André Sanglier

1911 - 1997

Informations générales
  • Né le 10 mai 1911 à Saint-pierre (La Réunion - France)
  • Décédé le 22 octobre 1997 à Tours (Indre-et-Loire - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Madagascar
Groupe
Rassemblement des gauches républicaines et du centre républicain
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 9 décembre 1958 au 15 juillet 1959
Département
Madagascar

Biographies

Biographie de la IVe République

SANGLIER (André)
Né le 10 mai 1911 à Saint-Pierre (La Réunion)
Décédé le 22 octobre 1997 à Tours (Indre-et-Loire)

Député de Madagascar de 1956 à 1958 et de 1958 à 1959

André Sanglier a été député du premier collège (« collège des citoyens de statut français ») de Madagascar de 1956 à 1958, et officiellement jusqu’en 1959 : les sièges des députés d’Outre-mer ayant été supprimés dans la nouvelle chambre élue fin 1958, André Sanglier, comme 23 autres collègues, resta en quelque sorte député in partibus infidelium jusqu’au 15 juillet 1959. La brièveté de sa carrière de parlementaire illustre les difficultés et les limites d’un certain libéralisme colonial qu’il a tenté de défendre à l’heure de la décolonisation.
Il n’y est guère prédisposé par ses origines réunionnaises, même s’il affecte d’affirmer le contraire. Le 21 mars 1956, à la tribune de la Chambre, il évoque, en effet, son héritage en termes consensuels : « Je suis né et j’ai grandi dans un de ces départements d’Outre-mer où des décades et même des siècles de vie commune avec des personnes de race différente de la nôtre nous ont appris à nous estimer et à nous aimer mutuellement ». C’est oublier que sa ville de Saint-Pierre était aussi celle de François de Mahy, « le Grand créole », principal responsable de la conquête de Madagascar par les Français, et surtout le fait que les Réunionnais ont fourni la masse des « Petits blancs » dont l’antagonisme avec les Malgaches s’est manifesté lors de l’insurrection de 1947.
Mais justement, André Sanglier, lui, apparaît comme un « grand blanc ». Sa famille, originaire du Poitou, a des ascendances seigneuriales, un arbre généalogique qui la fait remonter au XIème siècle... et même une tradition qui la rattache à la famille consulaire romaine des Aper (sanglier en latin) ! Le jeune André-Roger peut faire des études complètes. Après dix ans d’internat au lycée de Saint-Denis de la Réunion et le baccalauréat obtenu, il part en France à Montpellier, y obtient une licence ès lettres et un doctorat en droit. Il passe également par l’école de Saint-Maixent et, officier de réserve, il entre dans le cadre de réserve de la justice militaire. Un tel itinéraire lui permet sans doute d’échapper aux préjugés de la société coloniale.
De retour à la Réunion, il se marie en 1936 avec Marie Sauger, dont il aura deux enfants. De 1936 à 1946, il exerce comme avoué à Saint-Denis. Ce n’est qu’en 1946, assez tardivement donc, et à la veille de la décolonisation, qu’il s’établit à Tananarive comme avocat. Sa réussite est rapide, et il est élu bâtonnier de l’ordre en 1954.
Suivant la tradition de la colonie, l’avocat prospère est aussi un homme d’affaires : il prend des intérêts dans diverses entreprises agricoles et industrielles, et devient administrateur d’une grande société. Son activité professionnelle lui crée de nombreuses relations dans la bourgeoisie merina de Tananarive. Accusé au Parlement, le 29 janvier 1957, de défendre la « politique des races » anti-merina, qui cherche à opposer les côtiers et les Merina (on disait Hova à cette époque), il confessera que, à titre personnel, ses préférences allaient aux seconds qu’il connaissait beaucoup mieux.
Il se lance en politique à la fin de la guerre. Il est candidat une première fois, aux élections législatives de novembre 1946, mais il est battu par Jules Castellani, planteur de café et tenant du colonialisme le plus intransigeant. Jusqu’en 1952, les antagonismes locaux sont beaucoup trop tranchés pour qu’un homme de compromis comme André Sanglier ait ses chances. Il enregistre son premier succès en mars 1952, quand il parvient à se faire élire conseiller à l’assemblée provinciale de Tananarive. Il se range alors dans le petit groupe des Européens libéraux dont le chef de file est Roger Duveau, et qui s’expriment dans Le Journal de Madagascar par des polémiques virulentes avec Tana-Journal, organe des colons conservateurs.
En 1954, André Sanglier, avec l’association des Réunionnais, est l’un des fondateurs de L’Action Madécasse qui rassemble les modérés de tous les bords, aussi bien Malgaches, comme le futur président Tsiranana et l’association des citoyens français d’origine malgache (ACFOM), qu’Européens. Parmi ses objectifs figure la défense des « originaires », les Européens et créoles enracinés à Madagascar, hostiles à l’administration comme aux grandes sociétés métropolitaines, et qui se désignent comme « madécasses ». Cherchant une entente avec les nationalistes modérés malgaches et avec les quelque 13 000 citoyens français d’origine malgache, L’Action madécasse, au grand scandale des conservateurs du mouvement « Présence française », demande l’amnistie des condamnés de l’insurrection de 1947, l’institution du collège électoral unique et, pour Madagascar, un statut de Dominion dans une Union française à structure fédérale. Lors d’une réunion électorale à Tananarive le 14 décembre 1955, André Sanglier déclare qu’à Madagascar, le pouvoir devait revenir à des institutions locales dirigées par des originaires et des autochtones, à l’exclusion de tout métropolitain non fixé dans l’Ile. On peut ainsi mesurer tout à la fois l’ambiguïté d’un programme qui satisfait largement les « Petits blancs », et la précarité d’une coalition dans laquelle ces derniers étaient voués à être dominés par les Malgaches. Pour les législatives du 2 janvier 1956, la profession de foi d’André Sanglier présente trois thèmes : la collaboration franco-malgache ; l’ouverture aux réformes (« nous ne devons pas craindre les solutions hardies pour sortir de l’impasse actuelle ») avec en premier lieu, une extension considérable des pouvoirs des assemblées locales élues ; enfin, la recherche d’« une amélioration de nos conditions de vie » par un programme de développement économique et social. André Sanglier reçoit l’appui d’une administration peu rancunière qui veut surtout se débarrasser de son adversaire trop marqué à droite. Cette conjonction inattendue de soutiens divers permet à André Sanglier de prendre sa revanche sur Jules Castellani. Il est élu par 7 335 voix contre 6 535 à son rival. Le soutien de l’ACFOM a été décisif : sans le vote des Malgaches citoyens français, Jules Castellani l’eût emporté.
Au Palais-Bourbon, André Sanglier est membre de deux commissions, celle des territoires d’Outre-mer (1956-1958) et celle de la reconstruction, des dommages de guerre et du logement (1957-1958). Il dépose une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à venir en aide aux populations et aux entreprises agricoles et industrielles de Madagascar, victimes du cyclone et des inondations des premiers mois de l’année 1956. L’activité parlementaire d’André Sanglier est rythmée par ses onze interventions en séance, sur des sujets divers. Le député de Madagascar s’intéresse aux baux commerciaux (31 juillet 1956) et aux fonds publics à l’enseignement (8 novembre 1956). Mais la question ultramarine est la plus fréquemment évoquée. Il intervient assidûment dans la discussion de la proposition de décision sur le décret relatif à l’organisation des services publics civils dans les territoires d’Outre-mer.
Le libéralisme initial d’André Sanglier évolue vers des positions conservatrices en raison de son inquiétude croissante pour le maintien de la présence française à Madagascar, et pour le sort qui attend les Français établis dans la grande île. Certes, le 21 mars 1956, il se déclare pour « une politique d’émancipation de notre territoire » et pour « que toute discrimination soit bannie de notre société... Je ne suis pas de ceux qui s’opposent au progrès». Mais déjà il exprime sa crainte de voir jouer contre ses mandants « la terrible loi du nombre » manipulée par « une propagande subversive ». Elle ne l’empêche pas, cependant, de voter la loi-cadre du 23 juin 1956. Mais le 29 janvier 1957, lors de la discussion des décrets d’application de la loi, il souligne que leurs propositions vont beaucoup plus loin que prévu initialement dans la voie de l’autonomie. Il s’incline néanmoins devant le principe de l’élection de tous les membres des conseils de gouvernement des territoires, dont une partie au moins, au départ, devait être nommée par le haut commissaire de France. Mais il se bat ensuite pour qu’une véritable décentralisation soit mise en place à Madagascar, et pour que son conseil de gouvernement soit « représentatif des différentes provinces », dont les particularismes doivent être respectés. Son argument est qu’il faut « permettre aux habitants des provinces très éloignées de Tananarive, qui jusqu’ici n’ont pas bénéficié de ce que la France a apporté à Madagascar, d’être à égalité avec les habitants de la province centrale ». En réalité, c’est bien une tentative pour limiter le poids de l’Imerina, fief des nationalistes extrémistes.
L’aggravation de la situation en Algérie est pour André Sanglier la source de nouvelles inquiétudes. Lors des débats du 30 septembre 1957, il prend position contre le collège unique en Algérie, dénonce les dangers croissants d’éclatement de l’Union française, et prend la défense de « l’Occident, sa civilisation, sa religion gravement menacées par les forces de subversion qui, comme par hasard, se déchaînent une fois de plus dans cet Orient toujours porteur de germes destructeurs ». Pour finir, il exprime sa hantise du déclin de la France, dû à la fois à « notre excès d’intelligence, signe de sénilité » et à notre « défaut de caractère ». Bref, un discours que ne renierait pas l’extrême droite, d’autant que l’orateur proclame que « le fait algérien n’est pas un fait arabe, mais un fait français », ce qui lui vaut l’approbation chaleureuse de Tixier-Vignancour.
Et pourtant, André Sanglier reste bien un homme de juste milieu et de solutions raisonnables. Sa prise de position modérée sur la question de l’école libre et de la loi Barangé, sujet sur lequel il réclame une formule de consensus le 8 novembre 1956, en fait foi. Et sur la question de l’Europe, ce modéré a eu une vision d’avenir.
A l’occasion de la négociation du traité du Marché commun, il se déclare, le 22 janvier 1957, pour l’intégration de la France dans l’Union européenne car « faire l’Europe politiquement, c’est rendre à la civilisation occidentale la vigueur dont elle a besoin », étant entendu que cette intégration doit inclure les TOM. Car c’est avec l’aide de l’Europe que la France pourra résoudre la crise de l’outre-mer. A ce propos, il souhaite la participation des partenaires européens de la France aux investissements Outre-mer et le soutien des prix des produits de ces territoires. Au-delà de ses illusions, largement partagées à l’époque, sur la nécessité pour la France de garder ses TOM pour préserver son statut international, André Sanglier lance une idée neuve, celle d’un « fonds de soutien » financé par l’Union européenne, qui prendrait la suite du Fonds d’investissement pour le développement économique et social (FIDES) : c’est, en germe, le futur FED, le fonds européen de développement.
Quand vient, en mai 1958, la crise du régime engendrée par l’impuissance de la Quatrième République face au problème algérien, André Sanglier soutient l’appel au général de Gaulle pour constituer un gouvernement d’union sacrée, «voie de la sagesse» selon lui pour sauver la République et la démocratie. Cette dernière intervention, le 26 mai 1958, soulève les huées des communistes : «Fasciste, factieux..».
Avant tout Français d’outre-mer, « de ceux qui ont voué à la France d’Outre-mer un véritable culte », André Sanglier se retire de la vie politique nationale après 1959. Il est alors désigné comme conseiller économique et social de la Réunion, dont il défendra vigoureusement les intérêts, tout en prônant la diversification - dans la culture du thé et le tourisme notamment - d’une économie trop dépendante de la canne à sucre.
Il devait décéder à Tours le 22 octobre 1997.