Maurice Petsche
1895 - 1951
* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936
Né le 1er décembre 1895 à Paris (9e).
Député des Hautes-Alpes de 1925 à 1942. Sous-secrétaire d'Etat à la Guerre du 3 novembre 1929 au 21 février 1930. Sous-secrétaire d'Etat aux Finances du 2 mars au 13 décembre 1930.
Sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts du 27 janvier 1931 au 20 février 1932. Sous-secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil du 20 février au 3 juin 1932.
C'est dans un milieu de riche bourgeoisie industrielle que Maurice Petsche naquit à Paris. Son père était en effet ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, vice-président de la Compagnie parisienne d'électricité et un des principaux animateurs de la Société lyonnaise des eaux. Le jeune Maurice Petsche fit ses études au lycée Janson De Sailly, passa une licence et un doctorat de droit. Sa thèse : Plus-values, bases d'imposition, obtint le prix de thèse de la Faculté de droit et fut couronnée par l'Académie. Le brillant juriste se présenta ensuite au concours de la Cour des comptes, où il fut reçu comme auditeur en 1920.
Dès l'année suivante, ses compétences économiques et financières lui valent d'être distingué par Louis Loucheur qui le prend dans son cabinet. Maurice Petsche participe, à titre d'expert financier, aux conférences sur les réparations qui se réunissent à Londres en mars et mai 1921 et aboutissent à l'élaboration d'un état des paiements.
Quelques mois plus tard, Aristide Briand étant président du Conseil, il est chargé de négocier avec Walter Rathenau, ministre allemand de la Reconstruction, les accords de Wiesbaden. Par ce traité, signé le 6 octobre 1921, l'Allemagne s'engage à livrer du bétail et du matériel roulant pour dédommager les sinistrés français. Ce système de réparations en nature est assez mal accueilli par nos industriels. Le gouvernement allemand lui-même, en raison de la chute du mark, est bientôt obligé de demander un moratoire.
De nouvelles conversations s'engagent alors et une conférence s'ouvre à Cannes en 1922. Maurice Petsche y prend une part active, toujours comme expert financier.
Mais la démission de Briand et son remplacement par Poincaré l'écartent pour quelque temps de l'équipe des conseillers gouvernementaux. Il se consacre à l'enseignement, comme maître de conférences à l'Ecole des sciences politiques. Après l'échec de la politique dite des « gages » et l'occupation de la Ruhr, Maurice Petsche reprend son rôle d'expert et participe aux nouvelles discussions internationales qui s'engagent sur les réparations. Il est nommé membre du Comité que préside le général Dawes et qui, du 15 janvier au 9 avril 1924, s'attache à remettre sur le métier ce travail de Pénélope. Le rapport Dawes conclut à une limitation des versements allemands, qui seront toutefois garantis par une reprise de gages et facilités par un emprunt de démarrage.
Ici s'arrête la carrière de l'expert et commence celle de l'homme politique. Nommé conseiller référendaire à la Cour des comptes, Maurice Petsche se présente pour la première fois aux élections législatives, dans les Hautes-Alpes, sur une liste d'action et de défense républicaine et sociale. Troisième de la liste, il n'obtient que 9.213 voix et n'est pas élu. C'est la liste du cartel des gauches qui l'emporte.
Un an plus tard, à l'occasion d'une élection partielle, il tente à nouveau sa chance. Candidat de la concentration républicaine, il est élu au second tour, le 28 juin 1925, avec. 10.786 voix contre 9.894 à son adversaire du cartel des gauches, Planche. Il sera constamment réélu jusqu'à la guerre et ajoutera à son mandat de député celui de conseiller général pour le canton de Guillestre.
A la Chambre, Maurice Petsche siège d'abord parmi les républicains de gauche. Il s'inscrit ensuite au centre républicain et enfin au groupe de la gauche démocratique et radicale indépendante. Particulièrement intéressé, en raison de sa formation, par les questions financières, il se lie d'amitié avec le leader de l'alliance démocratique, Paul Reynaud, fidèle défenseur de l'orthodoxie, dont il deviendra le meilleur disciple. Jusqu'en 1928, Maurice Petsche, membre de la commission des comptes définitifs, de la commission des travaux publics et de la commission du travail, intervient essentiellement dans les débats de caractère fiscal ou financier ; il préconise la création du a chèque contribution », se déclare partisan de la publicité des rôles et réclame un contrôle strict des déclarations par l'examen des signes extérieurs de richesse. Ses autres interventions sont d'ordre local : secours aux populations victimes de calamités, amélioration des communications régionales.
En 1928, Maurice Petsche publie, avec Jacques Dongé, un ouvrage intitulé Signes positifs. Aux élections des 22 et 29 avril, qui se déroulent au scrutin uninominal, il se présente dans la circonscription de Briançon et obtient, dès le premier tour, 4.575 voix sur 5.365 votants. Il s'inscrit alors à la commission des finances et participe à plusieurs débats concernant les beaux-arts et l'industrie cinématographique. Mais ses interventions, au cours de cette législature, seront peu nombreuses ; le 3 novembre 1929, il est appelé par André Maginot au poste de sous-secrétaire d'Etat à la Guerre dans le premier cabinet Tardieu. Le 2 mars 1930, il devient sous-secrétaire d'Etat aux Finances dans le 2e cabinet Tardieu. Du 27 janvier 1931 au 20 février 1932, dans les trois cabinets dirigés par Pierre Laval, il s'occupe successivement de l'Instruction publique et des Beaux-arts. Enfin, lorsque Tardieu revient au pouvoir, le 20 février 1932, il est sous-secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil.
Les élections de 1932, qui amènent à la Chambre une majorité de gauche, vont interrompre pour assez longtemps une carrière gouvernementale si bien commencée. Réélu sans difficulté le 1er mai 1932, par 4.098 voix sur 5.480 votants, puis le 26 avril 1936, par 4.210 voix sur 5.548, Maurice Petsche conserve une position personnelle très forte à Briançon. Mais il ne jouera plus qu'un rôle effacé à la Chambre jusqu'en 1940.
Membre de la commission des finances, il intervient souvent sur des questions locales, comme la canalisation de la Durance ou la défense des agriculteurs des Hautes-Alpes, soit sur des problèmes qu'il a eu l'occasion d'étudier de près dans les allées du pouvoir, comme l'enseignement scientifique ou technique et l'industrie cinématographique, soit enfin sur les questions économiques et financières. C'est ainsi que dans la dernière législature de l'avant-guerre, il critique le contrôles des changes et met la Chambre en garde contre la procédure dangereuse des décrets-lois.
Comme la plupart de ses collègues, il vote les pouvoirs constituants au maréchal Pétain le 10 juillet 1940.
En 1935, il a publié un nouveau livre : Disciplines collectives. En 1937, il épouse la petite-fille du banquier Simon Lazard.
PETSCHE (Maurice, Eugène, Jean)
Né le 1er décembre 1895 à Paris
Décédé le 16 septembre 1951 à Paris
Député des Hautes-Alpes de 1925 à 1942
Membre de la seconde Assemblée nationale constituante (Hautes-Alpes)
Député des Hautes-Alpes de 1946 à 1951
Secrétaire d'Etat aux finances du 26 juillet au 5 septembre 1948 et du 12 septembre 1948 au 12 janvier 1949
Ministre des finances du 12 janvier 1949 au 11 août 1951
Ministre d’Etat du 11 août au 16 septembre 1951
S’il vote, le 10 juillet 1940, les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, Maurice Petsche se tient éloigné de Vichy tout au long de la guerre et agit discrètement au service de la Résistance.
Réélu à la Libération conseiller général du canton de Guillestre, il se présente dans les Hautes-Alpes à la tête d’une « liste indépendante pour la défense des intérêts hauts alpins », lors des élections du 2 juin 1946 pour la seconde Assemblée nationale constituante. Avec 11 636 voix sur 42 776 suffrages exprimés, il obtient l’un des trois sièges à pourvoir. Comme le candidat communiste et celui du MRP, il bénéficie du système de la répartition des restes à la plus forte moyenne.
Nommé membre de la commission des finances et du contrôle budgétaire (1946), Maurice Petsche consacre toutes ses interventions à l’amélioration de la situation économique des agriculteurs ; il réclame notamment la création d’un régime d’assurance sociale pour les exploitants, dans sa proposition de loi du 5 juillet 1946.
Maurice Petsche s’oppose au second projet de Constitution, voté par l'Assemblée le 28 septembre 1946 et ratifié par référendum le 13 octobre, et présente sa candidature aux élections législatives qui suivent, quatre semaines plus tard. Il améliore ses positions, avec 15 324 voix, distançant nettement son concurrent communiste, Gaston Julian, qui n’en obtient que 12 707.
A l’Assemblée nationale, Maurice Petsche s’apparente d’abord au groupe d’action paysanne et sociale, qu’il quitte le 2 juin 1949 pour figurer parmi les non-inscrits. Membre très écouté de la commission des finances et du contrôle budgétaire, apprécié pour sa rondeur et sa simplicité, comme pour son expérience en matière budgétaire, il est tout au long de la législature un parlementaire extrêmement actif, qui dépose près de deux cents textes et dont les interventions à la tribune de l’Assemblée se comptent par centaines.
L’investiture d’André Marie à la Présidence du Conseil, le 26 juillet 1948, lui permet de faire son retour au gouvernement, plus de seize ans après son passage dans le cabinet de Pierre Laval. Maurice Petsche est très proche de Paul Reynaud, nommé ministre des finances, qui l’appelle à ses côtés pour l’assister en qualité de secrétaire d’Etat. Mais la collaboration entre les deux hommes tourne court : le gouvernement d’André Marie est renversé au bout d’un mois.
Dans le cabinet Queuille qui lui succède le 11 septembre 1948, Maurice Petsche occupe le même portefeuille, cette fois sous l’autorité du président du Conseil lui-même. Mais la double charge de chef du gouvernement et de ministre des finances s’avère trop lourde pour Henri Queuille, qui nomme Maurice Petsche ministre de plein exercice (ministre des finances et des affaires économiques), le 13 janvier 1949. Celui-ci conserve ses fonctions pendant deux ans et demi (cabinet Bidault, 2ème cabinet Queuille, cabinet Pleven et 3ème cabinet Queuille), jusqu’au 10 juillet 1951 : son parcours ministériel est exemplaire de cette continuité dans la conduite des affaires publiques qui permet d’atténuer les effets de la « valse des gouvernements » si souvent stigmatisée sous la Quatrième République.
Ministre des finances dans une conjoncture difficile, marquée par l’inflation et d’importants déséquilibres budgétaires, Maurice Petsche définit ainsi sa politique économique dans une déclaration au Monde, le 7 mai 1949 : « continuer dans la voie du réalisme, neutraliser toutes les menaces de rechute, assurer définitivement la stabilisation et le retour à des conditions économiques normales ». Libéral résolu, il s’efforce de rétablir peu à peu la liberté du commerce et des prix ; partisan de l’orthodoxie budgétaire, il fait voter de substantielles augmentations d’impôts, qui font passer de 65 à 77% le taux des dépenses couvertes par des recettes budgétaires.
Spontanément peu réceptive à cette politique rigoureuse, l’opinion publique marque néanmoins son soutien à Maurice Petsche en réservant un accueil très favorable au grand emprunt à 5% qu’il lance en février 1949, malgré une conjoncture particulièrement sombre. Accompagnée de mesures sévères qui visent à réduire le déficit des entreprises publiques, l’opération est un succès : l’inflation est jugulée, la course des prix et des salaires s’arrête. Maurice Petsche peut alors envisager une seconde étape : la stabilisation du franc. Mais la dévaluation de la Livre, décidée inopinément par les dirigeants britanniques à la fin de l’été, l’oblige à renoncer à ses projets, et il doit lui-même procéder le 1er septembre 1949 à une sévère dévaluation du Franc (de 22,4% par rapport au dollar).
Le déclenchement de la guerre de Corée, en 1950, provoque une nouvelle poussée de fièvre de l’économie mondiale. Fort d’une autorité internationale forgée notamment lors des interminables rounds de négociations menées dans le cadre de l’OECE et de l’Union Européenne des Paiements, Maurice Petsche participe à l’automne 1950 à une série de réunions multilatérales qui se tiennent à New York et à Washington ; il y plaide en faveur d’une mise en commun des ressources et d’une répartition équitable des charges du réarmement.
Aux élections du 17 juin 1951, trois listes sont en présence dans les Hautes-Alpes. Maurice Petsche, à la tête d’une « liste de concentration républicaine et de défense des intérêts des Hautes Alpes » qui rassemble des socialistes, des démocrates-chrétiens, des radicaux et des Indépendants, obtient, avec 24 219 voix, près de 60% des suffrages. Il est réélu sans difficulté.
Le troisième cabinet Queuille ayant remis sa démission le 10 juillet 1951, c’est vers Maurice Petsche que le président de la République, Vincent Auriol, se tourne pour former un nouveau gouvernement. Il entame des négociations le 12 juillet. Mais la querelle scolaire divise profondément les deux principaux groupes de la majorité, le MRP et la SFIO, et, au bout de six jours, il doit renoncer. René Mayer tente alors en vain sa chance devant l’Assemblée le 24 juillet. Pressenti à nouveau par Vincent Auriol, Maurice Petsche s’efforce patiemment de concilier les points de vue. Croyant possible un compromis sur la question scolaire, il se présente devant les députés le 2 août pour solliciter leur investiture. Dans sa déclaration, Maurice Petsche marque sa volonté de concilier expansion économique, justice sociale et stabilité monétaire : « pour le ministre des finances qui, durant plus de deux ans, a lutté constamment pour la défense du pouvoir d’achat réel des travailleurs et des épargnants et pour la stabilisation de la monnaie, il ne peut être d’autre politique que de justice tangible. Il faudra mettre en place un dispositif de révision des salaires sans que l’évolution des prix marque un décalage sensible entre les rémunérations et leur valeur réelle, ainsi qu’une formule de partage équitable des résultats de la production et de la productivité. Il faudra également assurer la garantie des droits inscrits dans les textes en faveur des salariés aussi bien par le renforcement des pénalités légales que par l’institution d’une hausse de garantie du salaire minimum ».
Sur le plan diplomatique, Maurice Petsche marque son attachement à la construction européenne, qu’il considère comme un formidable vecteur de croissance et de paix : « l’Europe, notre espoir, puisque les problèmes essentiels ne sont plus à l’échelle de notre seule nation, ne peut se faire sans que la France prenne la tête du mouvement. Faute de cette possibilité de dialogue, nos amis anglais ne risquent-ils pas d’être tentés par l’illusion de se séparer du continent dont ils sont pourtant solidaires, comme le leur a montré durement un passé récent ? Il est temps que la nouvelle législature prenne parti sur la politique étrangère de la France, politique qui ne doit pas se perdre dans les sables mouvants des conférences, des conseils, des commissions, des états-majors superposés, mais qui doit viser à l’efficacité. Pour construire l’Europe, il faut des liens réels : une armée commune, des échanges étendus, de grands projets concrets d’investissements en commun, des ressources partagées, une répartition des tâches et des charges, un relèvement général des niveaux de vie ».
Les arguments de Maurice Petsche, toutefois, ne suffisent pas à dissiper les craintes du groupe socialiste, qui, finalement, décide de s’abstenir. Il obtient 281 voix contre 101. La majorité requise étant de 314 voix, l’investiture ne lui est pas accordée.
René Pleven ayant enfin réussi, le 11 août, à former un gouvernement, Maurice Petsche est de nouveau sollicité pour prendre le portefeuille des finances. Le député des Hautes-Alpes se juge d’une santé trop précaire pour accepter la proposition qui lui est faite ; il accepte toutefois d’être nommé ministre d’Etat auprès du président du Conseil. Quelques mois plus tard, le 16 septembre 1951, il succombe d’une crise d’urémie. Dans le portrait affectueux mais pas toujours dénué de férocité qu’il lui consacre dans le premier tome de ses Mémoires (Avoir toujours raison … c’est un grand tort, pp. 210-224), Edgar Faure, qui fut, à ses côtés, secrétaire d’Etat aux finances, puis ministre du budget, salue la mémoire d’un « sage », qu’il appelle « le Joffre de la rue de Rivoli ». « Maurice Petsche est mort à la tâche », commentera plus sobrement Henri Queuille, autre ministre d’Etat auprès de René Pleven, en apprenant la nouvelle. Maurice Petsche avait cinquante-six ans.