Raymond Réthoré
1901 - 1986
* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936
Né le 4 juin 1901 à Liré (Maine-et-Loire).
Député de la Charente de 1936 à 1942.
Raymond Réthoré, après de solides études classiques, se consacre à sa profession de propriétaire agriculteur à Magnac-Lavalette, commune de la Charente dont il était devenu maire en 1932. En 1936, la fédération radicale et radicale socialiste de la Charente, dont il était vice-président, le désigna comme candidat dans l'arrondissement de Barbezieux. Dans son programme, il se présentait comme un agriculteur n'ayant pas d'autres revenus que ceux de ses terres ; il se prononçait sur le problème crucial du chômage, avec une certaine xénophobie, et demandait la suppression des décrets-lois, le désarmement immédiat des ligues fascistes, la nationalisation des industries d'armement, l'interdiction du cumul des mandats, la suppression des fonds secrets. La profession de foi s'achevait par une vigoureuse défense de l'école laïque.
Le 27 avril 1936, au premier tour des élections législatives, Raymond Réthoré, sur 17.171 électeurs inscrits et 14.860 votants, obtenait 5.811 suffrages contre 5.108 au candidat des droites Malet et 2.082 au socialiste Weill-Raynal. Il l'emportait au second tour avec 8.710 voix contre 5.820 à Malet.
A la Chambre des députés, Raymond Réthoré est membre de la commission de l'Algérie, des colonies et des pays de protectorat, de la commission du commerce et de l'industrie et de celle des affaires étrangères. Il s'employa sans tarder à faire passer son programme dans les faits en déposant de nombreux textes : augmentation du prix actuel du blé en rapport avec la hausse du coût de la vie ; égalité d'allocation familiale entre tous les enfants de citoyens français. Il prend part à de nombreux débats dans le domaine économique et financier et relatifs particulièrement à la politique agricole. Son appui ne fera jamais défaut au gouvernement de Front populaire ; il se range parmi ses partisans les plus fermes. On retiendra particulièrement l'interpellation qu'il a déposée et défendue le 23 mars 1937 « sur les mesures que le gouvernement compte prendre pour assurer l'ordre public en procédant à la dissolution immédiate de toutes les ligues factieuses ». Développant cette interpellation, il rappelle que jadis le régime républicain n'avait pas hésité à frapper, à arrêter et traduire en Haute Cour son prédécesseur en Charente Paul Déroulède.
Le 10 juillet 1940, Raymond Réthoré vote la délégation du pouvoir constituant au maréchal Pétain.
RÉTHORÉ (Raymond)
Né le 4 juin 1901 à Liré (Maine-et-Loire)
Décédé le 15 décembre 1986 à Magnac-Lavalette (Charente)
Député de la Charente de 1936 à 1942 et de 1958 à 1978
Raymond Réthoré vote la délégation du pouvoir constituant au maréchal Pétain le 10 juillet 1940. Arrêté par les Allemands au début de l’Occupation, il est rapidement remis en liberté mais mène une vie retirée et discrète jusqu’en 1944. Il est placé en résidence surveillée à Angoulême alors. Cette décision tient plus à son engagement passé au sein du Parti radical-socialiste et en faveur du Front populaire qu’à ses amitiés –pourtant réelles- au sein de la Résistance. A la Libération, il emmène sans succès la liste radicale aux élections de la première Assemblée constituante, le 21 octobre 1945. Après l’échec du référendum du 5 mai 1946, une nouvelle Assemblée constituante est élue le 2 juin 1946. La liste du Rassemblement des gauches républicaines (RGR) que conduit Raymond Réthoré ne convainc pourtant que 11,8% des suffrages exprimés. Elle n’obtient aucun élu. Les radicaux charentais préfèrent un jeune inspecteur des Finances, Félix Gaillard, à Raymond Réthoré comme tête de liste pour les élections législatives du 24 novembre 1946. L’ancien député est cependant décidé à retrouver un mandat parlementaire et se présente aux élections au Conseil de la République du 8 décembre 1946. Le mode de scrutin adopté à cette occasion est complexe. Les électeurs votent, dans chaque canton, pour des listes au sein desquelles sont désignés les grands électeurs à la proportionnelle. Ces grands électeurs choisissent ensuite un sénateur, des sièges étant, en Charente comme ailleurs, attribués sur « le plan interdépartemental », à l’issue d’un calcul effectué au niveau national. Le RGR se retrouve très marginalisé lors de ce scrutin et Raymond Réthoré connaît un nouvel échec.
Il adhère au Rassemblement du peuple français (RPF) dès le printemps 1947 mais n’occupe aucune responsabilité au sein de cette formation politique en Charente. La principale personnalité gaulliste du département est alors Jacques Furaud, qui, comme Edmond Michelet et Louis Terrenoire, a été exclu du Mouvement républicain populaire (MRP). Aux élections législatives du 17 juin 1951, c’est bien Jacques Furaud qui dirige la liste RPF en Charente, suivi d’Henri Thébault, conseiller général implanté à Angoulême. La direction du RPF, qui reconnaît à Raymond Réthoré d’exceptionnelles qualités d’orateur, pense alors le parachuter aux législatives dans une « terre de mission ». Sont successivement envisagées des candidatures dans les Côtes-du-Nord, département de René Pleven, dans le Lot, bastion radical-socialiste, et enfin dans le Cantal. Ce département rural, où « règne » alors l’Indépendant Camille Laurens, n’accorde que 6,3% des suffrages exprimés à la liste du RPF en juin 1951 : Raymond Réthoré voit ses rêves de retour au Palais-Bourbon s’éloigner. Il siège au Conseil national du RPF en 1952-1953 et s’intéresse surtout aux problèmes agricoles. Lorsque le RPF est mis en sommeil à partir de 1953, le maire de Magnac-Lavalette rejoint le Centre national des Républicains sociaux. Il concourt sous ces couleurs d’un gaullisme « de participation » aux législatives du 2 juin 1956 dans la Côtes-du-Nord mais sa liste ne recueille que 3,3% des suffrages exprimés en moyenne.
Raymond Réthoré se consacre à sa mairie, à l’exploitation de ses terres et surtout à la construction du château de La Mercerie à partir de 1947. Il conçoit ce projet de « Versailles charentais » avec son frère et achète en France ou à l’étranger des objets d’art pour sa nouvelle demeure. Ce mode de vie ne fait pour autant de Raymond Réthoré un « notable » : la presse locale loue constamment sa simplicité et ses qualités de contact. Le retour au scrutin d’arrondissement, après le retour au pouvoir du général de Gaulle, offre à l’ancien député du Front populaire une opportunité de renouer avec la vie politique nationale.
Il se réjouit du retour au pouvoir du général de Gaulle et devient le responsable départemental de l’Union pour le renouveau français (URF) à l’été 1958. Cette organisation, créée sous l’égide de Jacques Soustelle, prolonge l’Union pour le salut et le renouveau de l’Algérie française (USRAF), fondée en février 1956. Le 1er octobre 1958, l’Union pour le renouveau français et 5 autres formations gaullistes s’unissent pour former l’Union pour la nouvelle République (UNR). C’est sous cette étiquette que Raymond Réthoré se présente aux législatives de novembre 1958 dans la 1ère circonscription de Charente. Dans sa profession de foi électorale, le maire de Magnac-Lavalette s’en prend avec vigueur aux « partis » qui « ont conduit le pays au bord de la guerre civile en laissant se perpétuer en Afrique du Nord une guerre sans issue où coule le sang de nos soldats et l’or de la France ». Il affirme nourrir « l’espoir d’une paix dans l’Algérie demeurant française » et revendique « dix-huit ans d’un inébranlable attachement » pour le général de Gaulle. Ses principaux adversaires ont pour noms Henri Thébault, député-maire Indépendant d’Angoulême, membre du RPF avant 1952, et le député communiste sortant Jean Pronteau. Le premier tour donne lieu à un scrutin très serré. Quatre candidats dépassent les 18% des voix. Sa qualité de maire du chef-lieu vaut à Henri Thébault de figurer en tête avec 28,2% des suffrages exprimés, devant Raymond Réthoré (24,3%), Jean Pronteau (22,7%) et le socialiste Maurice Poitevin (18,1%). Le candidat gaulliste bénéficie surtout de l’appui des cantons ruraux comme Aubeterre-sur-Dronne (34,2%), Montmoreau (38,5%) et Villebois-Lavalette (54,8%). C’est le soutien des électeurs socialistes du 1er qui permet à Raymond Réthoré d’être élu député de la Charente avec 39,8% des suffrages exprimés dans le cadre d’une triangulaire le 30 novembre 1958. Une majorité de ces suffrages se reporte en effet sur le maire de Magnac-Lavalette, que ce soit par anticommunisme –Jean Pronteau ne gagne que 1375 voix entre les deux tours-, par souci de faire battre la droite modérée qu’incarne Henri Thébault, ou par égard pour la qualité d’ancien élu du Front populaire que Raymond Réthoré n’hésite pas à mettre en avant pendant la campagne électorale.
Le député de Charente s’inscrit au groupe de l’UNR. Il devait rester fidèle aux différentes formations parlementaires se réclamant du gaullisme jusqu’en 1973. Il siège à la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale de 1958 à 1978. Raymond Réthoré prend la parole à quatre reprises dans l’hémicycle sous la première législature. Sa loyauté à l’égard du Gouvernement et son attachement au général de Gaulle ne l’empêchent pas de faire preuve d’indépendance dans son jugement sur la politique conduite au début des années 60. Il manifeste ainsi son insatisfaction face à la loi de programme sur l’équipement agricole lors de la séance publique du 4 mai 1960 et souhaite qu’elle soit amendée afin de « donner à ceux qui (…) cultivent la terre des prix rémunérateurs ». Il s’agirait selon lui d’ « un acte de justice » pour « que le paysan vive (…) sur un niveau égal à celui des autres citoyens ». Raymond Réthoré, qui s’était déjà exprimé à ce sujet le 25 juin 1959, est donc favorable à un soutien aux prix agricoles, là où les gouvernements Debré puis Pompidou accordent la priorité à la réforme des structures.
Le maire de Magnac-Lavalette, qui maîtrise parfaitement le russe, fait entendre sa voix au Palais-Bourbon le 14 juin 1960, après la déclaration du Gouvernement sur la politique étrangère. Son propos se caractérise alors par son équilibre. L’anticommunisme de Raymond Réthoré se nuance en effet d’une véritable passion pour la culture russe. L’histoire comme la géographie invitent, à ses yeux, à ne pas sous-estimer les faiblesses de l’Union soviétique, ni à oublier au contraire qu’elle « poursuit une politique d’hégémonie mondiale ». Raymond Réthoré s’étonne en outre que « pour des millions d’hommes à travers le monde, la conscience soit muette lorsque la patrie » parle. Evoquant les communistes d’Europe occidentale, il précise que « ce n’est pas, comme le firent leurs aïeux, à la terre où dorment leurs morts qu’ils demandent, aux jours d’angoisse, inspiration et courage, mais que c’est vers Moscou qu’ils regardent, suspendus aux ordres qui en viendront ».
C’est en homme d’expérience, dont la carrière politique a commencé dans les années 30, que Raymond Réthoré s’exprime lors du débat sur la motion de censure du 4 octobre 1962. Il raille ceux qui « n’estiment pas le peuple assez instruit, assez sûr de son jugement, ou même assez intelligent pour élire le président de la République » et déplore que « la passion aveugle » les opposants au général de Gaulle lorsqu’ils dénoncent les risques de dictature. Le député de la Charente approuve le programme du gouvernement Debré (16 janvier 1959) comme la déclaration de politique générale du Premier ministre (15 octobre 1959). Cet ancien membre du Parti radical-socialiste ne prend pas part au vote sur la réforme du financement de l’enseignement privé (23 décembre 1959). Il accorde en revanche les pouvoirs spéciaux au gouvernement Debré au lendemain de la semaine des barricades en Algérie (2 février 1960), soutient le programme du Premier ministre Georges Pompidou (27 avril 1962) et consent à la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault (5 juillet 1962). Il ne s’associe pas à la motion de censure du 4 octobre 1962.
Candidat aux législatives de novembre 1962 après la dissolution de l’Assemblée nationale, Raymond Réthoré connaît une réélection aisée. Au 1er tour, il creuse en effet l’écart avec son concurrent modéré de 1958, le maire d’Angoulême Henri Thébault, qui ne recueille que 23,6%, contre 39,3% des suffrages exprimés pour le sortant. 63,4% des électeurs renouvellent leur confiance à Raymond Réthoré une semaine plus tard, le 25 novembre 1962.
Raymond Réthoré est peu présent au Palais-Bourbon dans les années 60. Ses réticences à l’égard du rapprochement franco-allemand sont bien connues de ses collègues. Elles ne suffisent pas cependant à lui faire rejeter le traité de l’Elysée, dont il autorise la ratification par son vote du 13 juin 1963. L’attention du député de la Charente va alors plutôt aux relations qu’entretient la France avec les pays communistes. Il réagit ainsi aux propos de Gaston Defferre à propos de la déclaration du Gouvernement sur la politique générale, le 13 décembre 1962, en affirmant que le député-maire de Marseille « a été élu grâce aux voix du parti communiste ». C’est du moins ce qu’écrit la Sovietskaïa Rossia, un « journal de Moscou » dont Raymond Réthoré traduit un article daté du 27 novembre 1962 à l’intention de ses collègues. Le député de la Charente en conclut que Gaston Defferre doit « son siège de député aux voix de Moscou » et y voit « une marque au fer rouge qu’il aurait honte de porter ». Son collègue Louis Deschizeaux, député de l’Indre, rappelle alors à Raymond Réthoré qu’il fut « en 1936, un élu du Front populaire ».
Après l’établissement de relations diplomatiques entre la France et la Chine le 27 janvier 1964, le ministre des Affaires étrangères Maurice Couve de Murville effectue, à l’ouverture de la session de printemps de l’Assemblée nationale, une déclaration sur la politique étrangère du Gouvernement. C’est Jacques Duhamel, député centriste du Jura et pourtant proche d’un des principaux négociateurs de ce rapprochement, Edgar Faure, qui se pose en porte-parole de l’opposition à cette reconnaissance de la Chine populaire. Raymond Réthoré participe à ce débat et met l’accent sur « le fossé qui s’est ouvert entre Pékin et Moscou » : la discorde entre les deux principaux pays communistes infirme, selon lui, les thèses d’un affrontement « bloc contre bloc ». Il interprète la rupture entre l’URSS et la Chine populaire comme « le signe visible d’oppositions plus irréductibles que celles de croyances philosophiques ou politiques » et observe qu’ « elle plante ses racines dans un passé millénaire, dans le sol et dans l’histoire ». Ces considérations lui inspirent un jugement très favorable sur l’initiative gaullienne (séance publique du 28 avril 1964). Raymond Réthoré soutient l’encadrement du droit de grève dans les services publics (26 juillet 1963) ainsi que la réforme du mode d’élection des conseillers municipaux (17 juin 1964) ou la réforme du service militaire en service national (26 mai 1965).
L’élu de la 1ère circonscription de Charente manque de l’emporter dès le premier tour des législatives de mars 1967. Les 48,6% des suffrages exprimés qu’il obtient lui autorisent la confiance à l’approche du scrutin décisif. Il retrouve en effet son siège le 12 mars 1967 avec 57,3% des voix.
Raymond Réthoré ne s’illustre pas dans l’hémicycle sous la 3ème législature de la Vème République. Il ne vote pas la motion de censure déposée contre le projet gouvernemental de légiférer par voie d’ordonnances en matières économique et sociale (9 juin 1967).
Il sollicite à nouveau la confiance des électeurs en juin 1968, après la dissolution de l’Assemblée nationale. Investi par l’Union pour la défense de la République (UDR), il dramatise volontairement l’enjeu d’un scrutin organisé quelques semaines à peine après les événements de mai 1968. D’après lui, les Français ont « le choix (…) entre le drapeau tricolore et le drapeau rouge ». Il compare longuement les journées de mai 1968 aux manifestations du Front populaire pour noter qu’en 1936, « nul n’aurait songé (…) à faire une place à un Cohn-Bendit, sujet allemand, né en France de parents allemands, et qui au jour de sa majorité a refusé la nationalité française ». Il s’étonne d’avoir vu dans la cour de la Sorbonne, pendant les « événements », « les portraits de Karl Marx, de Che Guevara et de Mao Tsé-Toung » et « demande aux étudiants français qui se veulent l’élite du pays pour conduire les ouvriers et les paysans, s’ils ne pouvaient pas trouver plutôt dans l’ histoire de France (…) le portrait d’un seul Français qui ait combattu pour la liberté ». Ce discours conservateur reçoit l’assentiment d’une majorité d’électeurs.
Le maire de Magnac-Lavalette, très absorbé par les travaux de son château de la Mercerie, reste discret au Palais-Bourbon sous la 4ème législature. Il y est cependant chargé d’un rapport (déposé le 4 décembre 1970) sur un accord conclu entre la France et l’URSS afin d’éviter les doubles impositions pour les transports aériens et maritimes : un projet de loi a en effet été déposé, qui en autorise l’approbation. Sa seule intervention en séance publique est pour effectuer une mise au point au sujet de son vote sur un amendement apporté à la loi de finances pour 1970 (séance du 31 octobre 1969). Il se prononce en faveur de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur (10 octobre 1968), de la loi dite « anti-casseurs » (4 juin 1970), de la réforme du service national (10 juin 1970) et de la création des régions (27 avril 1972). Il approuve les termes des déclarations de politique générale du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas les 15 octobre 1970 et 24 mai 1972.
C’est à la veille des élections législatives de mars 1973 que Raymond Réthoré connaît ses premières difficultés avec les partis qui composent la majorité à laquelle il appartient. Un souci de renouvellement conduit des dirigeants gaullistes à appuyer le sous-préfet Jacques Périlliat, proche d’Olivier Guichard, dans la première circonscription de Charente. Face à ce candidat soutenu par la fédération départementale de l’UDR, Raymond Réthoré se réclame de « l’Action gaulliste ». Il dépeint son concurrent en « homme des industriels », quand lui se sait « le cœur populaire ». Il reproduit en outre dans ses documents électoraux des lettres reçues d’André Malraux, du général de Gaulle, de Jacques Vendroux, beau-frère du général de Gaulle, du Contre-amiral Philippe de Gaulle, de Jacques Chaban-Delmas, de Jacques Chirac et même de Maurice Schumann. La plupart de ces documents n’abordent évidemment pas la question des législatives de 1973, mais ces missives valent brevets de gaullisme dans l’esprit de Raymond Réthoré. La fidélité des électeurs lui permet d’arriver en tête le 4 mars 1973 avec 28,2% des suffrages exprimés, contre 22,9% pour le socialiste Jean Ferrant et 22,1% pour Jacques Perilliat. Le retrait de ce dernier permet à Raymond Réthoré de retrouver son siège une semaine plus tard avec 54% des voix.
Le député de Charente n’est plus désormais qu’apparenté au groupe de l’UDR, puis du RPR à l’Assemblée nationale. Il est considéré par beaucoup de ses collègues comme un original dont les vues en politique étrangère, certes soutenues par une immense culture, sont dépassées, notamment pour ce qui concerne l’Allemagne. Président d’honneur de l’Association France-URSS, il réagit à la déclaration du ministre des Affaires étrangères Michel Jobert, le 20 juin 1973, en s’inquiétant de « ces forces qui rêvent d’une impossible revanche » « en Allemagne de l’Ouest » et en insistant sur l’intérêt stratégique que présente la division de l’Allemagne pour la France. Il lie la sécurité de la France « à une amitié puissante à l’Est (…) qui fasse contrepoids aux ambitions germaniques », celle de l’URSS, et voit dans l’existence de la République démocratique allemande (RDA) une garantie de paix. Il apporte à ces propos le sceau de l’expérience lorsqu’il ajoute que, « seul alors au parti radical-socialiste », il a voté contre les accords de Munich en 1938. Le 27 juin 1975, il s’émeut à nouveau de ce qu’il croit apercevoir les « signes les plus alarmants de la renaissance en Allemagne de l’Ouest des aspirations nationalistes et de l’esprit de revanche ». Il constate que le chancelier allemand Helmut Schmidt, « dans la lettre qu’il a adressée au président de la République le 2 juin 1975 pour manifester sa satisfaction de la suppression des manifestations du 8 mai, n’a (…) pas eu un mot pour flétrir Hitler et les nazis ». Il rejette l’idée que l’Europe communautaire, « qui (…) n’est qu’un fantôme », puisse garantir la paix et plaide plutôt en faveur de « la fidélité à l’amitié franco-soviétique ».
Raymond Réthoré monte une dernière fois à la tribune de l’Assemblée nationale le 15 juin 1977, pour s’opposer à l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct. Il le fait en se réclamant du général de Gaulle. Le discours du député charentais juxtapose des affirmations définitives (« L’Allemagne n’acceptera jamais les frontières de la défaite. (…) Or elle n’a qu’un moyen, la guerre ») et des affirmations fantaisistes, voire calomnieuses. Il déclare ainsi : « quand la fortune eut abandonné Adolf Hitler, ses amis l’abandonnèrent aussi. Un seul lui est resté fidèle jusqu’au bout : M. Helmut Schmidt ». Il décrit une Allemagne de l’Ouest où les « revenchards », c’est-à-dire « tous ceux que leur argent et leur classe sociale font se placer au-dessus du peuple » « attendent l’homme qui, à nouveau » portera leur rêve impérial. Le 21 juin 1977, il vote néanmoins en faveur du projet de loi relatif à l’élection des représentants à l’Assemblée des communautés européennes.
Politique étrangère mise à part, Raymond Réthoré ne se distingue pas particulièrement des autres députés de la majorité dans ses votes. Il approuve la déclaration de politique générale de Pierre Messmer (12 avril 1973) comme celle de Jacques Chirac (6 juin 1974). Il autorise la réduction du mandat présidentiel à cinq ans (16 octobre 1973) ainsi que l’extension de la saisine du Conseil constitutionnel (10 octobre 1974) mais vote contre la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (28 novembre 1974). Ce célibataire prend position pour le divorce par consentement mutuel (4 juin 1975) et soutient le programme du gouvernement Barre (28 avril 1977).
A 76 ans, le député de Charente refuse d’envisager la retraite et se porte candidat aux législatives de mars 1978. Malgré les candidatures du CNI Roland Chiron (11,6%) et l’investiture accordée par le Parti républicain à Martial Pouret (8,5%), Raymond Réthoré reste en tête des candidats de la majorité le 12 mars 1978 avec 23,9% des suffrages exprimés. Il est néanmoins devancé par le jeune maire socialiste d’Angoulême, Jean-Michel Boucheron (28,8%). La gauche est légèrement majoritaire (51,1%) à l’issue du premier tour et c’est sans surprise que Jean-Michel Boucheron défait Raymond Réthoré le 19 mars 1978 avec l’appui de 53% des électeurs.
La longue carrière parlementaire du châtelain de La Mercerie est alors achevée. Il demeure maire de Magnac-Lavalette jusqu’en 1983 et soutient son ancien adversaire socialiste Jean-Michel Boucheron aux législatives de 1981. Les dernières années de la vie de Raymond Réthoré sont assombries par le décès de son frère et par de lancinants problèmes financiers. Lorsqu’il meurt en décembre 1986, la presse nationale et régionale salue en lui un homme d’un autre temps, un « romantique » égaré au XXème siècle, mais très attentif à ses électeurs. « Champion de l’intervention écrite » auprès de ses amis ministres pour « placer » les jeunes Charentais, Raymond Réthoré formait, avec son frère, un tandem d’originaux. Les rumeurs les plus diverses couraient sur leurs origines, qu’accréditaient des aspects obscurs de leur existence : bien qu’issu d’une famille modeste et orphelin de père à l’âge de 4 ans, Raymond Réthoré avait par exemple effectué ses études supérieures à l’étranger, notamment à l’Université de Graz, en Autriche. Après le décès de l’ancien député, les journalistes évoquent même ces « légendes » qui en faisaient le fils naturel d’un prince de la famille royale de Bavière. Sans héritier, Raymond Réthoré avait envisagé de léguer son « château » de La Mercerie à l’Assemblée nationale, puis à la région Poitou-Charentes et enfin au Conseil général de la Charente, sans succès. Les meubles, tableaux et sculptures accumulés par Raymond et Alphonse Réthoré sont dispersés lors d’une vente aux enchères dès l’été 1987.