Yves Péron
1914 - 1971
PÉRON (Yves, Marie)
Né le 2 août 1914 à Plounérin (Côtes-du-Nord)
Décédé le 6 juin 1977 à Pujols-sur-Dordogne (Gironde)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale Constituante (Dordogne)
Député de Dordogne de 1946 à 1951 et de 1956 à 1958
Yves Péron est né le 2 août 1914 à Plounérin, dans le département des Côtes d’Armor, alors appelées Côtes-du-Nord. Ouvrier du bâtiment, il a tout juste seize ans lorsqu’il rejoint les Jeunesses communistes ; il est rapidement nommé membre de leur comité central, avant de devenir responsable du syndicat du Bâtiment CGT dans la région parisienne.
Lorsque la guerre éclate, Yves Péron fait l’objet de poursuites en raison du rôle qu’il joue dans l’organisation désormais clandestine du Parti. Il est condamné, par un jugement du tribunal militaire de Périgueux en date du 13 novembre 1940, à cinq ans d'emprisonnement : il est interné successivement à Agen, Eysses, Mauzac, Nontron et Bergerac. Il parvient finalement à s’évader le 11 juin 1944 et participe, sous le pseudonyme de Caillou, à la libération de la Dordogne.
Nommé secrétaire de la Fédération communiste de ce département, il y conduit la liste communiste aux élections du 21 octobre 1945 pour la première Assemblée constituante. Avec 55 820 suffrages sur 184 896 suffrages exprimés, sa liste emporte deux des cinq sièges à pourvoir.
Yves Péron est nommé membre de la Commission de la défense nationale et de la Commission de la justice et de la législation générale. Il dépose le 5 mars 1946, en compagnie de parlementaires du groupe communiste, une proposition de loi « tendant à modifier l’organisation judiciaire de la France ». « Il faut en finir avec une organisation, des méthodes et des textes qui ne tiennent que très relativement compte de ce qui s’est passé dans notre pays depuis le premier Empire, y lit-on dans l’exposé des motifs. Il convient que la magistrature ne soit plus isolée de notre peuple et qu’elle tienne compte des leçons de la vie et de l’histoire. Il faut accélérer une procédure qui est encore tracassière et coûteuse. Il faut entreprendre une réforme sérieuse de l’arsenal de nos lois rédigées par des hommes de loi pour des hommes de loi et non pour des plaideurs ». La proposition de loi propose notamment la disparition des tribunaux administratifs et des tribunaux d’exception (à l’exception des tribunaux militaires, des conseils de prud’hommes et des cours d’assises) et l’élection, aux côtés des juges, de jurés échevins, élus dans chaque département par l’ensemble des justiciables majeurs des deux sexes. Le texte propose en outre une réforme drastique des codes de procédure civile et pénale, qu’il souhaite rendre plus clairs et plus accessibles aux justiciables.
Avec ses collègues communistes, Yves Péron vote les nationalisations et soutient, le 19 avril 1946, le premier projet de Constitution de la IVème République ; le texte est cependant rejeté lors du référendum du 5 mai, ce qui entraîne la convocation d'une nouvelle Assemblée Constituante.
Les élections se tiennent le 2 juin ; Yves Péron conduit de nouveau la liste communiste, qui maintient ses positions, avec 60 677 voix sur 201 027 suffrages exprimés. Yves Péron retrouve la Commission de la défense nationale et la Commission de la justice, et se voit par ailleurs proclamé vice-président de la Haute Cour de justice. Quelques jours après son élection, le 30 juillet 1946, il dépose une proposition de loi visant à réformer en profondeur la composition et le fonctionnement de cette juridiction. Le député de Dordogne propose notamment que la commission d’instruction de la Haute Cour, qui compte parmi ses quatorze membres cinq magistrats professionnels, ne soit plus désormais composée que de membres désignés par l’Assemblée Constituante ; dans le même esprit, il propose que le magistère public ne soit plus occupé par des hauts magistrats, mais par des membres de l’Assemblée, « investis par elle de cette haute responsabilité ». Il demande enfin que soient rendues publiques les délibérations du jury et de la commission d’instruction de la Haute Cour.
Yves Péron soutient le second projet de Constitution, voté par l'Assemblée le 28 septembre 1946 et ratifié par référendum le 13 octobre, et présente sa candidature aux élections législatives qui suivent, quatre semaines plus tard. La liste communiste connaît une progression assez sensible, avec 64 086 voix sur 191 255 suffrages exprimés.
Yves Péron est nommé membre de la Commission du règlement et du suffrage universel et secrétaire de la Commission de la justice et de la législation ; il est par ailleurs nommé en mars 1947 juge à la Commission d’instruction de la Haute Cour de justice. Au cours de la législature, Yves Péron déploie une intense activité parlementaire, déposant plus de trente textes, et intervenant plusieurs dizaines de fois à la tribune de l’Assemblée. Il est l’un des députés du groupe communistes les plus en pointe dans la dénonciation des agissements du RPF ; il est notamment l’auteur, sur le sujet, d’une demande d’interpellation du gouvernement, qu’il dépose le 3 juin 1949 et développe onze jours plus tard à la tribune en évoquant en détail l’ « activité factieuse » du RPF et en insistant sur « la nécessité d’assurer la sauvegarde des institutions républicaines par la dissolution des groupes armés du RPF et la répression de leurs menées antirépublicaines ».
Yves Péron refuse bien entendu de voter la confiance à Paul Ramadier le 4 mai 1947, le jour où le Président du Conseil se sépare de ses ministres communistes. Il s'abstient volontairement lors du vote du projet de loi sur le statut de l'Algérie (27 août 1947). En politique étrangère, il refuse de ratifier la convention de coopération économique organisant l'aide du plan Marshall à la France (7 juillet 1948), de même qu'il refuse, un an plus tard, de soutenir la constitution du Conseil de l'Europe (9 juillet 1949) et de ratifier le Pacte de l'Atlantique le 26 juillet 1949. À la fin de la législature, comme tous les communistes, il s’oppose fermement au système des apparentements qui, le 7 mai 1951, modifie la loi électorale en faveur des partis de la Troisième force, au détriment des gaullistes et des communistes.
Victime de la loi sur les apparentements, Yves Péron ne parvient pas à obtenir le renouvellement de son mandat aux élections législatives du 17 juin 1951. Il se consacre alors entièrement à la fédération communiste de Dordogne, dont il demeure secrétaire, et à la politique locale : élu conseiller municipal de Périgueux en 1947, il devient quatre ans plus tard conseiller général du canton de Périgueux-Ouest, et conserve ce mandat jusqu’en 1958.
Yves Péron retrouve son siège aux élections législatives du 2 janvier 1956 : la liste communiste recueille 64 626 voix sur 202 675 suffrages exprimés, emportant de nouveau deux sièges. Siégeant à la Commission de la justice, à la Commission du suffrage universel et à la Commission des immunités parlementaires, il fait de nouveau preuve, au cours de cette législature écourtée, d’une activité parlementaire intense, intervenant sur les sujets les plus divers. Le parti communiste le désigne notamment pour aller porter la contradiction à Félix Gaillard, le 29 février 1956, lorsque celui-ci vient soutenir devant l’Assemblée sa proposition de loi, déposée dans le cadre d’une procédure d’urgence, tendant à rétablir le scrutin uninominal pour les élections législatives : « cela est-il donc vraiment urgent ?, s’interroge le député de Dordogne. Est-ce que, deux mois après les élections, ce que notre peuple attend de toute urgence de ses élus, c’est la discussion d’une loi de truquage électoral, le scrutin d’arrondissement ? Absolument pas, nous semble-t-il. Ce qui est urgent, c’est le règlement des problèmes qui angoissent notre peuple. Ce qui est urgent, c’est de mettre un terme à l’angoisse des mères, des pères, des épousés, des fiancées dont le fils, le mari, le fiancé est depuis des mois exposé en Algérie, de mettre un terme à l’angoisse des familles qui sont touchées par de nouveaux départs. L’urgence, oui, elle existe pour faire la paix en Algérie (…) Ce n’est pas ajouter au prestige des institutions que voter une loi électorale qui ouvre la porte aux tripatouillages, notamment en vue d’obtenir le désistement du deuxième tour. Le scrutin d’arrondissement est contraire à la tradition républicaine. Tous ceux qui ont contribué à la consolidation des institutions l’ont combattu. Ils lui opposaient le seul mode de scrutin clair, honnête, loyal, juste : la représentation proportionnelle ».
Avec le groupe communiste, Yves Péron accorde sa confiance à Guy Mollet le 31 janvier 1956, mais la refuse à M. Bourgès-Maunoury le 12 juin 1957. Il vote contre la ratification des traités instituant la communauté économique européenne et l'EURATOM, le 9 juillet 1957, et n'accorde pas au gouvernement les pouvoirs spéciaux en Algérie (12 novembre 1957). Il s’abstient volontairement lors du vote de confiance à Pierre Pflimlin le 13 mai 1958, soutient la révision de la constitution (27 mai), et refuse la confiance au Général De Gaulle le 1er juin ; le lendemain, il refuse également de lui accorder les pleins pouvoirs.
Lors des élections législatives de novembre 1958, Yves Péron est sévèrement battu par le candidat gaulliste Raoul Rousseau, par 30 896 voix contre 15 673. Il se présente par la suite à de nombreuses reprises à la députation, mais doit à chaque fois s’incliner devant le candidat gaulliste Yves Guéna. Il poursuit toutefois une carrière d’élu local, siégeant en particulier au conseil général de la Dordogne (1972-1977) et au conseil régional d’Aquitaine (1972-1977). Yves Péron demeure en outre secrétaire de la Fédération communiste de Dordogne jusqu’en 1976 et siège au Comité central du Parti de 1962 à 1975. Il décède le 6 juin 1977 à Pujols-sur-Dordogne, dans le département de la Gironde. Il était détenteur de la Croix de guerre, de la Médaille de la Résistance, et Officier de l'Ordre de l'Empire Britannique.