Christian Pineau
1904 - 1995
- Informations générales
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- Né le 14 octobre 1904 à Chaumont (Haute-Marne - France)
- Décédé le 5 avril 1995 à Paris (Paris - France)
1904 - 1995
PINEAU (Christian, Paul, Francis)
Né le 14 octobre 1904 à Chaumont (Haute-Marne)
Décédé le 5 avril 1995 à Paris
Membre des deux Assemblée nationale constituante (Sarthe)
Député de la Sarthe de 1946 à 1958
Ministre du ravitaillement du 30 mai au 21 novembre 1945
Ministre des travaux publics et des transports du 24 novembre 1947 au 5 septembre 1948 et du 11 septembre 1948 au 7 février 1950
Ministre des finances et des affaires économiques du 5 au 11 septembre 1948
Ministre des affaires étrangères du 1er février 1956 au 14 mai 1958
Fils d’un colonel d’active, Christian Pineau effectue ses études secondaires à l’Ecole alsacienne et ses études supérieures à la Faculté de Droit de Paris, ainsi qu’à l’Ecole libre des sciences politiques dont il sort diplômé en 1924. Il débute sa vie professionnelle en 1926 à la Banque de France, au concours de laquelle il a été reçu premier, puis appartient, de 1931 à 1938, au personnel de la Banque de Paris et des Pays-Bas. En contradiction avec ses traditions familiales, il milite activement au syndicat des employés de banque de la CGT, dont il devient secrétaire fédéral après la réunification syndicale de mars 1936. Il fonde et dirige la revue Banque et Bourse en 1937 et entre en 1938 au Conseil économique de la CGT dont il devient secrétaire.
Mobilisé en septembre 1939, Christian Pineau est détaché au cabinet du Commissaire à l’information Jean Giraudoux, qui est son beau-père depuis le remariage de sa mère. Il est chargé de la propagande en milieu ouvrier. Après sa démobilisation, il entre comme chef de bureau au ministère du ravitaillement. Hostile à l’armistice comme au régime de Vichy, il rédige et rend public en novembre 1940 le “ Manifeste des douze ” qui, suivant de peu la dissolution des syndicats professionnels, affirme la nécessaire vigilance du syndicalisme libre. Sous couvert d’un comité d’études plus ou moins toléré, il diffuse, à partir de décembre, un bulletin clandestin, Libération, dont il assure à peu près seul la rédaction jusqu’en mars 1942. Le n°52 du 30 novembre 1941 publie le Manifeste du mouvement Libération-Nord qui va recruter surtout dans les milieux socialistes et syndicalistes, qu’il s’agisse de cégétistes non communistes (Robert Lacoste, Pierre Neumeyer) ou de syndicalistes chrétiens comme GastonTessier.
Contacté par le colonel Rémy à l’instigation de Pierre Brossolette, Christian Pineau gagne Londres en mars 1942 pour établir un contact avec la France libre et orienter son chef vers une reconnaissance de la résistance intérieure et de ses principes démocratiques. Il oeuvre parallèlement au rapprochement de la CGT avec le Comité de libération nationale. Il accomplit, en janvier 1943, un second voyage à Londres d’où il repart avec des missions élargies de renseignements (ce sera le réseau Phalanx) et d’une étude prospective de possibilités de ravitaillement à la libération du territoire.
Arrêté à Lyon par la Gestapo le 3 mai 1943, il est d’abord enfermé au Fort-Montluc (où il a croisé Jean Moulin), puis déporté en Allemagne dans le camp de Buchenwald où il est libéré en avril 1945. Son engagement dans la Résistance et sa vie en déportation ont été relatés dans un livre de mémoires, La Simple Vérité (Julliard, 1960). Outre de nombreuses décorations, sa courageuse conduite lui a valu le titre prestigieux de Compagnon de la libération, décerné le 16 octobre 1945.
Trois semaines après son retour de déportation, Christian Pineau entre au Gouvernement provisoire dirigé par le général de Gaulle, à la faveur du remaniement qui suit les élections municipales de mai 1945. Il succède au ravitaillement à Paul Ramadier, démissionnaire. A ce poste difficile et exposé, il semble avoir pêché par optimisme. A la suite d’un voyage en Amérique où il a décelé de larges possibilités d’importation, il supprime la carte de pain le 1er novembre et instaure pour la viande un régime de semi-liberté des prix. Toutes ces mesures sont reprises par la suite, au prix de quelques manifestations violentes, par son successeur Tanguy-Prigent.
A l’Assemblée constituante élue le 21 octobre, Christian Pineau se porte candidat dans le département de la Sarthe où il n’a pas d’attaches particulières, mais où la SFIO, faute de figure marquante, lui demande de se présenter. Avec 83 746 voix, soit plus de 38 % des 189 383 suffrages exprimés, sa liste obtient un score flatteur et compte trois élus.
Membre de la commission du ravitaillement et de la commission des finances et du contrôle budgétaire, il est élu rapporteur général de cette dernière. Comme tel, il rédige vingt-deux rapports à caractère budgétaire et financier, en particulier sur le projet de loi relatif à la nationalisation de la Banque de France et des grandes banques. Il dépose, par ailleurs, un avis, une proposition de résolution et deux propositions de loi. Il intervient fréquemment en séance, faisant face à de très nombreux amendements lors de la discussion budgétaire. Le 30 décembre 1945, il insiste sur la nécessité de réduire les dépenses de l’Etat, notamment les dépenses militaires. Ce soutien indirect à l’amendement Capdeville provoque, à terme, la démission du général de Gaulle le 20 janvier 1946. Le rapporteur général plaide, par la suite, en faveur d’une baisse impérative du nombre des fonctionnaires, lors de la séance du 14 février, et prend part à la discussion du projet de loi relatif à la nationalisation des compagnies d’assurances. Il appartient également au Comité national d’épargne.
A l’élection de la seconde Assemblée constituante, le 2 juin 1946, la poussée du MRP et la régression des socialistes, générales dans le pays, sont particulièrement prononcées dans la Sarthe. La liste conduite par Christian Pineau perd 25 000 suffrages, obtenant 58 733 voix sur 194 129 suffrages exprimés, et ne compte plus que deux élus. Le député de la Sarthe retrouve la commission des finances et du contrôle budgétaire dont il est élu président le 5 juillet. A ce titre, il n’est pas “ astreint ” à la rédaction de rapports ; mais il intervient dans pratiquement toutes les discussions à caractère économique et budgétaire. Il siège également et à nouveau à la commission du ravitaillement. Il ne dépose qu’une proposition de loi relative à l’exercice de la médecine vétérinaire (12 septembre 1946).
A l’élection de l’Assemblée nationale, le 10 novembre 1946, sa liste accuse une nouvelle baisse de 6 000 suffrages (52 866 sur 183 989 suffrages exprimés) et ne compte plus qu’un élu. Christian Pineau, pour autant, retrouve la présidence de la commission des finances et du contrôle budgétaire, prenant une part active à la discussion du budget général de l’exercice 1947. Il entre dans le gouvernement Schuman, le 24 novembre 1947, comme ministre des travaux publics et des transports, fonction reconduite dans le cabinet Marie (26 juillet-5 septembre 1948), puis dans le cabinet Queuille (11 septembre 1948 – 28 octobre 1949) et Bidault (28 octobre 1949 – 7 février 1950) - en y incluant le tourisme. Entre-temps, il a été le ministre des finances et des affaires économiques d’un éphémère gouvernement Schuman qui n’a duré que cinq jours (5-10 septembre 1948). La présence d’un socialiste rue de Rivoli a suffi à briser net cette tentative.
Comme ministre des travaux publics, Christian Pineau a déposé trente-six projets de loi, dont certains d’une grande importance, concernant notamment la réorganisation de la Marine marchande, la création de la Compagnie Air-France, la coordination des transports ou la construction du pont de Tancarville. En cette même qualité, il intervient annuellement dans la discussion des crédits de son ministère et prend part à divers débats concernant les transports parisiens (RATP) et la SNCF dont il doit défendre la subvention de l’Etat régulièrement critiquée sur les bancs de la droite. Redevenu simple député en février 1950 après la démission des ministres socialistes du gouvernement Bidault, ses interventions demeurent essentiellement techniques. Mais il se signale, le 22 novembre, par une interpellation assez critique de la politique gouvernementale en Indochine. Il appartient à la commission des affaires économiques (1950-1951), à la commission des moyens de communication et du tourisme (1950-1951). Le 11 mars, il est désigné pour représenter l’Assemblée nationale au sein du Comité national d’épargne. Comme député (1946-1947 ; 1950-1951), il dépose deux propositions de résolution, une proposition de loi et cinq rapports.
Aux élections du 17 juin 1951, aucun apparentement n’a été conclu dans le département de la Sarthe. Le scrutin est marqué par une forte poussée du RPF, qui obtient deux sièges, au détriment du MRP et de la SFIO qui perd plus de 17 000 voix. Avec 19,5 % des suffrages exprimés, Christian Pineau conserve son siège.
Socialiste modéré et européen convaincu, Christian Pineau est appelé à deux reprises par le président de la République en vue de dénouer une crise ministérielle et de former un gouvernement. La première tentative se situe le 8 janvier 1952, après la chute du gouvernement Pleven. Mais l’appelé ne nourrit aucune illusion sur ses chances réelles et se contente de consulter les chefs du groupe parlementaire avant de renoncer, et ce sera Edgar Faure qui est finalement investi. La seconde tentative, plus sérieuse, se produit après la chute de Pierre Mendès France, le 5 février 1955. Antoine Pinay et Pierre Pflimlin ayant échoué, René Coty fait appel au député de la Sarthe qui, après consultation, présente son gouvernement à l’Assemblée nationale le 18 février. L’accueil est réservé ou hostile sur les bancs du centre-droit et de la droite. Le débat d’investiture met en lumière le paradoxe d’un gouvernement de centre-gauche face à une assemblée nettement plus conservatrice. L’investiture lui est refusée par 312 voix contre 268. La composition du gouvernement est intéressante car bien des noms reviendront aux mêmes fonctions un an plus tard, dans le gouvernement formé par Guy Mollet : Christian Pineau lui-même aux affaires étrangères, Robert Lacoste aux finances, Albert Gazier aux affaires sociales ou Gaston Defferre à la France d’Outre-mer.
C’est donc comme simple député que Christian Pineau traverse la seconde législature. Membre de la commission des finances et de la sous-commission chargée de contrôler l’emploi des crédits affectés à la défense nationale (3 février 1953), il est fréquemment rapporteur de ces mêmes crédits. Il représente également cet aréopage à la commission de coordination pour l’examen des problèmes intéressant les Etats associés d’Indochine (1er février 1955). Il dépose vingt-quatre rapports, quatre rapports supplémentaires, deux propositions de résolution, deux propositions de loi et un avis. Il participe régulièrement à la discussion des crédits militaires. En termes plus politiques, il intervient dans les débats soulevés par la proposition Barangé et dépose plusieurs demandes d’interpellation sur la situation en Indochine et au Maroc. Ses votes sont conformes, comme précédemment, à la discipline du groupe socialiste, généralement dans l’opposition, sauf vis-à-vis du gouvernement Mendès France qu’il a publiquement soutenu. Très favorable à la construction européenne et à la Communauté européenne de défense (CED), il vote contre la motion Aumeran le 30 août 1954. Il remplace, de ce fait, Charles Lussy, lequel avait émis un vote contraire, à la présidence du groupe socialiste.
Christian Pineau est réélu le 2 janvier 1956, malgré un nouveau recul de sa liste, n’obtenant que 18,1 % des 197 487 suffrages exprimés au lieu de 19,5 % en 1951. Il est reconduit à la commission des finances, mais n’y siège pas, car il entre, le 1er février, comme ministre des affaires étrangères, dans le cabinet Mollet. Cette fonction sera reconduite dans le gouvernement Bourgès-Maunoury et Félix Gaillard, soit jusqu’au 14 mai 1958. Comme tel, il dépose soixante-six projets de loi autorisant la ratification de traités et de conventions, parmi lesquels l’accord franco-allemand sur le règlement de la question sarroise et les traités de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) dont il plaide le caractère bénéfique pour la France, en face des réticences de certains députés (séance du 9 juillet 1957). Il brosse à plusieurs reprises, devant l’Assemblée nationale, un tableau des problèmes internationaux du moment et expose les orientations de la politique extérieure française (séances des 1er et 5 janvier, 3 août, 16 octobre, 19 décembre 1956). Il est étroitement associé à l’évolution de l’affaire de Suez et aux prolongements diplomatiques du bombardement du village de Sakhiet-Sidi-Youssef. Si son atlantisme est sans faille - il est vice-président du groupe parlementaire d’amitié France-Etats-Unis -, il n’ouvre pas moins la diplomatie française vers les pays du tiers monde (voyages à Karachi, New Delhi et au Caire) et entreprend avec Guy Mollet un voyage à Moscou du 15 au 19 mai 1956.
Christian Pineau ne retrouve pas le portefeuille des affaires étrangères dans le gouvernement formé par Pierre Pflimlin le 13 mai 1958. Il est alors nommé membre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le 2 juin 1958. Très hostile aux activistes d’Alger, il se montre peu favorable au retour au pouvoir du général de Gaulle auquel il refuse l’investiture le 1er juin et les pouvoirs constituants le lendemain. Aux élections législatives des 23 et 30 novembre, il se présente dans la quatrième circonscription de la Sarthe (Le Mans-Sablé), mais il est largement distancé par le candidat UNR Joël Le Theule et ne se présente plus par la suite. Elu conseiller général du canton du Grand Lucé en 1955, il le demeure jusqu’en 1979 et reste membre du comité directeur de la SFIO, puis du Parti socialiste, jusqu’en 1972.
Christian Pineau disparaît le 5 avril 1995 à Paris, dans sa quatre-vingt-onzième année.