Hector Rolland
1911 - 1995
ROLLAND (Hector)
Né le 25 décembre 1911 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
Décédé le 7 mars 1995 à Avermes (Allier)
Député de l’Allier de 1968 à 1981 puis de 1986 à 1988
Hector Rolland est un enfant de l’assistance publique, abandonné le matin de Noël 1911 sur les marches de l’église Saint-Pierre de Neuilly. Pupille de la nation, il est placé chez un couple d’agriculteurs nivernais. Travailleur, autodidacte, passionné de poésie, il participe aux travaux des champs puis devient successivement mécanicien, négociant en couronnes mortuaires, en parfum, en bois et charbon, jusqu’à son installation en 1959 comme concessionnaire Berliet à Moulins. Il sera ensuite concessionnaire pour Mercedes-Benz. Hector Rolland vient sur le tard en politique. De son engagement dans la Résistance dès 1941, il conserve un profond attachement au parti gaulliste. Son parcours est celui d’un militant actif : adhérent à l’Union pour la nouvelle République (UNR) au début des années 1960, il en devient secrétaire départemental. Lors des élections législatives de 1967, l’UNR ne trouve pas de candidat dans la deuxième circonscription de l’Allier solidement tenue par le député-maire socialiste, Jean Nègre. Elle investit alors Hector Rolland. Ce dernier obtient 11 736 voix au premier tour, largement derrière le communiste Henri Védrines (19 342) et le socialiste Jean Nègre (20 331). Au second tour, le député sortant resté seul candidat de la gauche en lice est réélu avec plus de 71 % des suffrages exprimés. Cependant, le candidat gaulliste a su se montrer combattif et a fait progresser l’électorat de droite de plusieurs milliers de voix par rapport à l’élection législative précédente.
Lors des événements de mai 1968, Hector Rolland se montre très virulent à l’égard des manifestations. L’entrepreneur fait diffuser des tracts hostiles à la gauche et organise lui-même une manifestation fin mai en faveur de « la liberté du travail », qui rassemble 2 000 personnes à Moulins. La dissolution de l’Assemblée nationale par le général de Gaulle au printemps 1968 offre à Hector Rolland, qui considérait sa candidature de 1967 comme un « galop d’essai », la possibilité de tenter une seconde fois d’accéder au Palais-Bourbon, cette fois dans la première circonscription de l’Allier, celle de Moulins. Sous l’étiquette de l’Union pour la défense de la République (UDR), Hector Rolland obtient 13 473 voix au premier tour, devant le député sortant, le communiste Jean Billaud (12 014 voix), le candidat Progrès et démocratie moderne Jean Cluzel (10 731 voix), ainsi que de celui de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), Jean Bardin (5 963 voix). Le second tour voit une large victoire d’Hector Rolland qui recueille 22 632 suffrages (55,3 % des suffrages exprimés) contre 18 304 à son adversaire communiste.
Figure représentative de la vague de députés gaullistes qui, en 1968, ont fait une arrivée massive et remarquée à l’Assemblée nationale, Hector Rolland est un député haut en couleur avec son franc parler. Avec malice, il se laisse surnommer Spartacus et parle de lui à la troisième personne.
A son arrivée au Palais-Bourbon, le député de l’Allier s’inscrit au groupe Union des démocrates pour la République (UDR) et siège à la commission de la production et des échanges. Le 9 juin 1971, Hector Rolland dépose une proposition de loi tendant à faire du 8 mai un jour férié. A la tribune, le député de Moulins se fait le porte-parole de ses administrés en défendant par exemple, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 1970, un trajet favorable à l’Allier pour la construction de l’autoroute Nord-Sud. Il intervient également à plusieurs reprises pour souligner les difficultés que connaissent les artisans et les commerçants français concurrencés par les grandes surfaces.
Hector Rolland soutient fidèlement l’exécutif en approuvant les déclarations de politique générale des gouvernements les 15 octobre 1970 et 24 mai 1972, et en votant les grands projets de loi de cette législature, dont le projet de loi d’orientation de l’enseignement supérieur en octobre 1968, le projet de loi relatif à l’exercice du droit syndical dans les entreprises en décembre 1968, le renforcement de la garantie des droits individuels des citoyens en mai 1970, le projet de loi Pleven dit « anticasseurs » et la réduction du service national à douze mois en juin 1970, ainsi que la création des régions le 27 avril 1972.
Le député sortant, devenu conseiller général en 1970 et maire de Moulins l’année suivante, sollicite le renouvellement de son mandat parlementaire lors des élections législatives de 1973. Fort de son expérience parlementaire et de son implantation locale, Hector Rolland se place en tête du premier tour avec 17 619 voix, soit 40,4 % des suffrages exprimés, loin devant son adversaire communiste, Jean Desgranges (23,9 %) qu’il bat au second tour après avoir recueilli 52 % des suffrages.
Inscrit au groupe Union des démocrates pour la République, le député retrouve les bancs de la commission de la production et des échanges. Pendant la campagne présidentielle, il participe d’une manière très active au groupe des « 43 », soutenant la candidature de Valéry Giscard d’Estaing. Il ne sera cependant pas ministre. De 1974 à 1975, Hector Rolland est en mission auprès du Premier ministre comme président du Comité des usagers. Il est l’auteur de plusieurs propositions de loi visant notamment à modifier les dispositions relatives aux élections professionnelles afin de permettre aux électeurs de voter, dès le premier tour de scrutin, pour des listes autres que celles présentées par les organisations syndicales (2 octobre 1973), à assurer une meilleure protection des animaux (30 mai 1974) ou encore à interdire la publication et la diffusion des sondages d’opinion pendant le mois qui précède les élections des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux (13 avril 1977).
Les interventions du député de l’Allier en séance publique portent sur des sujets très divers. La ruralité est l’un des principaux : il souligne « la priorité à donner au monde rural », notamment lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1974, le 7 novembre 1973. Ses remarques concernent le sort des éleveurs, le mauvais niveau d’équipement téléphonique en milieu rural, la nécessité d’une reconnaissance du rôle de l’épouse dans la marche de l’exploitation. Sa fausse inculture savamment entretenue et ses bons mots lui permettent de cultiver l’image d’un député populaire, « de base » selon ses propres mots, loin de l’image de l’élite parlementaire et du « parisianisme ». Ainsi, lors de l’examen du projet de loi portant imposition des ressources provenant de plus-values assimilables à un revenu le 3 juin 1976, le député compare, non sans finesse, la bataille parlementaire à « celle soutenue par Horace contre les Coriaces », déclenchant l’hilarité de l’Assemblée et reconnaissant n’être « pas fort en histoire romaine ». Surtout, le député s’illustre au cours de cette législature par sa vigoureuse opposition au projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Le 13 décembre 1973, au nom de la morale et du « maintien d’un équilibre démographique », Hector Rolland demande que « la maternité ne puisse être considérée par la femme comme un handicap ». Outre le recours à la contraception, il prône un assouplissement des règles de l’adoption comme solution aux grossesses non désirées. Le 26 novembre 1974, le député va plus loin en affirmant : « Le choix qui nous est offert n’est pas acceptable. Il nous semble conduire au génocide et c’est ce que nous condamnons. On s’est ému, à juste titre, à propos du massacre de tous jeunes animaux et voilà qu’il nous est demandé de participer à une sorte de Saint-Barthélemy où des enfants en puissance de naître seraient quotidiennement sacrifiés ! Je ne puis concevoir qu’une telle monstruosité soit décidée par une société qui se veut à la fois généreuse, morale et novatrice. De ce projet ressortent seulement la cruauté et la destruction ».
Dans ces conditions, le député vote logiquement contre la légalisation de l'interruption volontaire de grossesse le 28 novembre 1974. De la même façon, il ne prend pas part au vote sur la création du divorce par consentement mutuel le 4 juin 1975. En revanche, Hector Rolland se prononce en faveur des réformes constitutionnelles portées par le président Georges Pompidou (réduction du mandat présidentiel à 5 ans, le 16 octobre 1973) ou par le président Valéry Giscard d’Estaing (extension de la saisine du Conseil constitutionnel, le 10 octobre 1974), ainsi que pour l’élection des membres de l'Assemblée des communautés européennes au suffrage universel, le 21 juin 1977. Par ailleurs, il soutient les trois déclarations de politique générale des Premiers ministres : Pierre Messmer le 12 avril 1973, Jacques Chirac le 6 juin 1974, Raymond Barre le 28 avril 1977.
Durant ces années, le député de l’Allier cumule les responsabilités. En 1975, Hector Rolland prend la vice-présidence de l’Association des députés et maires de France à l’Assemblée nationale. Il fonde également en 1979 l’amicale parlementaire du Syndicat national de la petite et moyenne entreprise. Parallèlement à sa vie parlementaire, Hector Rolland poursuit son engagement au sein du Rassemblement pour la République (RPR) : il devient, en 1975, le délégué régional du parti pour l’Auvergne, puis, en 1979, membre du conseil politique.
La carrière parlementaire d’Hector Rolland se poursuit : en 1978, le député sortant est réélu après avoir recueilli 22 759 voix, soit 44,5 % des suffrages exprimés au premier tour, devant le socialiste Jean-Paul Desgranges (24,4 %) et le communiste Pierre Guillaumin (25,6 %), puis au second tour 26 904 voix, soit 51,7 % des suffrages exprimés face à son adversaire communiste.
Toujours inscrit au groupe RPR, Hector Rolland siège au cours de cette législature à la commission de la défense nationale et des forces armées. Outre ses précédentes propositions de loi qu’il reprend en partie, le député de l’Allier est l’auteur de plusieurs propositions de loi visant notamment à permettre aux anciens pupilles de l’Etat, devenus majeurs, d’obtenir les renseignements concernant leurs origines familiales (15 mars 1979). Il est le premier à poser cet important problème.
Ses thèmes de prédilection demeurent la défense de ses administrés de l’Allier, de la ruralité et des artisans. Son combat contre l’IVG reprend à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à sa pérennisation le 27 novembre 1979 : le texte lui rappelle « la décadence romaine » et il estime « qu’une nation qui refuse les naissances est une nation vouée à sa perte ». L’avortement « entraîne la France vers les abîmes d’une dangereuse régression démographique » et « le massacre scandaleux de 300 000 enfants par an ». Aussi Hector Rolland propose-t-il d’interdire l’avortement tant qu’une famille ne compte pas deux enfants et quand les ressources financières atteignent quatre fois le SMIC. Enfin, le député s’illustre par sa volonté d’une justice plus répressive. Lors de la déclaration du gouvernement sur l’échelle des peines criminelles et débat de réflexion et d’orientation, le 26 juin 1979, Hector Rolland défend ardemment le maintien de la peine en raison de la « nécessité de penser davantage aux victimes qu’aux assassins ». Lors de l’examen du projet de loi Peyrefitte renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, le 13 juin 1980, le député ajoute qu’il faut lutter contre l’indulgence pour les criminels et souligne le sentiment d’insécurité qui traverse la société française.
Lors des principaux scrutins publics, le député de l’Allier apporte son soutien à l’action gouvernementale. Il vote ainsi l'augmentation de la quote-part de la France au Fonds monétaire international, le 18 avril 1978, l’approbation de la déclaration de politique générale du gouvernement Barre, le 20 avril 1978, l’aide aux travailleurs privés d'emploi, le 5 janvier 1979, l'aménagement de la fiscalité directe locale sur lequel la responsabilité du gouvernement est engagée, le 18 décembre 1979, le projet de loi sur la définition et la répression du viol le 11 avril 1980 ou encore le projet de loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, le 18 décembre 1980. Seuls écarts à l’adhésion à la politique menée par l’exécutif, Hector Rolland vote contre la loi sur l’IVG du 20 novembre 1979 et contre la modification du code électoral en vue de favoriser la participation des femmes aux élections municipales le 20 novembre 1980.
En 1981, le député de Moulins est emporté par la vague rose qui suit l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. S’il recueille 41,4 % des suffrages exprimés au premier tour, Hector Rolland ne dispose pas d’un réservoir de voix tandis que son adversaire socialiste, qui a obtenu 39,1 % des suffrages, bénéficie d’un bon report de voix du candidat communiste (18,3 %). Le second tour voit donc la victoire de Jean-Paul Desgranges à plus de 56 % des suffrages. Il cesse en 1982 son mandat de conseiller général.
Hector Rolland, qui figure pour les élections à l’Assemblée des communautés européennes en 1979, sur la liste « Défense des intérêts de la France en Europe », conduite par Jacques Chirac, siège d’octobre 1983 à juin 1984, en application de la règle du tourniquet. C’est là que, le 15 décembre 1983, il fait son premier discours en vers, contre le sommet d’Athènes qui vient d’avoir lieu. Les interprètes du Parlement européen, tenus de faire la traduction simultanée, doivent mobiliser leur savoir-faire. Aux élections législatives de 1986, au scrutin départemental de liste, Hector Rolland est à la tête de la liste d’opposition RPR-UDF. Avec 39,5 % des voix, la droite gagne deux des quatre sièges du département. Le socialiste Jean-Michel Belorgey (26,5 %) et le communiste André Lajoinie (22,2 %) sont eux aussi élus au titre des listes qu’ils conduisent. Hector Rolland est également, de 1984 à 1986, président de la commission des finances du Conseil régional de l’Auvergne.
A son retour au Palais-Bourbon, Hector Rolland, inscrit au groupe RPR, siège à la commission des affaires étrangères. Il est rapporteur du projet de loi relatif à la pollution par les hydrocarbures, en novembre et décembre 1986.
A la tribune, le député de l’Allier reprend son combat contre l’avortement en fustigeant, le 6 novembre 1986 lors du projet de loi de finances pour 1987, la loi sur l’avortement ayant « permis à des barbares modernes de sacrifier un million et demi d’enfants à leur politique ». A plusieurs reprises, comme lors du projet de loi portant diverses mesures d’ordre social en décembre 1986, Hector Rolland expose clairement sa position : « Je suis pour la gratuité de la contraception, mais je suis contre celle de l’avortement ». Toujours aussi truculent, le député, qui a déjà montré des talents de poète, fait, le 13 mai 1987, le seul rappel au règlement en alexandrins de l’histoire de l’Assemblée nationale terminant ainsi : « Il faut cesser le cirque du mercredi/Il n’intéresse nullement l’ensemble du pays/Il vaut mieux que chacun travaille en silence/Ainsi s’en portera beaucoup mieux la France ».
Fidèle soutien à l’exécutif pendant la première cohabitation, Hector Rolland approuve les deux déclarations de politique générale du gouvernement Chirac le 9 avril 1986 et le 7 avril 1987, et vote notamment la ratification de l’Acte unique européen le 20 novembre 1986 et la réforme de l’exercice de l’autorité parentale le 7 mai 1987.
En désaccord avec Jacques Chirac et le RPR, Hector Rolland décide de ne pas se représenter en 1988 et abandonne la mairie de Moulins l’année suivante. En 1990, alors à la retraite, il publie Souvenirs dérangeants d’un godillot indiscipliné, des mémoires assez virulentes qui témoignent de sa difficulté à quitter la scène politique. Il y écrit notamment cette philippique restée célèbre contre Jacques Chirac : « Si l’on pouvait se nourrir avec les promesses de cet homme, il y aurait de quoi mettre un terme à la famine du tiers-monde ». Même en retrait du Palais-Bourbon, l’ancien député peine à tourner la page de la vie politique : en 1992, à l’âge 80 ans, il manque même à quelques voix près de se faire élire conseiller régional.
Hector Rolland s’éteint le 7 mars 1995, à l’âge de 83 ans, des suites d’une longue maladie. Il était chevalier de la Légion d'honneur. Il avait aussi publié les Racines de l’espérance, recueil de poèmes, en 1989.