Camille Pelletan

1846 - 1915

Informations générales
  • Né le 23 juin 1846 à Paris (Seine - France)
  • Décédé le 4 juin 1915 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 21 août 1881 au 14 octobre 1885
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Extrême-gauche
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
IVe législature
Mandat
Du 18 octobre 1885 au 14 octobre 1889
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Gauche radicale
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
Ve législature
Mandat
Du 6 octobre 1889 au 14 octobre 1893
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Gauche radicale
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
VIe législature
Mandat
Du 20 août 1893 au 31 mai 1898
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Républicain radical
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 8 mai 1898 au 31 mai 1902
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Républicain radical
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 27 avril 1902 au 31 mai 1906
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Radical-socialiste
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
IXe législature
Mandat
Du 6 mai 1906 au 31 mai 1910
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Gauche radicale-socialiste
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
Xe législature
Mandat
Du 24 avril 1910 au 6 février 1912
Département
Bouches-du-Rhône
Groupe
Républicains radicaux-socialistes

Mandats au Sénat ou à la Chambre des pairs

Sénateur
du 7 janvier 1912 au 4 juin 1915

Biographies

Député de 1881 à 1889, né à Paris le 23 juin 1846, fils d'Eugène Pelletan (1813-1884), député au Corps législatif de 1863 à 1870, membre de la Défense nationale, représentant en 1871, sénateur de 1876 à 1884, et frère d'André Pelletan (1848-1909), auteur d'un important traité de topographie, Camille Pelletan fit de bonnes études classiques au lycée Louis-le-Grand, se fit recevoir licencié en droit, fut aussi élève de l'Ecole des Chartes, et obtint (1869) le diplôme d'archiviste paléographe, avec une thèse sur la Forme et la composition des chansons de geste.

Une vocation décidée pour la polémique l'entraîna vers le journalisme politique : il débuta dans la Tribune, la Réforme, la Renaissance, collabora activement au Rappel dès sa fondation, envoya d'Egypte, à l'occasion de l'inauguration de l'isthme de Suez, des correspondances très remarquées, et mena contre l'Empire de vigoureuses campagnes qui lui valurent des poursuites et une condamnation à un mois de prison.

Au début de la guerre de 1870, il fut chargé de rédiger pour le Rappel le compte rendu des opérations militaires. Il ne se déclara point partisan de l'insurrection communaliste de 1871 ; mais il ne s'associa pas davantage à la politique du gouvernement de Versailles.

Il se fit surtout connaître par les Physionomies des séances de l'Assemblée nationale qu'il publia. régulièrement pendant toute la durée de la législature, et où il fit preuve d'un réel talent pittoresque.

Le 22 juin 1879, il fut candidat républicain à la Guyane, lors d'une élection partielle motivée par le rétablissement d'un siège de député pour cette colonie, siège supprimé depuis 1876 : il obtint 849 voix contre 1 034 à l'élu socialiste, M. Franconie. M. Camille Pelletan avait évité de prendre parti dans la lutte engagée entre l'opportunisme et l'intransigeance, lorsque M. Clemenceau, qui fondait (1880) le journal radical la Justice, l'appela aux fonctions de rédacteur en chef de la nouvelle feuille. M. Camille Pelletan accentua aussitôt le ton de ses polémiques, réclama vivement l'amnistie plénière en faveur des condamnés de la Commune, et entreprit la publication d'une série, très documentée, d'articles relatifs à la répression de mai 1871 : ces articles furent réunis par lui, la même année, en un volume intitulé : la Semaine de mai.

Le 21 août 1881, M. C. Pelletan se présenta à la députation dans la 1re circonscription du 10e arrondissement de Paris, avec le programme de l'extrême gauche : il fut élu député par 5 918 voix (11 190 votants, 15 587 inscrits), contre 2 207 à M. Hattat, opportuniste, 1 238 à M. E. Hamel, et 499 à M. Faillet, collectiviste. Quinze jours après, le 4 septembre, il obtenait également la majorité, au second tour de scrutin, dans la 2e circonscription d'Aix : 3 517 voix (9 489 votants, 16 620 inscrits), contre 3 456 à M. Fournier et 2 484 à M. Labadié. Il opta pour Aix, fut remplacé à Paris, le 4 décembre 1881, par M. Ernest Lefèvre, et prit place à l'extrême gauche de la Chambre des députés, où il seconda les efforts de M. Clemenceau, son chef de file.

Adversaire des cabinets Gambetta, J. Ferry et Freycinet, il aborda fréquemment la tribune parlementaire, et s'y distingua par de brillantes qualités. En 1882, il réclama la suppression pure et simple du droit d'expulsion des étrangers ; il intervint aussi dans le débat sur la guerre de Tunisie, et fit observer que nous nous trouvions placés dans la nécessité de demeurer impuissants ou d'annexer la régence. Au début de l'année 1883, a propos de l'expulsion des princes, il se joignit a MM. Floquet, Viette et Madier de Montjau pour se déclarer partisan des mesures les plus énergiques, et pour combattre ce qu'il appela « l'orléanisme républicain ». Cette même question le ramena à la tribune le 13 février, pour engager la Chambre à rejeter tout accommodement avec le Sénat. Il proposa, en mai suivant, dans la discussion de la réforme judiciaire, un article additionnel étendant à la Cour de cassation la suspension temporaire de l'inamovibilité : cet article fut rejeté par 207 voix contre 194. Il se prononça pour le système de l'élection de la magistrature par le peuple, prit aussi une part des plus actives à la discussion générale (juillet) des conventions avec les grandes compagnies, dont il se montra l'adversaire aussi habile que déterminé, soutenant qu'à aucun prix les voies de communication, qui forment le système artériel du pays, ne doivent être administrées dans un intérêt privé, mais seulement dans l'intérêt public. Il ne cessa de s'opposer au vote des crédits de l'expédition du Tonkin, qu'il combattit d'autre part, avec force, dans la Justice. Il fit avec verve (février 1884) la critique d'un texte de loi sur les manifestations de la rue, présenté par M. Waldeck-Rousseau, ministre de l'Intérieur; interpella (juin) le gouvernement sur les scènes de violence dont un journaliste intransigeant avait été victime en Corse, soutint la nécessité de la révision intégrale par une Constituante, et se mêla souvent, au nom de l'extrême gauche, aux discussions passionnées que souleva la question coloniale. En avril 1885, il déposa, avec M. Clovis Hugues, une proposition d'amnistie en faveur des condamnés politiques, que la Chambre écarta ; en juin il attaqua les procédés tortueux de la politique suivie au Tonkin et à Madagascar.

Son opposition s'atténua au début du ministère Brisson, mais elle retrouva une nouvelle vigueur après que M. C. Pelletan, porté sur la liste radicale des Bouches-du-Rhône, eut été élu, le 4 octobre 1885, député de ce département, le 4e sur 8, par 55 278 voix (93 426 votants, 139 346 inscrits). Membre de la commission d'enquête sur les opérations du Tonkin, il présenta un rapport considérable où il examinait en détail les conséquences possibles d'une occupation totale : guerre avec la Chine, troubles en Annam, soulèvements continuels au Tonkin. Il soutint que le Tonkin n'offrait aucun avantage commercial sérieux pour la France et conclut en déclarant également funestes l'annexion et le protectorat, et en proposant simplement le vote d'un crédit de provision pour l'entretien des troupes. Il défendit avec talent les conclusions de son rapport, contre MM. Freppel évêque d'Angers, Paul Bert, Ballue, H. Brisson, président du Conseil, le général Campenon, ministre de la Guerre, Casimir-Perier, etc. On sait que les crédits ne furent votés qu'à une minime majorité, et que le cabinet Brisson se retira devant ce vote. En 1886, M. C. Pelletan parla sur les tarifs des chemins de fer, sur l'expulsion des princes, qu'il réclama une fois de plus, sur les finances. Il combattit et contribua à renverser les ministères Freycinet, Goblet, Rouvier, invita le gouvernement au nom de la commission du budget à présenter de nouvelles économies, attaqua (1887) la surtaxe sur les céréales, reprocha surtout au cabinet Rouvier ses attaches avec la droite, réclama des réformes fiscales (1888), et déposa avec plusieurs de ses amis de l'extrême gauche, en réponse aux «menées boulangistes », une nouvelle proposition de révision des lois constitutionnelles. L'urgence ayant été prononcée par 268 voix contre 237, le ministère Tirard fut renversé. M. Floquet, qui lui succéda, compta M. Camille Pelletan parmi les partisans de sa politique. Le député des Bouches-du-Rhône prêta, tout en conservant son indépendance, son appui à la lutte du gouvernement contre le boulangisme, et se prononça, en dernier lieu :

- contre le rétablissement du scrutin d'arrondissement, (11 février 1889),
- contre l'ajournement indéfini de la révision de la Constitution,
- pour les poursuites contre trois députés membres de la Ligue des patriotes,
- contre le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse,
- pour les poursuites contre le général Boulanger.


Né le 23 juin 1846 à Paris, mort le 4 juin 1915 à Paris (7e).

Député des Bouches-du-Rhône de 1881 à 1912.
Sénateur des Bouches-du-Rhône de 1912 à 1915.
Ministre de la Marine du 7 juin 1902 au 24 janvier 1905.

(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. IV, p. 573.)

En 1889, Camille Pelletan qui, âgé de 43 ans seulement, représente depuis huit ans déjà le département des Bouches-du-Rhône à la Chambre des députés, se porte dans la 2e circonscription d'Aix. Son principal concurrent est le boulangiste Hornbostel. Il le bat au second tour : 6.106 voix contre 2.358. C'est alors un homme en vue et très vivement discuté : porté aux nues par les uns, détesté par les autres. Certes, le fait d'être le fils du grand républicain Eugène Pelletan lui a facilité ses débuts, mais déjà sa réputation ne doit plus rien à son père. Il s'est fait un prénom.

Avec la même fougue que, très jeune, il s'était lancé dans le journalisme - il avait fondé avec Clemenceau La Justice, dont il demeurait le rédacteur en chef - il se lança dans la vie parlementaire au plus épais de la mêlée. C'était la nature jamais contente, pas plus d'elle-même que du reste du monde ; l'opposition incarnée. Aussi vivement il avait attaqué l'Empire dans sa prime jeunesse, aussi vivement il se retourna, dès la République faite, contre ses grandes admirations, Gambetta et Jules Ferry, vainqueurs de l'Empire. Waldeck-Rousseau, ensuite, n'eut guère non plus à se louer de lui. Il n'y eut que deux cabinets en tout contre lesquels Pelletan parut retenir ses coups : Celui de Floquet, qui était tout à fait son ami et, vingt ans plus tard, celui de Combes, sans doute pour la seule raison qu'il en faisait partie.

Pour en revenir à 1889, Pelletan est déjà cet orateur plus que disert qu'il devait rester dans la mémoire de ses collègues ; même dans ses fonctions de rapporteur des grandes commissions parlementaires il garda son goût de la critique et ses penchants de polémiste. Ses principaux centres d'intérêt étaient les impôts, les douanes, les colonies, les chemins de fer, les canaux, les caisses d'épargne, les rapports de l'Eglise et de l'Etat, tous problèmes sur lesquels il finit par se poser sur un pied de spécialiste, même aux yeux de ses adversaires. Avec cela deux hostilités très marquées, dont rien ne le fit revenir : contre le privilège accordé aux bouilleurs de cru et contre la représentation proportionnelle.

Il fut réélu le 20 août 1893, par 4.160 voix contre 2.675 à l'opportuniste Tuaire ; le 8 mai 1898, par 6.360 voix contre 4.882 au républicain Anastay et 733 au socialiste Tressaud ; le 27 avril 1902, par 7.371 suffrages sur 8.456 votants ; le 6 mai 1906, par 7.452 sur 12.955 ; le 24 avril 1910, par 6.197 sur 12.255.

De 1902 à 1905, il fut ministre de la Marine.

Parmi ses nombreux dons, Camille Pelletan n'avait pas celui de l'organisation. Dans l'exercice du pouvoir, cet esprit individualiste et jacobin donne des résultats désastreux. Journaliste spirituel et pénétrant, parlementaire laborieux et brillant, intelligence exceptionnelle, mais malheureusement épris d'absolu, croyant que tout se résout par des mots.

Rue Royale, il manifesta une hostilité définitive aux grands navires, une méfiance affirmée à l'égard des grands chefs ; d'où, dès qu'installé, l'ordre qu'il donne de suspendre l'exécution du programme naval que son prédécesseur, Lanessan, avait fait voter au Parlement.

A l'égard du personnel, l'administration de Pelletan ne semble guère, non plus, appeler la louange. En tout et pour tout il s'attache à diminuer l'autorité des amiraux, ses bêtes noires.

Le manque de bonheur de Pelletan ministre peut se juger aussi à un dernier trait : ce fut sous son ministère que, pour la première fois, les ouvriers des arsenaux se mirent en grève et ce fut juste après qu'il venait de leur accorder la journée de huit heures qu'ils réclamaient depuis si longtemps !

Après semblable expérience, on comprendra que la route du pouvoir lui fut coupée, mais non pas celle de l'opposition qui était la sienne véritablement. Sa fantaisie et le désordre anarchique de son esprit le voulaient ainsi. Il redevint derechef à la Chambre un des leaders du parti radical-socialiste dont il présidait régulièrement les congrès. Président inamovible du groupe anti-proportionnaliste, il joue un rôle important dans diverses commissions de premier plan, notamment celle du budget, celle de la législation fiscale - qu'il préside à partir de 1910 - celle du suffrage universel dont il fut le vice-président. En 1911, le gouvernement Caillaux faillit tomber sur une de ses interpellations ; en 1912, il refusait la confiance au gouvernement Briand-Girard.

Camille Pelletan quitte la Chambre en 1912 pour entrer au Sénat. Au renouvellement du 7 janvier, le sénateur sortant Velten ne se représentant pas, il l'emporte au deuxième tour par 230 voix sur 439.

Au Luxembourg, où il était inscrit au groupe de la gauche démocratique, son rôle fut sensiblement plus effacé qu'au Palais Bourbon, quoique souvent encore assez vif dès qu'il s'agissait de s'opposer. C'est que l'âge venait, avec une maladie qui ne laissait pas d'atténuer les facultés combatives du président d'honneur du parti radical. Il n'en mourut pas moins à son poste de combat, pour ainsi dire : le 4 juin 1915 à Paris subitement, en écrivant l'article que, quotidiennement, il donnait au Radical contre le gouvernement. Il avait 69 ans.

Date de mise à jour: février 2018