Mamba Sano
1903 - 1985
SANO (Mamba)
Né en 1903 à Kissidougou (Guinée)
Décédé le 4 juillet 1985 à Conakry (Guinée)
Député de Guinée de 1946 à 1955
Mamba Sano est né en 1903 à Kissidougou. Son père, Comigna Sano était un ancien garde, retraité dans cette ville. Il obtient son certificat d’études à Faranah, en 1916, suit sans doute les cours de l’Ecole primaire supérieure de Conakry et intègre l’Ecole William Ponty à Dakar, en 1918. Il en sort diplômé de la section enseignement en 1921, sert comme instituteur au Niger pendant ses premières années d’enseignement, puis en Guinée, où il devient directeur d’école à partir de 1931.
Il milite dès sa création, le 21 mars 1946, dans le Parti progressiste africain de Guinée, proche des communistes, ainsi que dans l’Union forestière, et participe, par la suite, à la fondation du Rassemblement démocratique africain (RDA) dont la section guinéenne est établie en 1947. Candidat malheureux aux deux Assemblées nationales constituantes, il est élu député de Guinée en novembre 1946, par le collège unique, comme tête de liste du Parti socialiste de Guinée, avec 30 982 voix sur 95 563 suffrages exprimés, en même temps que le député sortant, Yacine Diallo, tête de liste de l’Union socialiste et progressiste de Guinée (SFIO), qui en obtient 60 555. La Guinée disposait, en effet, de deux sièges que briguaient alors quatre listes. Il est également élu conseiller général de Beyla, dans son fief, le pays Malinké, le 7 janvier 1947. Il le reste jusqu’en 1952.
A l’Assemblée nationale, d’abord membre du groupe d’Union républicaine et résistante apparenté aux communistes, il s’en éloigne et, plus proche du Mouvement républicain populaire (MRP), rejoint les Indépendants d’Outre-mer à partir de septembre 1948, tandis qu’en Guinée, avec l’Union du Mandé, il quitte le Rassemblement démocratique africain (RDA) en octobre 1948. Nommé à la commission de la presse (1947-1948), il participe également aux travaux de la commission des territoires d’Outre-mer (1947-1949), puis à ceux de la commission des pensions (1949-1951). Il est appelé à figurer sur la liste des jurés de la Haute Cour de justice, pour la session du 14 juin 1949. Il remplit également les fonctions de secrétaire de l’Assemblée nationale (1951-1952).
Il déploie une activité parlementaire importante. Il dépose une proposition de loi et quatre propositions de résolution. Il intervient à six reprises en séance. Le 8 août 1947, soutenu par plusieurs députés du groupe communiste et apparentés, il dépose une proposition de résolution invitant le Gouvernement à transformer les Sociétés indigènes de prévoyance, qui prélèvent un impôt déguisé sur les paysans, en coopératives agricoles et à en proposer un statut-type. Ce texte, renvoyé à la commission d’Outre-mer, donne lieu à un rapport adopté sans débat, et à une résolution, le 18 juin 1948. De même, 12 août 1947, sa proposition de résolution tendant à inciter le Gouvernement à aider aux frais d’installation, d’équipement et de lancement de la station du quinquina de Sérédou (Macenta) en Guinée française, aboutit à un rapport adopté par la commission d’Outre-mer et à une résolution, le 6 mars 1948. Trois autres propositions de résolution, renvoyées pour examen à la commission d’Outre-mer, resteront en attente : celle du 13 mai 1948, vise à étendre les dispositions de la loi du 2 février 1948 sur la liberté du marché de l’or à l’Afrique occidentale française (AOF), à l’Afrique équatoriale française (AEF), au Togo et au Cameroun ; celle du 8 juin 1948, invite le Gouvernement à augmenter les contingents de véhicules utilitaires de toutes marques attribués aux territoires d’Outre-mer et à en rendre la vente libre, par application de l’arrêté du 31 mai 1948, portant suppression du régime des licences d’achats pour véhicules automobiles utilitaires ; celle du 10 décembre 1948, présentée également par plusieurs députés ultramarins et par des membres du groupe communiste et apparenté, engage le Gouvernement à rétablir sur les ondes métropolitaines les émissions consacrées aux folklores et aux compositeurs modernes d’Outre-mer, à donner ces émissions fréquemment et régulièrement et à en confier la production et l’exécution à des artistes d’Outre-mer.
Mamba Sano s’exprime souvent au nom de ses collègues d’Outre-mer. Il met à profit la discussion des budgets annuels pour exposer la situation dans les territoires qu’ils représentent. Ainsi, lors de l’examen des crédits affectés au Jamboree mondial de la jeunesse, qui doit se tenir près de Paris, le 11 août 1947, il intervient le 22 juillet 1947 pour déplorer que le ministre de tutelle n’ait pas soutenu financièrement les efforts des autorités locales, par exemple celles de l’AOF, ce qui ne permet pas aux jeunes Africains d’y participer en nombre. Il insiste sur l’importance des contacts entre les jeunes de la métropole et ceux d’Afrique et revient sur cette idée, le 5 avril 1949, en s’étonnant que les territoires d’outre-mer soient exclus du bénéfice des colonies de vacances, alors que l’éducation nationale doit s’étendre sur toute l’Union française. A propos de la discussion du projet de loi fixant organisation et compétence des assemblées de groupe en Afrique noire, il demande, le l4 août 1947, que les avantages des fonctionnaires soient répartis sur tous les salariés. Il profite des débats sur l’exercice 1948 portant sur la section technique d’agriculture tropicale et sur l’Ecole supérieure d’agriculture tropicale, le 9 juin 1948, pour dresser un tableau des difficultés de la paysannerie africaine dues au service des eaux et forêts dont les interdictions restreignent chaque année les étendues culturales, et qu’il faut rappeler à une plus juste compréhension des enjeux de l’agriculture.
Toutefois, le plus grand nombre de ses interventions concerne la situation des anciens combattants et invalides d’Outre-mer, dont il rappelle les hauts faits pendant les deux guerres mondiales, le 6 février 1948. Il dénonce les inégalités et les injustices dont ils sont victimes par rapport aux métropolitains, en particulier parce que la conversion de leur pension en francs CFA leur fait perdre une grande partie de sa valeur, ce qui suscite des mécontentements et des protestations de la part des intéressés (30 juillet 1948, 5 août 1948). Il préconise l’application pure et simple du principe de l’égalité des pensions pour tous les soldats de l’Union française, " quelle que soit leur origine, quelle que soit la pigmentation de leur peau puisque le balle ennemie ne les différencie pas " (12 avril 1949). Il intervient pour que les abattements budgétaires ne frappent pas uniquement les offices d’anciens combattants d’Outre-mer (12 mai 1949). Pourtant, il ne prend pas part au vote sur l’amendement du communiste Jacques Duclos qui propose une revalorisation de la retraite du combattant et qui est repoussé (19 mai 1949).
Aux élections législatives du 17 juin 1951, huit listes sont en présence pour les trois sièges dévolus à la Guinée. Mamba Sano, toujours conseiller général, est réélu sur la liste des Indépendants d’Outre-mer, avec 47 352 voix sur 321 256 suffrages exprimés, tandis que la liste socialiste d’union guinéenne obtient deux députés avec 67 840, Yacine Diallo, député sortant, conseiller général, et Albert Luirette, un médecin africain. Ils devancent la liste d’Union démocratique des travailleurs et anciens combattants (RDA), conduite par Sékou Touré qui arrive en troisième position avec 32 071 voix. Ce dernier introduit un recours mettant en doute la validité des opérations électorales dans lesquelles l’administration a favorisé des fraudes à son préjudice. Au cours de la séance du 22 août 1951, Yacine Diallo et Mamba Sano réfutent les accusations de Sékou Touré. L’amendement du député communiste Marcel Nöel, visant à annuler les opérations électorales en Guinée, est repoussé par 237 voix contre 46.
Mamba Sano a été élu sur un programme évoquant le bloc de cent dix millions d’âmes solidaires au sein de l’Union française. « Notre politique se résume en cette formule : traiter le sol à l’américaine, c’est-à-dire avec toutes les ressources que la science moderne met à notre disposition ; et traiter les hommes à la française, c’est-à-dire avec justice et bonté par l’application pure et simple de la devise républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité pour une Union française, plus humaine, plus heureuse, plus accueillante et plus forte ».
A l’Assemblée nationale, il est nommé, de nouveau, membre de la commission des pensions dans laquelle il est renouvelé pendant toute la législature et dont il assure le secrétariat à partir de 1953, jusqu’en 1955. Sa vie parlementaire est toujours active. Il dépose deux propositions de résolution, renvoyées à la commission des territoires d’Outre-mer, concernant des possibilités de crédit, l’une le 2 mars 1954, pour inviter le Gouvernement à instituer un « crédit de l’AOF » destiné aux petits et moyens entrepreneurs et aux artisans, l’autre, le 4 novembre 1954, pour engager le Gouvernement à instituer un « Crédit de la Guinée » pour venir en aide à l’agriculture, à l’élevage, à l’artisanat, à l’industrie, aux exploitations forestières et minières, au transport, au petit commerce, à l’habitat, comme à toutes les activités susceptibles d’augmenter le bien-être des populations et la prospérité générale du territoire. Le 31 octobre 1955, avec plusieurs collègues, il dépose une proposition de loi pour attribuer à la Guinée le poste de sénateur laissé vacant par le rattachement des Etablissements français de l’Inde à l’Union indienne.
Comme dans la législature précédente, il intervient fréquemment dans les débats et souvent au nom des Indépendant d’outre-mer. Il prend la parole lors de treize discussions différentes, défend quatorze amendements, un sous-amendement et quatre amendements indicatifs. Ainsi, le 22 novembre 1952, il participe aux discussions sur le Code du travail Outre-mer, amendé par le Conseil de la République, et introduit des amendements recommandant la reprise des éléments du texte voté par l’Assemblée en première lecture, en particulier sur la clause de non-concurrence introduite dans l’intérêt de l’employeur, sur l’inspection du travail dont il demande qu’elle soit rattachée au ministère de la France d’Outre-mer. Il vote l’ensemble du texte qui devient la loi du 15 décembre 1952. Lors des discussions budgétaires annuelles, sa tactique consiste à proposer systématiquement des amendements préconisant une réduction de crédit de mille francs à titre indicatif, de façon à pouvoir évoquer la situation des territoires français d’Afrique lorsqu’il défend son texte - qu’il retire d’ailleurs, ensuite, la plupart du temps. Il développe longuement son argumentation, quitte à dépasser parfois le temps de parole qui lui est imparti. Comme par le passé, il s’attache à la défense des anciens combattants et victimes de la guerre en rappelant parfois ses interventions antérieures. Le 20 décembre 1952, lors de la discussion du projet de loi relatif au fonctionnement des services civils en 1953, il retrace l’action des Africains aux côtés de la France, dans la conquête coloniale, la Grande Guerre et la deuxième guerre mondiale dans la conquête. Estimant que les droits des anciens combattants africains sont méconnus, il plaide pour que soient prises en compte leurs revendications les plus urgentes, à titre individuel (accélération de la liquidation des pensions et des remboursements SNCF aux familles des soldats tués, revalorisation des retraites et des pensions, extension aux anciens combattants des territoires d’Outre-mer de la possibilité de voyager à tarif réduit sinon gratuit) et collectif (meilleure organisation des Offices d’anciens combattants de façon à améliorer leur recensement et à délivrer la carte à tous ceux qui la méritent, subventions aux associations d’anciens combattants). Il préconise également que leur soient distribués des vêtements. Il revient sur ce sujet dans la séance du 24 janvier 1953 en exposant un cahier de revendications en quinze points pour pallier les injustices dont sont victimes les anciens combattants africains par rapport à ceux de la métropole. Il demande, entre autres, la gratuité des soins médicaux et souligne que rien n’a été fait pour la rééducation et la réadaptation sur place des grands blessés. Lors de la discussion du projet de loi relatif aux dépenses militaires du ministère de la France d’Outre-mer, le 10 mars 1955, il reconnaît que les « anomalies les plus criantes ont été supprimées » grâce à l’adoption du principe d’égalité des pensions, à partir du 1er janvier 1952. Toutefois, il estime que l’indemnité temporaire attribuée aux pensionnés d’invalidité d’Outre-mer, à titre d’indice de correction pour pallier la perte au change en CFA, est nettement insuffisante pour les aligner sur leurs homologues métropolitains. Il expose en quatorze points, au nom des Indépendants d’Outre-mer, les réclamations des anciens combattants auxquelles le ministre de tutelle répond que certaines réalisations sont déjà engagées. La même année, profitant de la discussion du projet de loi relatif aux dépenses militaires du ministère de la France d’Outre-mer pour 1955 et 1956, le 23 juillet 1955, il fait un rappel historique du rôle de la gendarmerie à travers les âges, depuis la plus haute antiquité, pour terminer par son organisation dans les territoires d’Outre-mer. Au président de l’Assemblée qui lui reproche la longueur de son discours, il répond qu’il veut parler car « c’est la voix de l’Afrique ». Son amendement pour augmenter le budget de la gendarmerie Outre-mer est alors adopté.
En utilisant les mêmes pratiques, il a participé, quelques mois auparavant, le 10 novembre 1954, à la discussion du projet de loi relatif aux dépenses du ministère des PTT pour l’exercice 1955. Il soulignait alors les carences dont souffraient les territoires d’outre-mer dans ce domaine et concrétisait sa « protestation indignée sur l’avenir de l’Union française », en proposant un amendement qui fut adopté. Il revient sur le sous-équipement des territoires d’Outre-mer en postes téléphoniques et télégraphiques, le 16 décembre 1954, et fait adopter un amendement sur l’amélioration de l’équipement. Il insiste encore lors de la seconde délibération, le 15 mars 1955, en demandant que l’on tienne compte de l’aspect humain et que l’on augmente les effectifs car, dit-il, « il n’est pas suffisant de féliciter le personnel pour son dévouement ».
Comme la plupart des Indépendants d’Outre-mer (IOM), il a soutenu la politique de Pierre Mendès France, lors des interpellations sur la Tunisie et le Maroc. Le 27 août 1954, expliquant les raisons pour lesquelles il vote la confiance à la politique menée par ce dernier gouvernement, il prononce un éloge du président du Conseil pour avoir mis fin à la guerre d’Indochine, et salue ses premières réalisations, non seulement en Afrique du Nord, mais aussi en Afrique noire, où la loi municipale doit permettre aux Africains de s’initier à la gestion démocratique, conformément au préambule de la Constitution de l’Union française.
En Guinée, toutefois, Mamba Sano a perdu une certaine influence : sa participation à la création, en 1954, du Bloc africain de Guinée, avec d’anciens membres de l’Union forestière et de l’Union du Mandé, le situe dans une implantation régionale, alors que le parti de Sékou Touré se veut national. Aux élections de 1956, il se représente comme second de Diawadou Barry, qui avait été élu à la partielle du 27 juin 1954, en remplacement de Yacine Diallo, décédé, mais leur liste n’obtient qu’un siège, étant arrivée loin derrière celle du Rassemblement démocratique africain, conduite par Sékou Touré. Il n’est donc pas réélu. En avril 1958, son mouvement fusionne avec le parti démocratique socialiste de Guinée pour former la section guinéenne du Parti du Regroupement africain. Quelques mois plus tard, cette formation rejoint le Parti démocratique de Guinée (PDG) de Sékou Touré, en vue du référendum du 28 septembre 1958 où le « non » l’emporte. Après l’accession de la Guinée à l’indépendance, le 2 octobre 1958, Mamba Sano abandonne la vie politique. Il disparaît le 4 juillet 1985.