Maurice Simonnet
1919 - 1988
SIMONNET (Maurice, René)
Né le 4 octobre 1919 à Lyon (Rhône)
Décédé le 21 août 1988 à Montélimar (Drôme)
Membre de la seconde Assemblée nationale constituante (Drôme)
Député de la Drôme de 1947 à 1958
Secrétaire d'Etat à la marine marchande du 11 novembre 1957 au 14 mai 1958
L'engagement de Maurice-René Simonnet s'est établi sous le signe de la jeunesse. En premier lieu, il se révèle au sein de l'Action catholique de la Jeunesse française, à l'un des moments les plus dramatiques de l'histoire de France. Né en 1919, ce fils d'un ingénieur drômois est diplômé de l'Ecole libre des sciences politiques après d'excellentes études à Lyon, d'abord à l'institution des Chartreux, puis au prestigieux lycée du Parc, où il bénéficie des cours d'histoire de Georges Bidault. Secrétaire fédéral de la Jeunesse étudiante chrétienne à Lyon, il en devient le président fédéral en 1940. Farouchement opposé à l'idéologie de la Révolution nationale, il oriente son action vers deux objectifs : éviter que la JEC, ainsi que les autres organisations de jeunesse catholique ne soient mises sous la coupe du gouvernement de Vichy. "Dans la situation particulièrement difficile de cette période dramatique où chacun se trouve confronté, sans repères, à des interrogations inattendues, Maurice-René Simonnet fit preuve d'une lucidité et d'une clairvoyance qui n'étaient pas alors les dons les plus partagés" (René Rémond). Ayant fait admettre l'autonomie des mouvements de jeunesse catholique par l'Etat français, il s'efforce de contrer la propagande vichyste. Il fonde en juin 1941, avec Gilbert Dru, Albert Gortais et André Mandouze, les Cahiers de notre Jeunesse, qui connurent dix-huit numéros. Tout en biaisant avec la censure, cette revue se veut une incitation permanente à la Résistance. Suspendue en avril 1943 pour avoir cité Maritain et Bernanos, elle est définitivement interdite en juin du fait de son rejet affiché du STO. Déjà, lors du conseil national réuni à Avignon le 6 mars 1943, Maurice-René Simonnet et Rémi Montagne avaient rédigé et fait accepter une motion dénonçant le STO. Bien que résistant, Maurice-René Simonnet se refuse à faire de la JEC en tant que telle un soutien logistique pour la Résistance. Faire courir de graves dangers aux jeunes qui lui ont été confiés lui semble irresponsable. Maints jécistes, sous l'influence de son action, décident de s'engager personnellement dans la Résistance. Il décide alors, avec Gilbert Dru, de fonder en novembre 1943 les Jeunes chrétiens combattants (JCC) pour disposer d'une organisation clandestine qui puisse représenter la jeunesse catholique au sein du Forces unies de la jeunesse patriote.
Profondément lié à Gilbert Dru, il a à cœur de poursuivre l'action de son ami exécuté par les Nazis en participant à la création d'un mouvement politique prolongeant l'action des catholiques dans la Résistance. En avril 1944, il rédige avec André Colin le manifeste pour le Mouvement républicain de libération (MRL), futur Mouvement républicain populaire dont Maurice-René Simonnet est l'un des fondateurs. On retrouve dans ce manifeste les thèses de la JEC, en particulier la rupture avec le capitalisme. C'est donc par la politique que Maurice-René Simonnet prolonge son engagement résistant de jeune militant chrétien.
Le 20 juillet 1948, il épouse Jeanne-Marie Montagne, sœur de son compagnon de combat, qui lui donne huit enfants. L'un d'eux sera prénommé Gilbert, en hommage à Gilbert Dru.
Elu député à 27 ans, Maurice-René Simonnet place également son entrée sur la scène politique nationale sous le signe de la jeunesse. Les origines drômoises de sa famille le conduisent à se présenter pour la première fois dans ce département en juin 1946, sur la liste MRP conduite par Pierre Dhers. Le franc succès du MRP, qui recueille 33 % des suffrages dans ce département, permet à Maurice-René Simonnet d'être élu. Benjamin de la Deuxième assemblée nationale constituante, il y gagne le surnom de "J3" du nom qui désignait alors les adolescents, d'après le sigle qui figurait sur les cartes de rationnement. Le 10 novembre 1946, avec 42 841 suffrages, le MRP recule de 500 voix tandis que le PCF en gagne 700, obtenant 43 328 suffrages, donc deux sièges, au détriment du MRP puisque Maurice-René Simonnet n'est pas élu du fait de sa deuxième place. Entachées d'irrégularités commises par le PCF, ces élections sont annulées le 11 février 1947 et une élection partielle se déroule le 30 mars 1947. A la veille de la rupture du tripartisme, elles sont regardées avec la plus grande attention par le monde politique et leur enjeu en fait "un événement de portée nationale" d'après René Rémond. Si le PCF améliore son score de 1 700 voix, le M.R.P. réussit un progrès supérieur puisqu'il recueille 51 631 suffrages. Le siège de Maurice-René Simonnet est ainsi reconquis au détriment de l'adversaire communiste. Malgré l'effondrement du MRP au cours de la première législature, à savoir la perte de 23 000 voix dans la Drôme, celui-ci réussit à conserver ses deux sièges grâce aux apparentements. Maurice-René Simonnet conduit alors la liste, Pierre Dhers s'étant retiré de la vie politique. En 1956, le MRP réalise un score identique mais perd un siège car il n'a pu s'apparenter. Maurice-René Simonnet est donc à la fin de la Quatrième République le seul député de sensibilité démocrate-chrétienne de la Drôme.
Maurice-René Simonnet déploie tout au long de ses mandats une intense activité parlementaire. Il s'investit particulièrement dans la commission de l'éducation nationale où il siège continûment de 1947 à 1951. C'est un moment clé, à la fois de tentative de rénovation pédagogique à la suite du plan Langevin-Wallon, de croissance des effectifs scolarisés mais aussi d'affrontement idéologique entre les deux France, la France laïque et la France catholique, sur un domaine qui apparaît comme une chasse gardée des éléments les plus laïcistes de la SFIO. Qu'un jeune homme comme Maurice-René Simonnet investisse ce secteur à hautes turbulences politiques montre l'estime que lui portent ses pairs du MRP. Il est vrai qu'alliant science juridique, capacité de travail et rigueur de pensée, il révèle très vite un talent de parlementaire exceptionnel. Son engagement et sa force de travail s'illustrent dans les trente-sept rapports qu'il présente entre 1947 et 1955. Siégeant dans la commission des finances entre 1947 et 1957, il continue à s'affirmer comme un connaisseur de premier plan de la machine éducative française puisqu'il assume cinq fois de suite la lourde tâche de rapporteur du budget de l'éducation, pour les exercices 1950, 1951, 1952, 1953, 1954 et 1955. A ce titre, il multiplie les interventions dans l'hémicycle, avec un talent consommé pour répondre avec précision et fermeté aux contradictions de tout ordre qui se font jour lors des débats budgétaires. Il est vrai que dès 1947, il s'insurgeait sur le manque de lisibilité du budget de l'éducation nationale qui empêchait tout déroulement d'un vrai débat du fait d'une présentation incomplète et trop complexe (22 juillet 1947). Avec une connaissance très sûre des rouages de l'éducation nationale, il intervient avec la même assurance sur des sujets très variés, que ce soit les colonies de vacances, les étudiants français boursiers à l'étranger ou les classes uniques. Sur ce sujet, il se montre partisan de la fermeture des petites classes, aussi bien pour des raisons économiques que pédagogiques, l'essor du transport scolaire permettant les regroupements nécessaires (30 novembre 1953). Il est également désigné rapporteur de la loi Barangé en 1951. Son poids politique au sein du MRP s'affirme de plus en plus et, en 1954, il interpelle vertement le président du Conseil, Pierre Mendès France, sur un article paru dans L'Express au sujet de sa position quant aux Accords de Londres (31 août 1954). Il paraît évident que le MRP joue ici la jeunesse de Maurice-René Simonnet face à celui qui fut, quinze ans avant lui, le plus jeune député de France. L'année suivante, la carrière de Maurice-René Simonnet franchit un nouveau seuil car il accède au secrétariat général du MRP. Il incarne le renouvellement du Mouvement, qui se situe clairement au centre, comme en témoigne l'élection de Pierre Pflimlin à sa présidence l'année suivante. Editorialiste dans l'organe du MRP, Forces nouvelles, le nouveau secrétaire général y affirme ses convictions européennes, sa crainte d'un nouveau Front populaire et son refus d'une vie politique strictement bipolaire. Ses interventions s'orientent alors de plus en plus vers la politique générale et les questions de relations internationales. Déjà, le 30 août 1954, ce futur professeur de droit posait l'hypothèse d'une réunification allemande pour se demander si les traités ratifiés par la RFA survivraient à cet événement, selon que l'on considère l'Allemagne unie comme un Etat nouveau ou comme un simple intégration de la RDA dans l'Allemagne fédérale. On sait quelle réponse allait apporter l'histoire quarante-six ans plus tard.
Le 11 novembre 1957, Maurice-René Simonnet devient secrétaire d'Etat à la marine marchande dans le cabinet Gaillard. Ce n'est pas le début d'une brillante carrière ministérielle puisque plus jamais Maurice-René Simonnet ne fait partie d'un gouvernement. La fin de la Quatrième République fragmente un parcours inachevé en 1958, puisqu'après 1962 le député de la Drôme connaît quatre échecs électoraux aux élections législatives, ayant toutefois réussi à être réélu en 1958. Il est vrai qu'entre-temps, il devient docteur puis agrégé en droit (1969), professeur puis doyen de l'Université Lyon 3 et qu'il siège au Conseil constitutionnel de 1984 à sa mort. Il a fondé et dirigé la revue France-Forum de 1957 à 1988.
Ce spécialiste du droit européen est élu en juillet 1979 député au Parlement européen sur la liste "Union pour la France en Europe" conduite par Simone Weil. Il y siège jusqu'en 1984 dans le groupe du Parti populaire européen dont il est vice-président à partir de 1982. Il est membre de la commission des budget.
Nommé membre du Conseil constitutionnel par le président du Sénat, Alain Poher, qui le considérait comme son petit frère, il y siège jusqu'à sa mort.
Victime d'une longue et douloureuse maladie, il s'éteint le 21 août 1988 à Donzère.