Germaine Peyroles
1902 - 1979
PEYROLES (Germaine)
Née le 22 mars 1902 à Montaigu (Jura)
Décédée le 26 octobre 1979 à Paris
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Seine-et-Oise)
Député de Seine-et-Oise de 1946 à 1951 et de 1954 à 1956
Germaine Peyroles est née le 22 mars 1902 à Montaigu, petit village du Jura. Son milieu est dreyfusard, solidement ancré à gauche. Son père, professeur de français, l’encourage à poursuivre ses études jusqu’à la faculté de droit. Au terme de son cursus universitaire, elle devient, à la fin des années Vingt, l’une premières femmes inscrites au barreau de Paris. La rencontre avec son mari, qui est également avocat, détermine ses premiers engagements politiques : elle adhère au Parti démocrate populaire, devenant rapidement secrétaire générale de la section féminine de cette petite formation politique fondée en 1919 par des personnalités de sensibilité démocrate chrétienne.
Très vite après l’armistice, Germaine Peyroles et son mari conduisent leurs premières actions de résistance à l’occupant allemand. Installés près de Reims, ils recueillent dans leur maison des aviateurs anglais parachutés sur le sol français, qu’ils aident à faire passer en Espagne. Par la suite, ils participeront, pour le compte du Special Operation Executive, à des actions de sabotage, qui vaudront à Georges Peyroles de connaître les geôles de Vichy. À la Libération, Germaine Peyroles se voit décerner la Croix de guerre et la Rosette de la Résistance.
Par une ordonnance du 21 avril 1944, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) confère aux femmes la pleine jouissance de leurs droits civiques. Son passé dans la mouvance démocrate-chrétienne et son action dans la Résistance valent alors à Germaine Peyroles de figurer, lors des élections du 21 octobre 1945 pour la première Assemblée nationale constituante, en deuxième position sur la liste du MRP conduite par Robert Bichet dans la première circonscription de Seine-et-Oise.
Avec 101 988 voix sur 355 987 suffrages exprimés, la liste emporte trois des huit sièges à pourvoir. Germaine Peyroles figure parmi les trente-trois femmes (dont neuf MRP) qui font leur entrée à l’Assemblée nationale. Elle est nommée membre de la commission de la Constitution et de la commission chargée de proposer des mesures de grâce amnistiante en Algérie et siège à la Haute Cour de justice. La députée de Seine-et-Oise intervient peu à l’Assemblée nationale, durant les années 1945 et 1946. Sa prise de parole dans la discussion du projet de loi portant dévolution des biens d’entreprises de presse doit être cependant rappelée. Favorable aux nationalisations, Germaine Peyroles s'oppose avec les autres députés MRP au premier projet de Constitution de la Quatrième République adopté par l'Assemblée nationale le 19 avril 1946. Le rejet du texte par le peuple français, lors du référendum du 5 mai, entraîne la convocation d'une nouvelle Assemblée constituante.
Les élections se tiennent le 2 juin. Germaine Peyroles occupe de nouveau la deuxième position sur la liste MRP dans la première circonscription de Seine-et-Oise. Dans un scrutin marqué par une légère hausse de la participation, la liste du MRP enregistre un léger recul, avec 101 645 voix sur 360 020 suffrages exprimés, mais retrouve ses trois sièges.
Nommée à nouveau membre de la commission de la Constitution, le 19 juin 1946, Germaine Peyroles n’intervient qu’à une seule reprise au cours des discussions sur le projet de texte constitutionnel. Elle soutient le projet finalement voté par l’Assemblée le 28 septembre 1946 et ratifié par référendum le 13 octobre, et présente sa candidature aux élections législatives qui suivent, quatre semaines plus tard. Ce sont, cette fois, neuf sièges qui sont à pourvoir, si bien que la liste du MRP, malgré un nouvel effritement, plus marqué que le précédent (96 314 voix sur 350 779 suffrages exprimés), voit ses trois élus reconduits.
Nommée membre de la commission du suffrage universel, du règlement et des pétitions, tout au cours de la législature, de la commission de la famille, de la population et de la santé publique, de 1946 à 1950, et de la commission de la comptabilité (1948-1950), Germaine Peyroles est élue vice-présidente de cette dernière commission, le 25 janvier 1950. Son parcours parlementaire la conduit à la commission chargée de proposer des mesures de grâce amnistiante en Algérie (1947) et à la commission de la réforme administrative, le 3 décembre 1947. Elle est vice-présidence de l’Assemblée nationale en 1946, 1947, 1948 et 1951. Première femme à occuper ce poste, elle préside cent onze séances. Soucieuse d’assurer aux débats parlementaires la dignité qui sied à une Nation qu’elle souhaite enfin réconciliée avec elle-même, elle n’hésite pas à rappeler sévèrement à l’ordre, du haut du « perchoir », ceux dont elle considère qu’ils cèdent à l’invective ou qu’ils se livrent à des attaques ad hominem. Cette volonté d’apaisement se manifeste notamment au cours de la discussion du projet de loi « tendant à la protection de la liberté du travail », présenté par le gouvernement de Robert Schuman le 29 novembre 1947. Elle tente alors de mettre un terme à l’altercation qui oppose le député de Meurthe-et-Moselle Pierre André et le député de Dordogne Yves Péron, l’un et l’autre s’accusant mutuellement d’avoir fait preuve de complaisance envers l’Allemagne nazie : « il est devenu à la mode, dans cette Assemblée, de s’insulter en invoquant la Résistance, constate-t-elle à regret. Moi qui suis une femme et qui ai le droit aussi, comme l’orateur qui est à la tribune, comme des collègues siégeant sur tous les bancs de cette Assemblée, de parler de notre Résistance, je vous dis que c’est très mal entre Français de se battre et de s’insulter au nom de cette Résistance qui avait fait de nous des frères de combat contre un ennemi commun. Au début, même dans les débats passionnés, quand vous parliez de Résistance, un certain silence planait dans cet hémicycle. Quelle que soit la colère dont vous étiez saisis les uns et les autres, vous observiez un moment de silence en pensant à cette époque de la Résistance. De même, si blasé et si mauvais qu’il soit devenu, le souvenir de son enfance et de sa maman ramène toujours un peu de pureté dans le cœur d’un homme ».
Auteur de nombreux textes sur la réforme des méthodes de travail du Parlement, Germaine Peyroles dépose une proposition de loi, trois propositions de résolution et douze rapports. A ce titre, le 28 novembre 1950, elle est l’auteur d’un rapport, au nom de la commission du suffrage universel, sur la proposition de résolution déposée par Paul Coste-Floret tendant à réviser certains articles de la Constitution d’octobre 1946. Ce rapport propose plusieurs inflexions majeures, qui visent à mettre un terme à la paralysie qui gagne les institutions de la Quatrième République. Germaine Peyroles suggère en premier lieu de promouvoir le rôle du Conseil de la République, par une nouvelle répartition du travail législatif : il s’agit, écrit-elle, de changer le « système actuel qui réserve à l’Assemblée nationale seule la possibilité de discuter en première lecture des projets de loi et de toutes les propositions d’initiative, tant de l’Assemblée que du Conseil de la République, [qui] conduit à un encombrement extraordinaire de l’ordre du jour de cette Assemblée. Le Conseil de la République, quant à lui, attend des semaines entières pour être saisi d’un texte sur lequel il puisse valablement discuter ou se trouve subitement submergé (en fin de session notamment) par les textes qui lui sont transmis ».
Germaine Peyroles propose aussi l’assouplissement de la règle de l’immunité parlementaire, qui crée, selon elle, un véritable « privilège d’impunité » (30 novembre 1950). Elle suggère enfin de revoir les modalités d’investiture des Présidents du Conseil, afin de mettre un terme à la pratique de la double investiture : « bien que les constituants n’aient voulu qu’un seul débat d’investiture, la pratique s’est immédiatement instituée d’un double débat. Rarement réduite aux cinq minutes accordées pour la fixation de la date de discussion d’une interpellation (présentation du gouvernement Bidault le 3 novembre 1949), le deuxième débat sur la composition du Cabinet, par son ampleur et son importance, rend généralement sans valeur le premier débat sur l’investiture du président du Conseil. C’est ainsi que l’on a vu des présidents du conseil « investis » renversés le jour même de leur première présentation (2ème cabinet Schuman, 7 septembre 1948), voire dans l’impossibilité de constituer leur cabinet (Jules Moch le 13 octobre 1949, René Mayer le 22 octobre 1949) ».
Candidate au renouvellement de son mandat aux élections du 17 juin 1951, toujours en deuxième position derrière Robert Bichet sur la liste du MRP, Germaine Peyroles est victime de la poussée du Rassemblement du peuple français (RPF). En congé du Parlement, elle continue à militer activement en faveur de la construction européenne, au sein du Mouvement fédéraliste français, dont elle est vice-présidente de 1947 à 1958, et de la section française du Mouvement européen, dont elle est déléguée générale de 1951 à 1957.
Le décès d’André Diethelm, député RPF, donne à Germaine Peyroles l’occasion de présenter sa candidature aux élections législatives partielles organisées les 28 février et 14 mars 1954 dans la première circonscription de Seine-et-Oise. Candidate au nom du MRP, elle affronte une vingtaine d’adversaires, parmi lesquels le communiste André Stil, le PSU Pierre Naville et le gaulliste Yvon Morandat. Avec 138 455 voix sur 295 410 suffrages exprimés, elle doit sa victoire du second tour sur André Stil au maintien du candidat de la SFIO.
Germaine Peyroles est nommée membre de la commission du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du règlement et des pétitions (25 mai 1954 et 18 janvier 1955) et de la commission de la presse (18 janvier 1955). Son activité parlementaire, pendant la vingtaine de mois que dure encore la législature, est relativement limitée. Elle ne dépose qu’une proposition de loi (sur les rentes viagères), le 24 mai 1955. L’une de ses interventions les plus remarquées est pour stigmatiser, le 9 avril 1954, l’attitude des députés communistes vis-à-vis du conflit indochinois. L’incident de séance est violent : alors que le président du Conseil Joseph Laniel achève son exposé sur la situation des troupes françaises en Indochine, en évoquant « l’admiration du monde et la gratitude de la France » envers les soldats qui se battent à Dien Bien Phû, la grande majorité des députés présents dans l’hémicycle se lèvent et applaudissent. Seuls les députés du groupe communiste restent assis, les bras ostensiblement croisés. Germaine Peyroles s’exclame alors avec fureur, en désignant les bancs de l’extrême-gauche : « ils parlent du drapeau tricolore et de la France et ils ne se lèvent pas ! Des jeunes gens de vingt ans meurent et vous ne vous levez pas ! Quand on parle d’eux, on se lève ! ». La députée de Seine-et-Oise conclut sa diatribe sur une note personnelle pathétique : « j’en ai un là-bas, j’ai le droit de parler (…) Quelqu’un des miens se bat en Indochine sous les plis du drapeau français ».
Candidate à nouveau aux élections législatives du 2 janvier 1956, en deuxième position sur la liste du MRP, dans la première circonscription de Seine-et-Oise, Germaine Peyroles essuie une défaite : avec 30 445 voix sur 442 257 suffrages exprimés, elle est victime de la dispersion des voix entre les treize listes qui se présentent au suffrage. Le 23 novembre 1958, Germaine Peyroles est de nouveau battue, au scrutin majoritaire cette fois, dans la dixième circonscription de Seine-et-Oise, ne recueillant que 4 384 voix. Elle se retire alors de la politique active, mais continue néanmoins de militer ardemment en faveur de la construction de l’Europe au sein du Mouvement européen.
Germaine Peyroles décède le 26 octobre 1979 à Paris. Elle était mère de quatre enfants, dont l’un fit, sous le nom de plume de Gilles Perrault, une brillante carrière d’écrivain et de scénariste sous la Cinquième République.