Olivier de Sesmaisons
1894 - 1967
SESMAISONS (Olivier, François, Robert, Marie, Rogatien de)
Né le 21 mai 1894 à Saumur (Maine-et-Loire)
Décédé le 15 janvier 1967 à La Chapelle-sur-Erdre (Loire-Atlantique)
Député de la Loire-Inférieure puis de Loire-Atlantique de 1945 à 1958
Olivier de Sesmaisons est issu d’une des plus anciennes familles de la noblesse nantaise, déjà représentée dans les assemblées parlementaires du XIXème siècle. Il est né de Donatien de Sesmaisons, officier de cavalerie, et de son épouse Marguerite Guibourg de Luzinais, dont le père était sénateur-maire de Nantes. Son trisaïeul Rogatien de Sesmaisons, neveu de deux Sesmaisons députés et pairs de France, fut lui-même député sous la Deuxième République et président du conseil général de la Loire-Inférieure au début de la Troisième.
Après des études à Nantes chez les Frères des Ecoles chrétiennes du Loquidy et au collège Saint-Stanislas, puis à l’Ecole supérieure d’agriculture et de viticulture d’Angers, il est mobilisé en 1914. Il sert dans l’artillerie, en Champagne, puis à Verdun, sur la Somme et sur l’Aisne, est blessé et cité deux fois. Il est démobilisé à la fin de 1921 avec le grade de capitaine. Le 30 novembre 1921, il épouse Yolaine Dufresne de La Chauvinière, dont il aura huit enfants nés entre 1922 à 1937.
Propriétaire terrien et exploitant agricole à La Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes, où il réside au château de La Desnerie, et à Touvois dans le sud du département, il s’implique dans les intérêts professionnels et locaux. Secrétaire de la Chambre d’agriculture de la Loire-Inférieure de 1936 à 1952, il est un membre actif du comité de l’enseignement et de la formation professionnelle. Il est président du comité départemental des céréales de 1943 à 1966, vice-président de la Caisse régionale de Crédit agricole de 1943 à 1963, et participe encore comme président ou vice-président à d’autres organismes collectifs d’économie rurale (Syndicat d’électrification rurale de Légé-Saint-Philibert, Crédit immobilier rural de la Loire-Atlantique, Coopérative centrale des agriculteurs de la Loire-Atlantique). Il siège aussi à la commission consultative des assurances sociales agricoles et à la commission supérieure des prestations familiales agricoles, comme représentant de l’Assemblée nationale. Maire de La Chapelle-sur-Erdre en 1932, il laisse cette fonction au colonel Horace Savelli en 1945, date de son élection à l’Assemblée nationale, mais continue à siéger au conseil municipal jusqu’en 1965. Elu conseiller général du canton de La Chapelle-sur-Erdre en 1933, il le reste jusqu’à sa mort en 1967.
Son ancrage politique se situe entre un héritage conservateur et une ouverture qu’il amplifie après la seconde guerre mondiale. Au premier titre, il est membre du comité de la droite de la Loire-Inférieure : cette formation d’origine monarchiste, présidée de 1920 à 1945 par le député Henri de La Ferronnays, encadre les campagnes et impose son arbitrage dans la vie électorale du département avant 1939, jusque parmi les républicains de droite ; mais, tout en y appartenant par une sorte d’obligation héréditaire, le marquis de Sesmaisons en reste parfaitement indépendant et inquiète souvent les conservateurs qui le dominent. Il appartient également, dans les années trente, à l’Alliance nationale de l’Ouest, qui prétend regrouper monarchistes et républicains conservateurs essentiellement autour de la défense catholique ; mais il ne s’y implique guère. Il intervient en juin 1939 sur les questions agricoles au congrès départemental du Parti républicain national et social (PRNS) : ce succédané des Jeunesses patriotes est en fait un carrefour politique de la droite de la région nantaise. Il n’a pas moins de bons rapports avec le Parti social français (PSF), dont la percée politique et la volonté de recentrage irritent au plus haut point les notables conservateurs du département. Il semble partout reconnu comme un conciliateur.
Il sert de nouveau en 1939-1940, sur sa demande, malgré un avis médical d’inaptitude physique, et participe à la campagne de France. Interné en Suisse à l’armistice, il est rapatrié sanitaire en décembre 1940. Il est maintenu dans le conseil départemental créé par la loi de Vichy du 7 août 1942, en tant que membre du conseil général suspendu. Mais il est déjà un maire résistant, aidant activement les évadés, puis les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO), camouflés sur place. Son épouse Yolaine de Sesmaisons a commencé, dès 1940, une action inépuisable de soutien aux prisonniers et aux personnes traquées par la Gestapo ; présidente du COSOR (Comité des Oeuvres sociales de la Résistance) de la Loire-Inférieure en 1944, dont son époux est lui-même vice-président, elle distribue les fonds de l’aide clandestine aux familles de fusillés et de déportés ; elle reçoit la Légion d’honneur au titre de la Résistance ainsi que la croix de guerre. Leur fils Jean, agent de liaison de l’état-major de l’ORA (Organisation de résistance de l’armée) à dix-huit ans, a été torturé par la Gestapo et déporté à Dora-Harzungen. En août 1944, Olivier de Sesmaisons est membre du Comité de libération de la Loire-Inférieure.
Le 21 octobre 1945, il est candidat à l’Assemblée constituante sur la liste d’Union nationale républicaine de la Résistance conduite par le général Audibert, chef d’état-major régional de l’armée secrète dans l’Ouest et ancien membre du PSF, liste qui obtient 119 522 voix, soit 36,8 % des suffrages exprimés. Olivier de Sesmaisons est élu en compagnie d’Audibert et de Jacques Chombart de Lauwe, alias colonel Félix. Comme ses deux collègues, il s’inscrit au groupe d’Unité républicaine, puis est membre fondateur du Parti républicain de la Liberté (PRL) en décembre 1945. Le retrait du général Audibert, en mauvais termes avec les éléments conservateurs du département, dont Félix, permet à ce dernier de s’imposer en tête de la liste PRL lors de la seconde élection constituante le 2 juin 1946 alors qu’Olivier de Sesmaisons semble avoir la priorité. La moindre popularité du nouveau leader ou le caractère plus tranché de l’étiquette PRL ramène la liste à un résultat de 94 297 suffrages (27,9 % des suffrages exprimés), face à une poussée tardive du Mouvement républicain populaire (MRP). Elle conserve néanmoins ses trois sièges : ses élus sont Félix, Olivier de Sesmaisons et le maire de La Baule, René Dubois. Son élargissement en liste d’Union nationale, Parti républicain de la Liberté, Union gaulliste et Unité paysanne, lui permet une légère remontée, à 98 916 voix (29,7 %) lors de l’élection législative du 10 novembre 1946 et assure la reconduction de ses trois députés. Félix est en fait très critiqué alors que Olivier de Sesmaisons détient une véritable autorité morale ; sa loyauté lui interdit pourtant d’en tirer les conséquences et son coéquipier lui causera quelques difficultés politiques jusqu’à leur rupture en 1949.
Dans la première Assemblée constituante, Olivier de Sesmaisons est nommé à la commission de l’agriculture et du ravitaillement, puis à la commission du ravitaillement. Il dépose le 5 février 1946, au nom des députés PRL, une proposition de loi tendant à modifier et compléter les ordonnances du 4 décembre 1944, relative aux commissions paritaires des baux ruraux, et du 17 octobre 1945, sur le statut du fermage, ainsi qu’une proposition de résolution invitant le gouvernement à prendre rapidement des dispositions en faveur de la modernisation de l’habitat rural et de l’équipement des campagnes. Il est l’un des auteurs de la loi du 13 avril 1946 sur le statut du fermage et du métayage. Ses interventions, dans la discussion générale, sont empreintes d’un esprit consensuel, nuancé par une défense particulière du paritarisme. Il intervient à quatre reprises en séance et défend deux amendements.
Dans la seconde Assemblée constituante, membre de la commission de l’agriculture et de la commission supérieure des allocations familiales agricoles, il cosigne, le 12 septembre 1946, un rapport au nom de la commission de l’agriculture, sur la proposition de loi de C. Desjardins, P. July, et H. Bergasse, députés PRL, tendant à supprimer la taxation des produits agricoles et les subventions de l’Etat permettant de livrer ces produits à la consommation à un prix inférieur à celui payé aux producteurs, et à affecter les montants ainsi économisés à une allocation d’attente aux vieillards privés de ressources. Il dépose également, le 19 septembre 1946, une proposition de loi tendant à accorder aux prisonniers et déportés des dégrèvements d’impôt pour la période de leur captivité ou de leur déportation. Il intervient à trois reprises en séance publique, en défendant notamment trois amendements. Il prend la parole dans les débats relatifs aux crédits de l’exercice 1946 concernant l’agriculture et sur le ravitaillement. Si sa compétence le porte à traiter des questions agricoles et sociales, il intervient aussi dans la première constituante sur le projet de loi de nationalisation de la Banque de l’Algérie et participe au débat constitutionnel dans la seconde, par une proposition d’amendement au préambule du 28 août 1946.
Toujours membre de la commission de l’agriculture dans la première Assemblée législative (1946-1951), il en est élu vice-président le 17 décembre 1946, pour cinq années. Il est également nommé juré à la Haute Cour de Justice, le 19 juillet 1947. Il se distingue par son travail parlementaire et législatif. De décembre 1946 à mai 1951, il dépose quatre propositions de loi, trois propositions de résolution, six rapports, quatre rapports complémentaires et un avis au nom de la commission de l’agriculture ; ses interventions en séance et ses propositions d’amendements sont au nombre de soixante-dix-huit. Il ne défend pas moins de cinquante-huit amendements et trois sous-amendements. Il remplit les fonctions de rapporteur suppléant d’une proposition de loi relative à la famille et à la natalité française, amendée par le Conseil de la République, le 4 août 1950. Par trois fois, il est rapporteur pour avis du projet de loi tendant au redressement économique et financier (8 août 1948) ; du budget annexe des prestations familiales (4 août 1950) ; du projet de loi portant reconduction de la majoration des prestations familiales (28 avril 1951). En dehors de problèmes agricoles et fonciers ponctuels ou techniques, il s’intéresse à la situation des prisonniers et déportés, à la suppression des juridictions d’exception à compétence économique, à la constitution d’une commission des boissons de l’Assemblée, à l’amnistie de certaines infractions à la législation économique commises par les agriculteurs, à la législation des assurances sociales agricoles. En séance, il intervient particulièrement sur les fermes et les baux ruraux, les relations entre bailleurs et preneurs, les problèmes des familles agricoles, la fiscalité et les charges, pesant surtout sur les petits exploitants et, plus ponctuellement, sur le régime des associations, les problèmes scolaires, l’Indochine (se démarquant dans un sens modéré de certains de ses collègues PRL et RPF, contre une motion de censure déposée par René Capitant en mars 1949). Il prend également la parole dans les discussions de politique générale, notamment en faveur de l’investiture du président Queuille, le 30 juin 1950.
Entre 1945 et 1951, l’évolution politique d’Olivier de Sesmaisons est contenue entre trois pôles : la droite départementale de tradition conservatrice ; le courant modéré auquel il appartient, en l’espèce du PRL et de son groupe parlementaire ; et le gaullisme, représenté à partir d’avril 1947 par le Rassemblement du Peuple français. Il se distingue de la première par son réformisme, mais entend ne pas se couper de ses notables qui forment encore une ossature politique locale. Dans cet esprit, il contribue à la création, en mars 1949, du Comité d’Union nationale républicaine, qui institutionnalise une structure électorale unitaire, mais informelle, fonctionnant depuis 1945, voire prolongeant une tradition d’arbitrage plus ancienne : la moitié de ses membres sont issus du vieux comité de la droite ; mais le président, Léonce de Gibon, accompagne la mutation modérée imprimée par l’influence d’Olivier de Sesmaisons secondé par le jeune journaliste Michel Raingeard, conseiller général de Nantes.
Réputé gaulliste dès 1945 par l’opinion locale, Olivier de Sesmaisons adhère en 1947 à l’intergroupe RPF de l’Assemblée nationale. Son entrée dans le Rassemblement lui-même est plus tardive, en février 1948, en raison des conflits qui le divisent dans le département : une direction d’abord de tendance UDSR (Union démocratique et socialiste de la Résistance) monolithique s’y oppose aux parlementaires PRL de la Loire-Inférieure, dont l’adhésion doit être imposée depuis Paris. Olivier de Sesmaisons est alors élu membre du comité départemental RPF. Son épouse a toutefois adhéré dès 1947 et est devenue vice-présidente du groupement départemental en octobre de la même année. La querelle vise en fait surtout la personne de Félix, discrédité même auprès des éléments conservateurs et de plus en plus marqué d’une image extrémiste : ce dernier brûle en définitive les ponts par des déclarations antigaullistes en 1949. Le nouveau délégué départemental, Henry Rey, rééquilibrant le RPF dans un sens conforme à la réalité locale, renforce la convergence entre gaullistes et modérés voulue par Olivier de Sesmaisons. Le député lui-même est gaulliste d’un sentiment exprimé en une formule répétée : « parce que tout ce qui est vil lui [général de Gaulle] est étranger et parce qu’il recherche l’union des Français ayant le désir de servir le pays ». Quant au fond, il ne s’estime lié par aucune discipline de vote. Il se distingue souvent au sein de l’intergroupe RPF par son refus d’une opposition sans nuance. Il vote notamment l’investiture de Robert Schuman le 24 novembre 1947, d’André Marie le 26 juillet 1948 - et le 10 août les pouvoirs financiers demandés par son ministre des finances Paul Reynaud -, celle d’Henri Queuille le 10 septembre de la même année –, mais s’abstient le 19 sur ses projets financiers. Il vote encore l’investiture de Georges Bidault le 27 octobre 1949 et de nouveau celle d’Henri Queuille le 30 juin 1950. Il ne participe pas moins au travail collectif de l’intergroupe et à l’activité du RPF ; il est membre de son conseil agricole, créé par une décision du 27 juillet 1950, et devient conseiller national du Rassemblement en 1951. Le général de Gaulle, qui a été son hôte, l’honore de son estime sans lui tenir rigueur de son indépendance. C’est par son arbitrage personnel, rendu publiquement à Nantes en mai 1951, qu’Olivier de Sesmaisons est investi pour conduire une des rares listes électorales dérogeant au principe de candidatures sous étiquette RPF exclusive, en vue du prochain scrutin législatif.
Le 17 juin 1951, Olivier de Sesmaisons est réélu comme RPF en tête de la liste d’entente, Union des Indépendants, des Paysans et des Républicains nationaux et Rassemblement du Peuple français, qui se situe dans une continuité : derrière lui sont élus, en l’absence de René Dubois passé au Conseil de la République, les quatrième et cinquième candidats de la liste d’Union de novembre 1946 : le député sortant Etienne Toublanc, du Parti paysan, et Michel Raingeard, de même origine PRL et étiquette RPF qu’Olivier de Sesmaisons. Le succès de l’entente, qui dépasse le score de 1945 avec 120 084 suffrages (37,1 % des suffrages exprimés), malgré la concurrence d’une liste de division conduite par Félix et bloquant 20 881 voix, lui permet d’obtenir la moitié de la représentation départementale : elle obtient un quatrième député avec l’élection de l’indépendant de droite Maurice Grimaud. S’étant engagé « malgré les fautes faites par le RPF », selon ses termes, Olivier de Sesmaisons adhère au groupe parlementaire du Rassemblement du Peuple français au lendemain de l’élection. Il rappelle toutefois : « A aucun moment il ne m’a été demandé d’aliéner ma liberté de vote ». Il se conforme d’abord aux votes du groupe, s’abstenant sur l’investiture de René Pleven, le 8 août 1951, et sur celle d’Edgar Faure, le 18 janvier 1952, puis lui refusant la confiance, le 29 février. Mais il est le premier député gaulliste, depuis le mois de septembre précédent, à exprimer par écrit au président de son groupe, Jacques Soustelle, les états d’âme de beaucoup d’autres élus, devant une opposition systématique ressentie comme aggravant délibérément toute crise : selon lui, le général de Gaulle reste un recours, mais l’Assemblée nationale ne peut l’accepter qu’au terme d’une évolution à préparer par une démarche constructive, à moins d’un « coup dur » - mais, ajoute-t-il, « personne de nous n’a le droit de le souhaiter ». Le 6 mars 1952, il est un des vingt-sept députés RPF qui votent l’investiture d’Antoine Pinay. Il se justifie auprès du général de Gaulle en invoquant l’urgence nationale d’un redressement monétaire et financier. Avec les mêmes députés, qui refusent au conseil national du RPF, à Saint-Maur (4-6 juillet 1952), l’instauration d’une discipline de vote du groupe gaulliste, il démissionne du Rassemblement et s’inscrit au nouveau groupe parlementaire des Indépendants d’Action républicaine et sociale. Ce groupe crée en même temps l’ébauche d’une organisation partisane, l’ARS, qui rejoindra le Centre national des Indépendants et Paysans (CNIP). En fait, Olivier de Sesmaisons et ses amis, dont son collègue Michel Raingeard qui a poussé le premier à la rupture, se distinguent peu localement du Centre national des Indépendants et Paysans (CNIP), que l’ARS ne ralliera à l’échelle nationale qu’en juin 1954. Le CNIP a, dès mars 1953, investi le Comité d’Union nationale républicaine de la Loire-Inférieure comme son représentant exclusif dans le département. Cet aval n’empêche pas le comité de demeurer un cadre unitaire plus large, assurant par exemple, en 1955, la réélection du sénateur gaulliste (Républicain social) Michel de Pontbriand. Et, malgré sa dissidence de 1952, Olivier de Sesmaisons gardera toujours de bonnes relations avec les gaullistes.
Le travail parlementaire d’Olivier de Sesmaisons n’est pas moindre dans la seconde législature que dans la précédente. Il siège encore à la commission de l’agriculture (1951-1955) qu’il préside de 1952 à la fin de la législature. Il appartient également à la commission de la marine marchande et des pêches (1953-1954). Il est nommé membre suppléant de la commission des finances, le 27 mai 1952. A partir du 22 août 1951, il représente l’Assemblée nationale au sein de la commission des prestations familiales agricoles. Il dépose six propositions de loi, six rapports et quatre rapports supplémentaires. Il n’intervient pas moins de soixante-cinq fois en séance publique, défendant vingt amendements, quatre sous-amendements, deux ordres du jour, une demande de disjonction et un article additionnel. Il remplit, à cinq reprises, les fonctions de rapporteur, alors qu’il est aussi rapporteur pour avis et rapporteur pour avis suppléant. Favorable à l’école libre, qu’il défend de longue date avec son collègue Michel Raingeard, il intervient activement en septembre 1951 dans le débat sur la proposition de loi déposée par Charles Barangé, tendant à accorder des allocations à tous les parents d’élèves. Il contribue à la réforme de l’Office national interprofessionnel des Céréales (ONIC) par sa proposition de loi du 17 juillet 1951, tendant à permettre aux négociants en grains de bénéficier des avals de l’ONIC en paiement des blés qu’ils stockent, à l’instar des coopératives ; il en est, en même temps, le rapporteur au cours de toute la procédure législative entre les deux assemblées aboutissant à la loi du 6 février 1952. Ses rapports ou propositions de loi concernent également la police de la chasse, les baux ruraux et les garanties aux preneurs ou la suppression du droit de préemption des professionnels de l’agriculture. Ses très nombreuses interventions en séance portent aussi sur la fiscalité, la sécurité sociale et sa gestion, les prestations familiales et l’assurance vieillesse agricole, le droit de la famille, les investissements et constructions scolaires, l’équipement rural, l’amnistie, l’Indochine, les problèmes des fonctionnaires, les lois relatives aux bouilleurs de cru. Il vote contre l’investiture de Pierre Mendès France le 17 juin 1954. Il s’abstient sur les accords de Genève le 23 juillet 1954. Hostile à la Communauté européenne de défense (CED), il vote la motion préjudicielle déposée par Adolphe Aumeran, le 30 août 1954, qui aboutit à mettre fin au débat. Il s’abstient sur les accords de Paris autorisant le réarmement de l’Allemagne, le 29 décembre 1954. Sur l’évolution des protectorats nord-africains, il partage les réserves et demandes de garanties formulées par une partie des modérés : il vote le 8 juillet 1955 les motions préjudicielles déposées par Raymond Dronne et Edmond Barrachin sur les conventions franco-tunisiennes. Il vote contre l’ordre du jour d’Edouard Depreux approuvant la politique marocaine du gouvernement, le 8 octobre 1955.
Le 2 janvier 1956, Olivier de Sesmaisons est réélu en tête de la liste d’union des Indépendants et Paysans, suivi de Michel Raingeard et d’Etienne Toublanc. Mais une remontée du Mouvement républicain populaire (MRP), avec lequel elle a conclu un apparentement, et la concurrence de deux listes de droite, dont celle des poujadistes, la ramènent à 98 948 voix, soit seulement 26,7 % des suffrages exprimés, empêchant la réélection de son quatrième député. La profession de foi d’Olivier de Sesmaisons et de ses amis maintient, à côté de la mise en valeur de l’économie régionale, de la rénovation agricole, de la protection sociale et familiale, de la formation des jeunes, les grandes orientations nationales qui l’inspiraient au temps de l’union des Indépendants et du RPF ; en particulier, elle appelle à la réforme de l’Etat « par une révision constitutionnelle permettant au gouvernement de gouverner et au parlement de contrôler ». Elle entend aussi « sauver l’Union française [...] contre tous les dénigrements ».
Dans cette troisième législature de la Quatrième République, Olivier de Sesmaisons siège au groupe des Indépendants et Paysans d’Action sociale. De 1956 à mars 1958, membre de la seule commission de l’agriculture (1956-1958), il dépose encore sept propositions de loi, dix rapports et deux rapports supplémentaires, au nom de la commission de l’agriculture : sur les fermages, la conversion des métayages, l’ONIC, les cotisations sociales, les calamités agricoles, l’indemnisation des accidents du travail, l’assurance vieillesse agricole, les Chambres d’agriculture. Il intervient à vingt-huit reprises en séance publique. Il défend alors dix-sept amendements, feux sous-amendements, un rappel au règlement et un article additionnel. Il est rapporteur à quatre reprises. Le 9 juillet 1957, il vote la ratification du traité de Rome. Il s’abstient lors du scrutin du 30 septembre 1957 sur le projet de loi-cadre pour l’Algérie qui entraîne la chute du gouvernement Bourgès-Maunoury. Il refuse la confiance au gouvernement de Félix Gaillard le 15 avril 1958 (censure de fait par vote contre le renvoi à la suite des interpellations sur les « bons offices ») et l’investiture de Pierre Pflimlin, le 14 mai.
Le 1er juin 1958, Olivier de Sesmaisons vote l’investiture du général de Gaulle et, le 2, la loi conférant les pleins pouvoirs à son gouvernement, ainsi que la modification de l’article 90 de la Constitution, autorisant sa réforme. Candidat au titre du CNIP et sans concurrent gaulliste à l’élection législative des 23 et 30 novembre 1958 dans la quatrième circonscription de la Loire-Atlantique, il obtient 37,9 % des voix au premier tour et est réélu au second avec 59,7 % des suffrages exprimés. Restant préoccupé du sort des populations qui ont fait confiance à la France en Afrique du Nord, il soutient néanmoins l’évolution de la politique algérienne du général de Gaulle, après une réflexion nourrie de ce que lui ont appris ses trois fils qui y sont officiers.
La carrière parlementaire d’Olivier de Sesmaisons, qui se poursuit sans interruption sous la Cinquième République jusqu’à sa mort en 1967, est dans le droit fil de l’homme. Notable héritier d’une tradition familiale, il est aussi et avant tout, selon la belle formule d’André Bettencourt dans Ouest-France du 20 janvier 1967, « une conscience qui s’exprimait ». Toutes les appréciations de source neutre, les témoignages et jusqu’aux hommages rendus par des personnalités d’un bord politique autre, tracent de lui le même portrait. Profondément humain, attentif à tous, modéré réformiste soucieux de conciliation et de progrès, il était « aimé » dans la région nantaise, selon un mot qui revient sous toutes les plumes locales depuis l’avant-guerre. Catholique fervent quoique sans ostentation, il priait longuement, et s’imposait de participer chaque année au pèlerinage national de Lourdes. Il déclina deux fois la proposition qui lui fut faite du portefeuille ministériel de l’agriculture. Son activité parlementaire s’inscrivait pour lui dans un devoir, dans l’indépendance et hors de toute ambition personnelle. Il était officier de la Légion d’honneur à titre militaire et titulaire des croix de guerre 1914-1918 et 1939-1945. Olivier de Sesmaisons disparaît le 15 janvier 1967, à la Chapelle-sur-Erdre.
SESMAISONS (Olivier, François, Robert, Marie, Rogatien de)
Né le 21 mai 1894 à Saumur (Maine-et-Loire).
Décédé le 15 janvier 1967 à La Chapelle-sur-Erdre (Loire-Atlantique)
Député de la Loire-Atlantique de 1958 à 1967
(Pour la première partie de la biographie, voir le Dictionnaire des parlementaires français, 1940-1958, tome 6 à paraître).
Après avoir voté l’investiture du général de Gaulle le 1er juin 1958, Olivier de Sesmaisons accueille favorablement les institutions de la Vème République. Conseiller général de La Chapelle-sur-Erdre, il sollicite le renouvellement de son mandat de député dans la quatrième circonscription de Loire-Atlantique en novembre 1958 : ce secteur, qui ne comprend guère d’unités urbaines hormis Ancenis, apparaît très favorable aux élus de la droite modérée.
Olivier de Sesmaisons reçoit l’investiture du Centre national des indépendants et paysans (CNIP). Il rappelle dans sa profession de foi électorale que le Parti républicain de la Liberté (PRL) dont est notamment issu le CNIP s’était opposé à la Constitution de la IVème République à l’automne 1946. Ancien combattant des deux guerres mondiales, Olivier de Sesmaisons rapproche le sacrifice des appelés d’Afrique du Nord et ceux de leurs aînés et en conclut que l’Algérie « a coûté trop de larmes et de sang pour qu’elle ne reste pas « partie intégrante de la France ». Le député sortant, qui a soigneusement évité d’attaquer trop vivement ses adversaires pendant la campagne, obtient 37,9% des suffrages exprimés le 23 novembre 1958, malgré le nombre élevé de candidats (sept au premier tour). Il affronte au second tour le MRP Marius Moutel et enregistre le soutien de deux autres candidats indépendants. Ni le Parti communiste ni la SFIO n’ont réuni suffisamment de voix pour maintenir leur représentant au second tour. Olivier de Sesmaisons est réélu député de Loire-Atlantique par 59,7% des suffrages exprimés le 30 novembre 1958.
Il s’inscrit au groupe des Indépendants et paysans d’action sociale (IPAS) à l’Assemblée nationale et siège à la Commission de la production et des échanges de 1959 à 1967. Olivier de Sesmaisons appartient également au Conseil supérieur de la Coopération sous les première et seconde législatures de la Vème République. Le député de la Loire Atlantique ne dépose pas de proposition de loi entre 1958 et 1962, mais il prend la parole à trente quatre reprises en séance publique.
Les interventions d’Olivier de Sesmaisons abordent des thématiques assez variées, même si les problèmes du monde rural, les questions agricoles et le dossier des anciens combattants et victimes de guerre apparaissent privilégiés. Le 23 novembre 1961, le député de Loire-Atlantique insiste ainsi pour que des mesures d’accueil particulières soient prises en faveur des veuves de guerre et des parents d’enfants morts pour la France qui souhaiteraient quitter les anciennes colonies pour regagner la métropole. Il défend également dans l’hémicycle les intérêts de ses mandants. Le 24 novembre 1960, Olivier de Sesmaisons souligne les dégâts subis par les marais de Redon et les régions traversées par la Sèvre niortaise lors d’importantes inondations ; quelques mois plus tard, il aborde à nouveau ce sujet et réclame une meilleure indemnisation des petits propriétaires d’exploitations agricoles dans ces zones inondées (19 juillet 1961).
Olivier de Sesmaisons se montre en outre très attentif aux prérogatives des parlementaires telles qu’entendues par la Constitution de la Vème République. Le 20 janvier 1959, à l’occasion de la discussion du règlement de l’Assemblée nationale, il s’inquiète ainsi de la latitude laissée au président de l’Assemblée d’apprécier l’ordre selon lequel les députés seront appelés à prendre la parole.
Les votes du député de la Loire-Atlantique témoignent de son appartenance à la majorité sous la première législature : il accorde notamment les pouvoirs spéciaux au gouvernement de Michel Debré pour rétablir l’ordre en Algérie, peu après la Semaine des barricades (2 février 1960). Contrairement à plusieurs de ses collègues du CNIP, Olivier de Sesmaisons refuse de voter la motion de censure du 4 octobre 1962. Il est favorable à l’élection du président de la République au suffrage universel direct et appelle donc à voter « oui » au référendum du 28 octobre 1962. Les électeurs de Loire-Atlantique semblent lui donner raison puisque 55,9% des inscrits approuvent la modification constitutionnelle. Olivier de Sesmaisons envisage cependant de proposer une limitation du droit de dissolution et suggère que le chef de l’Etat ne puisse en user qu’après avoir obtenu l’avis conforme du Sénat.
Il se réclame des Républicains indépendants lors des élections législatives des 18 et 25 novembre 1962. C’est en effet sous cette appellation que se rassemblent les Indépendants acquis à la majorité, contre un CNIP très largement gagné à l’opposition, sous l’influence de Roger Duchet puis, à partir de 1961, de Camille Laurens. Que l’investiture du CNIP ait été accordée à l’un de ses anciens adversaires de 1958 n’empêche pas Olivier de Sesmaisons d’arriver largement en tête au premier tour de scrutin avec 48,8% des suffrages exprimés dans la quatrième circonscription de Loire-Atlantique. Il franchit dans six cantons sur dix la barre des 50% dès le premier tour et obtient son meilleur résultat dans celui du Loroux-Bottereau (67,95% des suffrages exprimés). Olivier de Sesmaisons n’hésite pas à se référer aux valeurs chrétiennes dans ses professions de foi électorales, rappelant notamment que l’Evangile invite les fidèles à s’aimer « les uns les autres ». Soutenu implicitement par les gaullistes, il n’en entend pas moins conserver sa liberté d’appréciation et forme le vœu que « les hommes de bonne volonté se retrouvent pour le plus grand bien de tous et de la France ». Olivier de Sesmaisons est réélu député avec plus de 62% des voix le 25 novembre 1962, malgré une quadrangulaire.
Le député de la Loire-Atlantique siège parmi les Républicains indépendants sous la deuxième législature de la Vème République. Il ne dépose pas de proposition de loi entre 1962 et 1967 et intervient moins fréquemment dans l’hémicycle. Comme souvent depuis les débuts de sa carrière de parlementaire, les propos tenus par Olivier de Sesmaisons au Palais-Bourbon sont guidés par la volonté d’œuvrer à la réconciliation nationale, ou d’éviter au pays des divisions inutiles. Très attaché à la liberté de l’enseignement, il s’oppose pourtant à un amendement d’André Fanton visant à réduire la subvention accordée à la Ligue de l’enseignement, de tradition laïque, à l’occasion de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1963 (janvier 1963). Le député de la Loire-Atlantique juge en effet que cette modification aurait pour effet de troubler l’entente nationale et d’opposer inutilement une partie de l’hémicycle à l’autre.
Le 22 janvier 1963, une autre intervention d’Olivier de Sesmaisons provoque un incident dans l’hémicycle. Père d’un résistant mort en déportation et ancien résistant lui-même, il plaide en effet pour que les jeunes Français, qui ne sont pas partis en Allemagne de leur plein gré sous l’Occupation et ont été soumis au STO, soient considérés comme les victimes d’une « déportation du travail ». Roger Souchal, député de la Meurthe-et-Moselle et ancien déporté lui-même, réagit très vivement à cette hypothèse : « Les déportés, ce ne sont pas ces gens-là ! Ce sont ceux qui, comme moi, ont été envoyés dans les camps de concentration. Les travailleurs en Allemagne n’ont pas droit au titre de déporté ». Applaudi par ses collègues gaullistes, Roger Souchal semble donc ouvrir avec Olivier de Sesmaisons une manière de «concurrence des mémoires ». Le député de la Loire ne manque pas de souligner qu’il a été, lui aussi, éprouvé indirectement par la déportation : « J’ai eu la tristesse d’assister, dans mon foyer, à la déportation d’un fils qui est mort après avoir pardonné à ses bourreaux. C’est en souvenir de lui que, ainsi que je l’ai fait déjà, j’appuie la demande des victimes de la déportation du travail ». Son intervention est applaudie par les Indépendants, les centristes, les radicaux et les socialistes.
Le député de la Loire-Atlantique soutient le gouvernement de Georges Pompidou entre 1962 et 1967. Il approuve ainsi la ratification du traité de l’Elysée (13 juin 1963), vote en faveur d’un encadrement des modalités de la grève dans les services publics (26 juillet 1963) et soutient la réforme du service national (26 mai 1965).
Olivier de Sesmaisons ne sollicite pas le renouvellement de son mandat de conseiller municipal de La Chapelle-sur-Erdre lors des élections des 14 et 21 mars 1965. Il demeure cependant conseiller général du canton éponyme jusqu’à sa mort. La dernière intervention d’Olivier de Sesmaisons au Palais-Bourbon se situe à la fin de la deuxième législature, le 16 décembre 1966 : il y défend la possibilité pour les travailleurs de choisir les allocations familiales de leur lieu de résidence ou de leur lieu de travail. Cette disposition est destinée à empêcher que des salariés vivant à proximité d’un autre département soient pénalisés, alors que les découpages administratifs ne respectent pas toujours de logique apparente.
Le député de la Loire-Atlantique s’éteint à l’âge de 72 ans, quelques semaines avant les élections législatives de mars 1967. Homme de dialogue, conservateur lucide et ouvert aux autres sensibilités, conciliateur-né, Olivier de Sesmaisons fait l’unanimité autour de lui au lendemain de sa disparition. Cet élu assidu et très actif avait siégé sans discontinuer sur les bancs de l’Assemblée nationale depuis la première Constituante, en 1945.