narvik. Fait prisonnier, le jeune Gascon réussit à s’évader. A la Libération, l’engagement contre l’Occupant de Pierre de Montesquiou lui vaut la Croix de guerre 1939-1945, la Croix de la valeur militaire, la médaille des Combattants volontaires de la Résistance et la Légion d’honneur, reçue à titre militaire.
Il se présente aux élections de la première Assemblée constituante à la tête d’une « liste d’Union radicale du Gers » à l’automne 1945. Deux autres listes se réclament du radical-socialisme : celle de négociant en armagnac n’obtient que 5,5% des voix. La SFIO, le MRP et les communistes, arrivés en tête, obtiennent chacun un siège. Maire de Marsan après les élections de 1953, Pierre de Montesquiou se présente à nouveau aux suffrages des électeurs gersois le 2 janvier 1956. Il conduit la liste de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), qui n’obtient en moyenne que 5102 voix, soit un peu moins de 6% des suffrages exprimés. Pierre de Montesquiou rassemble pourtant 7,4% sur son nom, grâce au vote préférentiel. Un apparentement avait été conclu entre la liste Montesquiou et celle des radicaux-socialistes emmenés par le Conseiller général de Samatan Patrick Brocas, mais il n’atteint pas la majorité absolue. Les sièges sont donc répartis à la proportionnelle entre radicaux, socialistes et communistes.
La forte personnalité de Pierre de Montesquiou s’accommode mal de la proportionnelle. Or, le rétablissement du scrutin d’arrondissement pour les élections législatives de novembre 1958 semble favoriser les élus bien implantés ou charismatiques au détriment des hommes de partis. Conseiller général du Gers (canton de Gimont) depuis avril 1958, Pierre de Montesquiou choisit se présenter dans la nouvelle deuxième circonscription du Gers : un siège de député a été supprimé dans ce département. Il obtient l’investiture du Centre républicain et radical. Sa profession de foi présente Pierre de Montesquiou comme un homme lié au pays gersois « par une tradition aussi vieille que notre espoir et par une fière noblesse ». Le candidat rappelle qu’il a soutenu le « oui » au référendum du 28 septembre 1958, dans une circonscription qui a approuvé la Constitution de la Ve République à 78,2%. Le programme de Pierre de Montesquiou évoque surtout des problèmes locaux. Mais le maire de Marsan souhaite «faire en sorte que l’Algérie nouvelle soit indissolublement unie à la France» et plaide en faveur d’«une République forte, libérale et sociale». Avec 9397 voix, soit 25% des suffrages exprimés, Pierre de Montesquiou arrive en seconde position le 23 novembre 1958. Au second tour, il obtient le soutien des deux candidats de droite et du candidat radical-socialiste et l’emporte sur le sortant socialiste Alexandre Baurens, implanté à Valence-sur-Baïse, avec 54,8% des voix.
A l’Assemblée nationale, Pierre de Montesquiou siège brièvement parmi les non-inscrits, puis rejoint le groupe de l’Entente démocratique le 27 juillet 1959. En désaccord avec la majorité de ses membres sur la question algérienne, l’élu du Gers quitte cette formation en novembre 1960, avant de s’y apparenter le 24 avril 1962. D’abord membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées, Pierre de Montesquiou rejoint la Commission de la production et des échanges pour quelques mois en avril 1962. Il assume les fonctions de Secrétaire de l’Assemblée nationale en 1959.
Au cours de la première législature, le maire de Marsan s’associe à une proposition de loi tendant à la réorganisation régionale de l’enseignement agricole (26 avril 1960). Il dépose lui-même une proposition de loi tendant à organiser la garantie des agriculteurs contre les calamités agricoles (4 novembre 1960) et évoque fréquemment les problèmes du monde rural dans l’hémicycle : crise du secteur avicole, privilège des bouilleurs de cru... Il intervient en outre à l’Assemblée nationale pour souligner la faiblesse des résultats obtenus par rapport aux sommes dépensées depuis 1946 pour la mise au point de la force de frappe, et souligne la nécessité, selon lui, de réformer la politique atomique et ses organes d’exécution (22 novembre 1960). Très attaché à sa région d’élection, il en défend les intérêts avec vigueur devant ses collègues et le Gouvernement. Mais Pierre de Montesquiou s’illustre surtout dans la défense de l’Algérie française entre 1958 et 1962. Il demande au Gouvernement de ne pas « installer à Alger, sous le nom d’un parti, les hommes du Caire » le 14 octobre 1959, et envisage les conséquences dramatiques d’une éventuelle perte de l’Algérie, pour en mieux récuser l’hypothèse avec indignation le 7 décembre 1960.
Le député du Gers appelle à voter « non » au référendum sur l’Algérie du 8 janvier 1961 : il est suivi par 34,8% des suffrages dans sa circonscription. En août 1961, Pierre de Montesquiou contribue à la fondation du Parti libéral européen, où se retrouvent beaucoup d’anciens radicaux proches des milieux de l’Algérie française, comme Jean-Paul David. Le 8 avril 1962, il s’oppose au référendum accordant l’indépendance à l’Algérie, mais seuls 16,9% des électeurs partagent sa position dans son propre canton de Gimont.
Les votes de Pierre de Montesquiou dans l’hémicycle témoignent de ce basculement progressif dans l’opposition. Le député du Gers approuve le programme du gouvernement Debré le 16 janvier 1959, mais s’abstient volontairement lors de la déclaration de politique générale du même Premier ministre le 15 octobre 1959. Pierre de Montesquiou refuse d’accorder les pouvoirs spéciaux au Gouvernement après la semaine des barricades à Alger (2 février 1960). Président de la Commission chargée d’examiner la demande d’immunité parlementaire de l’ancien Président du Conseil Georges Bidault, il s’abstient volontairement lors du vote dans l’hémicycle sur cette question (5 juillet 1962). Pierre de Montesquiou reproche au pouvoir gaulliste son caractère peu « libéral » et critique la décision de convoquer un référendum pour décider du mode d’élection du chef de l’Etat. Il vote avec 279 de ses collègues la motion de censure du 4 octobre 1962, qui renverse le Gouvernement Pompidou.
Aux élections législatives des 18 et 25 novembre 1962, aucun des concurrents de Pierre de Montesquiou ne détient de mandat local important. C’est sans difficulté particulière que le sortant, après avoir dominé les cinq autres candidats au premier tour en réunissant 40,3% des suffrages exprimés, s’impose face au socialiste Yves Coustau le 25 novembre 1962. Malgré ses positions sur l’Algérie, le maire de Marsan avait obtenu l’investiture de l’Union du Rassemblement démocratique présidée par le radical-socialiste Maurice Faure : il est réélu par 59,2% des électeurs.
Le député du Gers, qui répugne aux idéologies trop marquées et à la discipline de groupe, s’inscrit à la formation du Rassemblement démocratique sous la deuxième législature. Il siège presque continûment à la Commission des Affaires étrangères entre 1962 et 1967, hormis un passage d’un mois à la Commission de la production et des échanges en novembre-décembre 1963. Le maire de Marsan assume ses fonctions de parlementaire avec la même ardeur qu’auparavant et rédige quatre propositions de lois entre 1962 et 1967. L’une d’elles, déposée le 18 décembre 1964, envisage de créer des prestations d’études en faveur des étudiants de l’enseignement supérieur : les bourses sur critères sociaux seraient réservées aux étudiants de premier cycle, cependant que les étudiants de deuxième cycle bénéficieraient d’une prestation d’un montant annuel d’1,6 SMIG, en partie remboursable. L’objectif de Pierre de Montesquiou, que partage son collègue Robert-André Vivien, consiste en l’espèce à démocratiser l’enseignement supérieur. Les deux députés redéposeront ce texte sur le bureau de l’Assemblée nationale en juin 1967 et juillet 1968.
Sous la seconde législature, les interventions du député du Gers se concentrent sur la question de la désertification des campagnes et le nécessité d’y remédier par le développement du tourisme (21 octobre 1966), sur les problèmes du monde viticole (18 octobre 1963) et sur les avantages pour la France d’envisager la recherche nucléaire à échelle européenne (28 juin 1966). Pierre de Montesquiou se situe dans l’opposition au gouvernement Pompidou. Il s’abstient volontairement sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Elysée entre l’Allemagne et la France (13 juin 1963), rejette le texte visant à encadrer le droit de grève dans les services publics (26 juillet 1963) comme le projet de loi relatif à l’élection des conseillers municipaux (17 juin 1964) et la réforme du service militaire (26 mai 1965).
Pierre de Montesquiou, qui a adhéré dès 1958 au groupe français de l’Union interparlementaire, s’intéresse depuis longtemps aux problèmes internationaux et européens. Il vit comme un honneur d’être envoyé au Conseil de l’Europe et à l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) comme membre suppléant en 1963, puis titulaire. A l’UEO, où il siège jusqu’à sa mort, le député du Gers se distingue par la qualité de ses rapports sur l’état des activités européennes en matière spatiale (1967) ou sur la coopération entre les Etats-Unis et l’Europe en matière de technologies de pointe (1975). Dans les années 1970, Pierre de Montesquiou présidera même le groupe libéral à l’Assemblée de l’UEO.
La profession de foi du maire de Marsan pour les législatives de mars 1967 traduit ses préoccupations en matière politique étrangère : « pour le désarmement général, le rapprochement avec l’Est, la paix au Vietnam ». Le député du Gers se défend d’être un « inconditionnel » ou « un opposant systématique au pouvoir gaulliste. Il se veut « un homme libre » au Parlement, « un Gersois parmi les Gersois » dans son département. Pierre de Montesquiou est confirmé dans son mandat par 55,8% des électeurs au second tour de scrutin face au maire SFIO de Condom. La très brève troisième législature (1967-1968) permet au négociant d’armagnac de rejoindre la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, où il siégera jusqu’en 1976.
C’est sans indulgence excessive qu’il juge les événements de mai 1968, car il refuse « l’anarchie et la guerre civile » et plaide pour « la stabilité dans le dialogue ». Sans opposant à droite et bénéficiant de l’appui implicite de la majorité face aux trois candidats de gauche, Pierre de Montesquiou est réélu député au premier tour le 23 juin 1968, par 53,2% des suffrages exprimés. Il retrouve dans l’hémicycle le groupe Progrès et démocratie moderne, auquel il appartenait depuis 1967. Comme l’ancien Président du Conseil René Pleven, il se rallie à la majorité présidentielle après l’élection de Georges Pompidou à la présidence de la République. Il vote en faveur de loi dite « anti-casseurs » (4 juin 1970) comme de la réforme du service national (19 juin 1970) et approuve la déclaration de politique générale de Jacques Chaban-Delmas, le 24 mai 1972. Mais ses positions politiques ne se laissent pas réduire aux étiquettes ou aux logiques bipolaires. Président d’honneur de la Fédération radicale-socialiste du Gers, membre du Conseil politique du Centre démocratie et progrès en mars 1972 puis proche un temps du Mouvement réformateur de Jean-Jacques Servan-Schreiber, Pierre de Montesquiou n’hésite pas à enfreindre les disciplines de vote au Palais-Bourbon. Ses réticences quant au découpage de la région « Midi-Pyrénées » le poussent ainsi à s’abstenir sur le projet de loi portant création et organisation des régions, le 27 avril 1972.
Rapporteur pour avis du Budget annexe des prestations sociales agricoles pour 1970, 1971, 1972 et 1973, Pierre de Montesquiou affirme sous la troisième législature son intérêt pour une autre dimension des problèmes ruraux : la protection de la nature. Il préside depuis 1967 le groupe parlementaire d’études sur ce sujet et est désigné par collègues pour siéger à la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages à partir de 1968. Le député du Gers interpelle ainsi le ministre de l’Agriculture au moyen d’une question orale avec débat sur la protection de la nature et la pollution des eaux le 16 octobre 1970.
Pierre de Montesquiou consacre en outre plusieurs interventions à l’enseignement supérieur et à sa nécessaire démocratisation. Soucieux d’œuvrer à la réconciliation des Français avec eux-mêmes, il dépose, quoique résistant, une proposition de loi tendant à permettre que la promotion au grade supérieur, à titre honorifique, des anciens officiers mis à la retraite d’office entre 1939 et 1949. Pierre de Montesquiou, qui est devenu Vice-président du groupe parlementaire de défense des rapatriés en juillet 1968, ne manque par ailleurs pas une occasion de soutenir les intérêts des anciens « Français d’Algérie » jusqu’en 1976.
Malgré la poussée de la gauche au niveau national, le député sortant de la 2e circonscription du Gers manque de peu une réélection au premier tour le 4 mars 1973. La hausse de la participation et la qualité du report des voix à gauche lui valent cependant un succès limité (52,6%) au second tour de scrutin, face à l’ancien radical André Cellard, devenu socialiste. Pierre de Montesquiou rejoint le groupe des Réformateurs démocrates sociaux à l’Assemblée en juin 1974, après s’y être apparenté dès 1973. Il est choisi comme Rapporteur du budget des prestations sociales agricoles pour 1974, 1975 et 1976. Favorable à un conception libérale des institutions de la Ve République, il se prononce en faveur de la réduction du mandat présidentiel à cinq ans le 16 octobre 1973. S’il accueille favorablement l’élection de Valéry Giscard d’Estaing comme Chef de l’Etat et approuve la déclaration de politique générale de son Premier ministre Jacques Chirac (6 juin 1974), Pierre de Montesquiou s’oppose à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse le 28 novembre 1974.
Les dernières interventions du maire de Marsan dans l’hémicycle portent sur des questions locales, sur les problèmes agricoles ou sur les difficultés de la construction aéronautique française. Le député du Gers préside la Commission des questions scientifiques, techniques et aérospatiales à l’Assemblée de l’UEO depuis 1970 et se montre un défenseur vigoureux du supersonique Concorde dans les années 1970. Pierre de Montesquiou avait choisi, après deux mandats dans le canton de Gimont, de se faire élire à Mauvezin en 1970. Il ne retrouve pas ce siège de conseiller général six ans plus tard. Le maire de Marsan est victime d’un accident cérébral peu après cet échec. Âgé de soixante-sept ans, il s’éteint à l’automne 1976.
L’éloge funèbre du « gentilhomme gascon », auteur de plusieurs ouvrages savants sur l’histoire de la papauté et parlementaire très actif, est prononcé dans l’hémicycle par le président Edgar Faure le 28 octobre 1976. Le premier des députés insiste sur le « panache » d’un élu atypique, fidèle à ses convictions contre la loi du nombre. Le ministre Michel Durafour salue à cette occasion la mémoire d’un homme « dont la générosité et la noblesse de cœur ne pouvaient laisser personne indifférent ».
Jean Faget, conseiller général d’Eauze et suppléant de Pierre de Montesquiou, lui succède à l’Assemblée nationale jusqu’en 1978. A cette date, le socialiste André Cellard, futur secrétaire d’Etat à l’agriculture de François Mitterrand, est envoyé au Palais-Bourbon par les électeurs de la 2e circonscription du Gers.