Julien Schvartz
1925 - 2014
SCHVARTZ (Julien)
Né le 11 avril 1925 à Bouzonville (Moselle)
Décédé le 6 décembre 2014 à Vandœuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Député de Moselle de 1962 à 1981
Julien Schvartz naît le 11 avril 1925 à Bouzonville, petite bourgade mosellane, située à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Metz, où ses parents, agriculteurs à l’origine, tiennent une épicerie-mercerie à partir de 1921. Ses excellentes études secondaires à Metz au collège jésuite Saint-Clément, de 1934 à 1940, période durant laquelle il fréquente la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC), puis au lycée Fabert, de 1940 à 1944 sous l’annexion allemande, sont sanctionnées par un baccalauréat allemand en 1944, puis par son équivalent français en 1945. Après la guerre, il s’inscrit à la Faculté de médecine de Nancy. Il en sort docteur en 1951 et s’installe, en août 1952, comme médecin généraliste non loin de son lieu de naissance, à Boulay-Moselle, dans l’arrondissement de Forbach. Il en devient vite une personnalité très appréciée par la population. Jusqu’au terme de sa carrière politique, Julien Schvartz continuera d’exercer son métier de médecin, dans un cadre libéral essentiellement, mais aussi à temps partiel en médecine hospitalière. Il appartient au syndicat des médecins de la Moselle et siège au comité directeur de la section locale de la Croix-Rouge française.
Bien qu’acquis aux idées du général de Gaulle, Julien Schvartz ne milite pas dans une formation gaulliste sous la IVème République, ni au Rassemblement du peuple français (RPF) ni chez les Républicains sociaux. Il ne rejoint pas non plus l’UNR à l’automne 1958 et devient maire de Boulay, en 1959, à la tête d’une liste largement apolitique. C’est à l’occasion des cantonales de 1961 que le jeune médecin prend sa carte à l’Union pour la nouvelle République (UNR) et devient sous cette étiquette conseiller général du canton de Boulay. Il sera réélu maire et conseiller général jusqu’en 1992. Devenu un notable incontournable de la vie politique de l’est mosellan à moins de quarante ans, Julien Schvartz est investi par l’UNR aux législatives de novembre 1962 dans la cinquième circonscription de la Moselle, qui comprend les cantons de Boulay, Bouzonville, Faulquemont et Saint-Avold. Avec le soutien de son suppléant le comptable Louis Kieffer, il est élu dès le premier tour, avec 27 413 voix, face à Félix Mayer, député sortant, conseiller général, maire de Creutzwald, apparenté au Mouvement républicain populaire (MRP), 14 973 voix et Gabriel Schlosser, communiste, 3 076 voix. Il rejoint le groupe UNR-Union démocratique du travail et siège à la commission des affaires culturelles, avant d’opter l’année suivante pour celle de la production et des échanges. À l’Assemblée, il se rapproche de personnalités gaullistes comme Michel Debré, Roger Frey et Pierre Messmer, lequel s’implantera en Moselle à partir de 1968. Ses interventions portent sur les dossiers économiques relatifs à la situation des houillères et de la carbochimie en Lorraine. Dans la discussion des projets de loi de finances pour 1965, 1966 et 1967, il réclame l’aide du ministère de l’Industrie pour soutenir et diversifier le bassin industriel lorrain en améliorant sa compétitivité (allégement des charges sociales des entreprises, accords franco-allemands avec la Sarre, amélioration de la formation professionnelle, modernisation du réseau de transport). Ses observations sur les risques de chômage et de récession dans les zones industrielles de Saint-Avold et Creutzwald ont été confirmées par la suite.
En mars 1967, Julien Schvartz est facilement reconduit, dès le premier tour, avec 28 959 voix, face à Roger Hen, Centre démocrate, 10 192 voix, Marcel Zieder, communiste, 8 876 voix, et Joseph Koestner, Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), 5 466 voix. Il siège dans le groupe gaulliste de l’Union des démocrates pour la Vème République (UD-Vème) avant d’être réélu conseiller général en septembre. Il siège à la commission de la production et des échanges. La discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1968 lui donne l’occasion de déplorer l’absence à ses yeux d’une véritable politique énergétique. Selon lui, les problèmes liés au coût de revient trop élevé du charbon lorrain nécessitent une intervention de l’État et un soutien de la CEE, qui seuls peuvent régler les difficultés de reconversion.
Aux législatives anticipées de juin 1968, profitant d’une dynamique favorable au gaullisme après l’agitation du mois précédent, Julien Schvartz est réélu au premier tour, obtenant ses meilleurs résultats : avec 32 355 voix face à Robert Perussel, 6 810, Norbert Ahn, Centre démocrate, 6 612 et Marcel Zieder, Parti communiste français (PCF), 5 801. Il est apparenté au groupe Union des démocrates pour la République (UDR) avant d’en être membre le 4 avril 1969 et rejoint la commission de la défense nationale et des forces armées. Ses interventions concernent la politique énergétique française, les difficultés croissantes rencontrées par les houillères françaises et les solutions à y apporter dans le cadre de la préparation du VIème Plan. Julien Schvartz vote pour le projet de loi portant création et organisation des régions, les 27 avril et 13 juin 1972.
Conseiller régional depuis 1972, le député-maire de Boulay est de nouveau candidat dans la même circonscription aux élections législatives de 1973. Pour la première fois pourtant, il doit affronter, avec son nouveau suppléant, Henri Muller, employé aux houillères du Bassin de Lorraine, un second tour dans un contexte politique national difficile pour la majorité. Fort de son bon ancrage local, étant président de l’union des maires du canton de Boulay et vice-président de l’association des maires de l’arrondissement, et à la faveur d’une triangulaire qui l’oppose au candidat de gauche André Podsiadlo, 31,4 % et au maire Centre démocrate de Creutzwald Roger Hesse, 27,4 %, il est réélu avec 41,17 % des suffrages exprimés. Il rejoint le groupe UDR et retrouve la commission de la production et des échanges. À partir de juillet 1973, il siège au conseil d’administration de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales. Il pose une question au gouvernement sur l’incitation du Parti socialiste (PS) à la création de comités de soldats. Lors de la campagne présidentielle de 1974, Julien Schvartz fait partie des parlementaires ayant signé « l’appel des 43 », manifeste, rendu public le 13 avril 1974, remettant en cause la décision de l’UDR de soutenir Jacques Chaban-Delmas.
À l’Assemblée, ce député d’un département de plus en plus concerné par la crise du charbon français suit de près les questions énergétiques et s’intéresse aux conséquences des deux chocs pétroliers. Membre du conseil supérieur de l’électricité et du gaz depuis 1973, il est nommé le 4 juillet 1974 rapporteur de la commission d’enquête sur les pratiques des sociétés pétrolières en France. Le rapport d’enquête a pour objet l’approvisionnement et les conditions dans lesquelles les sociétés pétrolières opèrent en France. Grâce à leur caractère multinational, les compagnies pétrolières ont les moyens d’échapper très largement au contrôle des différents gouvernements. Le rapport constate que les profits considérables des compagnies pétrolières ont été utilisés par celles-ci pour développer leur puissance à tous les stades de l’industrie pétrolière et en dehors de celle-ci. Le rapport souligne le caractère intégré des firmes pétrolières qui leur permet de développer des activités dépassant l’importation des produits pétroliers en France, à laquelle fait référence la loi de 1928 relative au régime d’importation du pétrole, qui déléguait son monopole de raffinage et de distribution des produits pétroliers à des opérateurs autorisés. Le rapport préconise la mise en place d’un organisme autonome de conception et de contrôle de la politique pétrolière de l’État ainsi qu’une simplification qui pourrait aller jusqu’à la future fusion entre la Compagnie française des pétroles (CFP) et Elf-Erap. Le rapport demande enfin l’organisation d’un débat public sur les grandes questions relatives à l’industrie pétrolière et une appréciation des investissements pétroliers et de leur nécessité en fonction de la politique de l’énergie définie par le gouvernement. Le retentissement du rapport contribue à la notoriété nationale de celui qui s’était spécialisé dès les années 60 dans les questions industrielles et énergétiques.
À partir d’avril 1976, Julien Schvartz siège au conseil supérieur du pétrole. Il appartient également au Comité pour l’Europe. Durant cette législature, il vote pour le projet de loi Royer d’orientation du commerce et de l’artisanat, le 19 octobre 1973, il vote contre le projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse, le 28 novembre 1974, et pour le projet de portant réforme du divorce, le 4 juin 1975.
Aux législatives de 1978, il est réélu député de la 5ème circonscription de la Moselle au deuxième tour, le 19 mars, sous l’étiquette du Rassemblement pour la République (RPR). Son suppléant Gérard Jawurek est adjoint au maire de Saint-Avold. Fort de 54,4 % des suffrages exprimés, il bat le candidat de gauche Lucien Chevalier. Julien Schvartz reste au groupe RPR et siège dans la commission de la production et des échanges. Il est rapporteur pour avis de cette commission pour le budget de l’industrie. Dans un contexte de renchérissement de la facture pétrolière lié au deuxième choc pétrolier de 1979, le député mosellan défend les économies d’énergie dont il préconise le financement par une taxe spécifique. Il souhaite une plus grande décentralisation de la politique énergétique française et voudrait que les collectivités locales soient davantage associées à cet effort. Il s’intéresse également aux difficultés de la sidérurgie lorraine, à propos de laquelle il recommande une aide de l’État sous forme de subventions et non de prêts. Il envisage même l’instauration d’une participation publique avec minorité de blocage dans les sociétés les plus menacées. En avril 1980, il devient membre de la délégation parlementaire pour les problèmes démographiques. Sensible à la baisse du taux de natalité en France, il suggère une politique fiscale réellement avantageuse pour les couples attendant un troisième enfant. Durant cette législature, Julien Schvartz se montre particulièrement actif. Il est rapporteur pour avis des crédits de l’industrie pour 1980. Il dépose un rapport d’information sur les conditions d’un développement des relations économiques entre la France et l’Australie notamment dans le domaine des approvisionnements en produits minéraux. Il dépose aussi trois propositions de loi, dont une tendant à instaurer une commission des commandes publiques et une autre portant sur les économies d’énergie dans le domaine de l’habitat. Le député vote pour le projet de loi relatif à l’informatique et aux libertés, le 5 octobre 1977, et pour le projet de loi Peyrefitte renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, le 21 juin 1980.
Julien Schvartz est battu pour la première fois aux législatives de juin 1981, balayé par la vague rose consécutive à l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. Il n’obtient en effet que 41,7 % face à Marcel Zieder, PCF, 6 %, et Charles Metzinger, conseiller général, maire de Freyming, qui, avec 52 %, est élu dès le premier tour. Il prend sa revanche en emportant la présidence du conseil général de Moselle en mars de l’année suivante. Il profite de la décision du président sortant, le sénateur-maire de Metz Jean-Marie Rausch, de ne pas se représenter. Un accord est intervenu entre les formations de droite majoritaires à l’assemblée départementale en faveur de la candidature du maire de Boulay. Ce proche de Jacques Chirac a la satisfaction de se faire remettre le 1er octobre 1986 par le Premier ministre en personne, à Boulay, les insignes de chevalier de la Légion d’honneur. Toutefois, le fait de ne plus être parlementaire éloigne Julien Schvartz des instances nationales de son parti et réduit progressivement son influence dans un département où la droite et plus précisément les gaullistes connaissent de fortes tensions internes. En octobre 1991, la direction du RPR, par la voix d’Alain Juppé, informe le président du conseil général de son refus de l’investir comme tête de liste des régionales. Le maire de Boulay s’était obstiné à écarter de la liste les trois parlementaires de droite du département, Jean-Louis Masson, Jean-Marie Demange et Denis Jacquat, au motif d’un problème de cumul de mandat. C’est le début du déclin pour celui qui avait autrefois profité de son poids politique pour obtenir l’installation d’une faculté de droit à Metz et favoriser la desserte routière de sa ville par la construction du contournement autoroutier nord-sud et est-ouest. En 1992, comme il l’avait annoncé quatre ans plus tôt lors de sa réélection à la présidence du conseil général, Julien Schvartz décide d’abandonner l’ensemble de ses mandats.
Cette figure emblématique du monde politique mosellan et lorrain s’éteint à 89 ans, le 6 décembre 2014. Maire de Boulay de 1959 à 1992, président du conseil général de la Moselle de 1982 à 1992, conseiller régional de 1972 à 1986 puis de 1992 à 2004, il a marqué l’histoire de sa ville, de son département et de sa région. Dirigeant du tennis-club de Boulay, capitaine d’équipe de football, membre de diverses sociétés littéraires et artistiques locales, médecin capitaine de réserve, Julien Schvartz était officier de la Légion d’honneur et titulaire de la médaille de l’éducation physique et des sports. Marié, père de quatre enfants, il avait déposé ses archives d’homme public aux Archives départementales de la Moselle sous la cote 65 J dont les cartons concernent l’ensemble de sa carrière politique de 1945 à 1995.