Joseph Reinach
1856 - 1921
Né le 30 septembre 1856 à Paris, mort le 18 avril 1921 à Paris (8e).
Député des Basses-Alpes de 1889 à 1898 et de 1906 à 1914.
Ses études secondaires au lycée Condorcet achevées, Joseph Reinach passe sa licence en droit et se fait inscrire au barreau ; mais très tôt la politique l'attire. Il s'y essaie sous les auspices de Thiers, puis de Gambetta.
Dès l'époque du 16 mai 1877, il publie une brochure la République ou le Gâchis, qui lui valut des poursuites et collabore régulièrement à La République française, puis voyage en Orient avant de devenir, pour les Affaires étrangères, le chef de cabinet de Gambetta lors de la constitution du grand ministère le 14 novembre 1881.
A la chute du cabinet en fin janvier 1882, il reprend la plume du journaliste et le 15 mars devient le directeur politique de La République française, qu'il engage à fond contre le général Boulanger et son mouvement.
Il s'était auparavant présenté en Seine-et-Oise aux élections de 1885, sur la liste républicaine, qui fut battue : il avait obtenu au premier tour 26.023 voix sur 115.571 votants.
Choisi par le congrès républicain des Basses-Alpes pour terrasser le boulangisme dans la circonscription de Digne au renouvellement de 1889, il l'emporte dès le premier tour avec 5.845 voix sur 10.747 votants sur Proal, 4.786 voix, fidèle du « brave général. »
Il fut dès le premier tour réélu député aux élections législatives du 20 août 1893. Sur 13.240 électeurs inscrits et 10.987 votants, il obtint 7.152 suffrages, ses ad versaires Garcin et Aubert en recueillant respectivement 2.315 et 1.354. Dans la nouvelle législature, l'ancien collaborateur de Gambetta continua d'apporter dans l'exercice de son mandat cette activité et cette puissance indéfinie de travail qui l'avaient déjà fait remarquer et qui étaient en quelque sorte des traits de famille. Membre de la commission de l'armée et de la commission du budget, rapporteur du budget de l'Intérieur et de celui de l'Agriculture, il déposa plusieurs propositions de loi importantes, relatives entre autres à la réparation des erreurs judiciaires, à la modification du régime des aliénés, à la suppression du principal de l'impôt, et à son remplacement par une surtaxe sur l'alcool (1896). Ces idées firent leur chemin.
A la tribune, si ses débuts furent tumultueux, mais efficaces - il emporta en effet la validation orageusement contestée de l'élection de Jules Joffrin contre Boulanger, arrivé en tête, mais que sa condamnation en Haute cour rendait inéligible - il prononça de nombreux discours, dont quelques-uns soulevèrent ' des passions très vives, telles son intervention en faveur de la liberté des théâtres, à l'occasion de l'interdiction de la pièce de Victorien Sardou, Thermidor, et la défense de son projet consistant à faire rentrer la presse dans le droit commun.
Joseph Reinach se trouve mêlé indirectement à l'affaire de Panama. Il était neveu et gendre du baron de Reinach, stigmatisé par Maurice Barrès dans Leurs Figures, et son beau-père lui avait, en règlement de comptes de famille, versé une somme de 40.000 francs, qui provenait de la Compagnie. Dès qu'il apprit l'origine de ces fonds, Joseph Reinach en opéra la restitution.
Dans les années suivantes, il devait jouer un rôle considérable dans l'affaire Dreyfus. Dès 1894, il avait fait une démarche personnelle auprès du Président de la République afin d'obtenir que le Conseil de guerre ne jugeât pas à huis clos. En 1897, il s'associa à Scheurer-Kestner, vice-président du Sénat, pour obtenir la révision du procès et fit campagne à ce sujet dans des réunions publiques et dans le Siècle où il dénonça le « faux Henry », et la complicité d'Esterhazy. Cette lutte continuée sans répit jusqu'en 1900, n'empêcha pas Joseph Reinach de poursuivre son œuvre littéraire et sa collaboration à diverses revues, qui sont importantes ; il édita, entre autres, les Discours de Gambetta. L'activité politique intense de Joseph Reinach l'expose aux représailles du parti qu'il attaquait. Capitaine d'état-major de territoriale, il fut déféré à un conseil d'enquête et révoqué (1898) ; il fut poursuivi en justice par la veuve du suicidé du Mont-Valérien, le commandant Henry (1899) ; lui-même dut intenter une action en diffamation contre Henri Rochefort. Les « haines coalisées qu'il devait évoquer dans son manifeste électoral de 1906 eurent raison de lui aux élections du 8 mai 1898. Au premier tour de scrutin, sur 13.076 inscrits et 7.884 votants, il n'obtint, bon dernier, que 1.213 suffrages, distancé par Canton (2.531), l'ancien préfet de police Andrieux (3.776) et le candidat du centre-gauche Paul Roux, ancien notaire (3.236) qui devait l'emporter au second tour avec 6.074 suffrages.
Ecarté provisoirement de l'activité parlementaire, Joseph Reinach consacra une partie de ses loisirs à retracer l'histoire de l'événement qui avait provoqué sa défaite, l'affaire Dreyfus. Sa monumentale Histoire de l'affaire Dreyfus comprit sept volumes dont la parution s'échelonne de 1901 à 1911. En même temps, il continuait d'écrire à la République française : le grand journal « opportuniste » qu'il dirigeait depuis la mort de Gambetta.
Aux élections des 27 avril et 11 mai 1902, Joseph Reinach fut de nouveau battu. Les électeurs de l'arrondissement de Digne (12.870 électeurs inscrits, 10.890 votants) le placèrent en tête au premier tour (4.462 suffrages) contre 3.418 à l'avocat Fruchier qui le devança au second tour (5.792 suffrages contre 4.970). Il devait retrouver son siège, dans le même arrondissement des Basses-Alpes, au second tour des législatives des 6 et 20 mai 1906. Sur 12.679 inscrits et 9.917 votants, il obtint au premier tour 3.980 voix contre 3.109 à Maret son principal adversaire, avance à peu près maintenue au second tour, où Reinach l'emporta avec 5.303 suffrages contre 4.619 à Maret. Il devait renouveler ce succès en 1910. Sur 12.433 inscrits et 9.281 votants il obtint au premier tour 4.298 voix contre 1.850 à son principal adversaire Rubando. Ce dernier, pour qui se désistèrent Baron (1.669 voix) et Jugy (1.206 voix) ne put rattraper son retard au second tour et Joseph Reinach fut élu avec 5.051 suffrages contre 4.440 à Rubando.
Ses professions de foi de 1906 et de 1910 qui portent les cicatrices de ses épreuves de l'affaire Dreyfus, le confirment dans sa position de républicain modéré.
A la Chambre des députés, Joseph Reinach manifesta la même activité qu'avant 1898 : membre de la commission de l'armée, du suffrage universel, de la liberté de réunion, il s'intéressa particulièrement au problème de la liberté et du secret de vote qui ne devaient être assurés qu'en 1913, avec l'institution de l'isoloir. De 1909 à 1914, les mêmes préoccupations l'animent (rapport n° 1647 sur la proposition de loi adoptée par le Sénat ayant pour objet d'assurer le secret et la liberté du vote, ainsi que la sincérité des opérations électorales, discussion sur la réforme électorale). Il s'y ajoute de nombreuses interventions sur les problèmes militaires, constitutions des cadres et effectifs de l'artillerie, durée du service de l'armée active..
1914 verra la fin de la carrière politique de Joseph Reinach. Aux élections législatives des 26 avril et 10 mai 1914, il est battu au second tour par l'avocat Jugy, un de ses adversaires de 1906 qui sur 11.645 inscrits et 9.314 votants obtient 4.707 voix contres 4.353 au député sortant. (Au premier tour Reinach était en tête avec 3.251 suffrages contre 1.851 voix à Jugy.)
Joseph Reinach ne se représentera pas en 1919. Il mourut à Paris en 1921. En dépit d'une activité politique et littéraire intense, tôt commencée et ardemment poursuivie à travers beaucoup d'épreuves et d'obstacles, il n'avait pas atteint la notoriété et les hautes fonctions que ses débuts prometteurs lui avaient peut-être fait espérer.
Il était chevalier de la Légion d'honneur.