Michel Soulié
1916 - 1989
SOULIÉ (Michel, Victor, Gaston)
Né le 10 février 1916 à Saint-Etienne (Loire)
Décédé le 15 mai 1989 à Pont-de-Bonvoisin (Isère)
Député de la Loire de 1956 à 1958
Secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil, chargé de l’information du 14 juin au 11 novembre 1957.
Michel Soulié est issu d’une famille très engagée dans la vie politique et sociale. Arrière-petit-fils du fondateur de la première société française de Secours mutuels, il est surtout le fils de Louis Soulier, sénateur de 1920 à 1932, maire de Saint-Etienne de 1919 à son décès en 1939, et fondateur, avec Waldeck-Rousseau, de La Tribune républicaine, grand quotidien du Centre et du Sud-Est.
Michel Soulié, après des études secondaires au lycée de Saint-Etienne, prépare l’Ecole normale supérieure à la khâgne du lycée Henri IV à Paris, puis est reçu en 1937 à l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm (section des lettres) et suit des cours à la Sorbonne. Agrégé de lettres en 1939, il épouse Adrienne Gintzburger le 8 août de cette année là.
Mobilisé le 1er septembre 1939, Soulié participe à la campagne de France, à l’issue de laquelle il est fait prisonnier en juin 1940 par les troupes allemandes. Il s’évade, après trois tentatives infructueuses, le 11 novembre 1943. Démobilisé le mois suivant, il rejoint la résistance et participe au maquis de la Chartreuse jusqu’en août 1944.
Tout d’abord enseignant, Michel Soulié est nommé lecteur à l’Université de Copenhague et adjoint à l’attaché culturel à l’ambassade de France à Copenhague (Danemark). Il exerce durant trois ans, de 1946 à 1948. Puis, après avoir été rédacteur en chef du journal Soir Express de Saint-Etienne, de 1948 à 1950, et administrateur de la société La Tribune républicaine, il reprend, de 1950 à 1968, les fonctions de rédacteur en chef de La Tribune du Centre et du Sud-Est que son père a exercées avant lui. Par la suite, il est conseiller de la direction du Progrès de Lyon de 1968 à 1980 et, dans les mêmes années (1968-1978), membre du conseil d'administration de l'Institut international de la presse.
Michel Soulié adhère au parti radical en 1953, après avoir été candidat en seconde position sur une liste centre-gauche aux élections municipales de 1953. Il milite pour le rajeunissement du parti de la place de Valois et appuie très fermement les positions de Pierre Mendès France.
Pour les élections législatives du 2 janvier 1956, consécutives à la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Edgar Faure, Michel Soulié, toujours rédacteur en chef de La Tribune républicaine, conduit une liste d’union des gauches de la Loire, qui se place sous le patronage de Pierre Mendès France, du Parti républicain radical et radical-socialiste et du Parti socialiste SFIO. Son second de liste est le socialiste Ennemond Thoral. Ils font campagne pour la justice sociale et une meilleure répartition des richesses nationales et contre les atteintes portées à la laïcité. Ils écrivent notamment « la seule majorité cohérente qui se soit manifestée au cours de la législature qui s’achève a été une majorité cléricale », appelant à voter « contre tous les totalitarismes » et pour « le groupement des républicains et des démocrates, groupés autour de Mendès France et du Parti socialiste ». Ils se prononcent encore contre les apparentements. Leur liste emporte 54 176 voix sur 407 307 et 328 899 exprimés, soit 16,5 % des suffrages. Soulié est élu député, ainsi qu’Ennemond Thoral, le 2 janvier 1956.
Soulié, nommé membre de la commission de la presse, est désigné secrétaire de celle-ci le 10 février 1956. Il appartient à cette commission durant les deux années que comptent la législature, ainsi qu’à la commission du travail et de la Sécurité sociale (1956-1958). Il dépose dix-huit textes en un an et demi : un avis ; quatre rapports et un rapport supplémentaire ; quatre propositions de loi ; sept propositions de résolution. La presque totalité de ces documents est à caractère social, et concerne essentiellement l’arbitrage et la conciliation dans les conflits du travail. Au nom de la commission de la presse, il dépose des rapports sur les agences de presse, et surtout sur la réforme de l’Agence France-Presse (5 juin 1956). Alors qu’une partie des radicaux, dont des jeunes mendésistes comme Charles Hernu, cessent de défendre les positions laïques traditionnelles du parti, Michel Soulié leur demeure fidèle. Aussi dépose-t-il une proposition de loi, le 6 mars 1957, visant à l’abrogation des lois Marie et Barangé, « tendant à réserver les fonds publics à l’enseignement public ». Mais elle échoue nettement ; seule une dizaine de membres de son propre parti l’a soutenue. Le député Michel Soulié intervient à quatre reprises en séance publique. Il est rapporteur du projet de loi portant réforme et statut de l’agence France-Presse : il évoque alors la composition des organismes directeurs et le problème de l’équilibre financier de l’Agence, le 3 juillet 1956. Il défend deux amendements à son nom ; le premier d’entre eux tend à introduire dans le conseil supérieur une personnalité compétente en matière d’information Outre-mer, le deuxième porte de dix à douze la majorité nécessaire pour la révocation du président directeur général.
Les votes politiques à l’Assemblée de Michel Soulié, qui appartient au bureau national du parti radical, sont conformes à ceux de la majorité mendésiste. Ils passent progressivement du soutien à l’abstention au gouvernement de Front républicain, à l’exception du vote sur l’intervention à Suez qu’il n’approuve pas. La politique du gouvernement en Algérie divise en effet le parti radical entre mendésistes – dont Michel Soulié – et partisans de l’Algérie française, comme le ministre des armées, Maurice Bourgès-Maunoury. Pour que le parti ne se divise pas sur cette question, l’abstention devient alors la solution la plus courante. L’enlisement de la guerre, le renforcement de la censure et la question de l’emploi de la torture conduisent la direction du parti à proposer l’envoi d’une commission d’enquête comprenant Soulié, Hovnanian et Bischoff.
Mais Robert Lacoste s’y oppose en avril 1957. Michel Soulié approuve l’effort de Mendès France visant à rénover les méthodes radicales et à imposer une discipline de vote au parti jusqu’au renversement du gouvernement Guy Mollet en mai 1957. Mais il ne suit plus le vice-président du parti lorsque celui-ci veut sanctionner quatre parlementaires qui ont voté la confiance au gouvernement à direction socialiste. Ce dernier, mis en minorité au bureau national, le 23 mai, démissionne de sa responsabilité. Il se rapproche alors de la nouvelle majorité radicale qui s’affirme.
Maurice Bourgès-Maunoury, devenu chef de gouvernement, fait de Michel Soulié, le 14 juin 1957, un secrétaire d’État à la présidence du Conseil. Le patron de presse stéphanois est chargé de l’Information. Il garde cette fonction jusqu’au 11 novembre suivant. Cette désignation, fortement appuyée par le puissant patron de La Dépêche du Midi, Jean Baylet, ainsi que celle du responsable de la fédération de la Seine Jacques Périer, contribue à marginaliser le courant mendésiste. Michel Soulié s’en justifie dans une correspondance privée à l’historien Jean-Louis Rizzo en ne niant pas l’attrait du pouvoir, mais en arguant de la nécessité de faire barrage au retour de la droite et de faire contrepoids à la présence d’André Morice dans le gouvernement. Tout en affirmant rester en accord avec les objectifs mendésistes, il critique la stratégie du refus systématique. En juillet 1957, contrairement au député de l’Eure, il vote le projet de loi portant ratification des traités instituant la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA). En novembre 1957, à la chute du cabinet Bourgès-Maunoury, il redevient simple député, mais n’intervient pas en séance jusqu’à la fin de la législature. Il assiste alors à la lente décrépitude du régime, investissant successivement Félix Gaillard, votant la prolongation des pouvoirs spéciaux et le projet de loi-cadre sur l’Algérie. Il soutient Félix Gaillard jusqu’au bout, puis vote l’investiture de Pierre Pflimlin, le 13 mai 1958, enfin l’investiture du général de Gaulle, le 1er juin 1958.
Michel Soulié reste une importante personnalité radicale de la région Rhône-Alpes, mais échoue à reconquérir un siège de parlementaire. Pourtant, il réalise des efforts importants d’implantation locale, en devenant conseiller général du canton de Saint-Etienne-Nord-Ouest en avril 1958 et en se faisant élire conseiller municipal du chef-lieu de la Loire, de 1959 à 1965.
Aux élections législatives des 23 et 30 novembre 1958, Soulié se représente dans la première circonscription de la Loire, correspondant aux quartiers du nord de Saint-Etienne. Il obtient 8 061 suffrages au premier tour, sur 55 273 inscrits et 38 430 exprimés. Il arrive en tête des candidats de gauche, précédant de soixante quatre voix le candidat communiste. Mais, il est lui-même devancé par Jean-Louis Chazelle et Michel Durafour. Au second tour, les quatre candidats en tête se maintiennent. Jean-Louis Chazelle est élu avec 13 434 voix, Michel Soulié a conservé 7 629 suffrages. Battu aux sénatoriales d’avril 1959 où il a encore fait une liste commune avec le socialiste Thoral, il est de nouveau candidat radical aux élections législatives de 1962, dans la deuxième circonscription de la Loire cette fois-ci. Bien que le candidat du PCF soit arrivé nettement derrière lui au premier tour (9 471 suffrages contre 5 322), il se désiste en sa faveur. Au deuxième tour, seul candidat de la gauche face à Michel Durafour, il recueille 19 491 suffrages sur 67 084 inscrits et 42 775 exprimés. Puis, il est candidat de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) en 1967 et 1968 en Savoie. Il en est de même, en 1973 en Isère, où il s’est installé et s’est fait élire : la population de Saint-Jean d’Avelenne le désigné comme maire de la localité qu’il a adoptée en 1971.
En dépit de ces échecs aux élections nationales, Michel Soulié reste un actif animateur de la gauche non communiste, selon l’expression alors consacrée. Membre du comité national de la Ligue pour le combat républicain, fondée par François Mitterrand en 1960, il préside la commission nationale de l’information du comité départemental de la Loire de l’Association Horizon 80, fondé pour soutenir la campagne présidentielle de Gaston Defferre en 1964-1965. Puis, il est élu à la commission permanente de la Convention des institutions républicaines, ainsi qu’à la « Commission octobre » de la FGDS, chargée de préparer la fusion des partis membres de la Fédération de la gauche en octobre 1967. Il est encore un des dix-huit représentants du Parti radical à la commission exécutive de la FGDS et se trouve chargé des droits de l’homme dans l’équipe formatrice du contre-gouvernement mis en place par François Mitterrand en 1966-1968.
Toujours influent dans les milieux laïques dressés contre la politique gaulliste, Michel Soulié appartient à la commission de travail mise en place par le Syndicat national des instituteurs et le Comité national d’action laïque (SNI-CNAL). Il préside l’association pour la liberté d’expression à la radio et à la télévision (ALERTE), fondée par les organisations liées au CNAL en 1966.
Lorsque le parti radical-socialiste se déchire après 1968, Michel Soulié soutient tout d’abord Jean-Jacques Servan-Schreiber de 1969 à 1971. Secrétaire général adjoint du parti en 1970, vice-président du mouvement deux ans plus tard, il rejoint le Mouvement des radicaux de gauche (MRG) en 1973. Il en est le secrétaire général en 1976-1988 et appuie Robert Fabre. Puis, avec certains amis de Robert Fabre, il quitte le MRG et retourne rue de Valois en 1979. Il est candidat aux élections européennes, figurant en septième position sur la liste conduite par Jean-Jacques Servan-Schreiber.
Michel Soulié est détaché en 1980 au Centre international d'études pédagogiques de Sèvres où il enseigne de 1980 à 1982.
Il disparaît le 15 mai 1989, à l’âge de soixante-treize ans.