Pierre, Eugène, Jean Pflimlin
1907 - 2000
PFLIMLIN (Pierre, Eugène, Jean)
Né le 5 février 1907 à Roubaix (Nord)
Décédé le 27 juin 2000 à Strasbourg (Bas-Rhin)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Bas-Rhin)
Député du Bas-Rhin de 1946 à 1958
Sous-secrétaire d’Etat à la santé publique du 6 février au 24 juin 1946
Sous-secrétaire d’Etat à l’économie nationale du 24 juin au 16 décembre 1946
Ministre de l’agriculture du 24 novembre 1947 au 2 décembre 1949 et du 2 juillet 1950 au 11 août 1951
Ministre du commerce et des relations économiques extérieures du 11 août 1951 au 20 janvier 1952
Ministre d’Etat chargé du Conseil de l’Europe du 20 janvier au 8 mars 1952
Ministre de la France d’outre-mer du 8 mars 1952 au 8 janvier 1953
Ministre des finances et des affaires économiques du 23 février 1955 au 1er février 1956 et du 6 novembre 1957 et au 13 mai 1958
Président du Conseil du 14 au 31 mai 1958
Ministre d’Etat du 1er juin 1958 au 8 janvier 1959
Né à Roubaix, dans une famille alsacienne, fils d’un ingénieur promu directeur d’usine, Pierre Pflimlin effectue des études secondaires au lycée de Mulhouse et des études supérieures à l’Institut catholique de Paris, puis à l’Université de Strasbourg. Docteur en droit, il s’inscrit en 1931 au barreau de cette ville où ses dons oratoires lui valent une certaine notoriété. Ses convictions politiques se situent à l’époque nettement à droite. Peu tenté par les sirènes de l’autonomisme alsacien, mais fort préoccupé par la déliquescence des institutions de la Troisième République, il sympathise d’abord avec les idées de l’Action française puis milite, un temps, aux Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger et appartient au Comité de coordination des mouvements anti-marxistes fondé par Jean Elstein. Diverses influences, religieuses notamment, se conjuguent pour l’orienter, à la fin des années trente, vers l’Union populaire chrétienne de tendance démocrate-chrétienne. Sous l’égide de la fondation Rockfeller, présidée en France par l’économiste Charles Rist, il effectue des enquêtes économiques en Allemagne et en Autriche, et publie en 1938, en collaboration avec le professeur Henry Laufenburger, La Structure économique du IIIème Reich.
Mobilisé l’année suivante, décoré de la Croix de guerre en 1940, il revient à la vie civile après l’armistice. Il abandonne alors le barreau pour la magistrature et devient juge d’instruction à Thonon-les-Bains. La dignité de son comportement pendant l’occupation lui vaut d’être nommé, début 1945, commissaire du Gouvernement auprès de la Cour de justice de Moselle où il supervise, avec modération, l’épuration qui frappe les milieux collaborateurs.
De retour à Strasbourg, il est élu conseiller municipal en septembre 1945 et adhère, dans le sillage de Robert Schuman qu’il a rencontré à Metz, au Mouvement républicain populaire (MRP) récemment fondé. Revenu à sa profession d’avocat, il est désigné par les instances locales de sa formation politique comme candidat à l’Assemblée nationale constituante. Au terme de tractations serrées, il figure en quatrième position sur une liste dont les trois premières ont attribuées à des élus d’avant-guerre et la tête de liste à Henri Meck, figure de proue du syndicalisme chrétien alsacien. La liste obtient 136 058 des 291 686 suffrages exprimés et remporte cinq sièges sur les huit à pourvoir.
Le nouvel élu s’inscrit à la commission des affaires économiques, des douanes et des conventions commerciales. Il est aussi nommé juré à la Haute Cour de justice. Il n’intervient qu’à une reprise et ne dépose qu’une proposition de résolution. Mais après le départ du général de Gaulle, il est appelé comme sous-secrétaire d’Etat à la santé publique dans le Gouvernement formé le 29 janvier 1946 par Félix Grouin. Il est chargé, sous la tutelle de son ministre Robert Pringent, des problèmes de population (immigration et naturalisation notamment) et se heurte, à plusieurs reprises, à certains fonctionnaires communistes de son administration.
Après avoir fait campagne pour le non au projet constitutionnel, Pierre Pflimlin se présente en seconde position sur la liste du MRP conduite par Henri Meek et est aisément réélu le 2 juin 1946, la formation démocrate-chrétienne conservant ses cinq élus. Il retrouve la commission des affaires économiques, des douanes et des conventions commerciales, le 26 juin 1946, mais il est immédiatement nommé sous-secrétaire d’Etat à l’économie nationale dans le gouvernement Bidault, plus spécialement chargé de la répartition des matières premières entre les différents secteurs industriels. A ce poste, il n’intervient à aucune reprise dans le cadre de la délibération parlementaire, sous la deuxième Assemblée nationale constituante.
Dans le Bas-Rhin, l’élection de l’Assemblée nationale, le 10 novembre 1946, est marquée par une forte poussée gaulliste. L’Union gaulliste-UDSR, dirigée par Pierre Clostermann, obtient trois sièges sur les neuf à pourvoir (au lieu de huit précédemment). La représentation du MRP s’en trouve réduite à quatre sièges et connaît une perte d’environ 24 000 suffrages (135 918 contre 159 330 en juin 1946). Réinscrit à la commission des affaires économiques le 4 février 1947, Pierre Pflimlin est nommé membre de la commission des finances, le 17 janvier 1950. Il dépose sept propositions de loi ou de résolution, ainsi que trois rapports. Il intervient en séance sur des questions budgétaires en relation avec l’Alsace-Lorraine. Mais après deux passages gouvernementaux à des postes modestes où il a pu s’initier aux rouages de l’administration, il est appelé par Robert Schuman, fin novembre 1947, au ministère de l’agriculture, fonction qu’il assumera pendant toute la législature (novembre 1947-juillet 1951), hormis une pause durant le cabinet Bidault dont il a démissionné le 1er décembre 1949. Cette démission à titre individuel, causée par un différend avec le président du Conseil sur le prix de la betterave, a, du reste, suscité quelques remous dans les rangs du MRP.
Outre le dépôt de divers projets de loi, la présentation et la défense annuelle de son budget, la réponse à de nombreux amendements, Pierre Pflimlin s’est attaché à la modernisation accélérée de l’agriculture française, comme en témoigne son vaste discours – programme prononcé à l’Assemblée nationale le 25 février 1949, ses vingt-cinq projets de loi déposés en quatre ans et ses trente-trois interventions. Il a obtenu, dès 1948, un triplement des crédits consacrés au remembrement et a fait voter, le 24 septembre de la même année, une loi de programmation de l’équipement rural financé par la contrepartie en francs d’une fraction de l’aide Marshall. Il a étendu le système des prix garantis au lait et à la betterave et conclu des accords d’exportation avec la jeune République fédérale allemande et la Grande-Bretagne. Dans le sillage du plan Schuman (9 mai 1950) qui trouve sa concrétisation dans la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), il a tenté de jeter les fondements d’une organisation européenne agricole. Mais son projet de « Pool vert » a pâti de l’instabilité gouvernementale et s’est perdu dans les méandres des conférences préparatoires. Il ne sera utilement repris que dans le cadre du Traité de Rome.
En vue des élections du 17 juin 1951, le MRP du Bas-Rhin propose un apparentement avec la liste du RPF conduite par le général Koenig, et dont tout laisse à penser qu’elle obtiendra un score important. Le refus du parti gaulliste conduit Pierre Pflimlin, promu tête de liste du MRP, à ne conclure d’apparentement qu’avec la liste des Indépendants et Paysans. Ses professions de foi sont vigoureusement anticommunistes et plus discrètement antigaullistes. Par rapport à novembre 1946, le MRP perd près de 8 000 voix, mais, avec cinq élus, il gagne un siège, les autres se répartissant entre le RPF (trois) et le PCF (un).
Dans la nouvelle Assemblée, Pierre Pflimlin est nommé membre suppléant de la commission des finances, le 6 juillet 1951, car il est appelé, dès le 11 août, dans le gouvernement Pleven comme ministre du commerce et des relations économiques extérieures, regroupement inusité de services jusqu’ici dissociés. L’action la plus marquante de cette fonction ministérielle réside, lors d’une réunion du GATT à Genève, dans son opposition à un plan néerlandais de baisse unilatérale des tarifs douaniers et dans la proposition d’un « plan Pflimlin » d’abaissement concerté et coordonné qui sera en partie repris par le traité de Rome.
Dans le cabinet suivant (20 janvier – 6 mars 1952), formé par Edgar Faure, Pierre Pflimlin est nommé ministre d’Etat chargé du Conseil de l’Europe, un poste surtout honorifique, dénué d’administration propre. Le président du Conseil suivant, Antoine Pinay, le nomme au ministère de la France d’outre-mer (8 mars 1952-7 janvier 1953), portefeuille traditionnellement dévolu, sauf exception, au MRP. Il entreprend deux voyages d’information en Afrique française, du 20 mai au 3 juin et du 31 juillet au 31 août, et déploie, tout au long de son ministère, une grande activité réformatrice en matière économique et douanière dont il a pu déplorer par la suite qu’elle ait été abandonnée, en grande partie, par son successeur. Il dépose notamment un projet de recomposition de l’Assemblée de l’Union française (26 juin 1952) et le projet d’un nouveau statut du Togo (19 décembre) qui sera voté l’année suivante.
Redevenu simple député durant les gouvernements Mayer, Laniel et Mendès France, Pierre Pflimlin se consacre davantage à son parti et ses mandats locaux qu’à la vie parlementaire. Il ne dépose qu’un nombre réduit de propositions et n’intervient en séance qu’en de rares occasions. Les plus notables concernent la participation des Alsaciens de la division Das Reich au massacre d’Oradour-sur-Glane (27 janvier 1953), la politique indochinoise et européenne du gouvernement Mendès France (23 juillet et 12 octobre 1954). Comme l’ensemble de son groupe, il vote l’investiture de René Mayer et de Joseph Laniel, et soutient leur gouvernement. Il s’abstient volontairement lors de l’investiture de Pierre Mendès France, le 18 juin 1954, et lors de la ratification des accords de Genève. Ardent partisan de la CED, à laquelle il a vainement tenté de rallier le président du Conseil, il entraîne une poignée de députés MRP – surtout alsaciens et lorrains - à ratifier les accords de Londres pour trouver une issue honorable au vote du 30 août. Entre-temps, il s’est porté candidat à la présidence de l’Assemblée nationale après la démission d’Edouard Herriot en janvier 1954. Mais il a dû s’incliner devant André Le Troquer, qui a bénéficié des suffrages communistes en raison de ses positions anticédistes.
Après la chute de Pierre Mendès France, à laquelle il a participé de son vote, Pierre Pflimlin est désigné par le président Coty, le 11 février 1955, en vue de former un nouveau gouvernement. Méthodique et travailleur, homme de caractère et de conviction, le député du Bas-Rhin jouit d’une large estime bien au-delà des rangs de son parti. Des consultations encourageantes et un vote favorable du fameux comité Cadillac lui permettent de composer un gouvernement où entreraient René Mayer (affaires étrangères), Antoine Pinay (défense nationale) ou Robert Schuman (Justice). Mais les républicains sociaux refusent leur participation à ce gouvernement trop « cédiste » et les radicaux tergiversent. Le portefeuille de l’éducation nationale est dévolu, en une nuit, à quatre titulaires… Pierre Pflimlin renonce finalement le 14 février, mais pour accéder quelques jours plus tard au prestigieux ministère des finances dans le cabinet constitué par Edgar Faure. Par la loi du 2 avril 1955, il obtient de ce dernier une prorogation de la loi du 14 août 1954 autorisant le Gouvernement à légiférer par décrets-programme dans le domaine économique, permettant notamment de financer des programmes d’investissement pluriannuels, dans le cadre du deuxième Plan. Porté par une excellente conjoncture, il parvient à faire voter un budget équilibré, non sans avoir accordé une légère augmentation du traitement des fonctionnaires et déposé un projet de loi instituant un Fonds national de la vieillesse qui sera adopté l’année suivante. Les décrets du 30 juin 1955 permettent, par ailleurs, de jeter les fondements d’une action économique régionale avec une priorité pour la Bretagne. Dans le domaine fiscal, il fait preuve de fermeté, qu’il s’agisse des revendications plus ou moins brutales du « Mouvement Poujade » ou des demandes incessantes des parlementaires en vue d’obtenir une exonération totale ou partielle, au bénéfice de telle ou telle catégorie professionnelle. Au cours de la législature 1951-1955, le ministre Pflimlin a déposé 83 projets de loi.
A la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, Pierre Pflimlin conclut, dans son département, un apparentement unissant au MRP, les Indépendants de Georges Ritter et les Républicains sociaux du général Koenig. C’est l’un des rares apparentements couronnés de succès aux élections du 2 janvier 1956, les trois listes apparentées dépassant la majorité absolue (202 219 voix pour 344 405 suffrages exprimés) et se répartissant les neuf sièges à pourvoir : le MRP obtient sept élus, les Indépendants et les Républicains sociaux chacun un. On peut considérer que cette élection marque l’apogée de l’audience du MRP en Alsace. La position politique de Pierre Pflimlin en sort confortée tant sur le plan local, comme président du conseil général, que sur le plan national. Succédant à Pierre-Henri Teitgen, il accède à la présidence du MRP le 12 mai 1956.
Membre titulaire de la commission des finances (1956-1957), Pierre Pflimlin ne dépose qu’un nombre restreint de propositions de loi (6) et n’intervient qu’assez rarement en séance durant les deux premières années de la législature, se consacrant davantage à ses mandats locaux et à la vie de son parti. Il intervient néanmoins, et assez longuement, dans la discussion des interpellations sur la politique algérienne du gouvernement Mollet, le 26 octobre 1956. S’il estime indispensable l’effort militaire consenti par le Gouvernement, il plaide en faveur d’une prompte politique de réformes. Il appelle également de ses vœux une révision de la Constitution en vue d’instaurer le gouvernement de législature et de rénover l’Union française. Comme l’ensemble de son groupe, il accorde néanmoins sa confiance au Gouvernement, mais s’abstient volontairement le 12 juin 1957. Il soutient de ses votes le bref gouvernement Bourgès-Maunoury, et notamment la ratification du traité de Rome, puis entre, le 6 novembre 1957, comme ministre des finances, des affaires économiques et du plan, dans le Gouvernement constitué par Félix Gaillard.
Le nouveau locataire de la rue de Rivoli trouve une situation financière préoccupante. Le développement rapide de l’inflation, le déséquilibre du budget et la dégradation de la balance des comptes imposent des mesures drastiques qu’il expose à l’Assemblée nationale, dès le 14 novembre, à la faveur d’un projet de loi, déposé le 12, tendant au rétablissement de l’équilibre économique et financier. Le 10 décembre, un projet de loi des finances pour 1958 est déposé, qui prévoit une réduction massive des dépenses sociales et, dans une moindre mesure, des dépenses d’investissement. Pour remédier au déficit de la balance des paiements, qui s’élève à 859 millions de dollars en 1957, il obtient un important crédit du Fond monétaire international. Cette politique, menée conjointement avec le président du Conseil, aura certes pour effet de ralentir la croissance économique, mais elle a indéniablement préparé le terrain à la stabilisation opérée l’année suivante par le plan Pinay-Rueff.
La chute du cabinet Gaillard, le 14 avril 1958, ouvre une longue vacance gouvernementale qui voit l’échec de plusieurs présidents du Conseil pressentis, parmi lesquels Georges Bidault (auquel Pierre Pflimlin refuse son soutien en raison de ses positions trop extrêmes sur l’Algérie) et René Pleven. Sur les conseils de Guy Mollet et d’Antoine Pinay, le président Coty fait appel le 8 mai au député du Bas-Rhin qui bénéficie d’une réputation d’autorité et d’intégrité. Mais ses vues libérales sur la question algérienne, récemment exprimées dans la presse et au sein de son Conseil général, soulèvent l’opposition et la colère de la population française d’Alger qui, le 13 mai, s’empare du gouvernement général et désigne un comité de salut public présidé par le général Massu.
La manifestation algéroise du 13 mai ouvre une crise politique majeure dont on ne retiendra ici que les aspects parlementaires. Le même jour, le président du Conseil désigné présente son gouvernement à l’Assemblée nationale. Les ministères essentiels reviennent à Maurice Faure (intérieur), André Mutter (Algérie) et Pierre de Chevigné (défense nationale). La déclaration d’investiture, assez brève, est axée sur la réforme des institutions, les difficultés financières et l’application « large et libérale » de la loi-cadre en Algérie. C’est pendant le débat que survient la nouvelle des évènements d’Alger. Le vote d’investiture est acquis dans la nuit, par 274 voix contre 129, le groupe communiste s’étant abstenu.
Face à une situation de plus en plus insaisissable, Pierre Pflimlin élargit le 15 mai son gouvernement aux socialistes, Guy Mollet devenant vice-président du Conseil et l’énergique Jules Moch remplaçant Maurice Faure à l’Intérieur. Le Gouvernement obtient le lendemain une extension de l’état d’urgence au territoire métropolitain et, le 20 mai, une reconduction de la loi du 16 mars 1956 sur les pleins pouvoirs en Algérie. Le président du Conseil intervient à plusieurs reprises devant l’Assemblée pour appeler la majorité nationale à la défense de la République. Il dépose parallèlement un projet de révision de la Constitution qui est adopté le 27 mai par 408 voix (communistes compris) contre 165. Mais il n’a pu que constater entre-temps la déliquescence de l’autorité de l’Etat. Face à une menace très réelle de subversion militaire en métropole (Plan Résurrection), il se rallie à la solution du recours au général de Gaulle, à condition que les formes légales soient respectées. Après une entrevue avec ce dernier, dans la nuit du 27 au 28 mai, il donne sa démission le 28 et accepte les fonctions de ministre d’Etat dans le cabinet formé et investi le 1er juin.
Comme ministre d’Etat, Pierre Pflimlin est appelé à jouer un rôle majeur dans l’élaboration des institutions de la Cinquième République. Sa longue expérience parlementaire et gouvernementale, jointe à une conception exigeante de l’autorité de l’Etat, inspire certaines dispositions constitutionnelles : l’article 38 qui autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances, l’article 40 qui interdit aux parlementaires l’initiative des dépenses, et surtout le fameux article 49 alinéa 3, qui permet au Gouvernement de faire adopter un texte sans vote dès lors qu’aucune motion de censure n’a été déposée et votée dans les formes requises. Au terme de cette législature écourtée, Pierre Pflimlin, dans ses fonctions ministérielles, a déposé 34 projets de loi.
Il est brillamment réélu député du Bas-Rhin le 23 novembre 1958, dès le premier tour, avec 83 % des suffrages. Il refuse de participer au gouvernement de Michel Debré pour mieux se consacrer, à partir de 1959, à ses fonctions de maire de Strasbourg et de représentant de la France au Parlement européen et à l’Assemblée du Conseil de l’Europe. Il revient au gouvernement le 16 avril 1962, comme ministre d’Etat chargé de la coopération dans le gouvernement Pompidou. Mais en désaccord avec les orientations européennes du général de Gaulle, telles qu’elles s’étaient exprimées lors de sa conférence de presse du 15 mai, il donne sa démission le lendemain avec les autres ministres MRP et ce, malgré les objurgations du président de la République qui le tenait en particulière estime. Réélu député le 18 novembre 1962, Pierre Pflimlin a mis un terme à sa carrière parlementaire en 1967. Il est demeuré maire de Strasbourg jusqu’en 1983 et a accédé à la présidence du parlement européen le 24 juillet 1984.
Personnalité majeure de la Quatrième République, grande figure de la démocratie chrétienne, de la construction européenne et de la réconciliation franco-allemande, Pierre Pflimlin a laissé d’intéressants souvenirs politiques et parlementaires dans Mémoires d’un Européen, de la IVème à la Vème République, Fayard, 1984, et dans Itinéraires d’un Européen (Entretiens), La Nuée Bleue, 1989. Il s’éteint le 27 juin 2000 à Strasbourg.
PFLIMLIN (Pierre)
Né le 5 février 1907 à Roubaix (Nord)
Décédé le 27 juin 2000 à Strasbourg (Bas-Rhin)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Bas-Rhin)
Député du Bas-Rhin de 1946 à 1967
Sous-secrétaire d’État à la santé publique du 6 février au 24 juin 1946
Sous-secrétaire d’État à l’économie nationale du 24 juin au 16 décembre 1946
Ministre de l’agriculture du 24 novembre 1947 au 2 décembre 1949 et du 2 juillet 1950 au 11 août 1951
Ministre du commerce et des relations économiques extérieures du 11 août 1951 au 20 janvier 1952
Ministre d’État chargé du Conseil de l’Europe du 20 janvier au 8 mars 1952
Ministre de la France d’outre-mer du 8 mars 1952 au 8 janvier 1953
Ministre des finances et des affaires économiques du 23 février 1955 au 1er février 1956 et du 6 novembre 1957 et au 13 mai 1958
Président du Conseil du 14 au 31 mai 1958
Ministre d’État du 1er juin 1958 au 8 janvier 1959
Ministre d’État chargé de la coopération du 15 avril 1962 au 15 mai 1962
(Voir première partie de la biographie dans le dictionnaire des parlementaires français 1940-1958)
Grande figure du christianisme social, Pierre Pflimlin est l’un des piliers de la IVe République. Député du Bas-Rhin depuis 1946, il a exercé de nombreuses fonctions gouvernementales, notamment comme ministre de l’Agriculture entre 1947 et 1981. Investi le 13 mai 1958 pour conduire le gouvernement de la « dernière chance », Pierre Pflimlin souhaite alors, comme il l’écrit, « engager des pourparlers avec les représentants de ceux qui se battent ». Ne parvenant pas à résister aux pressions de menaces insurrectionnelles venant d’Alger, il remet sa démission au président de la République, René Coty, quinze jours plus tard. Dans le cabinet De Gaulle, formé le 1er juin 1958, il est nommé ministre d’État et participe à l’élaboration des institutions de la Ve République.
C’est en candidat du MRP (Mouvement républicain populaire), dont il est d’ailleurs le président depuis 1956, qu’il se présente aux élections législatives de novembre 1958, dans la 8e circonscription du Bas-Rhin. Opposé au socialiste Albert Kopf et au communiste Charles Christmann, il obtient, dès le premier tour, 83 % des suffrages exprimés, avec 32 973 voix.
Au Palais-Bourbon, le député du Bas-Rhin est inscrit au groupe des Républicains populaires et centre démocratique, de 1958 à 1962. Fort de son expérience accumulée sous la IVe République, Pierre Pflimlin est un parlementaire très influent. Membre de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, il est l’auteur de plusieurs propositions de lois. Infatigable défenseur de la construction européenne et de la réconciliation franco-allemande, Pierre Pflimlin intervient dans l’hémicycle, dès le 5 novembre 1959, pour souligner l’importance symbolique de la ville Strasbourg et défendre le maintien du siège du Conseil de l’Europe, ainsi que l’idée d’une installation de structures de la CEE dans la capitale alsacienne. En 1959, il est élu représentant de la France à l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe.
Pierre Pflimlin montre aussi son souci de l’aménagement du territoire, en soulignant l’importance du projet de canal Rhin-Rhône, qui aurait l’intérêt de développer la vocation européenne de Marseille, en la reliant au centre de l’Europe.
Revenu au gouvernement en avril 1962, comme ministre d’État chargé de la coopération, il en démissionne un mois plus tard, avec les quatre autres ministres MRP, après la célèbre conférence de presse du général de Gaulle sur l’Europe du 15 mai. En complet désaccord avec la politique gaulliste en matière européenne, il soutient cependant pour les autres sujets l’action gouvernementale même s’il conserve sa complète liberté. Ainsi, il s’abstient lors du référendum constitutionnel de 1962.
Lors des élections législatives de décembre, les électeurs de la circonscription lui renouvellent leur confiance à une large majorité de 52 % des suffrages exprimés, et 19 58 voix, au premier tour. Membre du groupe du centre démocratique, il siège de nouveau à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Il est également élu représentant de la France au Parlement européen. Renouvelé comme membre de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe, il en devient président de 1963 à 1966.
Ses interventions en séance publique sont d’une tonalité parfois critique pour le Gouvernement. À l’occasion du débat qui suit la déclaration de politique générale du Gouvernement, le 13 décembre 1962, il s’inquiète du rôle de l’Assemblée et de l’équilibre des pouvoirs et de la situation économique, et rappellent la nécessité d’une Europe unie et de l’Alliance atlantique.
Il salue, le 13 juin 1963, le traité de coopération franco-allemand, le « traité de l’Elysée », insistant sur l’importance de la réconciliation entre les deux pays, pour l’Alsace. Ses interventions montrent sinon son souci constant de l’aménagement régional. Il défend notamment l’axe Mer du Nord-Méditerranée lors de la discussion du projet de loi portant approbation du Plan de développement économique et social, le 4 novembre 1965, et présente plusieurs amendements lors de la discussion du projet de loi relatif aux communautés urbaines, en octobre 1966, dans le souci de préparer au mieux celle de Strasbourg.
Après avoir pris position en faveur de Jean Lecanuet en 1965 à l’élection présidentielle de 1965, il décide en 1967 de ne pas briguer un nouveau mandat de parlementaire afin de se consacrer pleinement à deux passions politiques que sont sa ville de Strasbourg et la construction européenne.
Conseiller municipal de Strasbourg depuis septembre 1945, Pierre Pflimlin est élu maire en 1959. Premier magistrat de la capitale alsacienne jusqu’en 1983, il préside également la société d’aménagement et d’équipement de la région de Strasbourg, le conseil de la communauté urbaine de la ville, ainsi que le port autonome. À l’échelle départementale, il représente le canton d’Haguenau puis de Strasbourg-Est au Conseil général du Bas-Rhin de 1951 à 1976. Il siège aussi au Conseil régional d’Alsace de 1973 à 1983 et préside la commission de développement économique régional (CODER). En 1983, il cède son fauteuil de maire à son ami Marcel Rudloff, sénateur (UDF-CDS) du Bas-Rhin et président du Conseil régional.
En parallèle de son action aux côtés des Alsaciens, Pierre Pflimlin consacre une grande part de son action politique en faveur de la construction européenne. En juin 1979, il est élu député au Parlement européen, après avoir occupé la quatrième place sur la liste UDF (Union pour la démocratie française) conduite par Simone Veil. Aboutissement de son combat européen, il est élu, le 24 juillet 1984, à la présidence du Parlement européen, en devançant de 88 voix, au second tour de scrutin, le président sortant, le socialiste néerlandais Piet Dankert. Il le restera jusqu’au 20 janvier 1987. En 1989, après plus d’un demi-siècle consacré au service de l’intérêt général, il décide de se retirer de la vie politique.
Pierre Pflimlin est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels les Mémoires d’un Européen, publié en 1991. Il était titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 et commandeur de l’ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne.