Quatre Sou Quatre
1904 - 1963
SOU QUATRE
Né le 1er janvier 1904 à Takaba (Tchad)
Décédé le 23 mars 1963 à Takaba
Député du Tchad de 1951 à 1956
Né le 1er janvier 1904 à Takaba (Moissala), Sou quatrième du nom appartenait à l'ethnie noire des Saras du Tchad méridional qui se consacrait notamment à la culture du coton. Comme tant d'autres de ses compatriotes, la défaite française de 1940 bouleversa son existence. En effet, le Tchad, sous l'impulsion de son gouverneur général Félix Eboué, rallia le camp de la France libre naissante du général de Gaulle en août. Engagé dans les forces françaises libres, Sou Quatre combattit sur tous les fronts dans les rangs des tirailleurs tchadiens. Il termina le conflit avec le grade d'adjudant-chef et y glana la croix de guerre et la médaille militaire.
Auréolé par sa "belle guerre", Sou devint alors une de ces personnalités très caractéristiques du monde des anciens combattants qui comptait de très nombreux membres compte tenu de la forte mobilisation opérée entre 1940 et 1945 dans cette colonie. Il ne constitua toutefois pas, dans l'immédiat, une personnalité tchadienne de premier plan. Il n'était pas membre du conseil représentatif de ce territoire d'outre-mer. Tout au plus fut-il d'abord chef du canton de Takaba où il exerçait officiellement la fonction d'interprète avant de se faire finalement élire, par la suite, au titre de la région du Moyen-Chari (district de Koumra), sous l'étiquette Union démocratique tchadienne (UDT), à la chambre représentative du Tchad. En fait, ce furent surtout les problèmes internes de cette formation politique liée au mouvement gaulliste qui le conduisirent vers un destin national.
En effet, la création du Rassemblement du Peuple Français, au printemps 1947, s'était traduite outre-mer par la mise en place de sections locales initialement ouvertes aux seuls citoyens français. Au Tchad, un des berceaux de la France libre, le succès avait été au rendez-vous pour le premier collège tandis que le RPF s'alliait avec l'UDT en vue de la conquête du second collège (citoyens de statut personnel). De sorte qu'en 1947-1948, sur les vingt membres du conseil représentatif du territoire, dix-sept appartenaient à l'UDT (apparentés RPF). Les rivalités de personnes au sein de cette formation politique avaient cependant largement entamé son unité au point de conduire certains de ses dirigeants à présenter leurs propres listes lors des élections législatives du juin 1951. Le conseiller de l'Union Française RPF Ahmed Kotoko fut ainsi exclu du mouvement le 1er juin. La direction parisienne du Rassemblement se trouva alors dans l'obligation de donner au député RPF sortant René Malbrant (premier collège) tous pouvoirs afin de confectionner la liste du second collège (deux sièges à pourvoir). Or, si la tête de liste, le conseiller gaulliste de la République Bechir Sow, s'imposait désormais d'elle-même, il n'en allait pas de même pour son colistier. Bechir Sow, musulman descendant des pasteurs arabes, pouvait rallier à lui les électeurs du territoire au nord du 12ème parallèle. Mais encore fallait-il gagner les suffrages des agriculteurs noirs du Sud parmi lesquels on comptait de très nombreux anciens combattants. Ce fut finalement le conseiller RPF de l'Assemblée de l'Union Française, René Laurin, qui trouva à Fort-Archambault le candidat recherché en la personne de Sou Quatre, un sara ancien combattant médaillé.
La campagne électorale fut courte mais rude car face à Bechir Sow et Sou Quatre, outre les dissidents de l'UDT, se trouvait le député sortant, Gabriel Lisette du Parti progressiste tchadien (longtemps apparenté au Parti communiste français). Contre ce rival de poids, les deux candidats gaullistes axèrent leur campagne sur le thème de l'anticommunisme ; Gabriel Lisette étant présenté comme le candidat de Moscou qui ne souhaitait que fomenter des troubles dans la colonie. Surtout, ils insistèrent beaucoup sur le fait que Gabriel Lisette en sa qualité de communiste était anti-militariste et, dans ces conditions, n'avait que faire du sort des anciens combattants. Au contraire, Sou développa tout particulièrement cet aspect de son programme en s'érigeant en défenseur des anciens combattants et de leurs revendications. Originaire du Sud, il joua également pleinement la partition qui était sienne dans ce duo RPF en se posant en défenseur des intérêts des planteurs de coton. Les deux hommes se réclamaient bien évidemment du général de Gaulle, comparant clairement l'élection de 1951 au choix de 1940 en faveur de la France libre. Les résultats dépassèrent leurs espérances même les plus optimistes puisque leur liste (RPF-UDT) recueillit près de 75 % des suffrages exprimés, au grand dam du député sortant qui, battu, mit en cause les pressions de l'administration française.
Une fois élu, Sou rejoignit Paris et le Palais Bourbon où il devint membre du groupe parlementaire du RPF. Il s'inscrivit tout naturellement à la commission des pensions de l'Assemblée nationale. A partir de 1953, il siégea à celle de la famille, de la population et de la santé publique. Il ne fut cependant pas un député particulièrement disert puisqu'il n'intervint jamais en séance publique et ne posa aucune question écrite pas plus d'ailleurs qu'il ne présenta seul des projets de loi. En fait, Sou Quatre suivit les mots d'ordre et consignes de votes du groupe parlementaire du Rassemblement y compris lorsque celui-ci commença à se déliter avec l'investiture d'Antoine Pinay, en mars 1952, à la présidence du Conseil. Il demeura fidèle au général de Gaulle et au RPF, puis aux Républicains sociaux, alors même que son colistier, Bechir Sow, rompait avec le mouvement gaulliste en juin 1954.
Dans ces conditions, la dissolution de l'Assemblée nationale par Edgar Faure en décembre 1955 ne l'engagea guère à se représenter. Pas plus d'ailleurs qu'en mars 1957 il ne fut de nouveau candidat à l'Assemblée territoriale du Tchad. Il préféra se retirer de la vie politique et mourut dans son fief de Takaba le 23 mars 1963.