Alain Savary

1918 - 1988

Informations générales
  • Né le 25 avril 1918 à Alger (Algérie)
  • Décédé le 17 février 1988 à Paris (Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Saint-Pierre-et-Miquelon
Groupe
Socialiste
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Saint-Pierre-et-Miquelon
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 9 décembre 1958 au 10 mai 1959
Département
Saint-Pierre-et-Miquelon
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ve législature
Mandat
Du 2 avril 1973 au 2 avril 1978
Département
Haute-Garonne
Groupe
Parti socialiste et radicaux de gauche
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIe législature
Mandat
Du 19 mars 1978 au 22 mai 1981
Département
Haute-Garonne
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 2 juillet 1981 au 23 juillet 1981
Département
Haute-Garonne
Groupe
Socialiste

Fonds d'archives

Le fonds Alain Savary, qui représente 10,4 mètres linéaires, est conservé par le Centre d’histoire de la Fondation nationale des sciences politiques, sous la cote SV. Il a été donné en 1985. Ces archives concernent les activités d’Alain Savary en tant que député, secrétaire d’État et ministre. Elles ont également trait à l’Union française, la politique internationale du marché commun, l’Indochine et l’Algérie. Elles couvrent la période 1938-1987 et sont décrites dans un inventaire analytique. Leur consultation est soumise aux délais fixés par le code du patrimoine. De plus amples renseignements sur ce fonds sont disponibles sur le site Internet du Centre d’histoire.

Biographies

SAVARY (Alain)
Né le 25 avril 1918 à Alger
Décédé le 17 février 1988 à Paris

Député de Saint-Pierre-et-Miquelon de 1951 à 1959
Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, chargé des affaires marocaines et tunisiennes du 1er février au 3 novembre 1956

Alain Savary est né à Alger, d'un père breton, ingénieur des chemins de fer, et d'une mère corse. Sa famille s'installe à Tunis alors qu'il a deux ans, puis à Rabat, où il entre à l'école primaire. Il arrive en France, alors qu'il a sept ans. A Paris, il suit des études au lycée Buffon, puis au collège privé Stanislas où il prépare le baccalauréat. Catholique pratiquant, l'étudiant Alain Savary fréquente assidûment l'institution sociale Notre Dame du Bon Conseil. Titulaire d'une licence en droit, il sort major de l'Ecole libre des sciences politiques (section diplomatique) en 1940. Il se destine à une carrière au Quai d'Orsay et travaille l'anglais dans cette perspective.
Sans être engagé politiquement, le jeune homme est très tôt conscient de la dégradation de la situation politique internationale. En 1936, il effectue un voyage à Nuremberg où il assiste au rassemblement annuel du parti nazi (NSDAP) ; le caractère inéluctable du conflit à venir lui serait apparu lors de la remilitarisation de la Rhénanie.
Avant son service militaire, qu'il début le 15 octobre 1938, Alain Savary a préparé le concours du Commissariat de la Marine où il a été reçu premier. Nommé aspirant commissaire au début de la guerre, il est affecté à Boulogne, le 24 décembre suivant. En juin 1940, lors de l'effondrement de l'armée française devant la progression des blindés de Guderian, il est évacué vers l'Angleterre. Patriote ardent, le jeune officier est un des premiers à se mettre au service du général de Gaulle, à qui il demande de s'embarquer sur un bateau de guerre. Le 8 août, Alain Savary est affecté à l'Etat-major de l'amiral Muselier dont il devient aide de camp, responsable des questions relatives au Forces navales françaises libres (FNFL) et au Conseil de défense de l'Empire. Il est, par ailleurs, secrétaire du Conseil Supérieur de la Marine et secrétaire personnel de l'amiral Muselier. L'amiral écrit dans ses mémoires : "Savary était ma conscience et un de mes collaborateurs les plus précieux". Cette rencontre le marque profondément.
De mars à mai 1941, Alain Savary accompagne Thierry d'Argenlieu dans une mission en Amérique du Nord. Au Québec, au Canada, puis lors d'un « voyage d'information » à Washington, il se renseigne sur l'état de la France Libre outre-Atlantique. L'amiral Muselier le nomme enseigne de vaisseau de 1ère classe auxiliaire, à compter du 1er juillet 1941.
Alain Savary rejoint ensuite les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon où il participe avec l'amiral Muselier au renversement des autorités vichystes, le 24 décembre 1941. Il est nommé commissaire de la France Libre (gouverneur) à 23 ans. Plus tard, il expliquera que c'est à Saint-Pierre-et-Miquelon qu'il a été sensibilisé aux problèmes coloniaux : « J'ai eu à Saint-Pierre-et-Miquelon la responsabilité de populations qui, même peu nombreuses, posaient l'ensemble des questions sociales, démontrant à l'évidence les injustices de la bourgeoisie et du capitalisme et des formes d'oppression presque colonialistes ».
Mais le gouverneur veut reprendre du service actif. Il quitte Saint-Pierre en janvier 1943, et suit un entraînement accéléré dans les forces amphibies en Floride. Il prend ensuite la tête du 2ème escadron du premier régiment de fusiliers marins de la première division française libre et participe aux campagnes d'Afrique du Nord, d'Italie (Mont Cassin) et de France où il effectue la jonction de la première armée et de la 2ème DB. Il termine la campagne avec la croix de guerre et quatre citations. Nommé Compagnon de la Libération par le général de Gaulle, le jeune capitaine de corvette est appelé à siéger à l'Assemblée consultative provisoire à Paris comme représentant de l'ordre de la Libération. Le 6 novembre 1944, Alain Savary quitte son unité pour rejoindre immédiatement la séance d'ouverture de l'Assemblée, encore vêtu de son blouson et de ses souliers militaires. Il est nommé membre de la commission de la défense nationale de l'Assemblée le 17 novembre, puis des commissions de la justice et de l'épuration et des finances.
Selon Roger Barberot, un de ses compagnons, de Gaulle a ouvert à Alain Savary « la voie royale de la politique », en le nommant à l'Assemblée consultative et plus encore, en faisant de lui, ensuite, le plus jeune Commissaire de la République de France : « Les fées gaullistes s'étaient penchées avec insistance sur son berceau », disait-il.
Nommé Commissaire de la République à Angers par le ministre de l'intérieur Adrien Tixier, Alain Savary succède à ce poste à Michel Debré, à vingt-sept ans. Il exerce cette fonction du 1er avril 1945 au 30 mars 1946. Il réduit pacifiquement la poche de Saint-Nazaire après la capitulation allemande du 8 mai 1945 et fait fermer les camps d'internement. Le 18 juillet suivant, il épouse Hélène Borgeaud, et se trouve ainsi apparenté à l'une des puissantes familles du grand colonat algérien, celle du sénateur Borgeaud dont elle est la nièce. Il est, durant deux années, secrétaire général du Commissariat général aux affaires allemandes et autrichiennes. Il quitte cette fonction pour celle de parlementaire.
Alain Savary, lié à Gilberte Brossolette, a choisi de rejoindre la SFIO en mars 1945 probablement. Il adhère à Angers, mais appartient à la section de Saint-Nazaire. Il est proche de la sensibilité blumiste. Lors de la formation de l'Assemblée de l'Union française, ce parti le choisit pour y siéger, de novembre 1947 à juin 1951.
Le 17 juin 1951, Alain Savary est élu député de Saint-Pierre-et-Miquelon avec 1 306 suffrages sur 2 605 inscrits et 2 313 exprimés, battant assez nettement Dominique Laurelli, le député sortant qui obtient 932 voix, 105 allant à un troisième candidat Pierre Merli. Avec l'appui des représentants des îles, le sénateur Claireaux, du Conseil de la République, et le père Gervain, de l'Assemblée de l'Union française, il a fait une campagne très ouverte, invitant à former une « majorité durable débordant le cadre des anciennes querelles », dépassant « le cadre des partis politiques » pour la défense des intérêts économiques et sociaux du territoire. Sa campagne est axée sur les besoins locaux, principalement ceux de la pêche.
Alain Savary est membre de la commission de la marine marchande et des pêches (1951-1952) et de celle des territoires d'outre-mer (1951-1955), toutes deux essentielles pour les intérêts des habitants des îles. Il siège aussi à la commission du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du règlement et des pétitions (1953-1955). Il appartient enfin à la commission de coordination pour l’examen des problèmes intéressant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1954-1955). Le groupe socialiste le désigne comme l’un de ses vice-présidents dès 1951. Actif parlementaire, Alain Savary dépose deux textes : une proposition de loi concernant les conditions d'éligibilité des Hauts-commissaires de la République, des Gouverneurs généraux et des Gouverneurs exerçant ou ayant exercé leurs fonctions dans un territoire ou un groupe de territoire d'Outre-mer ; une proposition de résolution relative au statut des administrateurs de la France d’Outre-mer. Avec Robert Verdier, Alain Savary est le spécialiste des questions relatives aux territoires d'Outre-mer et de l'Afrique du Nord dans le groupe socialiste. La première de ses vingt-deux interventions à l’Assemblée, le 19 novembre 1951, a lieu à l'occasion d'une demande d'interpellation sur les conversations avec le Gouvernement tunisien et, l'année suivante, il interpelle de nouveau les autorités sur l'assassinat du syndicaliste Ferhat Hached (9 et 16 décembre 1952).
Beaucoup plus jeune que la majorité des militants du groupe socialiste, passé, contrairement à ses confrères, par les grandes écoles et la France Libre, élu d'un lointain territoire, Alain Savary, venu du gaullisme avant de se rallier à la SFIO, est à la fois aux marges de son parti et un homme de ressource précieux pour sa formation politique, en raison de ses réseaux et de sa capacité d'autonomie. Il peut mener une action parlementaire et diplomatique combinée. Lors de la discussion du projet de loi relatif aux dépenses de fonctionnement des services civils, le 19 novembre 1952, il oppose une question préalable sans ambiguïté sur « la nécessité de négocier avec le Viet-Minh », estimant qu'il « faut négocier avec l'adversaire ». L'année suivante, il se rend en mission en Indochine au nom du gouvernement, recherchant des contacts directs avec les nationalistes et Hô-Chi-Minh dans des zones incontrôlées de la plaine des joncs. La commission des territoires d'Outre-mer le nomme à la commission de coordination « pour l'examen des problèmes intéressant les Etats associés d'Indochine », le 10 juin 1954. Il interpelle ensuite régulièrement les gouvernements jusqu'à la conférence de Genève, s'opposant notamment à l'envoi du contingent.
L'Afrique du Nord reste cependant son principal combat. Le 13 octobre 1953, il dénonce les initiatives des fonctionnaires locaux au Maroc, visant en fait le maréchal Juin qu'il interpelle de nouveau quelques jours plus tard, en pleine grève dans la fonction publique, dans un article du Populaire, intitulé « Le facteur et le maréchal ». Partisan affirmé de la décolonisation, il noue des liens personnels avec les leaders marocains et tunisiens, Balafrej et Bourguiba. Il se prononce pour l'autonomie interne. Mais il doit renoncer, par discipline de parti, à un poste ministériel que lui propose Pierre Mendès France. Il sert d'intermédiaire entre le gouvernement et le chef du Néo-Destour et dénonce les ennemis de l'entente franco-marocaine, après l'assassinat de M. Lemaigre-Dubreuil, le 21 juin 1955. En ce qui concerne l'Algérie, le 13 octobre 1955, à l'Assemblée, il dénonce la politique d'intégration et réclame des élections libres, la négociation d'un régime d'association ou un cadre fédéral.
Ses positions conduisent rapidement Alain Savary à s'opposer à la politique de la majorité socialiste, sans rompre pour autant avec Guy Mollet. Il est un des organisateurs de l'opposition à la ratification du traité instituant la Communauté européenne de défense (CED) dans le camp socialiste. Avec Robert Verdier, il co-rédige deux brochures intitulées « Contre le traité actuel de la CED », signées par une majorité des députés socialistes.
Réélu député le 2 janvier 1956, avec 1 135 suffrages, il conserve son siège avec neuf voix de majorité seulement. Son adversaire Laurenti obtient 1 126 voix. Il est, de nouveau, nommé à la commission du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du règlement et des pétitions. Il y reste jusqu’en 1957. Il appartient également à la commission des territoires d'Outre-mer (1956-1957). Mais il n'y siège pas, en raison de sa nomination, le 1er février 1956, au secrétariat d’Etat aux affaires étrangères, chargé des affaires marocaines et tunisiennes, dans le cabinet Guy Mollet. Il négocie l'octroi de l'indépendance aux anciens protectorats, qui devient effective en mars. Mais, il échoue à faire aboutir « l'indépendance dans l'interdépendance », souhaitée par Edgar Faure un an plus tôt. La politique de Lacoste en Algérie est incompatible avec la politique d'ouverture qu'il mène dans les deux autres Etats du Maghreb. Savary, dont la position est de plus en plus fragile depuis la rupture des négociations en août et la démission du résident général au Maroc, dont il refuse de cautionner les velléités de politique répressive, démissionne à son tour de ses fonctions de secrétaire d'Etat. Il proteste ainsi contre le détournement de l'avion marocain transportant vers Tunis les cinq chefs du FLN, effectué le 22 octobre. A la demande de Guy Mollet, il retarde l'annonce officielle, qui est acceptée à l'issue du Conseil des ministres du 31 octobre suivant.
Le 26 décembre 1956, Alain Savary, qui a retrouvé son banc de député, est nommé membre de la commission des affaires étrangères. Il y siège jusqu’à la fin de la législature et se montre particulièrement actif dans le domaine de la construction européenne. A la demande de Guy Mollet et au nom de la commission, il est rapporteur du projet de loi autorisant le président de la République à ratifier le traité instituant la Communauté économique européenne (le traité de Rome), signé le 25 mars 1957, le traité sur la communauté européenne de l'énergie atomique et la convention relative à certaines institutions communes aux communautés européennes. Le 11 juillet 1957, il dépose une proposition de loi tendant à la création d’une sous-commission chargée de suivre et d’apprécier la politique économique, financière et sociale de la France, au regard de la Communauté économique européenne. Quelques mois plus tard, le 4 octobre 1957, il est désigné membre suppléant de la commission des finances. Il est enfin élu représentant de l'Assemblée unique des Communautés européennes (député européen), le 13 mars 1958. Depuis le 4 octobre 1957, il est membre suppléant de la commission des finances.
Tout en continuant à entretenir des rapports personnels avec le secrétaire général du parti socialiste, Alain Savary participe au combat des minoritaires opposés à la politique algérienne de Robert Lacoste dans les gouvernements Mollet, Bourgès-Maunoury et Gaillard. Il participe à la constitution du Comité socialiste d'études et d'action pour la paix en Algérie et signe tous les textes minoritaires présentés par Robert Verdier et Edouard Depreux.
Membre de la commission chargée d'étudier la situation en Algérie, au conseil national de la SFIO des 3 4 mai 1958, il espère faire évoluer les positions de la majorité du parti. Mais il est trop tard, car la révolte des « petits blancs » de l'Algérie et le soutien que lui apporte l'armée provoquent l'effondrement du régime en mai 1958. Alain Savary s'élève contre le soulèvement d'Alger et se montre partisan de la fermeté face aux émeutiers et à leurs complices. A l'Assemblée nationale, il dépose une proposition de résolution « tendant à inviter le gouvernement à examiner d'urgence le cas de tous les députés ayant quitté la métropole depuis le 13 mai 1958 ou qui, à Alger, par leur activité, contribuent à ébranler le régime républicain et l'unité de la Patrie ». Il déplore, le 26 mai, « l'ambiguïté regrettable des déclarations du général de Gaulle » et soutient que les événements d’Alger et ceux de Corse sont liés. Le 1er juin suivant, il vote contre l'investiture de l'ancien chef de la France Libre.
Au congrès de la SFIO d'Issy-les-Moulineaux, le 11 septembre 1958, Alain Savary annonce qu'il ne peut rester plus longtemps dans ce parti, accélérant ainsi la scission. Trois jours plus tard, il est secrétaire général adjoint du Parti socialiste autonome (PSA), et le demeure jusqu'en avril 1960.
Ayant perdu son siège de député en 1958, Alain Savary intègre l'industrie privée, mais sans abandonner la politique. Il appartient au premier bureau national du Parti socialiste unifié (PSU) en avril 1960, mais s'éloigne de ce parti dès la fin de la guerre d'Algérie. Il fonde l'Union des clubs pour le renouveau de la gauche (UCRG), participe à la Fédération de la Gauche démocrate et socialiste (FGDS) en 1965-1968, puis est désigné comme premier secrétaire du Parti socialiste de 1969 à 1971. Après avoir perdu la direction du parti au Congrès d'Epinay en juin 1971, il est élu député de Toulouse en mars 1973 et mars 1978, puis préside le Conseil régional de Midi-Pyrénées en 1978. Ministre de l'Education nationale dans les gouvernements Mauroy (1981-1984), peu soutenu par le Président de la République, il démissionne après les manifestations en faveur de l'enseignement privé en 1984, entraînant la chute du gouvernement.
Officier de la Légion d'honneur, compagnon de la Libération, Alain Savary était décoré de la croix de guerre 1939-1945. Il disparaît le 17 février 1988, à la veille de la réélection de François Mitterrand à la présidence de la République.

SAVARY (Alain, François)
Né le 25 avril 1918 à Alger (Algérie)
Décédé le 17 février 1988 à Paris (Seine)

Conseiller de l'Union Française de 1948 à 1951
Député de Saint-Pierre-et-Miquelon de 1951 à 1959
Député de Haute-Garonne de 1973 à 1981
Secrétaire d'Etat aux affaires marocaines et tunisiennes du er février au 3 novembre 1956
Ministre de l'éducation nationale du 22 mai 1981 au 16 juillet 1984

Alain Savary ne s’oppose pas à la Cinquième République par crainte du fascisme, moins encore du général de Gaulle mais à cause des circonstances de son retour qui risquaient de retarder, selon lui, le règlement du problème algérien. De plus, il redoute que les institutions se révèlent dangereuses après le départ du nouveau chef de l’État. La décision de Guy Mollet d’entrer dans le gouvernement Debré comme ministre d’État le conduit à quitter la SFIO et à fonder avec Edouard Depreux et Robert Verdier le Parti socialiste autonome (PSA) dont il devient d’emblée le secrétaire général adjoint. Il souhaite faire de ce parti en construction un parti de type « travailliste », largement ouvert. S’il était favorable à l’entrée de Pierre Mendès France au sein du PSA, il s’opposa efficacement à celle de François Mitterrand dont il condamnait les positions en matière algérienne et le rôle dans l’affaire de l’Observatoire. Cette obstruction reste longtemps une pierre d’achoppement entre les deux hommes. En avril 1960, le PSA se transforme en un Parti socialiste unifié issu de la fusion, voulue par Edouard Depreux, nettement moins souhaitée par Alain Savary, du PSA, de l’Union de la gauche socialiste et de Tribune du communisme.
En 1962, il appelle le PSU à militer en faveur de la ratification des accords d’Évian. Une fois passé le double écueil des questions algérienne et institutionnelle, Alain Savary va s’employer avec Michel Rocard, de Georges Brutelle et quelques autres à réunifier les divers mouvements de la famille de la gauche non communiste. Il quitte le PSU à l’occasion du congrès d’Alfortville en janvier 1963 et crée l’association Socialisme et démocratie que rejoignent dans la foulée des cercles de jeunes chrétiens de province (CREPT, Cercle Tocqueville, Démocratie nouvelle, à Lyon, à Marseille et à Toulouse) et un nombre non négligeable de syndicalistes issus de la FEN. Son équipe dirigeante est constituée, entre autres, de Robert Verdier, Pierre Bérégovoy, Serge Hurtig et Henri Noguères.
Il transforme l’année suivante son association en une Union des clubs pour le renouveau de la gauche et milite à l’époque pour que soit bien établie la distinction entre logique partidaire et « clubisme ». Malgré une activité professionnelle extrêmement prenante – il a été chargé de 1959 à 1972, par la Commission européenne, d’études sur les questions économiques qui lui ont valu une solide réputation d’expert des problèmes industriels, atomiques et nucléaires -, il ne se détourne pourtant pas de l’action politique. Il participe aux colloques de Georges Brutelle en 1964, est l’un des animateurs de la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1965, contribue à la fondation de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) dans la foulée, et présente enfin sa candidature à la députation en 1967.
Candidat FGDS lors des élections législatives des 5 et 12 mars 1967 dans la dix-huitième circonscription de Paris qui recoupe la partie nord du 15e arrondissement, Alain Savary obtient 6 674 des 31 951 suffrages exprimés, soit 20,9% des voix. Il arrive en deuxième position derrière le député sortant, Nicole de Hauteclocque, qui recueille 46,6% des suffrages, mais devant le candidat communiste qui ne rassemble que 16,3% des votes. Au second tour, il s’incline finalement devant la candidate gaulliste qui retrouve son siège avec 16 455 des 30 379 suffrages exprimés, soit 54,2% des voix.
Cet échec électoral précède de peu la disparition de la FGDS, précipitée par le désaveu des urnes lors des élections législatives de juin 1968 auxquelles Alain Savary s’est bien gardé de prendre part. Dans le même temps, sa réflexion sur les institutions et l’élection du président de la République au suffrage universel direct l’oriente vers la conviction de la nécessité de construire un parti de type présidentiel. Ce positionnement lui vaut la considération de Guy Mollet qui met en avant, lors du congrès d’Alfortville, en mai 1969, son nom pour la candidature de la gauche non communiste à l’élection présidentielle anticipée. Si Alain Savary était arrivé en tête lors d’un premier vote, c’est finalement Gaston Defferre qui s’impose in fine comme candidat.
Le cinglant échec de ce dernier aux élections lors du scrutin de juin impose au parti socialiste une rénovation en profondeur. Elle débute avec le congrès d’Issy-les-Moulineaux en juillet 1969 à l’issue duquel Alain Savary, avec le soutien ouvert de Guy Mollet, devient premier secrétaire du nouveau parti socialiste avec une seule voix d’avance sur Pierre Mauroy. Il lui revient dès lors de trouver des marges de manœuvre suffisantes pour unifier le parti, l’élargir à l’ensemble de la gauche non communiste et mettre en œuvre une stratégie de dialogue avec le Parti communiste français (PCF) décidée à Issy-les-Moulineaux. L’élargissement de la base passe naturellement par la Convention des Institutions républicaines (CIR) de François Mitterrand. Il rencontre dans sa tâche une opposition assez nette de la part de ceux qui le croient téléguidé par Guy Mollet dont le fantôme hante encore la Cité Malesherbes, Pierre Mauroy le premier. Le maire de Lille, qui est partisan d’une mise à distance des communistes et entretient à cette époque des contacts secrets avec François Mitterrand, plaide fortement pour la fusion des socialistes et des conventionnels. Sous la pression de bon nombre de cadres de son parti, Alain Savary, à la fin de 1970, accepte à contrecœur d’entamer des conversations avec le député de la Nièvre qu’il tient en piètre estime et dont il se méfie grandement. Les négociations progressent lentement jusqu’aux journées nationales de la CIR durant lesquelles Mitterrand accepte le principe de la fusion. La voie du congrès d’Épinay est donc tracée. Par un jeu d’alliances préparé de longue date dans la plus grande discrétion, les « coalisés » d’Épinay, à savoir les entrants de la CIR, l’aile gauche du parti socialiste (le Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste) et les puissantes fédérations de Mauroy et Defferre portent François Mitterrand à la tête du parti socialiste. Dès lors, Alain Savary décide de s’éloigner de la vie politique et accepte des missions internationales d’expertise économique.
À la demande de François Mitterrand qui souhaite néanmoins le ménager, Alain Savary accepte de défendre les couleurs du parti socialiste lors des élections législatives des 4 et 11 mars 1973 dans la 1ère circonscription de la Haute-Garonne qui recouvre la partie nord de Toulouse et les communes de Fronton et Villemur-sur-Tarn. Avec 12 224 des 45 657 suffrages exprimés, soit 26,8% des voix, il arrive en deuxième position derrière le député gaulliste sortant, Alexandre Sanguinetti qui recueille 35,8% des voix. Le bon report sur Alain Savary des voix communistes et PSU, comme une plus forte mobilisation qui lui est largement favorable, lui donnent la victoire au second tour. Avec 25 100 des 46 996 suffrages exprimés, soit 53,4% des votes, Alain Savary l’emporte sur Alexandre Sanguinetti.
À l’Assemblée, il s’inscrit au groupe socialiste et est nommé membre de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Il a par ailleurs vice-présidé la Commission d’enquête sur les pratiques des sociétés pétrolières en France créée le 28 juin 1974. Il est nommé rapporteur spécial de la Commission des finances pour les crédits des comptes spéciaux du Trésor pour les années 1974 à 1978. Le 14 novembre 1973, il dépose une proposition de loi tendant à faire bénéficier les membres des forces françaises libres, les engagés volontaires de la guerre 1939-1945 et les combattants volontaires de la Résistance de l’assimilation de leurs périodes de services effectifs à des trimestres d’assurance pour la détermination des pensions de vieillesse de la sécurité sociale. Il intervient à plus d’une vingtaine de reprises en séance publique, essentiellement en qualité de rapporteur spécial pour souligner les risques grandissants d’un creusement des déficits encouragé par le contexte économique et énergétique dégradé et l’absence de vision politique en matière fiscale. Il prend également la parole lors de la discussion du projet de loi modifiant certaines dispositions du code du service national. Il se saisit de la question de la réforme du sursis pour s’interroger publiquement sur le sens et le rôle de la conscription en ces termes : « Il ne s’agit pas de savoir si le service militaire est utile à l'appelé mais si l'appelé est utile au pays, s’il est employé comme combattant ». Il déplore le nombre croissant d’exemptions qui remet en cause la nature égalitaire et universel du service militaire comme le détournement de l’armée de ses missions fondamentales : « Je ne crois pas qu'il soit de la vocation permanente de l’armée, par exemple, de lutter contre les incendies. Qu’en cas de péril ou de nécessité, on fasse appel à elle, c’est normal ! Mais s’il faut un plus grand nombre de pompiers dans le pays, qu’on les recrute et qu’on les paie et que l’on ne détourne pas l’armée de sa vocation fondamentale qui est de se préparer à l’hypothèse, que nous souhaitons improbable, d’une guerre ».
Il intervient également le 29 novembre 1977 lors de la discussion du projet de loi relatif à l’indemnisation des Français rapatriés d’outre-mer dépossédés de leurs biens et déplore l’absence de règlement du problème depuis de nombreuses années, le manque de générosité du texte en l’état et la non prise en considération de l’âge des rapatriés dans le calcul de leur pension.
Il refuse la confiance au gouvernement les 12 avril 1973, 6 juin 1974 et 28 avril 1977, s’oppose au projet de loi constitutionnelle portant modification des articles 6, 7 et 25 de la Constitution portant sur les conditions de l’élection du président de la République. En revanche, il vote pour le projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse et celui portant réforme du divorce. Il se prononce enfin en faveur de l’élection au suffrage universel direct des représentants à l’Assemblée des communautés européennes.
Pressenti par la gauche toulousaine pour diriger une liste d’union dans un contexte électoral assez défavorable pour la majorité présidentielle, Alain Savary accepte de se présenter aux élections municipales des 13 et 20 mars 1977. Le maire sortant Pierre Baudis remporte finalement d’extrême justesse deux des trois secteurs de la ville rose alors même qu’Alain Savary l’emporte en termes de suffrages avec près de 4 500 voix d’avance sur son adversaire, soit 51,7% des suffrages populaires. Cet échec met un terme à ses ambitions municipales mais ne le dissuade en rien de briguer un nouveau mandat de député l’année suivante.
Candidat à sa propre succession lors des élections législatives des 12 et 19 mars 1978, il recueille 14 909 des 52 290 suffrages exprimés, soit 28,5% des voix mais est devancé de 51 voix par le candidat de la majorité présidentielle. Au second tour, avec 27 855 des 54 454 suffrages exprimés, soit 51,2%, Alain Savary l’emporte sur Marcel Cavaillé et conserve ainsi son siège, une fois encore grâce à un excellent report des voix des autres candidats de gauche et d’extrême gauche et une hausse de plus de deux points de la participation d’un tour à l’autre.
Il s’inscrit au groupe socialiste et retrouve la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Il a par ailleurs été nommé membre de la Commission d’enquête sur la langue française. Il a enfin été rapporteur spécial des crédits des comptes spéciaux du Trésor pour les années 1979 à 1981. Au nom de sa Commission, il rend trois rapports, dans le cadre des projets de loi de finances pour 1979, 1980 et 1981, relatifs au budget civil et aux comptes spéciaux du Trésor. Il intervient à quatre reprises en séance publique en qualité de rapporteur spécial pour critiquer sévèrement la politique économique et fiscale du gouvernement dont les mauvais résultats en matière d’emploi ne sont pas, selon lui, seulement imputables aux effets combinés des deux chocs pétroliers, mais procèdent bien d’une politique dénuée d’ambition et de justice sociale. Il prend également la parole lors de la discussion sur la déclaration du gouvernement sur l’élargissement de la Communauté économique européenne le 15 décembre 1978. Il souligne que la population du sud-ouest est favorable sur le plan politique à l’entrée de l’Espagne dans la CEE en rappelant que la faiblesse des relations économiques entre l’Etat la région Midi-Pyrénées place cette dernière dans une situation d’économie dominée à l’égard de l’Espagne. Il affirme que la politique agricole commune et la distribution des aides du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole se font au détriment de sa région, demeurée très enclavée malgré les perspectives offertes par l’élargissement.
Il s’abstient lors du vote du projet de loi autorisant l’augmentation de la quote-part au FMI, vote contre la déclaration de politique générale de Raymond Barre le 20 avril 1978, se prononce contre le projet de loi relatif aux travailleurs privés d’emplois, pour le projet de loi relatif à l’IVG, contre le projet de loi portant aménagement de la fiscalité locale, pour la proposition de loi relative au viol et aux attentats à la pudeur, pour le projet de loi modifiant le Code électoral en vue de favoriser la participation des femmes aux élections municipales et enfin contre le projet de loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes.
Alain Savary se représente tout naturellement aux élections législatives des 14 et 21 juin 1981 provoquées par la dissolution décidée par le nouveau président François Mitterrand. Porté par la vague rose dans un département qui a voté au second tour de l’élection présidentielle à près de 61% pour le candidat socialiste, Alain Savary est réélu dès le premier tour avec 22 445 des 44 720 suffrages exprimés, soit 50,2% des voix.
Nommé ministre de l’éducation nationale dans le premier gouvernement Mauroy le 22 mai 1981, il est d’emblée chargé de mettre en place un « grand service public unifié de l’Éducation nationale ». Il négocie prudemment et patiemment avec toutes les parties en présence malgré les fortes pressions des franges les plus zélées du parti socialiste et des syndicats d’enseignants. Par touches successives, il ouvre une ère nouvelle du système éducatif français avec la création des zones d’éducation prioritaire (ZEP), la réforme du système des thèses, des cycles et des programmes scolaires et en associant de plus près universitaires et pédagogues qui lui remettent régulièrement le fruit de leurs réflexions (rapports de Peretti, Legrand, Prost etc.).
Deux événements majeurs vont toutefois marquer son ministère et les mémoires. Tout d’abord, l’adoption le 26 janvier 1984, de la loi sur l'enseignement supérieur, dite loi Savary, qui procède à une large réforme de l'enseignement supérieur et notamment des universités. Elle se place dans la lignée de la loi du 12 novembre 1968, dite loi Faure. La loi crée la notion de « service public d'enseignement supérieur », notion qui doit contribuer à rapprocher les différents cursus (universités, grandes écoles, formations courtes) : ainsi son premier article dispose-t-il que « le service public de l'enseignement supérieur comprend l'ensemble des formations postsecondaires relevant des différents départements ministériels ». Elle fixe aussi les quatre missions de l'enseignement supérieur, à savoir la formation initiale et continue, la recherche scientifique, la diffusion de la culture scientifique et de l'information scientifique et technique et enfin la coopération internationale. Portée par ce succès législatif, il décide de défendre un projet de loi visant à la laïcisation et à l'unification de l'enseignement en France. L’entreprise avance lentement, les résistances sont considérables et multiformes, venues d'une droite effrayée par la radicalité de certaines interprétations possibles, mais aussi d'une gauche déçue par la prudence de la démarche d’Alain Savary et plus encore du président de la République. Finalement, l’ampleur des protestations et la multiplication de manifestations rassemblant plusieurs millions de personnes sont telles que François Mitterrand fait retirer le texte. Ainsi désavoué par le chef de l’État, le ministre présente sa démission le 16 juillet 1984, suivi quelques heures plus tard par celles de Pierre Mauroy et du gouvernement tout entier.
Homme politique de dimension nationale, Alain Savary n’en accorde pas moins une extrême importance à la région Midi-Pyrénées et au sud-ouest. Comme tout député, il est, à partir de 1973, membre de droit du conseil régional, composé à l’époque des parlementaires nationaux et de représentants désignés par les conseils généraux et les grandes villes. La gauche étant majoritaire au conseil et les socialistes en plus grand nombre que les communistes, la présidence ne peut revenir qu’à un socialiste en vertu de la logique d’union de la gauche. Elle revient à Alain Savary qui est élu le 10 janvier 1974 à la tête de l’Établissement public régional par 50 voix sur 77 votants. À peine élu, il prend d’emblée toute la mesure et l’importance de cette nouvelle fonction, acquis de longue date qu’il est à la décentralisation et à la région. Au sein du nouveau parti socialiste, il a été au reste l’initiateur de la rupture avec la vision centralisatrice qui prévalait à la SFIO. Malgré l’opposition ferme des représentants de l’État au sein de l’exécutif régional, il parvient à créer l’Institut régional de développement industriel dont le rôle était d’une part de collecter l’épargne pour l’investir dans les entreprises régionales et, de l’autre, d’étudier les projets industriels créateurs d’emploi pour leur offrir ces financements grâce à la garantie de la région. Homme de conviction et de principe, très attaché au non cumul des mandats, il décide alors que rien ne l’y contraint, de démissionner de la présidence du Conseil régional dès sa nomination rue de Grenelle d’où il continue toutefois à porter un regard bienveillant et attentif sur sa région électorale d’adoption.
L’échec qu’il essuie trois ans après au ministère de l’éducation nationale met un terme brutal et définitif à sa carrière politique. Dès lors, l’homme, empreint d’une amertume compréhensible et d’une certaine tristesse, se retire de la scène publique. Il se livre à l’écriture et s’attèle à la rédaction de mémoires que la maladie a laissés inachevés. Il est à cet égard l’auteur de divers ouvrages de réflexion ou de souvenirs politiques ou d’essais d’économie dont Nationalisme algérien et grandeur française (1960), Fabrications nouvelles (1965), Pour le nouveau parti socialiste (1970) ou En toute liberté (1985). Croix de guerre 39-45 avec quatre citations, titulaire de la médaille de la Résistance et de la Silver Star Medal, officier de la Légion d’honneur, Alain Savary s’honorait surtout d’être compagnon de la Libération et membre, depuis juillet 1979, du conseil de l’Ordre de la Libération. Signe de la trace qu’il a laissée auprès du monde éducatif ou associatif, son nom demeure à ce jour associé à plusieurs dizaines de centres, collèges ou lycées à travers la France entière.