Joseph Schaff
1906 - 1981
SCHAFF (Willibald, Joseph)
Né le 9 novembre 1906 à Sarreguemines (Moselle)
Décédé le 15 juillet 1981 à Metz (Moselle)
Membre de la seconde Assemblée nationale constituante (Moselle)
Député de la Moselle de 1946 à 1958
Joseph Schaff est issu d’une famille lorraine, région à laquelle il a consacré toute sa vie publique, trente années durant. Son père étant décédé en 1920, le jeune Joseph, qui n’a que quatorze ans, doit rapidement travailler, une fois ses études secondaires achevées. Il épouse en 1930 Marguerite Helvig, également lorraine. Entré en 1923 à la SNCF comme élève de bureau à Bening, il gravit les échelons et devient contrôleur technique principal à la gare de Metz en octobre 1940, mais ne renie jamais ses origines ouvrières, bien au contraire : «Mon grand honneur, mon titre de noblesse, c’est de faire partie de cette classe ouvrière que vous attaquez sans y avoir jamais rien compris» déclare-t-il un jour dans sa mairie de Montigny-lès-Metz à un patron. La deuxième guerre mondiale représente un tournant dans la vie de Joseph Schaff, qui s’engage pour combattre en 1939 et qui, par la suite, participe activement à la Résistance, dans une situation extrêmement délicate du fait de ses responsabilités professionnelles dans une Moselle annexée par le Reich.
Cet engagement lui vaut d’être membre à la Libération, dès le 1er décembre 1944, de la délégation municipale spéciale de Montigny-lès Metz. C’est le début d’une grande carrière d’édile : il est élu maire de cette cité cheminote en octobre 1945. Parallèlement, il assure la présidence de l’Union des maires de Metz-campagne, de juillet 1945 à sa retraite politique, trente-deux ans plus tard. C’est avec un même succès qu’il entame en juin 1946 une brillante carrière de parlementaire, après un échec en octobre 1945 du fait d’une sixième position, qui ne laissait que peu d’espoir, sur la liste MRP de la Moselle. Joseph Schaff s’affirme au sein de cette dernière tout au long des scrutins, liste marquée par la figure de Robert Schuman : quatrième en juin et novembre 1946, troisième en 1951 et enfin deuxième en 1956.
En juin 1946, le MRP recueille 111 312 suffrages qui se portent sur la liste conduite par Robert Schuman, soit plus du double des voix recueillies par la liste du PCF, deuxième force électorale en Moselle. En novembre de la même année, le score du MRP s’améliore, avec 115 705 voix obtenues, malgré un tassement au niveau national et, au niveau départemental, le succès de la liste d’Union gaulliste-Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR).
La situation a bien changé en 1951 : si le MRP mosellan peut compter sur la popularité indéfectible de Robert Schuman, il doit faire face à la redoutable concurrence du RPF, d’où le choix à la fois de s’apparenter avec la liste « SFIO et RGR », mais aussi d’ouvrir la liste aux indépendants et paysans pour constituer une Union Lorraine. L’engagement électoral, présenté par ladite Union, insiste sur le fait qu’elle a offert de s’apparenter avec le RPF, notamment pour faire barrage au PCF, offre que les gaullistes mosellans ont préféré repousser. Bien que la liste sur laquelle se présente Joseph Schaff chute à 89 119 voix — mais il recueille 91 119 suffrages sur son seul nom — et que le RPF arrive largement en tête (122 331 voix), le maire de Montigny-lès-Metz réussit à conserver son siège. La Moselle n’a plus quatre députés MRP, mais trois seulement. En 1956, le MRP retrouve ses quatre sièges et réussit ce qui avait été impossible en 1951, un large apparentement entre le centre et la droite, les anciens députés RPF se présentant sous l’étiquette « liste d’Entente et de Progrès ». Le MRP redevient la première force du département, avec 94 197 voix. Fait notable, Joseph Schaff recueille plus de suffrages que Robert Schuman (99 707 contre 99 075), ce qui témoigne d’une belle réussite locale. Il est vrai qu’il a su assurer, avec succès, le secrétariat général de la fédération MRP de Moselle et la publication de son hebdomadaire, Action MRP, à partir de 1952, tout en fournissant un travail parlementaire de première force au cours de ses douze années de mandat.
En effet, Joseph Schaff appartient à ces députés qui, sans jamais être « tête de liste » ou entrés au gouvernement, animent la vie parlementaire par un labeur incessant, mettant à profit la continuité que lui offrent ses mandats successifs. Durant son premier mandat, sous la seconde Constituante, Joseph Schaff est membre de la commission des affaires économiques, des douanes et des conventions commerciales. Il ne dépose qu’une proposition de loi très technique : il s’agit de supprimer l’effet rétroactif de l’ordonnance du 23 juillet 1945 relative au cumul de deux ou plusieurs pensions. Sous la première législature de la Quatrième République, il est membre de la commission des moyens de communication et du tourisme (1946-1951) et en est le secrétaire en 1951. Il appartient à la commission de l’intérieur (1948-1951). Il est appelé à figurer sur la liste des jurés de la Haute Cour de justice, le 20 mai 1947.
Sous la législature suivante, il retrouve la commission de l’intérieur (1951-1955) et celle des moyens de communication et du tourisme (1951-1955), aréopage qui le désigne au Conseil supérieur des transports, le 9 août 1951, et pour faire partie, à partir du 7 février 1955, de la commission interparlementaire chargée d’étudier la simplification des formalités de frontières. Ceci ne peut laisser indifférent un mosellan proche de Robert Schuman. Enfin, il siège à la commission du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du règlement et des pétitions (1953-1954). Lors de son dernier mandat, ses habitudes et la technicité acquise précédemment le poussent à retrouver la commission des moyens de communication et du tourisme (1956-1958). Cette dernière le désigne pour faire partie de la sous-commission chargée de suivre et d’apprécier la gestion des entreprises nationalisées et des sociétés d’économie mixte, le 12 novembre 1957. Il innove en devenant l’un des membres de la commission de la reconstruction, des dommages de guerre et du logement (1956-1958).
L’importante activité parlementaire de Joseph Schaff peut être mesurée par le nombre de textes rédigés, tout autant que par ses nombreuses interventions en séance publique. Entre 1946 et 1951, il dépose cinq propositions de loi, neuf propositions de résolution, signe ou cosigne quatorze rapports et un rapport supplémentaire, soumet trois avis. Il intervient à treize reprises en séance publique, au cours desquelles il défend sept amendements. Il remplit les fonctions de rapporteur, dans la discussion du projet de loi relatif aux frais de mission et indemnités des maires et adjoints, le 17 septembre 1948.
Sous la deuxième législature de la Quatrième République, il dépose quatorze propositions de loi, onze propositions de résolution, vingt-deux rapports et deux rapports supplémentaires, trois avis enfin. A nouveau, il prend la parole à de multiples reprises – vingt fois - dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, de 1951 à 1955. C’est l’occasion pour lui de défendre trente-deux amendements, vingt-et-un amendements indicatifs et une motion préjudicielle. L’une de ses dernières interventions de la législature, le 11 mai 1955, est accomplie comme rapporteur pour avis du projet de loi relatif au deuxième plan de modernisation et d’équipement : il y défend la coordination des transports avec la SNCF, la reconstruction des bâtiments de voyageurs, évoque les lignes secondaires, les routes, le tunnel sous le Mont-Blanc.
Enfin, entre 1956 et 1958, onze nouvelles propositions de loi sont déposées par le député démocrate-chrétien de la Moselle, comme dix propositions de résolution, douze rapports et trois rapports supplémentaires. A sept reprises, il monte à la tribune pour défendre, notamment, vingt-sept amendements, trois motions préjudicielles, un amendement indicatif et deux articles additionnels.
Toutes ces initiatives, rythmant une carrière parlementaire de douze années, reflètent évidemment l’implication dans la commission des transports d’un ancien inspecteur général de la SNCF. Vingt-huit textes concernant la Société nationale des chemins de fer français ont été déposés directement par Joseph Schaff. Il s’agit essentiellement de déterminer les conditions dans lesquelles peuvent être attribuées les réductions pour les retraités, les jeunes ou les salariés lors des congés payés. Le premier rapport qu’il présente sur ce sujet date du 19 mai 1949, et le dernier du 3 avril 1957. Sa connaissance du statut des agents de la SNCF l’amène à se pencher sur celui des agents des Postes et télécommunications (PTT), que ce soit au sujet du recrutement des contrôleurs (proposition de résolution du 24 mars 1953 et rapports des 5 et 19 novembre 1953) ou pour interdire le travail de nuit pour les femmes (rapport du 17 septembre 1957).
Le spécialiste des transports s’intéresse à l’automobile, pour laquelle il réclame à la fois une réforme du permis de conduire (introduction d’un carnet de permis de conduire, proposition de résolution du 7 avril 1954) et surtout une obligation d’assurances, pour laquelle il milite avec ténacité (proposition de résolution du 16 mai 1951, renouvelée le 14 juin 1956).
L’action de l’élu local se reflète également à travers deux préoccupations, l’une concernant la gestion des obsèques et des cimetières (proposition de loi du 13 février 1947 ; rapports du 20 janvier 1950 et du 21 novembre 1951) et l’autre, les indemnités des maires et adjoints (rapport du 30 juin 1948 et rapports supplémentaires du 30 juillet et 25 août 1948).
Enfin, le Lorrain se montre attaché, d’une part, à défendre le particularisme mosellan tout en essayant, d’autre part, de cicatriser les plaies douloureuses laissées par une histoire tourmentée. Il dépose plusieurs propositions de loi relatives à la spécificité du droit d’Alsace-Moselle, pour supprimer des éléments inutiles - la loi de 1895 nécessitant d’avoir l’avis des personnes les plus imposées de la commune pour certaines décisions du conseil municipal (proposition de loi du 17 mars 1951) - ou pour renforcer le particularisme mosellan. Le rapport du 23 février 1950 sur l’attribution à Paris d’un édifice cultuel pour l’Eglise réformée de la confession d’Augsbourg, au nom de la commission de l’intérieur, règle une question pendante depuis la Séparation de 1905 : il s’agit de confier à des pasteurs d’Alsace ou de Moselle l’ancienne église de l’ambassade d’Allemagne, afin de maintenir un culte en allemand, tout en ayant des desservants français, pour éviter que le temple de la rue Blanche ne redevienne un sanctuaire du nationalisme allemand. En effet, cette église évangélique a été bâtie en 1894, puis gérée par une cultuelle liée à l’ambassade d’Allemagne, selon les dispositions de la loi de Séparation. Mise sous séquestre entre 1914 et 1926, elle a été restituée à l’association cultuelle allemande en 1927, et devient de plus en plus un lieu de propagande pangermaniste dans les années trente, situation qui inquiète le gouvernement français, car de nombreux Alsaciens de Paris s’y rendent pour entendre l’office en allemand, malgré l’Union alsacienne d’activité chrétienne, mise sur pied pour les détourner de ce lieu de culte. Une loi de Vichy donne à la cultuelle non seulement la jouissance du lieu, mais aussi la pleine propriété immobilière du bâtiment. La Libération entraîne une nouvelle mise sous séquestre, l’église étant confiée à la Fédération protestante de France, ce qui prive la capitale d’un temple où le service protestant pourrait se faire dans la langue de Luther, d’où la conclusion avancée par Joseph Schaff. Le maintien du Concordat peut apporter des solutions précieuses à la République française et Joseph Schaff, en suggérant cette solution, prouve par l’exemple que l’introduction des lois laïques en Alsace-Moselle serait « une erreur politique ».
Ce proche de Robert Schuman se montre également très attaché à enraciner son département dans l’Europe, réclamant plusieurs fois la remise en navigabilité de la Moselle, de Thionville à la frontière franco-allemande (proposition de résolution du 23 avril 1948). Il profite de la discussion sur la ratification du traité instituant la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) pour souligner devant les députés l’importance de l’aménagement de la Moselle (séance du 7 décembre 1951), sujet qui conduit à une rencontre entre Pinay et Adenauer en 1955. Il se montre également très attaché au règlement de la question sarroise dans le respect des intérêts de la population locale, désapprouvant le financement d’une propagande pro-française par le Haut Commissariat sarrois (séance du 26 juillet 1950).
Il n’hésite également pas à intervenir pour les Mosellans qui ont pu se trouver au service du IIIe Reich, proposant notamment que les années passées sous l’uniforme allemand comptent pour la retraite des militaires de carrière (proposition de loi du 13 février 1952). Il souhaite également que les étrangers résidents en France, incorporés de force dans la Wehrmacht, puissent recevoir des pensions d’invalides de guerre (proposition de loi du 5 mars 1954). Il propose, enfin, de prendre en compte les services effectués sous la contrainte dans la Luftschutz Politzei, ou police de défense aérienne (proposition de loi du 17 juillet 1957).
La fin de la Quatrième République met un terme brutal, mais non définitif, à cette intense activité parlementaire puisque, si Joseph Schaff conserve ses mandats locaux, il ne retrouve qu’en 1962 son siège de député, qu’il conserve jusqu’en 1968. Il continue une grande carrière d’édile, réélu continûment jusqu’en 1977 maire de Montigny-lès-Metz. Il accompagne l’essor remarquable de sa commune qui gagne 10 000 habitants entre 1946 et 1960, alors qu’elle a souffert des bombardements pendant la guerre, et en fait un modèle de développement communal, cité à plusieurs reprises en exemple. Il milite, en tant que maire, pour un «réalisme constructif». En 1966, Konrad Adenauer a fait l’honneur d’une visite à Montigny-lès-Metz .
Il meurt le 15 juillet 1981 à Metz.
SCHAFF (Willibald, Joseph)
Né le 9 novembre 1906 à Sarreguemines (Moselle)
Décédé le 15 juillet 1981 à Metz (Moselle)
Député de la Moselle de 1946 à 1958 et de 1962 à 1968
Conseiller général de Pange, maire de Montigny-les-Metz et député sortant, Joseph Schaff dispose d’une très solide implantation à la veille des élections législatives des 23 et 30 novembre 1958, qui marquent le retour au scrutin d’arrondissement. Il s’y présente dans la deuxième circonscription de la Moselle et reçoit l’investiture du Mouvement républicain populaire (MRP). Paul Lavaux, qui se réclame d’une « Union nationale pour la Vème République » et Paul Mirguet, membre des Républicains sociaux, qui a rejoint l’UNR, lui disputent au premier tour les voix du centre et de la droite. Avec 39,8% des suffrages exprimés, Joseph Schaff arrive en tête le 23 novembre 1958. C’est le canton de Pange qui lui apporte son meilleur résultat, avec 48,7% des voix. La quadrangulaire qui l’oppose au candidat communiste et aux deux autres modérés coûte son siège à Joseph Schaff. Le gaulliste Paul Mirguet est en effet élu député de la Moselle grâce au soutien de 47,3% des électeurs, contre 38,5% pour le sortant, qui a perdu plus de 1000 voix entre les deux tours.
Confirmé dans ses mandats locaux, Joseph Schaff se présente aux législatives de novembre 1962 comme candidat du MRP et du Centre démocratique. Dans sa profession de foi, il dit sa confiance en de Gaulle et « salue les éminents services qu’il a rendus à la France depuis 1958 ». Il plaide cependant en faveur d’une application stricte de la Constitution de la Vème République, dont la lettre définit selon lui un régime parlementaire. Ce proche de Robert Schuman souhaite la mise en place d’un « véritable gouvernement européen ». L’ancien parlementaire s’engage enfin à œuvrer en faveur de la suppression totale des zones de salaires. En l’absence de candidat socialiste ou radical, il devance le député sortant UNR (43,5%) au premier tour en obtenant 47,2% des suffrages exprimés. Une semaine plus tard, il bénéficie en partie d’une légère hausse de la participation et du report en sa faveur d’une fraction des voix communistes. Le soutien de 49,5% dans le cadre d’une triangulaire des électeurs lui permet de retrouver les bancs de l’Assemblée nationale.
Il s’inscrit au groupe du Centre démocratique et siège à la Commission de la production et des échanges de l’Assemblée nationale sous la deuxième législature de la Vème République. Le 13 février 1963, il dépose une proposition de loi visant à relever le montant maximum des dépôts autorisés sur les livrets de caisses d’épargne. Le député de la Moselle relève en effet, dans l’exposé des motifs, que la France est le seul pays de l’Europe des Six à avoir fixé un plafond pour ce type de dépôts. Les caisses d’épargne sont alors les principales émettrices de prêts à long terme à destination des collectivités locales : pour continuer à remplir cette mission, elles doivent pouvoir bénéficier de dépôts plus importants. Un an plus tard, l’élu lorrain s’associe à ses collègues Raymond Mondon, Pierre Baudis et Henri Fréville pour déposer une proposition de loi créant un fichier domiciliaire dans chaque commune. Les dispositions en prévoient que toute personne élisant domicile en France ou y changeant de résidence devrait en faire la déclaration en mairie sous peine de poursuites.
Joseph Schaff prend la parole lors de trente cinq séances publiques entre 1962 et 1967 et se montre très actif au Palais-Bourbon. Ses interventions portent notamment sur les problèmes de logement, de construction et de travaux publics. La construction de logements demeurant pour lui « le problème social numéro un », il estime insuffisant l’objectif de 350 000 logements livrés en 1963 et préconise une majoration massive des crédits HLM (séance du 9 janvier 1963). Il se réjouit de la création de postes d’inspecteurs généraux de la construction (10 janvier 1963) et préconise que la reconstruction des ouvrages d’art détruits par faits de guerre devienne une priorité gouvernementale (séances des 5 novembre 1963 et 4 novembre 1964). De nombreux ponts détruits pendant la Seconde guerre mondiale n’ont en effet pas été reconstruits à cette date, en particulier dans les régions frontalières. L’examen de sa question orale avec débat relative à la politique de construction lui offre l’occasion de souhaiter qu’un « véritable plan à long terme » soit mis au point pour le logement social (15 juin 1966). Président d’une société HLM, Joseph Schaff ne limite pas cependant son activité parlementaire à celle d’un spécialiste des politiques de logement. Le 21 octobre 1963, il demande ainsi au gouvernement de mettre au point un programme en faveur de l’enfance inadaptée, qui comprenne la « construction de centres et la formation d’éducateurs spécialisés ». Le député de la Moselle s’intéresse également au problème des abattements de zones de salaires (séance publique du 5 novembre 1963), plaide en faveur d’une extension des compétences du comité d’entreprise dans les entreprises contrôlées par l’Etat (28 juin 1965) ou relaie le « profond malaise » de collectivités locales qui assument des missions de plus en plus nombreuses sans bénéficier de transferts de charges nécessaires de la part de l’Etat central (séance du 17 mai 1966). Il s’élève en outre contre la suppression du trafic voyageurs de la SNCF sur plusieurs milliers de kilomètres de lignes déficitaires et y voit une atteinte à « la notion de service public » lors de la séance publique du 28 octobre 1966.
Joseph Schaff ne manque pas d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la crise du bassin ferrifère de Lorraine dans les années 1960. Il croit discerner dans l’implantation d’usines de transformation des métaux une voie de reconversion possible pour cette région et estime « que la Lorraine, si souvent meurtrie dans son cœur et dans sa chair par des conflits sanglants, a droit à la paix sociale de même qu’à la compréhension et à l’aide efficace de l’Etat » (séance du 13 décembre 1963). Le 3 novembre 1965, il rappelle que l’avenir de la sidérurgie « suscite, au moins au niveau mosellan, de très sérieuses inquiétudes » et regrette à nouveau que « la Lorraine n’utilise que 10 à 15% de ses produits sidérurgiques », faute d’usines de transformation des métaux.
L’élu lorrain se situe dans l’opposition sous la deuxième législature de la Vème République. Il refuse par exemple d’encadrer le droit de grève dans les services publics (26 juillet 1963), rejette la réforme du mode d’élection des conseillers municipaux (17 juin 1964) comme la transformation du service militaire en service national (26 mai 1965). Il ne pratique pas toutefois l’opposition systématique et approuve par exemple le traité de l’Elysée, qui consacre la réconciliation franco-allemande (13 juin 1963). Il vote également le budget de certains ministères, comme celui de la santé publique pour 1964.
Joseph Schaff refuse l’investiture de l’Union des démocrates pour la Vème République (UD-Vème) pour les législatives de mars 1967. Ce choix peut apparaître comme risqué : la deuxième circonscription a en effet apporté un soutien massif (60,8%) au général de Gaulle dès le premier tour de la présidentielle de décembre 1965. Joseph Schaff explique dans sa profession de foi qu’il a « toujours refusé de signer des chèques en blanc » vis-à-vis de l’exécutif. Se présentant comme un « candidat démocrate indépendant », il ne se revendique pas explicitement du Centre démocrate de Jean Lecanuet, qui a succédé au MRP. Joseph Schaff met l’accent sur les problèmes sociaux dans ses documents électoraux et s’indigne que « 70% des Français gagnent encore moins de 800 francs par mois ». 48,2% des électeurs de la deuxième circonscription de Moselle lui accordent leur confiance dès le premier tour. Le 12 mars 1967, il est réélu député avec une confortable majorité (65,8%) face à Yves Guermont, maire de Rozérieulles et candidat de l’UD-Vème République.
Le maire de Montigny-les-Metz s’apparente au groupe Progrès et démocratie moderne (PDM) de l’Assemblée nationale en avril 1967, puis s’y inscrit un an plus tard. Il retrouve la Commission de la production et des échanges sous la troisième législature et intervient à six reprises dans l’hémicycle. Il prend notamment part à la discussion de la loi d’orientation foncière et urbaine pour appeler à la codification et à la simplification de « l’arsenal des textes relatifs au permis de construire », le 20 juin 1967. Quelques semaines plus tard, le député de la Moselle défend l’idée d’un livret du travail qui « représenterait en quelque sorte la carte d’identité du salarié » et où figureraient « ses certificats, ses diplômes, sa qualification professionnelle » et les emplois qu’il a successivement occupés (séance du 25 octobre 1967). Il attire également l’attention du gouvernement sur la précarité de la situation financière des veuves d’agents de la SNCF, qui ne bénéficient que de 50% seulement de la pension de leur époux (27 octobre 1967). C’est cependant à la crise de l’industrie et des mines de Moselle qu’il consacre une large part de son activité au Palais-Bourbon. La solidarité nationale exige par exemple, selon lui, que des investissements importants soient réalisés en matière d’infrastructures pour faciliter le transport du charbon mosellan (séance du 10 mai 1967). Il demande que les régions concernées soient classées en « zones de développement » et que le niveau annuel de production de charbon des houillères du bassin de Lorraine soit maintenu à hauteur de 15 millions de tonnes (séance du 3 novembre 1967). Joseph Schaff vote la motion de censure du 9 juin 1967 contre les pouvoirs spéciaux demandés par le gouvernement pour légiférer en matière économique et sociale.
Les gaullistes, sous l’étiquette de l’Union pour la défense de la République, lui opposent l’avocat Pierre Kédinger aux élections législatives de juin 1968. Joseph Schaff est handicapé par son image d’opposant au pouvoir, dans un contexte favorable à l’UDR et à ses alliés. Il rassemble 39,6% des suffrages exprimés le 23 juin 1968, mais est devancé par Pierre Kédinger (42,4%). Seul le nouveau canton de Montigny-les-Metz le place en tête en cette circonstance, avec 49,1% des voix. Au second tour, les voix communistes et socialistes ne se reportent que très imparfaitement sur Joseph Schaff, ce qui entraîne sa défaite face au candidat gaulliste (54% des suffrages exprimés), qui ne disposait pourtant à première vue d’aucune réserve de voix.
La carrière parlementaire de Joseph Schaff est alors achevée. Il fait partie de ces centristes qui choisissent de rallier la majorité au lendemain des élections présidentielles de 1969 et adhère au Centre démocratie et progrès (CDP) fondé par Jacques Duhamel et Joseph Fontanet. C’est sous cette étiquette qu’il se présente aux législatives de mars 1973 dans la circonscription dont il fut l’élu à l’Assemblée nationale. La candidature de Jean Walgenwitz, qui se revendique du Centre démocrate de Jean Lecanuet, le prive néanmoins d’une partie des voix centristes au premier tour. Le 4 mars 1973, 26,2% des électeurs soutiennent la candidature de Joseph Schaff, contre 27% pour le sortant gaulliste Pierre Kédinger, et 14,7% pour le maire de Solgne Jean Walgenwitz. Seuls les cantons de Pange (33,6%) et de Montigny-les-Metz (35,2%) placent Joseph Schaff en tête. Aucun des trois principaux candidats modérés n’ayant accepté de se retirer, le second tour donne lieu à une quadrangulaire qui profite à Pierre Kédinger. Il l’emporte en effet avec 39,2% des voix, devant le socialiste Emile Reiland (28,5%), Joseph Schaff (23,2%) et Jean Walgenwitz (9%).
Joseph Schaff continue de jouer un rôle important dans la vie politique mosellane après cette défaite, en tant que conseiller général de Pange (jusqu’en 1976) et maire de Montigny-les-Metz. Il est en outre très actif dans le milieu associatif : il préside notamment l’Association Robert Schuman pour l’Europe jusqu’en janvier 1981 ou l’Association des médaillés de la reconnaissance française de Moselle.
L’ancien député décède à Metz, quelques semaines après la victoire de la gauche aux élections présidentielles, puis législatives.