Marcel-Edmond Naegelen
1892 - 1978
Né le 17 janvier 1892 à Belfort (Territoire-de-Belfort)
Décédé le 18 avril 1978 à Paris
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Bas Rhin)
Député du Bas-Rhin de 1946 à 1951
Deputé des Basses-Alpes de 1951 à 1958
Ministre de l'éducation nationale du 26 janvier 1946 au 12 février 1948
Fils d'un boulanger replié en terre française après l'annexion par l'Allemagne des départements d'Alsace-Moselle en 1871, Marcel-Edmond Naegelen finit ses études secondaires au lycée de Belfort, puis à l'Ecole normale supérieure de Saint-Cloud qui formait à l'époque les futurs professeurs des écoles normales d'instituteurs.
Encore étudiant, il adhère en 1910 au parti socialiste SFIO. Mobilisé comme sergent en 1914, sa brillante conduite au feu et une blessure à Verdun lui valent la Croix de guerre, la Médaille militaire et la Légion d'honneur. Démobilisé en 1919, il est nommé professeur de lettres à l'Ecole normale de Strasbourg, ville dont il est élu conseiller municipal et maire-adjoint en 1925. Candidat malheureux aux élections législatives de 1924 et 1928, il échoue de nouveau en 1932 et 1936 devant le communiste dissident Jean-Pierre Mourer. Mais en octobre 1937, il est élu conseiller général dans un canton de Strasbourg, devançant nettement le leader autonomiste Karl Roos. Car cet alsacien socialiste est aussi un patriote ardent qui dénonce dans l'autonomisme un séparatisme coupable de connivence avec l'hitlérisme.
Au début de la seconde guerre mondiale, Marcel-Edmond Naegelen dirige l'évacuation de plusieurs milliers de Strasbourgeois dans le département de la Dordogne, population sur laquelle il a veillé durant l'occupation. Il accueille également, à partir de 1942, de nombreux jeunes alsaciens réfractaires à l'incorporation dans la Wehrmacht. Tout en participant à la rubrique littéraire de quelques journaux de la zone Sud, il milite dans les rangs du mouvement Combat et participe à la reconstruction clandestine de la SFIO. Son action durant l'occupation lui vaut la Croix de guerre 1939-1945 et la médaille de la Résistance.
A la Libération, membre du comité directeur de la SFIO, mais très hostile à l'instar de Jules Moch et d'André Philip à toute forme d'unité organique avec le parti communiste, il siège à l'Assemblée consultative qui a regagné Paris en octobre 1944 et qui s'est élargie aux représentants de la Résistance intérieure. Il appartient à la Commission de l'éducation nationale et favorise la création d'une Commission de l'Alsace-Lorraine à laquelle il est désigné. Comme tel, il intervient fréquemment dans tout ce qui concerne le sort matériel et la réintégration morale des Alsaciens Lorrains. Réélu maire-adjoint de Strasbourg et conseiller général, il est aisément élu à l'Assemblée consti tuante le 21 octobre 1945 avec 39 943 voix sur 291 686 suffrages exprimés, même si le MRP avec cinq sièges sur huit domine largement la représentation du Bas-Rhin. Le 2 juin 1946, son élection à la seconde Assemblée constituante donne lieu à des résultats quasi identiques, avec tout de même une déperdition de plus de deux mille suffrages.
Vice-président de l'Assemblée, membre de la Commission de l'éducation nationale, Marcel-Edmond Naegelen est également élu président de la Haute cour de justice, fonction dont il s'acquitte jusqu'à son entrée dans le gouvernement Félix Gouin, le 26 janvier 1946 comme ministre de l'éducation nationale. Il conserve ce portefeuille dans les gouvernements dirigés par Georges Bidault, Léon Blum, Paul Ramadier et Robert Schuman jusqu'au 12 février 1948. Entre-temps, il a été réélu député socialiste du Bas-Rhin, le 10 novembre 1946, malgré une nouvelle érosion (28 260 voix sur 303 464 suffrages exprimés) explicable par une double poussée communiste et gaulliste. Comme ministre, outre la défense des crédits de son ministère et la réponse à plusieurs interventions, Marcel-Edmond Naegelen s'est attaché à la réorganisation du Conseil supérieur de l'éducation nationale, au reclassement des enseignants dans la hiérarchie de la fonction publique, à l'introduction des séries techniques dans le baccalauréat, ainsi qu'à de nombreuses mesures de détail concernant les établissements d'enseignement et de recherche les plus divers.
Mais déjà en Algérie, la succession du gouverneur général Yves Chataigneau est ouverte. Ce haut fonctionnaire libéral, réputé proche des socialistes, est devenu la cible des attaques venues des milieux conservateurs et radicaux dont le poids politique s'est accru avec la rupture du tripartisme et l'élargissement à droite de la majorité parlementaire. Le ministre des finances, René Mayer, député radical de Constantine, menace même de démissionner, d'autant plus que la nomination récente du ministre socialiste Paul Béchard comme Haut-commissaire en AOF prête à l'accusation de cumul des hautes fonctions coloniales. Le 12 février 1948, Naegelen est donc nommé gouverneur général de l'Algérie, l'équilibre politique étant rétabli par la nomination de Pierre de Chevigné (MRP) à Madagascar.
Ignorant tout de l'Algérie, Marcel-Edmond Naegelen se veut d'abord le représentant de la France et le dépositaire de l'autorité de l'Etat. Hostile à toute forme de nationalisme algérien, et notamment aux militants du MTLD de Messali-Hadj qu'il confond dans une même opprobre avec les séparatistes alsaciens, il couvre l'administration dans la gigantesque opération de trucage de l'élection de l'Assemblée algérienne qui, en avril 1948, a peuplé de candidats purement administratifs la représentation du deuxième collège. Ces « élections Naegelen » suscitent, tant en métropole qu'à l'étranger, diverses protestations que l'intéressé s'attache à minimiser. Par la suite, il tente sans grand succès de nouer des liens fructueux avec l'Assemblée algérienne en vue d'améliorer le statut de 1947, et d'introduire diverses réformes économiques et scolaires. Grand colonial à sa façon, mais peu soucieux de promouvoir la démocratie dans les rouages de la politique algérienne, Marcel-Edmond Naegelen a réuni ses souvenirs de gouverneur général dans Mission en Algérie, témoignage d'un gouvernement, ouvrage trop auto-justificatif pour être crédible. Le renouvellement triennal de l'Assemblée algérienne, en février 1951, ayant donné lieu aux mêmes débordements et levé les mêmes protestations, il remet sa démission le 15 mars.
En vue des élections du 17 juin 1951, il trouve dans son département du Bas-Rhin une situation peu propice au renouvellement de son mandat. De fait, aucun socialiste n'y sera élu. D'où son « parachutage » singulier dans le département des Basses-Alpes, qui peut toutefois s'expliquer par certaines relations et certaines promesses nouées en Algérie, Pour les deux sièges à pourvoir, il conclut un apparentement avec le RGR et le MRP qui, ayant obtenu la majorité absolue, donne un siège à la SFIO et l'autre au radical Marcel Massot, les sortants communiste et MRP étant éliminés.
Son élection ayant été validée, il opte pour la Commission des affaires étrangères et, à ce titre, représente l'Assemblée près l'UNESCO. Sans perdre de vue les questions scolaires - il dépose n 1954 une proposition de loi visant à créer l'ordre des Palmes académiques-, ses interventions s'orientent vers les problèmes internationaux et de décolonisation. Très hostile à la CED, il vote le rapport Jules Moch préconisant la non-ratification du traité, ainsi que la motion Aumeran le 30 août 1954. Son refus, avec seize autres députés socialistes, de voter la ratification des accords de Paris, qui officialise le réarmement allemand dans le cadre de l'OTAN, lui vaut d'être momentanément exclu de la SFIO. Sur l'Algérie, il intervient à plusieurs reprises, prônant l'application totale du statut de 1947 et l'assimilation intégrale des Musulmans. Il dénonce également la main de l'étranger dans les troubles qui agitent l'Afrique du Nord (séances des 10 décembre 1954, 3 février et 13 octobre 1955).
Auparavant, Marcel-Edmond Naegelen avait été le candidat de la SFIO à l'élection présidentielle de décembre 1953. Il bénéficie dès le second tour du désistement communiste qu'il n'a nullement sollicité, mais qui récompensait son attitude résolument « anti-cédiste ». Après un long duel avec Joseph Laniel, il est finalement battu au treizième tour de scrutin par René Coty, avec 329 contre 477. Peu après, il a refusé la succession du général Guillaume au poste de résident général au Maroc, sa nomination suscitant certaines réserves tant au gouvernement que dans son propre parti.
Les élections du 2 janvier 1956 voient sa réélection aisée. La liste SFIO qu'il conduit, qui n'a pas renouvelé l'apparentement de 1951, obtient 15 719 des 43 256 suffrages exprimés (soit un gain de plus de 5 000 voix), l'autre siège revenant au candidat communiste. Il retrouve la Commission des affaires étrangères et est désigné en juillet 1957 à la haute Commission de l'organisation des régions sahariennes. Ses options peu favorables à la construction européenne et ses positions trop ouvertement intégrationnistes en Algérie l'écartent du gouvernement formé par Guy Mollet, dont il vote l'investiture le 31 janvier 1956. Durant cette troisième législature de la IVe République, il se montre un député relativement effacé. La plupart de ses interventions se limite à des questions d'ordre secondaire ou purement locales. Il intervient brièvement sur la crise hongroise (18 décembre 1956) et sur les futures institutions de l'Algérie (25 septembre 1957). Le 16 mai 1958, il dénonce la menace portée à Alger contre l'unité nationale et la légalité républicaine. D'abord opposé au retour du général de Gaulle, il vote finalement son investiture le 1er juin puis les pleins pouvoirs et la révision constitutionnelle le lendemain.
Distancé de 172 voix à second tour des élections législatives de novembre 1958, dans la deuxième circonscription des Basses-Alpes, Charles-Edmond Naegelen renonce à se représenter en 1962. Demeuré favorable à l'Algérie française, il avait fait savoir son hostilité au référendum du mois de mars qu'il qualifia de « véritable comédie ». Il consacra sa retraite aux activités littéraires et poétiques qui ont toujours tenu une place importante dans sa vie.