Abbes Moulessehoul

1920 - 1990

Informations générales
  • Né le 2 juillet 1920 à Sidi-bel-abbes (Algérie)
  • Décédé le 22 mars 1990 à Toulouse (Haute-Garonne - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 3 juillet 1962
Département
Anciens départements d'Algérie
Groupe
Union pour la nouvelle République

Biographies

Biographie de la Ve République

MOULESSEHOUL (Abbès)
Né le 2 juillet 1920 à Sidi-Bel-Abbès (Algérie)
Décédé le 22 mars 1990 à Toulouse (Haute-Garonne)

Député de Tlemcen de 1958 à 1962

Bellabas Moulessehoul, dit Abbès, naît en 1920 à Tlemcen, grande cité de tradition islamique du Maghreb, située dans le département d’Oran. Par son origine, il appartient à la population des « indigènes », soumis à la législation d’exception contenue dans le Code de l’indigénat et qui, bien que considérés comme Français, ne jouissent pas des droits de la citoyenneté. Fils de commerçants, il est l’un des rares membres de la population colonisée à pouvoir étudier à l’école française. Il fait ses études au lycée de Slane, dans le centre-ville de Tlemcen, et y obtient son brevet d’études du premier cycle (BEPC). Il démarre son activité professionnelle dans le secteur du textile, dont la ville de Tlemcen est spécialiste ; il devient directeur d’une fabrique de tapis. Dès 1943, il se syndique à la CGT, puis il entre au syndicat Force ouvrière. En 1952, il crée le premier syndicat Force ouvrière des travaux publics du département d’Oran, dont il devient le secrétaire général.
La carrière politique d’Abbès Moulessehoul démarre avec la guerre d'Algérie. Commencée le 1er novembre 1954 avec les attentats simultanés organisés par le Front de libération nationale (FLN), elle précipite la reconfiguration du champ politique des trois départements algériens. La démission de la plupart des conseillers municipaux « musulmans » vide les municipalités, tandis que l’insécurité générale rend très difficile l’organisation d’élections. En 1956, un décret repousse les élections et met en place un régime transitoire sous la forme des délégations spéciales : à la place des conseils municipaux dissous, ces structures, la plupart du temps sous autorité militaire, gèrent la municipalité jusqu’aux élections municipales de 1959. Abbès Moulessehoul y prend place dès 1956, et devient adjoint du président de la délégation spéciale de Tlemcen. En 1959, il est reconduit lors des élections municipales. En 1957, il entre au conseil général du département de Tlemcen, créé par la réforme des circonscriptions administratives de l’Algérie, et y reste jusqu’aux élections cantonales de 1960.
Le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 bouleverse de nouveau la donne politique en Algérie. Alors que les élections législatives y ont été suspendues en 1956 par le gouvernement Guy Mollet, le nouveau pouvoir décide de les faire se tenir en novembre 1958. Cette décision n’est pas sans poser de nombreux problèmes dans un pays en guerre. L’intervention de l’administration conjuguée à celle de l’armée crée, en effet, un environnement qui ne satisfait guère aux règles démocratiques de la République. Le scrutin, de la constitution des listes à leur déroulé, en passant par la campagne électorale, est marqué par la pression des militaires sur la population. L’armée soutient bien souvent les candidats proches des comités de salut public, créés au printemps 1958. Par ailleurs, l’ordonnance du 16 octobre 1958 relative à l’élection des députés des départements d’Algérie à l’Assemblée nationale introduit des changements majeurs dans le scrutin. Le principe du collège unique pour tous les électeurs, « musulmans » et « européens », est instauré. Le mode de scrutin de ces élections est propre aux circonscriptions algériennes : scrutin de liste majoritaire à un tour, il permet d’élire en une fois l’ensemble de la liste arrivée en tête des suffrages. Chaque liste de candidats doit enfin « respecter une certaine proportion entre les citoyens de statut civil de droit commun et les citoyens de statut civil local, afin de permettre une juste représentation des diverses communautés. » Dans la neuvième circonscription d’Algérie, celle de Tlemcen, cette répartition est établie à un candidat de statut civil de droit commun, c'est-à-dire un Français d’Algérie, et deux candidats de statut civil local ou « Français musulmans d’Algérie ».
Abbès Moulessehoul se présente sur la liste de Rénovation républicaine pour le progrès social et économique, conduite par Slimane Belabed, ancien gendarme, caïd des Beni-Mnir et maire de Nedroma. Face à trois autres listes, d’inspiration parfois proche, la liste sur laquelle figure Moulessehoul recueille 49% des suffrages exprimés. Au Palais-Bourbon, il s’inscrit au groupe de la Formation administrative des élus d’Algérie et du Sahara, qui devient en juillet 1959 le groupe du Regroupement national de l’unité de la République. Il est nommé membre de la Commission des affaires culturelles à plusieurs reprises jusqu’en 1962, membre de la Commission spéciale chargée d’examiner le projet relatif à la promotion sociale en 1959, membre de la Commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi portant séparation du culte musulman et de l’Etat la même année. En 1960, il est nommé membre du Conseil supérieur de la promotion sociale en Algérie et membre de la Commission d’élus pour l’étude des questions algériennes. Le 8 juillet 1959, il est élu membre du Sénat de la Communauté, l’instance de dialogue prévue par la Constitution de 1958 portant création de la Communauté française, jusqu’à la fin de son fonctionnement avec la vague des indépendances africaines en 1960.
Le député de Tlemcen se montre très actif à l’Assemblée nationale. Il dépose un rapport, au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi relatif à la promotion sociale en Algérie, assurant par des mesures exceptionnelles la promotion des « Français musulmans ». Son projet, rendu le 10 décembre 1959, porte sur la nécessité de préciser et de compléter le plan de Constantine, dans le sens de la scolarisation totale, de la mise en place de mesures relatives à la formation professionnelle des jeunes et des adultes, du recrutement des « Français musulmans » aux emplois privés et publics et de création de nouveaux emplois. Le 1er juin 1960, il intervient dans le débat très animé qui porte sur la suspension de détention du député Pierre Lagaillarde après sa participation à la semaine des barricades à Alger en janvier 1960, à laquelle il s’oppose. Il relaye auprès de ses collègues « le cri du cœur des populations algériennes » et demande : « Si c’étaient les musulmans qui avaient fait le coup du 4 janvier, que serait-il arrivé ? Les mitraillettes auraient été aussitôt en action et c’est la mise à mort qui aurait été prononcée contre les responsables. » Il poursuit : « La libération de Lagaillarde serait un défi même à la justice et à l’égalité en Algérie », provoquant des protestations à droite et des applaudissements au centre et à gauche.
Le 9 novembre 1961, il prend part à la discussion du projet de loi sur la deuxième partie du projet de finances pour 1962, au chapitre des crédits militaires. Il regrette la présence des Sections administratives spécialisées (SAS) et des Sections administratives urbaines (SAU), structures militaires aux pouvoirs civils, dans les grandes villes d’Algérie, et proteste : « L’Algérie est encore en France ! ». Le 20 mars 1962, au lendemain des accords d’Évian, il prend part au débat sur la communication du gouvernement relative à l’Algérie. Il salue le cessez-le-feu, l’action du président de la République et le peuple français « dont Jaurès et Guesde sont la véritable incarnation ». Il continue son propos : « L’avenir de l’Algérie ne peut pas être différent. C’est la marche du temps, irréversible ». Pour lui, le principal problème que le pays, en passe d’obtenir son indépendance, doit désormais affronter est la « nécessaire cohabitation fraternelle entre toutes les communautés ethniques de ce pays », en particulier les Français. Il condamne les attentats de l’OAS qui mettent à mal la possibilité pour ces derniers de demeurer sur cette terre.
Enfin, le 5 juin 1962 il s’exprime pour la dernière fois en tant que député français. Il aborde la question des pieds-noirs : « C’est l’OAS et elle seule, qui par ses crimes aussi abominables qu’injustifiés, oblige ces derniers à quitter ce pays », et conclut : « les faits ont démontré la justesse de vue du général de Gaulle dans sa politique algérienne ». Sa fidélité au général transparaît nettement dans ses votes : favorables au programme du gouvernement Debré le 16 janvier 1959, au projet de règlement définitif de l’Assemblée nationale le 3 juin 1959, à la déclaration de politique générale du Premier ministre le 15 octobre 1959. Il approuve le projet sur l’enseignement privé le 23 décembre 1959, ainsi que l’ensemble du projet de loi de pouvoirs spéciaux attribués au gouvernement le 2 février 1960. Le 11 mai 1960, il vote pour la modification de la Constitution ; le 27 avril 1962, il approuve le programme du gouvernement de Georges Pompidou.
Le 3 juillet 1962, Abbès Moulessehoul cesse d’appartenir à l’Assemblée nationale, comme l’ensemble des députés élus dans les départements algériens et sahariens, dont les populations ont accédé à l’indépendance. Il meurt à Toulouse en 1990 ; il était le père de neuf enfants.