Lambert Saravane

1907 - 1979

Informations générales
  • Né le 17 septembre 1907 à Rettiarpaleon (Inde)
  • Décédé le 18 février 1979 à Paris (Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Gouvernement provisoire de la République française
Législature
2e Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 2 juin 1946 au 27 novembre 1946
Département
Etablissements français de l’Inde
Groupe
Démocratique et socialiste de la Résistance
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 10 novembre 1946 au 4 juillet 1951
Département
Etablissements français de l’Inde

Biographies

Biographie de la IVe République

SARAVANE (Lambert, Marie, Antoine)
Né le 17 septembre 1907 à Rettiarpaléon (Indes françaises)
Décédé le 18 février 1979 à Paris

Membre de la deuxième Assemblée nationale constituante (Indes françaises)
Député de l’Inde française de 1946 à 1951

Né le 17 septembre 1907 dans les Indes françaises, Lambert Saravane est un fils d’agriculteur. Il effectue une grande partie de ses études secondaires au collège Chasseloup-Laubat de Saïgon (Indochine). Il obtient une licence en droit et une licence ès lettres mention anglais à l’Université d’Aix-en-Provence, puis est nommé professeur au collège de Pondichéry où il enseigne l’histoire tout en participant activement à la vie politique et culturelle de la ville.
Candidat à l’Assemblée nationale constituante, en octobre 1945, il ne recueille que 21 198 suffrages, suivant de près Deiva Zivarattinam, qui en obtient 22 171 sur un total de 47 411 votants. Il prend sa revanche lors des élections à la deuxième Assemblée nationale constituante, en juin 1946, sous l’étiquette Résistance démocratique et socialiste et, grâce au soutien des communistes, il rassemble 64 642 voix sur 64 788 suffrages exprimés, le député sortant n’en réunissant que 19. Il est réélu en novembre 1946, avec 79 327 voix sur 79 967 suffrages exprimés. Non inscrit pendant plusieurs années, il rejoint le groupe des Indépendants d’outre-mer en 1950. Membre de la commission du ravitaillement, sous la deuxième Constituante, élue le 26 juin 1946, il appartient à plusieurs commissions pendant la législature suivante : celle de la famille, de la population et de la santé publique (1946-1947), puis celle des moyens de communication (1948-1951), des territoires d’Outre-mer (1948-1949), des affaires étrangères (1949-1951) et de la presse (1951).
Tout au long de son mandat, il défend une conception de l’Union française fondée sur « la fraternité des peuples » et la reconnaissance de leurs droits. Il s’exprime dans ce sens pendant les discussions concernant la Constitution, le 18 septembre 1946, et l’organisation et les compétences des assemblées locales dans les territoires d’Outre-mer, le 5 octobre 1946. Auparavant, il a déposé une proposition de loi sur l’Assemblée représentative des Etablissements français de l’Inde, le 12 septembre 1946 : renvoyée à la commission des territoires d’Outre-mer, elle a donné lieu à un rapport de Gaston Monnerville, le 26 septembre, mais n’a pu recevoir l’aval de l’Assemblée constituante avant la fin de ses travaux.
Au cours de son second mandat, il dépose une proposition de résolution et une proposition de loi. Il intervient à cinq reprises en séance publique. Il défend notamment deux amendements. L’avenir de l’Inde française continue à le préoccuper, alors que l’Inde britannique devient indépendante. Il intervient dans la discussion d’une proposition de résolution rendant hommage au Mahatma Gandhi à l’occasion de son décès. Sa position est alors très forte puisqu’en 1947, il a occupé, avec ses amis, tous les sièges du Conseil du Gouvernement. Le 13 septembre 1948, il déclare dans une réunion publique que l’incorporation immédiate de l’Inde française dans l’Union indienne était « inopportune et impraticable », qu’elle conduirait au « préjudice complet et total de la population de l’Inde française ». De même, le 20 avril 1948, alors qu’une motion de censure déposée à l’Assemblée représentative - dont il est membre - réclame la fusion de Pondichéry avec l’Union indienne, il propose une contre-motion soutenue par le Conseil du gouvernement préconisant le maintien dans l’Union française avec une plus grande autonomie et le droit d’opter pour le gouvernement qui conviendrait le mieux.
Cependant, sa position vis à vis de l’intégration des Etablissements français à l’Union indienne évolue. Des raisons spécifiques au territoire en sont la cause, à l’instar du blocus annoncé par le gouvernement indien, le 30 mars 1948, et devant prendre effet à partir du premier avril 1949. En outre, son influence décline dans le camp pro-français dont Édouard Goubert a pris la tête avec l’appui du Commissaire de la République. Lambert Saravane se prononce alors pour un rapprochement avec l’Union indienne dès la campagne pour les élections municipales en octobre 1948, affirmant inévitable « la grande marche vers l’unification nationale ». Par la suite, il entre en relation avec le consul de l’Inde à Pondichéry, Raj Krishna Tandon qui, dès sa nomination, le 11 mai 1950, s’efforce de structurer l’opposition à la politique française en organisant des officines d’action et un service de renseignements. Dans ce dispositif, Saravane Lambert a pour mission de surveiller la zone nord de Pondichéry. Durant l’été 1950, il prononce de nombreuses conférences suivies de manifestations pour le rattachement à l’Inde. Vis-à-vis de la France, Lambert Saravane est sans doute déçu par l’attitude des milieux politiques majoritaires français dont il dénonce, à plusieurs reprises, les conceptions figées à l’égard des populations d’Outre-mer. Se faisant volontiers le porte-parole des peuples d’Asie, et considéré comme tel par maints de ses collègues, il s’élève contre les stéréotypes qui entachent trop souvent les jugements des membres de l’Assemblée et les décisions du gouvernement : « Vous voulez juger les peuples hindous d’après l’ouvrage périmé de Judith Gauthier ou les titres parfumés de Maurice Dekobra. Cela n’a plus de valeur. Vous voulez juger les Chinois d’après ceux de l’époque antique. Vous voulez juger les Vietnamiens comme si c’étaient encore ceux qui vivaient il y a trente ans » (séance du 26 juillet 1949, J.O. p. 5342). Il déclare : « Vous voulez donc arrêter la marche de l’histoire ? Vous pensez donc que le Japon est encore le pays de Madame Chrysanthème, que l’Inde est encore le pays des fakirs accroupis, méditant sur l’absolu en contemplant leur nombril ? » (28 janvier 1950). Il dépose, le 1er décembre 1950, une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement français à conclure avec le Gouvernement de l’Union indienne une convention relative au statut futur des territoires Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon - les Loges ayant été abandonnées le 15 août 1947 par la France qui s’était également retirée de Chandernagor, le 2 mai 1950. Ce texte préconise notamment de transférer la souveraineté sur ces territoires au profit de l’Union indienne et de soumettre le statut ainsi élaboré au consentement des populations. Peu après, soutenu par plusieurs députés, il est l’auteur, le 20 décembre 1950, d’une proposition de loi portant amnistie pleine et entière des infractions commises à Mahé, du 21 au 27 octobre 1948, où des troubles avaient éclaté à l’occasion d’élections municipales prévues pour le 24. L’administration avait multiplié les arrestations et des peines sévères avaient été prononcées allant jusqu’ à cinq ans d’emprisonnement pour des délits mineurs, tandis que les condamnations par contumace variaient de deux à vingt ans de prison.
Ses activités parlementaires se sont concentrées également sur d’autres questions touchant à la décolonisation, en particulier sur la guerre d’Indochine. Dès le 22 mars 1947, il critique la politique gouvernementale en arguant du fait qu’elle ne pouvait être admise par les populations des territoires d’Outre-mer et prend position en faveur de négociations avec Ho-chi-Minh - qu’il connaît personnellement -, ce qui le conduit à s’abstenir lors du vote sur la question de confiance concernant les crédits militaires. Son intervention, applaudie par l’extrême gauche, est diffusée par la suite dans une brochure contenant un texte de Jacques Duclos, et des extraits des discours de Henri Lozeray, Jean Guillou et Pierre Cot à l’Assemblée nationale, du 18 au 20 mars 1947, sous le titre Négocier avec Ho-chi-Minh. Lors de la discussion du projet de loi portant création d’une Assemblée représentative élue en Cochinchine, le 11 mars 1949, il revient sur la nécessité de négocier avec Ho-chi-Minh plutôt qu’avec Bao Daï qui, sur le plan historique, ne représente pas le peuple vietnamien. Il propose un amendement tendant à spécifier le désir du gouvernement d’insérer la Cochinchine dans le Viet-Nam, mais le retire lorsque le ministre de la France d’Outre-mer, affirmant que le sort de la Cochinchine doit être réglé par ses habitants, lui assure que son Assemblée sera saisie de la question. Il soulève à nouveau la validité des négociations avec Bao Daï pendant la discussion du projet de loi approuvant les rapports des Etats associés du Viet-Nam, du Cambodge et du Laos avec la France, le 28 janvier 1950. S’adressant à ceux qui évoquent la légitimité de Bao Daï par son titre d’empereur et par le fait que le peuple du Viet-Nam est « sensible à la tradition », il répond : «Vous avez, vous les hommes du gouvernement, trop parlé à la tribune de la tradition. Les peuples de l’Asie, les élites des pays d’Asie, n’ont cure de la tradition. Les mots qui nous font vibrer, qui nous poussent à agir, ce sont les mots d’évolution et même de révolution ». Or, selon lui, Bao Daï n’a pas participé à la lutte pour l’indépendance et il n’a pas qualité pour représenter le peuple du Viet-Nam auprès duquel il manque de popularité. Soutenu par plusieurs de ses collègues, il dépose un amendement, tendant à prévoir la cessation des hostilités, l’ouverture de négociations avec Ho-chi-Minh et une consultation des populations de l’Indochine, mais son texte n’est pas adopté. Malgré son intervention, l’ensemble du projet de loi portant notification des accords franco-vietnamiens est accepté par 396 voix contre 193 dont celle de Lambert Saravane. De même, il a voté contre l’affichage du discours prononcé par le ministre de la Défense nationale pendant les débats.
C’est toujours au nom des peuples coloniaux qu’il a pris part à la discussion sur le Pacte atlantique, le 26 juillet 1949. Examinant les signataires du traité, il a formulé des réserves sur la politique coloniale de la Hollande et du Portugal et a fait remarquer que les Etats-Unis avaient aidé les classes dirigeantes chinoises retardataires, bloquant ainsi le renouvellement des élites. Cette organisation ne lui paraissant pas susceptible d’apporter une évolution positive dans les territoires d’Outre-mer, il choisit, comme son groupe, l’abstention, au moment de ratifier ce texte.
Dans la question du rattachement à l’Inde, l’attitude de Lambert Saravane, auquel le Commissaire de la République et les pro-français reprochent d’avoir abusé de son mandat, lui coûte son poste de député. Aux élections de 1951, il n’obtient que 149 voix contre 90 053 à Edouard Goubert. Dans les années qui suivent, il milite activement pour le rattachement à l’Union indienne, à la tête du Parti républicain, de tendance modérée, mais il est de nouveau devancé par Edouard Goubert qui a changé de ligne politique et qui lance, le 19 mars 1954, un mouvement de libération pour l’annexion immédiate de Pondichéry par l’Union indienne.
Après l’intégration, Lambert Saravane abandonne la politique et reprend son poste de professeur au collège français de Pondichéry. Il se consacre au maintien, voire au développement de la culture française, en particulier dans les Universités indiennes comme celle d’Annamalaie. Dans cet établissement, il est à l’origine de la création d’un département de français. Il prononce de nombreuses conférences, publie une grammaire française pour débutants de tous les âges. Il se rend fréquemment en France où il a gardé des contacts dans le cadre de l’Amicale des anciens parlementaires, et où il meurt le 18 février 1979.