Michel Raingeard

1919 - 2004

Informations générales
  • Né le 20 juin 1919 à Nantes (Loire-Inférieure - France)
  • Décédé le 27 décembre 2004 à Yerres (Essonne - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Loire-Inférieure
Groupe
Rassemblement du peuple français - ARS
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Loire-Atlantique
Groupe
Indépendants et paysans d'action sociale

Biographies

Biographie de la IVe République

RAINGEARD (Michel, Joseph, Pierre, Marie)
Né le 20 juin 1919 à Nantes (Loire-Atlantique)
Décédé le 27 décembre 2004 à Yerres (Essonne)

Député de la Loire-inférieure de 1951 à 1958

Michel Raingeard est né dans une famille de petite bourgeoisie nantaise, de tradition républicaine modérée. Elle est, par ses ascendances paternelle et maternelle, originaire des marches de Bretagne et de l'Anjou. Son grand-père était cultivateur et propriétaire dans le Pays de Retz, marqué à la fois par le souvenir des guerres de Vendée et par la tradition catholique. Déjà âgé à la fin des années trente, son père, négociant en mercerie, doit assurer lui-même la tâche de représentant itinérant de sa propre affaire, jusque là assurée par un salarié, pour financer les études de ses deux enfants et l'internat du jeune Michel à Paris, de 1936 à 1939. Sa mère lui donne le goût de la littérature, déterminant la vocation qui le conduit, dans un premier temps, au professorat. Cette prédilection demeurera, illustrée pendant cinquante ans par ses chroniques littéraires. Sa curiosité est aussi précocement ouverte sur l'outre-mer, par un de ses oncles, prêtre, qui l'introduit dans le monde missionnaire. Cet intérêt est confirmé par l'orientation de son frère aîné, ingénieur agronome, vers l'activité cotonnière.
Après une scolarité primaire et secondaire à l'externat des Enfants nantais, école catholique de grand renom local, bachelier à 17 ans en 1936, il est élève de khâgne au Lycée Louis-le-Grand, puis obtient sa licence de lettres classiques à la Sorbonne. Il est impressionné par des professeurs tels que René Le Senne et Albert Bayet. Mobilisé en 1939, il connaît le choc de la débâcle de juin 1940. Replié à Nantes, il y enseigne deux ans, aux Enfants nantais où il fut naguère élève. Il regagne Paris en 1942 : il y assure la classe de Première de l'école Bossuet, tout en obtenant un diplôme d'études supérieures de lettres classiques sur Charles Monselet. Il est, par la suite, délégué rectoral à Louis-le-Grand. Il soutiendra plus tard une thèse sur L'opinion publique française et l'Afrique. Le 4 septembre 1945, il épouse Anne-Françoise Duport, une amie d'enfance ; il en a cinq enfants, nés de 1947 à 1955.
Michel Raingeard s'est impliqué très tôt dans quelques engagements durables. Encore élève du secondaire, il est un des fondateurs de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) à Nantes au milieu des années trente. Pendant ses études de Première supérieure à Louis-le-Grand, il est membre du Cercle national des khâgnes (CNK), qui regroupe toutes les droites dans une activité surtout conférencière, marquée par les prestations de ténors de la politique. Son père appartient à la Fédération républicaine de France : proche du président Louis Marin et de son lieutenant Henri Becquart, il partage leur antipétainisme. La réputation familiale qui en découle vaut à Michel Raingeard d'être désigné par eux pour siéger au Comité directeur de la Fédération républicaine en avril 1945 : il y représente les jeunes du parti. Il devient, en même temps, une plume du courant modéré reconstitué en 1945. Tout en continuant son enseignement jusqu'en 1946, il est éditorialiste et critique littéraire à L'Avenir de l'Ouest, quotidien dirigé par Jacques Chombart de Lauwe alias le colonel Félix, élu député en octobre 1945 et membre fondateur du groupe issu du Parti républicain de la liberté (PRL) en décembre, et par Philippe Ragueneau, Compagnon de la Libération, lui aussi engagé dans la recomposition politique des droites et futur chargé de mission du Rassemblement pour la France (RPF). Il participe au lancement du PRL à Nantes, au début de 1946 et est candidat à la seconde assemblée constituante le 2 juin 1946, sur la liste présentée par le nouveau parti dans la Loire-Inférieure. Cinquième de liste sur huit candidats, il n'est pas élu, non plus qu'à l'Assemblée législative, le 10 novembre 1946 sur la liste d'Union, Parti républicain de la Liberté, Union gaulliste et Union paysanne, où il occupe le même rang. Mais déjà en octobre 1948, les leaders parlementaires de la droite départementale espèrent qu'un désistement du quatrième, Etienne Toublanc, permettrait à Michel Raingeard de succéder au député René Dubois, passé au Conseil de la République. Entre-temps, il est devenu un des espoirs des modérés, élu à vingt-sept ans, en mai 1947, conseiller général du deuxième canton de Nantes en remplacement de l’élu du PRL, Ferdinand Le Floch, préoccupé de l'action sociale et qui l'a spécialement désigné pour être candidat à sa succession : le jeune journaliste lui paraît particulièrement qualifié dans un secteur où il a assuré pendant des années l'encadrement de patronages et de colonies de vacances. Finalement, Toublanc faisant valoir son droit à l'Assemblée nationale, Michel Raingeard doit attendre 1951 pour y accéder. Il est élu, au titre des jeunes, au Comité directeur du PRL, lors de son congrès d'avril 1948. Au même moment, son activité de journaliste parlementaire attire l'attention de Roger Duchet qui le désigne pour assurer le secrétariat du groupe sénatorial des Républicains indépendants. Enfin, il devient en 1949 secrétaire du bureau du Conseil général de la Loire-Inférieure.
A partir de cette époque, Michel Raingeard se trouve au cœur de la vie locale et nationale. Avec le député Olivier de Sesmaisons (PRL), qui a adhéré au Rassemblement du Peuple français (RPF) créé autour du général de Gaulle, il participe à la création, en mars 1949, du Comité d'Union nationale républicaine de la Loire-inférieure. Cette structure politique unitaire rassemblant les droites de toutes nuances accompagne leur mutation : sous l'influence dominante de Sesmaisons et de Raingeard, elle canalise leur héritage très conservateur, au profit d'un courant modéré allié au gaullisme, mais indépendant. La tradition de cette droite et l’appartenance passée de Michel Raingeard à l'enseignement catholique le conduisent à s'engager particulièrement dans la défense de l'école libre, par le biais de ses articles, au sein de l'Union nationale républicaine et à travers la campagne d'opinion lancée par Edouard Lizop et les Associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (APEL). Elle deviendra sa première cause parlementaire. Sur le plan politique, il est dans une position ambivalente. D'une part, ses fonctions auprès de Roger Duchet lui valent de collaborer à son organe France indépendante et surtout de présenter le rapport de politique générale aux journées d'études du Centre national des Républicains indépendants en décembre 1950. D'autre part, il est membre du RPF, qui admet au demeurant les doubles appartenances ; il s'y impliquera d'une manière particulièrement militante en 1951.
Le 17 juin 1951, Michel Raingeard est élu en troisième position sur la liste d'entente, Union des Indépendants, des Paysans et des Républicains nationaux et Rassemblement du Peuple français, qui obtient au total quatre députés, avec 120 084 voix et 37,1 % des suffrages exprimés. Cette union est une des quatre seules dérogations admises en métropole par le général de Gaulle à son principe de listes purement RPF. Elle a été imposée par la fermeté de son leader Olivier de Sesmaisons, appuyé sur le caractère incontournable du Comité d'Union nationale républicaine. Sesmaisons ne représente pas moins officiellement le Rassemblement du Peuple français au même titre que Michel Raingeard qui, comme lui, s'inscrit au groupe RPF de l'Assemblée nationale ; en fait, leur gaullisme est celui d'indépendants qui demeurent libres de leur vote et l'ont fait savoir. (Les deux autres élus, Etienne Toublanc et Maurice Grimaud, siègent respectivement au Groupe Paysan et d'Union sociale et à celui des Républicains indépendants).
Michel Raingeard est secrétaire de l'Assemblée nationale en 1951-1952. Le député de Loire-Inférieure est nommé membre de cinq commissions : commission de l'éducation nationale (1951-1955) ; commission de la famille, de la population et de la santé publique (1951-1954) ; commission des territoires d’outre-mer (1953-1956), aréopage dont il est le secrétaire durant la session 1954-1955. Il est membre de la commission d’enquête chargée de vérifier les modalités d’application du code du travail dans les territoires d’outre-mer et les territoires associés, le 12 février 1954. Le 2 mars 1955, il est désigné par la commission des territoires d’outre-mer pour faire partie de la commission de coordination pour l’étude des questions relatives à la communauté européenne du charbon et de l’acier. La même commission le désigne, le 10 mars suivant, à la commission de coordination de l’énergie atomique et des recherches nucléaires. Michel Raingeard dépose dix propositions de loi, quatre rapports, deux avis et une proposition de résolution. Devenu secrétaire général de l'Association parlementaire pour la Liberté de l'enseignement, il est immédiatement un des principaux acteurs de la bataille scolaire qui oriente les débuts de la nouvelle législature. En septembre 1951, il est un des auteurs de la proposition de loi qui porte le nom de Charles Barangé ; il en est, d'autre part, le rapporteur pour avis au nom de la commission de l'éducation nationale. Il est un des intermédiaires entre les associations de parents d'élèves de l'enseignement catholique, le monde parlementaire et la hiérarchie ecclésiastique en France, ainsi qu'auprès du nonce pontifical, Monseigneur Roncali, et à Rome. Le Pape lui accorde plusieurs audiences, lui confirmant, contre tous les avis temporisateurs, que la défense de l'enseignement catholique est une cause majeure à ses yeux. Il est élu en 1953 au Conseil de l'Union internationale pour la liberté de l'enseignement. Les textes qu’il défend ont trait, dans leur grande majorité, aux questions d’éducation et d’allocations familiales. Il consacre une partie de ses initiatives parlementaires au domaine ultramarin. A ce titre, il dépose, le 30, octobre 1955, une proposition de loi relative à l’élection des députés à l’Assemblée nationale dans les territoires relevant de la France d’Outre-mer. Par ailleurs, il intervient quarante-neuf fois en séance publique, entre 1951 et 1955, ce qui en fait un parlementaire actif. Michel Raingeard est particulièrement écouté dans les discussions budgétaires, à l’occasion desquelles il est nommé, à plusieurs reprises, rapporteur pour avis. Dans cette fonction, il se distingue particulièrement dans les discussions des projets de loi, en première, deuxième et troisième lectures, relatifs aux dépenses du ministère de la France d’Outre-mer, en particulier pour le budget 1955. Il marque aussi les discussions budgétaires du ministère de l’éducation nationale, la même année. Il encourage, entre autres propositions, le développement de l’enseignement technique dans les départements d’Outre-mer, le 13 décembre 1954. Dans les domaines de l'enseignement et de la famille, il ne se contente pas d'être le porte-parole des intérêts légitimes des catholiques. Ses propositions de lois et rapports au nom de la commission de l'éducation nationale et surtout ses innombrables amendements et interventions en séance mettent à profit son expérience d'ancien membre de l'enseignement privé et public et sa compétence d'administrateur. Il se penche sur la situation des instituteurs libres ; mais il intervient surtout longuement sur de multiples questions administratives, sociales, techniques, pédagogiques et budgétaires : difficultés des municipalités pour la construction de locaux scolaires, affectation scolaire des boursiers et volume des crédits qui leur sont consacrés, réforme de l'enseignement, avec une préoccupation particulière pour le maintien d'un haut niveau de l'enseignement classique et du baccalauréat, création de classes pour enfants retardés, problèmes de l'enseignement technique, relations universitaires avec l'étranger et les territoires d'outre-mer, musées et monuments historiques ou hôpitaux. Parmi ses nombreux dépôts, on relève une proposition de résolution invitant le gouvernement à accorder d'urgence le statut de fonctionnaire au personnel technique des centres d'apprentissage (12 février 1952), une proposition de loi tendant à étendre le régime des bourses de l'enseignement supérieur (21 octobre 1952), une proposition de loi tendant à étendre aux départements d'outre-mer la législation métropolitaine en matière d'adoption et de légitimation (24 juillet 1953), une proposition de loi tendant à supprimer les abattements de zone appliqués aux allocations familiales (22 octobre 1953), un avis au nom de la commission de l'éducation nationale sur la proposition de Léopold Senghor tendant à la création d'académies dans les territoires d'outre-mer (7 août 1954). En juillet 1953, la nomination de Michel Raingeard à la commission des territoires d'outre-mer, dont il est élu secrétaire le 12 mai 1954, consacre son autre prédilection, sans préjudice de son travail dans les commissions de l'éducation nationale, dont il reste membre jusqu'à la fin de la législature, et de la population et de la santé publique. Ses rapports et interventions sont souvent à la charnière de ces différentes attributions. Il se préoccupe des problèmes de la santé dans les départements d'outre-mer, de la prophylaxie de la lèpre dans les territoires d'outre-mer, de l'organisation municipale dans les territoires d'outre-mer, des institutions du Togo. Il critique le glissement « silencieux » de Pondichéry et des comptoirs de l'Inde sous la souveraineté de l'Union indienne.
Michel Raingeard s'est investi, entre-temps, dans le militantisme gaulliste jusqu'au début de 1952 : il apparaît un temps comme le dirigeant de fait du RPF à Nantes, animant le groupement départemental et assurant la suppléance du délégué en titre Henry Rey. Mais il ressent rapidement une contradiction entre la raideur sans concession du général de Gaulle et la logique parlementaire, qui lui commande de tirer les conséquences du basculement potentiel de la majorité. Déjà en septembre 1951, le général l'a admonesté pour avoir poussé trop loin selon lui la querelle scolaire. Le 6 mars 1952, il vote l'investiture d'Antoine Pinay, en compagnie de Sesmaisons et de vingt-cinq autres députés RPF assurant la majorité du nouveau président du Conseil. Après le Conseil national du RPF de Saint-Maur (4-6 juillet 1952), auquel il n'a personnellement pas assisté en raison d'une mission à l'étranger, il suit les mêmes députés et entraîne Sesmaisons dans la scission parlementaire du Rassemblement du Peuple français : tous refusent ce qu'ils ressentent comme une « politique du pire » de la part du général. Michel Raingeard annonce personnellement sa décision au président du RPF, qui lui lance : « Au moins vous n'êtes pas de ceux qui n'ont été élus que grâce à moi ». Il est un membre fondateur du nouveau groupe parlementaire des Indépendants d'Action républicaine et sociale. Ce groupe crée en même temps l'ébauche d'une organisation partisane, l'Action républicaine et sociale (ARS), qui rejoindra le Centre national des Indépendants et Paysans (CNIP) en 1954. Mais localement, Michel Raingeard et ses amis y sont intégrés de fait par l'intermédiaire du Comité d'Union nationale républicaine de la Loire-inférieure : dès mars 1953, un communiqué commun de Roger Duchet et du sénateur nantais Abel-Durand a reconnu le comité comme représentant exclusif du CNIP dans le département. Leurs relations demeurent bonnes avec le groupement départemental RPF et son délégué Henry Rey, ami personnel de Michel Raingeard. Lors de l'élection municipale de mai 1953, les deux hommes sont candidats sur la même liste conduite par le maire sortant, Henri Orrion, indépendant ex-RPF. Au lendemain du scrutin, Michel Raingeard devient second adjoint au maire de Nantes.
Michel Raingeard a refusé l'investiture de René Mayer le 7 janvier 1953, mais appartient naturellement à la majorité soutenant Joseph Laniel, de juin 1953 à sa dislocation en juin 1954. Le 17 juin 1954, il vote contre l'investiture de Pierre Mendès France. Il s'abstient sur les accords de Genève, le 23 juillet 1954. Son hostilité à la Communauté européenne de défense (CED) le distingue, comme ses amis de l'ARS, des autres modérés : le 30 août 1954, il vote avec eux la motion préjudicielle déposée par leur collègue Adolphe Aumeran, qui met fin au projet. En revanche, il vote pour la ratification des accords de Paris autorisant le réarmement de l'Allemagne, le 29 décembre 1954. Les accords de Carthage suscitent sa défiance en premier lieu par crainte d'une contagion en Algérie : il soutient les demandes de garanties formulées par une partie de ses collègues modérés sur les conventions franco-tunisiennes. C’est le vote, le 8 juillet 1955, des motions préjudicielles déposées par Raymond Dronne et Edmond Barrachin. Le 8 octobre 1955, il vote contre l'ordre du jour d'Edouard Depreux approuvant la politique marocaine du gouvernement.
Le 2 janvier 1956, Michel Raingeard est réélu derrière ses deux collègues Olivier de Sesmaisons et Etienne Toublanc. Leur liste d'Union des Indépendants et Paysans, réduite à 98 948 voix et 26,7 % des suffrages exprimés par un progrès de la liste MRP apparentée et par la percée poujadiste, n'a pu conserver son quatrième député. A côté des intérêts économiques, locaux, agricoles, familiaux et sociaux, et de la formation des jeunes, chère à Michel Raingeard, leur profession de foi appelle à réformer l'Etat « par une révision constitutionnelle permettant au gouvernement de gouverner et au parlement de contrôler » et, plus longuement, à «définir des liens indestructibles entre la métropole et la Communauté franco-musulmane d'Afrique du Nord, l'Afrique noire et les autres territoires d'outre-mer». La clause ajoutée : «…en faisant largement appel, pour l'administration de leurs territoires, aux élites locales formées dans nos écoles» exprime particulièrement les préoccupations de Michel Raingeard à ce moment.
Il s'inscrit au groupe des Indépendants et Paysans d'Action sociale. Il est de nouveau nommé secrétaire de l'Assemblée nationale, le 20 janvier 1956, reconduit le 3 octobre 1956 et le 2 octobre 1957. Pendant toute la législature, il demeure membre de la commission de l'éducation nationale et de celle des territoires d'outre-mer, dont il est élu vice-président le 4 octobre 1957. Cette commission le désigne, le 16 janvier 1958, pour faire partie de la sous-commission chargé de suivre et d'apprécier la gestion des entreprises nationalisées et des sociétés d’économie mixte. Il est nommé membre de la Haute commission de l’organisation commune des régions sahariennes, le 17 juillet 1957. Le 13 mars 1958, il est élu représentant de la France à l'Assemblée unique des Communautés européennes. A l'Assemblée nationale, il dépose six propositions de loi, concernant les délais de procédure civile, l'assistance judiciaire, le régime des sociétés françaises exploitant à l'étranger, les mesures conservatoires relatives aux règlements judiciaires, la limitation dans le temps des privilèges du Trésor. Il dépose aussi deux propositions de résolution dont l'une, du 24 mai 1956, invite le gouvernement à prendre en considération la situation de l'Algérie, des départements et territoires d'outre-mer et de la zone franc dans les négociations relatives au Marché commun européen. Au cours de cette législature, il ne dépose pas moins de vingt rapports et trois avis au nom de l'une ou l'autre des commissions auxquelles il appartient : on relève entre autres deux rapports concernant la création d'une université à Dakar et un avis du 2 juillet 1957 au nom de la commission des territoires d'outre-mer sur le projet de loi autorisant à ratifier les traités de Rome.
Ses interventions, au nombre de quarante-sept sous cette législature, portent de plus en plus sur l'Outre-mer. Elles sont particulièrement nombreuses autour du projet Defferre, devenu la loi-cadre du 23 juin 1956 et dans l'examen de ses décrets d'application qui dure jusqu'en mars 1957. Il s'y montre soucieux de bien définir l'équilibre entre l'autorité locale et la souveraineté de la France ; il critique la composition des nouveaux conseils de gouvernement, en raison de son ambiguïté quant au partage des pouvoirs. Il s'intéresse par la suite à diverses conséquences de la nouvelle organisation en matière d'administration et de réglementation économique. Rapporteur pour avis du budget du ministère de la France d'outre-mer, il intervient longuement dans la discussion de ses différents chapitres en novembre et en décembre 1956. Dans la discussion du projet de loi programme pour l'aide à la construction navale, le 19 juin 1957, il plaide pour la construction d’un nouveau paquebot Atlantique-Nord, le développement des lignes des Antilles et de l'Amérique du Sud, l'établissement d'une cale de carénage pour pétroliers ou l'utilisation du port de Brest. Il n'oublie pas les questions de l'éducation nationale. Dans le débat budgétaire de novembre et décembre 1957, il se penche entre autres sur l'enseignement pour enfants attardés, sur l'aide aux collectivités locales entretenant des instituts de faculté, sur le problème du recrutement de professeurs scientifiques, tout en défendant la valeur universelle de la culture classique. Il intervient sur les besoins de l'enseignement dans les départements d'outre-mer.
Ayant déjà accompli des missions parlementaires en Afrique occidentale française (AOF), en Afrique équatoriale française (AEF) et au Cameroun, en Algérie et en Tunisie, et dans les territoires de l'Océan indien, Michel Raingeard multiplie les voyages lointains en 1957 : Djibouti et Ethiopie, Indochine, territoires du Pacifique. Lors de la création de l'Université de Dakar en avril 1957, il exprime son souhait qu'elle trouve son rayonnement dans la formation de cadres et chercheurs tournés vers les problèmes africains et dans l'étude des civilisations africaines. Il est rapporteur des conclusions d’un rapport à ce sujet, le 9 juillet 1957. Dans ces voyages, il se forge une vision critique de la politique gouvernementale qui, trop peu adaptée selon lui à la diversité des situations, maîtrise mal les bouleversements contemporains. Devenu le spécialiste des questions africaines de son groupe, il présente le 14 mars 1958, au troisième congrès du Centre national des Indépendants (CNI), le rapport sur l'évolution de l'Afrique noire : il se préoccupe de l'avenir de la communauté française et africaine, par-delà l'évolution irréversible imprimée par la loi-cadre.
Membre de l'Assemblée des Communautés européennes, il y prononce un discours sur les dangers de l'association des pays et territoires d'outre-mer à une zone de libre-échange à laquelle participeraient les pays du Commonwealth. Le 3 juillet 1957, il est rapporteur pour avis d’un projet de loi portant ratification des traités instituant la Communauté économique européenne et l’Euratom, en proposant précisément l’intégration des territoires d’Outre-mer dans l’Euratom ; il intervient sur les ressources hydroélectriques de l’Afrique et sur l’équipement des barrages du Konkouré et du Kouilou.
Sur l'Afrique du Nord, ses interventions à l'Assemblée nationale ont exprimé de longue date les inquiétudes dominantes de son groupe parlementaire. Le 4 mai 1956, il a déposé une demande d'interpellation sur les mesures envisagées pour assurer le respect des conventions de 1955 en Tunisie et pour garantir la sécurité des français et de leurs biens au Maroc. Il en a développé longuement les considérants dans la séance du 31 mai. Il refuse la confiance demandée par le ministère Bourgès-Maunoury sur le projet de loi-cadre pour l'Algérie, lors du scrutin du 30 septembre 1957 qui entraîne sa chute. Le 15 avril 1958, il vote contre le renvoi, à la suite de la discussion des interpellations sur la mission dite des «bons offices», dans le scrutin qui aboutit à la démission du gouvernement de Félix Gaillard.
Le 14 mai 1958, Michel Raingeard refuse l'investiture de Pierre Pflimlin. Le 1er juin, il vote celle du général de Gaulle et le lendemain, la loi conférant les pleins pouvoirs à son gouvernement ainsi que la modification de l'article 90 de la Constitution, autorisant sa réforme. Il est de nouveau candidat lors des législatives des 23 et 30 novembre 1958 dans la première circonscription de la Loire-Atlantique. Son refus de l'étiquette UNR a achevé de compromettre ses relations fraîchement détériorées avec le gaulliste Henry Rey, qui se présente contre lui. Michel Raingeard arrive en tête du premier tour avec 17 106 voix (29 % des suffrages exprimés) ; mais Rey, qui s'est maintenu dans un second tour quadrangulaire sans risque en présence d'un communiste et d'un socialiste, le bat par 23 095 voix (40 %) contre 19 376 (33,5 %).
Michel Raingeard achève ainsi, avec la Quatrième République et à trente-neuf ans, son cursus de parlementaire précoce. Rendu à une carrière privée notamment par son entrée au conseil d'administration du Syndicat des producteurs de sucre et de rhum des Antilles françaises, dont il devient président en 1969, il poursuit son activité publique sur un autre terrain. Il termine ses mandats de conseiller général en 1964 et de maire adjoint de Nantes dès 1959, sans solliciter leur renouvellement. En revanche, le président Coty l'a fait désigner au Conseil économique et social au titre de personnalité compétente. Il y siège dix ans, jusqu'en 1969, assumant les fonctions de secrétaire du bureau de l’institution de l’avenue d’Iéna, de 1959 à 1964, puis présidant la section du développement économique et social des pays d'Outre-mer et de la coopération technique. S'il a désapprouvé l'issue donnée à la question algérienne, il se passionne pour le développement des jeunes nations et pour la solidarité des anciennes, faisant volontiers référence dans ses allocutions aux principes de respect énoncés dans Mater et Magistra par le pape Jean XXIII, qu'il connaît depuis l'époque de sa nonciature à Paris. Membre de la Commission spéciale de la Communauté, instituée en 1960, il tente d'y mettre en place un Conseil économique et social commun et des conseils analogues dans les Etats membres. Plus durablement, il siège au comité directeur du Fonds d’aide et de coopération (FAC). Il représente le Conseil économique et social à la délégation française pour la Commission économique pour l'Afrique à Addis-Abeba. Il se préoccupe particulièrement de la formation des cadres moyens et du développement du secteur agricole. Il critique, devant Jean-Marcel Jeanneney, ministre du général de Gaulle, les modalités de l'assistance technique française, trop souvent, selon lui, laissée à la cacophonie des amateurs, des hiérarchies clandestines, des sociétés d'études, des «vendeurs de vent et de plans ». Son activité privée se poursuit dans le domaine du tourisme en Afrique et à Madagascar. A la veille de la retraite, sa passion africaine trouve un couronnement, le 6 mars 1981, avec son élection à l'Académie des Sciences d'outre-mer, au siège de l'ancien ministre Paul Devinat qui avait été son collègue à l'Assemblée nationale. Michel Raingeard est grand-officier du Nicham Ifthikar et du Ouissam Alaouite, ainsi que des ordres nationaux du Tchad, de Haute-Volta, du Congo, de la République centrafricaine, Commandeur des ordres nationaux de la Mauritanie, de la Côte-d'ivoire, du Dahomey, du Niger, du Gabon, du Sénégal et du Soleil Levant du Japon, Officier de l'ordre national du Cameroun.