Pierre Parent
1893 - 1957
PARENT (Pierre, Albert, Alfred)
Né le 5 février 1893 à Péronne (Somme)
Décédé le 18 novembre 1957 à Rabat (Maroc)
Membre de la première Assemblée nationale constituante (Maroc)
On ne sait que très peu de choses de la jeunesse picarde de Pierre Parent, né le 5 février 1893 à Péronne. Démobilisé en 1915 au terme d'une guerre glorieuse, cet officier mutilé à 100 %, en raison d’une ablation du bras gauche, arrive dès l'été 1916 à Casablanca, en tant que colon de l'administration protectorale. En janvier 1921, il est élu président de la Fédération des anciens combattants du Maroc. Installé à Azemmour, il reste ensuite dans l'antichambre des résidents généraux Lyautey et Steeg, ce dernier le sollicitant notamment à jouer un rôle de tout premier ordre dans les événements du Rif durant le printemps 1926. En effet, il est chargé de conduire une mission sanitaire dans les camps prisonniers rifains ravagés par le typhus. Au terme de deux rencontres avec Abd-el-Krim, qui voit en lui «l'écouteur et le négociateur idéal», Pierre Parent reçoit la lourde mission de remettre aux services résidentiels la lettre de reddition du chef rebelle. Le récit de cet épisode est relaté par voie de presse avec la publication en 1928 de son carnet de route dans les prestigieuses colonnes du Mercure de France.
Loué par Aristide Briand, ministre français des affaires étrangères, ce chantre de l'amitié franco-marocaine devient, en 1928, président de l'Inter-fédération nord-africaine des Victimes de la guerre et, par ce biais, une des figures de proue du mouvement ancien-combattant, au même titre que ses amis intimes Léon Viala et Louis-Henri Nouveau. Dans une brochure publiée en 1934 et intitulée Français et Marocains ; Réflexion d'un français moyen, Pierre Parent délimite les contours de la «politique indigène» à mener, en dénonçant l'insuffisance et les limites de l'œuvre coloniale accomplie jusqu'alors, plus particulièrement dans les domaines de l'éducation et de l'hygiène publique. En 1937, lassé par l'unilatéralité des relations franco-marocaines, excédé de surcroît par le carriérisme et l'opportunisme ambiant des fonctionnaires protectoraux, il part à la rencontre des «blédards», comme il aimait à les appeler, se faisant exploitant d'une plantation maraîchère de quatre hectares sise à Bir Jdid Chavent, au cœur du territoire casablancais.
Durant la seconde guerre mondiale, il entre en résistance à Alger à partir du 1er avril 1941 au sein du réseau Henri d'Astier, des Forces Françaises Combattantes, qu'il sert jusqu'au 10 octobre 1942 puis, se liant d'amitié avec Yvon Morandat, devient délégué politique des Mouvements Unis de Résistance pour le Maroc à compter de l'automne 1943.
C'est à ce dernier titre qu'il siège à l'Assemblée consultative provisoire d'Alger dès janvier 1944, une assemblée où il se montre à la fois actif et éloquent. Il est respectivement membre de la commission des affaires économiques et sociales (janvier 1944), de la commission des affaires étrangères (mai 1944), de la commission des prisonniers, déportés et pensions (novembre 1944) et enfin de la commission de coordination des affaires musulmanes (mars 1945), qu'il s'est évertué, dans l'ombre de Gaston Monnerville, à instituer au nom d'un rapport déposé le 22 février 1945.
A la tribune, il prend part logiquement aux débats sur la politique coloniale et plus spécifiquement marocaine, interrogeant les commissaires sur certains arrêtés d'expulsion, à la suite de condamnations politiques aux colonies (1er avril 1944). Par ailleurs, il veille à l'institution au sein du Protectorat, de comités d'entreprise dans les établissements industriels et commerciaux (22 décembre 1944). Enfin, et conformément à son statut de grand mutilé, il pose de multiples questions sur les modes de répartition des pensions de guerre et s'implique dans la titularisation du personnel auxiliaire. C'est au terme de ce nouveau souffle de l'histoire, en juin 1944, qu'il est élu président des anciens combattants de l'Empire français et membre du comité supérieur de l'Association de la libération du 8 novembre 1942. Devenue figure de la vie marocaine, aimé des autochtones comme de ses collaborateurs français, il entrevoit alors la possibilité d'exercer un premier mandat public et de se frotter simultanément au jeu des institutions et au travail délibératif dans la chambre de la reconstruction.
Au cours de la consultation d'octobre 1945, il préside une liste dite d'«union démocratique et antifasciste» qui draine 17 609 voix des 65 937 suffrages exprimés, lui assurant la députation à la Constituante sous l'étiquette «Citoyens du Maroc – Républicains et Résistants». Après la validation de son élection, il est nommé membre de la commission des pensions civiles et militaires et des victimes de la guerre et de la répression (1945) et ne tarde pas à prendre la parole dans l’hémicycle. C’est chose faite en matière électorale. La discussion des conclusions du rapport du 2ème bureau sur les opérations électorales du Cantal et de l’invalidation de Camille Laurens lui en donne l’occasion; il prend part, également, à la discussion des conclusions du rapport du 6ème bureau sur les opérations électorales du département d’Oran. Par un amendement à l’article 1er, qu’il retire par la suite, il prend part à la discussion de la proposition de loi tendant au classement de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de l’île de la Réunion comme départements français, puis dépose deux motions visant respectivement à interdire la qualité de parlementaires aux porteurs de francisque et à intégrer le territoire marocain au sein de la toute nouvelle Union française (mars 1946). Simultanément, il est entendu dans la discussion de propositions de loi relatives à la Constitution et à la déclaration des droits. Sa dernière prise de parole en séance publique intervient dans la discussion générale du projet de loi portant dévolution des biens d’entreprises de presse. La courte durée de cette deuxième Assemblée nationale constituante lui laisse cependant le temps de voter pour les nationalisations de la Banque de France et des grandes banques (2 décembre 1945), de l'électricité et du gaz (28 mars 1946) et de certaines sociétés d'assurance (24 avril 1946).
Absent des échéances électorales ultérieures, Pierre Parent se sent alors investi d'une mission locale, devenant l'un des hérauts de la cause nationale marocaine. Dans deux ouvrages pour le moins militants, au sein des colonnes de France Observateur et d'Al Istiqlal, quotidien des nationalistes, il rappelle, d'une part, la «conscience ombrageuse» du Maréchal Juin et de hauts représentants vichystes et se fait, d'autre part, «l'avocat des pauvres», en entonnant de façon récurrente l'hymne de l'indépendance chérifienne aux côtés de Jean Rous et Charles-André Julien.
Il rassemble, en 1955, bon nombre de ses souvenirs coloniaux dans un ouvrage intitulé Vérité sur le Maroc. Ce Médaillé de la Résistance avec Rosette meurt à Rabat, le 18 novembre 1957.