Raoul, Adolphe Péret
1870 - 1942
Né le 29 novembre 1870 à Châtellerault (Vienne),
mort le 22 juillet 1942 à Saint-Mandé (Val-de-Marne)
Député de la Vienne de 1902 à 1927.
Sénateur de la Vienne de 1927 à 1936.
Sous-Secrétaire d'Etat à l'Intérieur du 9 décembre 1913 au 17 mars 1914.
Ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et Télégraphes du 17 mars au 3 juin 1914.
Ministre de la Justice du 12 septembre au 16 novembre 1917 et du 2 mars au 13 décembre 1930.
Ministre des Finances du 9 mars au 23 juin 1926.
Fils de magistrat, procureur général à la Cour d'appel de Poitiers, puis conseiller à la Cour de cassation, la voie du jeune Raoul était donc toute tracée : études classiques à Poitiers, études de droit à la Faculté de Poitiers (dont il fut le lauréat) puis à celle de Paris. Celles-ci terminées, il s'inscrit au barreau de la Cour d'appel de Paris. Avocat parmi beaucoup d'autres - mais non pas comme beaucoup d'autres - la position de son père, sa propre ambition, son brio, ce sont là les atouts d'une réussite. Et de fait, dès 1893, il se trouve attaché au cabinet du garde des Sceaux Guérin.
En 1895, il est reçu docteur en droit et le voilà pour six ans, de 1896 à 1902, substitut du procureur de la République a Auxerre. Passage sans lendemain dans la magistrature : avocat il était, avocat il devait demeurer toute sa vie, non sans conséquences sur le déroulement de sa carrière. Et puis, dans les milieux ministériels, il avait tâté de la politique et le goût lui en était venu. Il va vite en besogne : en 1896, conseiller municipal de Vendeuvre-du-Poitou ; en 1901, à 31 ans, maire de cette localité ; la même année conseiller général ; enfin, en 1902, député de la Vienne : il est élu le 11 mai, battant au second tour par 9 972 voix contre 6 885, sur 16 759 votants, le candidat nationaliste de Ses maisons, une notabilité pourtant. C'est la route ouverte à tous les espoirs.
Dès son arrivée à la Chambre, il déploie une activité intense, il s'impose. Il est nommé vice-président de la commission de réforme judiciaire, il est membre de la commission de l'administration, des cultes, et de la décentralisation. Il dépose de nombreux rapports et de nombreuses propositions.
Les électeurs sont satisfaits : le 6 mai 1906, Raoul Péret est réélu, au premier tour, par 10.130 voix contre 7 372 à son premier concurrent, sur 20 357 inscrits et 17 679 votants. Il revient à la commission de la réforme judiciaire, puis en 1907, il entre à la commission du budget, intérieur, justice, finances... Prenant au sérieux son métier de commissaire, il multiplie les rapports et dépose de nombreuses propositions de loi relatives à des questions tendant, toutes, à humaniser le droit et à desserrer les contraintes sociales. Surtout, après 1907, il est rapporteur de toute une série de budgets : Justice, Cultes, Légion d'honneur, Commerce et industrie, Travail et prévoyance sociale. Entretemps, il avait été brillamment réélu, au premier tour, le 24 avril 1910, écrasant son adversaire par 8 786 voix contre 1 432 sur 20 182 inscrits et 14 618 votants.
Enfin, le voilà au gouvernement : sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur dans le premier ministère constitué par Gaston Doumergue le 9 décembre 1913. Le 17 mars 1914, Mme Caillaux assassine Calmette, le directeur du Figaro ; Caillaux, ministre des Finances, démissionne, une permutation ministérielle s'ensuit et Raoul Péret hérite le ministère du Commerce, de l'Industrie, des Postes et Télégraphes : c'est pour peu de temps, il est vrai ; trois mois ce n'est pas assez pour beaucoup agir ni parler : à peine s'il peut soutenir devant la Chambre le budget de son département.
La guerre éclate. Mobilisé comme officier de territoriale, il est affecté au service de ravitaillement de la préfecture de la Vienne puis nommé attaché d'intendance le 4 février 1915. Mais bien vite, il reprend sa pleine activité politique. Président de la commission du commerce, rapporteur général de la commission du budget, il rédige quelque 87 rapports et 26 avis, sans parler de ses interventions dans les débats- et cela pendant deux ans - jusqu'à sa nomination, le 12 septembre 1917, comme garde des Sceaux dans le cabinet Painlevé. Brève existence ministérielle, la période est trouble, la guerre dans une mauvaise passe. Les offensives de Nivelle ont échoué et ont coûté gros. Des mutineries ont éclaté, l'opinion est déçue, lasse, inquiète. Des scandales alimentent son manque de confiance : l'affaire Bolo Pacha qui vient d'éclater est le plus retentissant. Il a provoqué la démission du cabinet précédent, le cabinet Ribot, à cause des accointances de Malvy, ministre de l'Intérieur, avec Vigo d'Almereyda, directeur du Bonnet rouge, qui recevait des subsides, tant de Malvy que des Allemands. A peine ministre, Raoul Péret doit répondre à de véhémentes interpellations sur l'affaire. Il agit d'ailleurs et fait traduire le premier président de la Cour d'appel de Paris, très lié avec Vigo, devant la Cour de cassation et celle-ci prononce sa déchéance. Mais ce ne sera pas lui qui réglera l'affaire. Painlevé passe pour un indécis, un velléitaire. L'opinion veut une poigne : ce sera Clemenceau (il fera traduire et condamner Malvy en Haute Cour, Vigo mourra en prison et Bolo sera fusillé). Le ministère Painlevé aura duré deux mois (12 septembre-16 novembre 1917).
De retour à la Chambre, Raoul Péret - qui avait été remplacé dans ses fonctions de rapporteur général - se voit offrir la présidence de la commission du budget. A ce titre, il intervient dans plus de 30 débats puis, en 1919, il est élu vice-président de la Chambre par 334 voix sur 341 votants et 336 suffrages exprimés.
Les élections du 16 novembre 1919 ont lieu à la proportionnelle mitigée avec prime à la majorité. Dans la Vienne, Raoul Péret est élu au quotient, en tête de la liste d'action nationale et républicaine avec 33 206 voix sur 103 858 inscrits, 76 429 votants et 73 429 suffrages exprimés. Bien qu'il n'appartienne pas au bloc national (il siège sur les bancs de la gauche républicaine et démocratique), la Chambre « bleu horizon » le renouvelle dans ses fonctions de vice-président par 392 voix sur 484, et de nouveau en 1920, par 316 voix sur 340, avant de l'élire président cette même année, par 372 voix sur 405, pour succéder à Paul Deschanel devenu Président de la République.
Bien vite, comme on sait, Deschanel dut démissionner en raison de son état de santé. A la réunion préparatoire des radicaux et des républicains de gauche qui, selon la tradition, se tint la veille du congrès de Versailles et qui désigna Millerand comme candidat à la présidence de la République, Raoul Péret obtint un beau succès d'estime : quoique n'étant pas candidat, 157 voix se portèrent sur son nom.
Réélu président à la rentrée parlementaire de 1921, il prononça une allocution qui fit quelque bruit. Il y critiquait par prétérition, mais sévèrement, le gouvernement pour le peu de résultats obtenus dans la défense des droits réservés à la France par le traité de Versailles. Le ministère Georges Leygues ne survécut pas à l'algarade. Comme premier auteur de sa chute, Péret se vit confier par le président Millerand la mission de constituer le nouveau gouvernement. Il chercha à réunir une majorité s'étendant de l'entente républicaine aux radicaux, qu'aurait symbolisée et scellée la présence simultanée dans le cabinet de Briand et de Poincaré. Impossible conjonction ! Raoul Péret renonça et il passa la main à Briand, lequel forma son 7e cabinet. Il prit alors du champ et se consacra à ses fonctions de président de la Chambre dans lesquelles il fut confirmé jusqu'à la fin de la législature. Cette réserve s'accentua encore après les élections de 1924. Bien que réélu sur une liste cartelliste (gauche radicale), le cartel lui préféra Painlevé comme candidat à la présidence de la Chambre.
Puis, le 10 mars 1926, le voici de nouveau appelé à prendre des responsabilités ministérielles. Et quelles responsabilités : celles des finances ! La crise battait son plein. Crise politique : la majorité cartelliste était en pleine décomposition ; crise des changes : le cours de la livre ne cessait de monter ; crise financière : le déficit atteignait 4 905 millions. Le cartel avait promis la suppression de la taxe sur le chiffre d'affaires ; or, le retour à l'équilibre budgétaire, condition nécessaire du rétablissement de la confiance, de la fin de la spéculation et du redressement du franc, ne pouvait se faire sans le maintien - et même l'augmentation de cet impôt. C'était si vrai que le ministre des Finances du 9e ministère Briand reprit les projets qui avaient causé la chute du 8e ministère Briand et que, de guerre lasse, la Chambre accorda à Raoul Péret ce qu'elle avait refusé à Loucheur.
Augmentation de certains impôts indirects, taxe sur le chiffre d'affaires de 2 % par an, impôt extraordinaire appelé par le ministre « taxe civique », le budget adopté le 28 avril par le parlement est en excédent de 141 millions ; mais la confiance ne renaît pas, la spéculation continue à se déchaîner ; en avril et mai la livre passe de 144 à 172 F. La crise des changes est aggravée par la connaissance de l'état de la balance commerciale : le déficit a été en quatre mois de 2 milliards. Le gouvernement jette sur le marché une partie de la masse de manœuvre en dollars constituée par Poincaré (fonds Morgan, du nom de la banque américaine qui en a consenti le prêt). D'autre part, la politique fiscale et financière du cartel ayant fait faillite, la nécessité est de rompre avec elle. Il faut changer de cap. C'est le sens de la décision que prend Raoul Péret de réunir un comité des experts composé de représentants de la Banque de France, des principales banques de dépôts, d'industriels et de professeurs de droit ; les bonnes intentions multipliées ne suffisent pas, l'inflation galope plus que jamais. C'est l'impasse. Le 15 juin, Raoul Péret donne sa démission, provoquant celle du cabinet.
Le retour de Poincaré au pouvoir en juillet 1926 devait, comme par miracle, rétablir la situation. C'est qu'à la différence de celle des années 1930, la crise n'était monétaire qu'en apparence ; essentiellement, elle était politique. Raoul Péret préparait de longue date son passage au Sénat et il y fut en effet brillamment élu le 9 janvier 1927, au premier tour, par 422 voix sur 705 inscrits et 697 suffrages exprimés, entraînant avec lui tous ses colistiers contre la liste radicale-socialiste patronnée par François-Albert.
Au Sénat, il siège sur les bancs de l'alliance démocratique et radicale (tendance Barthou). Il est membre de la commission des finances et de la commission de législation civile et criminelle. Le 2 mars 1930, dans le 2e cabinet Tardieu, il est garde des Sceaux. C'est alors que la chance, qui lui avait déjà fait grise mine lors de son précédent passage au gouvernement, tourne décidément. L'affaire Oustric éclate. Ce chevalier d'industrie, expert en manœuvres boursières, s'entendit à gonfler les cours des valeurs dont il s'était assuré le contrôle jusqu'au jour où tout s'écroula. Oustric entraîna dans son sillon la Banque Adam dont il avait utilisé les réserves à des fins spéculatives : les tentatives du gouvernement pour la renflouer furent vaines, une cascade de faillites s'ensuivit. Il y entraîna aussi Raoul Péret. En effet, plusieurs années auparavant il avait été amené à donner, professionnellement, des conseils et des consultations à Oustric. En outre, étant en 1926 ministre des Finances, il avait autorisé, suivant le système alors en vigueur, la cotation en bourse de la Snia Viscosa, l'une des valeurs qui, précisément, s'était effondrée à la suite des spéculations d'Oustric. Très vivement attaqué par les radicaux-socialistes et les socialistes, et bien que Tardieu ait pris sa défense en termes vigoureux, il démissionna le 17 novembre, entraînant pour la deuxième fois la chute du gouvernement dont il faisait partie. Pourtant, il fut clair que l'affaire avait été grossie à dessein. Le 21 novembre 1930, une commission d'enquête avait été nommée. Elle entendit Raoul Péret le 30 décembre et, le 24 juillet 1931, le Sénat, constitué en Haute Cour de justice, l'acquittait.
Il reprit place au Sénat, fit partie à nouveau de la commission d'administration générale, départementale et communale, également de celle de l'enseignement et enfin de celle de la réforme de l'Etat. Mais le cœur n'y était plus. Deux rapports, trois interventions, voilà toute son activité en quatre ans.
Aux élections du 20 octobre 1935, il ne retrouve au premier tour que 172 voix contre 403 à son adversaire Victor Boret, lequel l'avait violemment attaqué dans la séance du 4 décembre.
Raoul Péret est l'auteur de plusieurs ouvrages :
- l'Inviolabilité du secret des lettres ;
- la Réforme du mariage ;
- la Puissance et le Déclin économique de l'Allemagne ;
- La Population, le budget, la fortune et la dette publiques des divers pays belligérants avant leur entrée en guerre.