Jean, Marcel Raffarin
1914 - 1996
RAFFARIN (Jean, Marcel)
Né le 23 mars 1914 à Vouzailles (Vienne)
Décédé le 19 janvier 1996 à Chasseneuil-du-Poitou (Vienne)
Député de la Vienne de 1951 à 1956
Secrétaire d’Etat à l’agriculture du 19 juin 1954 au 23 février 1955
Toute la carrière professionnelle et politique de Jean Raffarin a été marquée par une priorité: la défense du monde agricole, la volonté inébranlable d’intégrer « la paysannerie dans la nation. » C’est son père, Alfred Raffarin, un ancien ouvrier agricole devenu maire de son village de Vouzailles, qui lui a donné le goût de l’étude et de l’engagement politique. De sa mère, née Emilienne Dadu, il a sans doute hérité le respect des valeurs chrétiennes, auxquelles son père, de sensibilité radicale, semblait moins attaché. Après avoir obtenu son certificat d’études et suivi les cours de l’école complémentaire, il travaille à partir de 14 ans dans l’exploitation familiale, une petite ferme d’une dizaine hectares. Atteint par la maladie de Pott, qui l’oblige à rester pendant deux ans le buste plâtré, il prend alors des cours de comptabilité par correspondance et devient aide-comptable à la coopérative des agriculteurs de la Vienne, à Poitiers, en 1936. C’est ainsi qu’il entre par hasard dans le militantisme agricole, un monde qu’il ne quitte plus jusqu’à sa mort. Dès l’année suivante, il est promu comptable, peu avant son mariage avec Renée Michaud, une jeune fille issue d’une famille de marchands de vins des Deux-Sèvres. Elle lui donne quatre enfants, Jacqueline, Gérard, Françoise et Jean-Pierre. Né le 3 août 1948, ce dernier suit avec succès les traces de son grand-père et de son père dans la vie politique. Réformé en 1939 à cause de ses problèmes de santé, Jean Raffarin devient chef-comptable puis directeur de la coopérative en 1940, ce qui lui permet de participer à la lutte clandestine en faisant passer des résistants en zone libre, les silos de la coopérative étant situés de part et d’autre de la ligne de démarcation.
En 1947, il succède presque naturellement à son père à la tête de la mairie de Vouzailles, avant d’être élu conseiller général du canton de Mirebeau en 1949, un siège qu’il conserve pendant trente ans. Parallèlement, il commence surtout à se faire un nom dans le monde agricole et coopératif, d’abord à l’échelle du département, puis de la région. Il fonde la Cave coopérative des viticulteurs de la Vienne (1948), l’Union laitière du Haut-Poitou (1957), ainsi que la coopérative laitière de Chasseneuil-du-Poitou, à douze kilomètres au nord de Poitiers, où il vient s’installer avec sa famille, dans un manoir baptisé Le Logis (1959). Sa notoriété régionale, ainsi que son engagement en faveur des intérêts agricoles, le poussent à se porter candidat aux élections législatives dans la Vienne, en juin 1951, en tête de la liste républicaine d’Union des Indépendants, des Paysans et des Républicains Nationaux.
Anti-étatiste, mais aussi pro-européenne, favorable à la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) ainsi qu’à un « pool vert » de l’agriculture, cette liste se présente avant tout comme une « liste professionnelle agricole », appuyée sur les organisations du secteur. C’est à ce titre que Jean Raffarin a accepté d’y figurer. Grâce à l’apparentement conclu avec les autres listes de la Troisième force, il parvient à être élu, le seul des quatre candidats de la liste, réunissant 15 043 voix sur 149 675 exprimés. Sont élus avec lui Adrien André, tête de liste du Parti républicain radical et radical-socialiste, Gérard de Montjou, qui mène celle du Rassemblement des Gauches Républicaines (RGR) et Pierre Abelin, qui mène celle du MRP, toutes trois apparentées avec la liste de Jean Raffarin.
Inscrit au groupe parlementaire des indépendants et paysans, il siège à la commission des finances de 1951 à 1955, puis à celle des moyens de communication et du tourisme, du 8 mars 1955 à la fin de la législature, en janvier 1956. Le 20 janvier 1953, il est appelé à représenter l’Assemblée nationale au sein de la Commission consultative de la viticulture. Conformément à ses engagements, la plupart de ses initiatives de député - 19 textes déposés - concerne la défense des intérêts agricoles, comme en témoigne la presque unanimité de ses neuf propositions de loi, de ses quatre propositions de résolution et de ses six avis sur le prix des baux à la ferme (23 août 1951), sur la suppression des droits de succession en ligne directe et entre époux (24 août 1951), sur la transmission d’une exploitation agricole (5 décembre 1951), sur la retraite des exploitants agricoles (7 février 1952), sur le fonds spécial d’assainissement du marché de la viande (20 octobre 1953), sur l’aide aux agriculteurs et viticulteurs victimes de la gelée (27 mai 1955) ou en faveur des cultivateurs de la Vienne, victimes de la grêle (20 juillet 1955).
De même, l’essentiel de ses onze interventions concerne le monde agricole : création d’une taxe sur les produits alimentaires importés (22 décembre 1951), intervention en faveur des investissements publics, sous le gouvernement Pinay qu’il recommande vivement d’investir dans la modernisation et l’équipement de l’agriculture (1er avril 1952) ou contre l’invasion de produits agricoles étrangers (8 juillet 1952). Son discours le plus important est prononcé lors de la troisième séance du 20 octobre 1953 lorsque, déplorant l’absence d’une politique agricole d’ensemble, il réclame des droits protecteurs et demande au gouvernement Laniel de mener une « politique de réintégration de la paysannerie dans la nation. ». Il est le rapporteur du budget des prestations familiales agricoles en 1953 et 1954.
Lors des votes décisifs, il apparaît comme un progressiste, homme d’ouverture et sans parti pris. C’est ainsi qu’il s’abstient lors du vote de la proposition Marie-Barangé, pomme de discorde entre les partenaires de la Troisième force (21 septembre 1951), alors qu’il vote la ratification du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), premier pas vers l’intégration européenne (13 décembre 1951). S’il vote les investitures d’Antoine Pinay (6 mars 1952) et d’André Laniel (26 juin 1953) qui représentent sa famille politique, il est aussi l’un des rares députés indépendants à voter l’investiture du radical Pierre Mendès France (17 juin 1954). Séduit par cette volonté progressiste, ainsi que par les compétences de Jean Raffarin sur les questions agricoles, le nouveau président du Conseil l’appelle au secrétariat d’Etat à l’agriculture (19 juin 1954), poste qu’il conservera jusqu’à la chute du cabinet Mendès France, le 23 février 1955. Il semble que ce dernier ait d’abord proposé à Jean Raffarin le poste plus prestigieux de garde des Sceaux, mais le député de la Vienne a préféré se cantonner à ses thèmes de prédilection. C’est lui qui donne l’idée à Mendès France de distribuer un verre de lait quotidien à chaque enfant, dans les écoles. En sa qualité de secrétaire d’Etat, il continue son combat en faveur des intérêts de la paysannerie. S’il ne dépose aucun projet de loi, il intervient à de multiples reprises sur les textes d’initiative gouvernementale ou parlementaire qu’il estime intéressants. Il s’investit, comme membre de l’exécutif cette fois-ci, au chapitre du budget des prestations familiales agricoles, le 25 juin 1954, pour en défendre la hausse. Au mois de juillet 1954, après avoir soutenu les positions gouvernementales au sujet de la ratification d’un accord international sur le sucre (30 juin 1954), ainsi que les prêts sociaux en agriculture, le 9 juillet suivant, il prend une part conséquente à la discussion d’une proposition de loi relative au régime de l’allocation vieillesse agricole. Elle occupe les six derniers mois de la même année. Le député de la Vienne souhaite aligner le système des retraites agricoles sur le modèle du commerce et de l’industrie (21 juillet 1954).
Il ne semble pas que la participation de Jean Raffarin au gouvernement Mendès France ait nui à son implantation régionale, bien au contraire. Lors des élections législatives de janvier 1956, il recueille 22 500 voix sur 163 651 suffrages exprimés, soit 7 000 de plus qu’en 1951. C’est néanmoins insuffisant pour être réélu, car la liste d’Union des Indépendants et Paysans qu’il conduit n’a pas conclu d’apparentements. Jean Raffarin tente une nouvelle fois sa chance, lors des élections législatives des 23 et 30 novembre 1958, sous l’étiquette d’Action civique et rurale, dans la troisième circonscription de la Vienne, qui n’est cependant pas son terroir électoral. C’est Henry de Cluzeau, l’adjoint au maire de Poitiers, qui porte les couleurs de son mouvement dans la première circonscription, celle de Vouzailles dont il est le maire. Il est éliminé au premier tour, arrivant quatrième sur les neuf candidats, avec 7 168 voix contre 8 321 pour le communiste André Rideau, 11 525 pour Fernand Chaussebourg, de l’Union des Républicains d’action populaire, et 10 816 pour Claude Peyret, de l’Union pour la Nouvelle République (UNR), finalement élu au deuxième tour.
Resté maire de Vouzailles jusqu’en 1979, conseiller général et président du district rural jusqu’à cette date, Jean Raffarin revient à son pré carré, celui des organisations agricoles. Président d’une vingtaine d’organisations départementales, régionales et nationales, depuis la cave coopérative de Neuville-du-Poitou jusqu’à la Confédération française de la coopération agricole (1966-1972) et la Fédération nationale des coopératives laitières (1970-1978), en passant par la Fédération départementale de la coopération agricole et l’Association des laiteries Charentes-Poitou, il siège au Conseil économique et social de 1960 à 1979 et préside le comité d’organisation des expositions nationales du travail à partir de 1980. Moins engagé dans la vie politique que d’autres personnalités locales, tels Pierre Abelin et René Monory, c’est d’abord et avant tout au mouvement coopératif que Jean Raffarin a voué sa carrière et sa vie. Officier de la Légion d’honneur, il a surtout été promu Commandeur du mérite agricole. Le Logis, où il a terminé ses jours, ne jouxtait-il pas la coopérative laitière de Chasseneuil-du-Poitou ?
Il disparaît au moment où son fils cadet Jean-Pierre, giscardien rallié à Jacques Chirac, est ministre en exercice. Quelques mois plus tôt, le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l’artisanat a été élu sénateur de la Vienne. En mai 2002, à la réélection de Jacques Chirac, il est nommé Premier ministre, fonction qu’il occupe jusqu’au rejet du référendum sur le texte constitutionnel européen du mois de mai 2005.