Jacques Sourdille
1922 - 1996
SOURDILLE (Jacques)
Né le 19 juin 1922 à Nantes (Loire-Inférieure)
Décédé le 9 juillet 1996 à Paris
Député des Ardennes de 1968 à 1977, de 1978 à 1981 et de 1986 à 1988
Jacques Sourdille naît à Nantes le 19 juin 1922, dans une famille de médecins. Après des études au lycée Clemenceau, le jeune bachelier s'apprête à suivre la même voie que son père, professeur, chercheur et membre de l’Académie de médecine, lorsque la guerre éclate. Après une tentative ratée de s’embarquer pour la Grande-Bretagne, Jacques Sourdille entreprend ses études de médecine et devient chirurgien à l’hôpital Saint-Louis à Paris en 1942. Réfractaire au STO, il entre à l’âge de vingt ans dans la Résistance comme agent de renseignements dans un réseau anglais puis lieutenant des forces françaises combattantes. Arrêté à Flers en 1944 par la Gestapo, il est déporté au camp de concentration de Neuengamme. A la Libération, malgré les séquelles physiques de ces mois terribles, Jacques Sourdille reprend sa formation médicale, qu'il conduit brillamment jusqu'à l'internat, puis l'agrégation. Médecin hospitalier à Paris, spécialisé en ophtalmologie, il s'engage dans l'action syndicale et devient membre du conseil fédéral de la Confédération générale des cadres. Directeur d'enquête à l’INSERM, il enseigne à l'université de Dakar, puis à Paris VII. Ophtalmologiste expert auprès de l'Organisation mondiale de la santé en 1974, il participe, en tant que professeur détaché à l’UNESCO, au programme de formation de santé publique de l'Afrique de l'Ouest, de 1983 à 1986. L'intérêt de Jacques Sourdille pour les questions médicales, sociales et pour les pays en voie de développement ne diminuera pas durant toute sa carrière politique de député mais aussi de conseiller général des Ardennes à partir de 1970, de conseiller municipal de Sedan après 1973, de conseiller régional de Champagne-Ardenne dont il est le président de 1974 à 1981. Par ailleurs, Jacques Sourdille a occupé les fonctions de secrétaire national de l’Union des démocrates pour la République (UDR) pour les affaires sociales, puis de secrétaire adjoint du mouvement en 1973 et en 1974.
C’est en 1968 que le premier ministre Georges Pompidou, qui a la haute main sur les investitures, suggère à Jacques Sourdille de présenter sa candidature aux élections législatives dans les Ardennes. Il affronte le candidat de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) Guy Desson, vainqueur du général Roger Noirot un an plus tôt, Henri Vin, candidat Défense des Libertés et de la République et le communiste Guy du Souich. En outre, le parachutage de Jacques Sourdille suscite une autre candidature se réclamant de la majorité, celle du Républicain indépendant Pierre Vassal, tandis que Robert Chazelle reçoit l’investiture du Centre démocrate. La division des modérés profite au socialiste qui arrive en tête du premier tour avec 27,2% des voix, talonné par Jacques Sourdille (22,8%), devant Henri Vin (20,3%) et le candidat du PCF (15,4%). Entre les deux tours, l’ophtalmologiste nantais se défend d’être un « Breton parachuté ». Fort du désistemtent d’Henri Vin en sa faveur du fait de la « vague gaulliste » du 30 juin 1968, Jaques Sourdille est élu député avec 22 247 voix (soit 53,1% des suffrages exprimés) contre 19 644 pour Guy Desson.
A son arrivée au Palais-Bourbon, le nouveau député des Ardennes s’inscrit au groupe Union des démocrates pour la République (UDR). Jacques Sourdille est nommé d’emblée à la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales à laquelle il siège pendant toute la législature. À partir d’octobre 1969, il est membre de la délégation française au Parlement européen puis, en octobre 1972, à l’Assemblée parlementaire des communautés européennes. L’ancien médecin présente six rapports et deux avis au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales concernant la mensualisation des salaires (22 avril 1971, 1er juin 1971, 24 novembre 1972, 13 décembre 1972), le budget alloué à la recherche scientifique (8 octobre 1971, 12 octobre 1972), la garantie de ressources des travailleurs âgés de soixante ans au moins et privés d'emploi (1er juin 1972, 22 juin 1972) et les travailleurs handicapés (22 juin 1972).
Jacques Sourdille est particulièrement actif à l’Assemblée dans les domaines de la santé, de la recherche, de l’éducation nationale et de la dette des pays en voie de développement. Sa première intervention à la tribune concerne l’enseignement à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 1970 (12 novembre 1969). Par la suite, prenant la parole plusieurs fois, il se félicite du bilan positif de la Ve République en la matière considérant qu’elle a mis fin à la « querelle archaïque de l’enseignement privé » (9 novembre 1972, budget pour 1973). Jacques Sourdille intervient aussi à plusieurs reprises sur les questions de recherche scientifique et de développement industriel (discussions du projet de loi de finances, les 30 octobre 1970 et 5 novembre 1971). Il défend en particulier la modernisation des programmes de recherche avec pour objectif d’égaler l’Allemagne, notamment dans le domaine médical. Ophtalmologiste, le député s’intéresse aussi à la situation de l’hôpital public (21 novembre 1969 lors de l’examen du budget pour 1970, 3 et 4 décembre 1970 lors du débat sur la réforme hospitalière). Il prend souvent l’exemple des Ardennes pour dénoncer les blocages budgétaires qui empêchent le département de se doter d’une organisation médicale cohérente, avec un grand hôpital et des hôpitaux satellites de dégagement. Jacques Sourdille s’élève contre le nombre élevé d’interruptions de grossesse thérapeutiques, cachant bien souvent des « avortements de convenance » (le 28 octobre 1970 lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1971). Il invite alors à réfléchir à des mesures de diminution du nombre de grossesses non-désirées, estimant que « les législations permissives comme les répressions médiévales ne résolvent pas le problème ». Le député des Ardennes est également le rapporteur de quatre projets de loi sociale qu’il défend avec conviction : la mensualisation des salaires (29 avril 1971), la retraite à 60 ans des chômeurs (8 et 28 juin 1972), la garantie mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance (14 décembre 1972) ou encore le travail des handicapés (28 juin 1972). Enfin, le député des Ardenne intervient à de nombreuses reprises sur les questions d’aménagement du territoire, soulignant à plusieurs reprises la situation difficile de sa région frontalière, mal reliée au reste du territoire et souffrant d’un manque d’industrialisation.
Au cours de son premier mandat, Jacques Sourdille vote pour le projet de loi d’orientation sur l’enseignement supérieur, le 10 octobre 1968, pour les projets de loi relatifs à l’exercice du droit syndical dans les entreprises, le 4 décembre 1968, sur la garantie des droits individuels des citoyens, le 28 mai 1970, et sur la répression de certaines formes nouvelles de délinquance, le 4 juin 1970. Le 27 avril 1972, il vote pour le projet de loi portant création et organisation des régions. Enfin, il vote pour la déclaration de politique générale de Jacques Chaban-Delmas, le 24 mai 1972.
En mars 1973, Jacques Sourdille cherche à limiter des affrontements qu’il considère fratricides à l’approche d’un vote qui s’annonce difficile pour la majorité sortante. Il propose à Henri Vin, élu du canton alors le plus peuplé de la circonscription derrière celui de Sedan-Nord, de devenir son suppléant. Le tandem Sourdille-Vin recueille 39,8 % au 1er tour (30,6 % dans le canton de Carignan), puis 51,9 % une semaine plus tard, face au socialiste Jean-François Dromby.
Le député des Ardennes, inscrit au groupe UDR, retrouve les rangs de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociale à laquelle il siège jusqu’en 1977. Il est également membre de la commission nationale pour l'éducation, la science et la culture (29 juin 1973) et du conseil d'administration du centre national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts (9 juillet 1976). Au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Jacques Sourdille est rapporteur du projet de loi de modification des dispositions du code de la santé publique sur la commercialisation de produits d'hygiène et le renforcement du dispositif de toxico-vigilance corporelle, après le drame sanitaire du talc de Morhange (15 mai et 19 juin 1975). Il présente trois avis sur les crédits de l’éducation dans le cadre des projets de loi de finances pour 1974, 1975 et 1976.
Ses interventions à la tribune concernent toujours l’éducation, la santé ou la recherche. Dans ses avis présentés au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales et ses interventions en séance publique (notamment dans la discussion du projet de loi relatif à l’éducation, le 18 juin 1975), Jacques Sourdille rappelle le bilan de la Ve République, soulignant « l’énorme effort de promotion culturelle de masse », même si l’objectif d’égalité des chances alors n’est pas encore atteint.
Il demande l’intensification de la coopération médicale entre les étudiants en médecine venant des anciennes colonies et le corps médical français par le développement de stages en France (9 novembre 1976, budget pour 1977). Le député des Ardennes intervient à plusieurs reprises pour demander le désenclavement de sa région, déplorant en particulier l’insuffisance de ses équipements autoroutier et ferroviaire, lors de l’examen du projet de loi portant approbation du VIIe plan de développement économique et social, le 23 juin 1976, et de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 1977, le 27 octobre 1976. Il s’inquiète également des difficultés de l’agriculture et des industries textiles de son département (projet de loi de finances pour 1977, 4 et 20 novembre 1976).
Raymond Barre appelle Jacques Sourdille au gouvernement, au printemps 1977, comme secrétaire d’Etat à la recherche. A ce titre, il intervient à l’Assemblée, notamment lors de l’examen des crédits alloués à la recherche dans la discussion du projet de loi de finances pour 1978 (les 12 et 19 octobre 1977).
Jacques Sourdille vote pour les déclarations de politique générale de Pierre Messmer, en 1973, puis de Jacques Chirac, en 1974. Il vote pour la réduction du mandat présidentiel à cinq ans (le 16 octobre 1973), l’extension de la saisine du Conseil constitutionnel (le 10 octobre 1974), la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (le 28 novembre 1974), le divorce par consentement mutuel (le 4 juin 1975).
Jacques Sourdille, devenu président du Conseil régional de Champagne-Ardenne, sollicite en mars 1978 le soutien des électeurs de la 3ème circonscription des Ardennes, avec l’investiture du Rassemblement pour la République (RPR) et de l’Union pour la démocratie française (UDF). Au premier tour, il obtient 47,3% des voix, loin devant le socialiste Jean-François Dromby (26,9%) et le communiste Claude Soulet (18,6%). Malgré ce bon résultat, le député sortant dispose d’un faible réservoir de voix : il est reconduit avec seulement 50,6% des suffrages exprimés.
Au lendemain de cette courte victoire, il reprend sa place à l’Assemblée nationale et siège à la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales pendant toute la législature. Chaque année, il est rapporteur pour avis du budget « travail et participation » des budgets nationaux. Il est également rapporteur dans les discussions du projet de loi visant à réformer les études médicales et intervient en séance les 17 mai et 28 juin 1979.
Jacques Sourdille défend les droits des travailleurs handicapés (examen du budget pour 1979, 26 octobre 1978) et des chômeurs (projet de loi sur l’aide aux travailleurs privés d’emploi, 21 décembre 1978 ; projet de loi finances pour 1980 et pour 1981). Rapporteur de la Commission des affaires sociales sur le projet de loi sur les études médicales, il critique les inégalités dans la répartition entre spécialistes et généralistes et le caractère trop centralisateur du projet (22 mai 1979).
Il demande une présence plus importante de la France en Afrique au moyen des programmes de développement et de la politique de coopération scientifique et de l’enseignement supérieur, lors du débat sur la déclaration du gouvernement sur la politique étrangère, le 8 juin 1978, et dans la discussion du projet de loi de finances pour 1980, le 12 novembre 1979. Il approuve par ailleurs l’action de la France au Zaïre et au Liban (2 novembre 1978).
Lors des principaux scrutins publics, Jacques Sourdille apporte un soutien constant à l’action gouvernementale. Il vote ainsi pour l'augmentation de la quote-part de la France au Fonds monétaire international (18 avril 1978), pour la déclaration de politique générale du gouvernement Barre (20 avril 1978), pour l’aide aux travailleurs privés d'emploi (5 janvier 1979), pour l'aménagement de la fiscalité directe locale sur lequel la responsabilité du gouvernement est engagée (18 décembre 1979), pour la loi sur la définition et la répression du viol (11 avril 1980), pour la modification du code électoral en vue de favoriser la participation des femmes aux élections municipales (20 novembre 1980) ou encore pour le projet de loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes (18 décembre 1980). Seul écart à l’adhésion à la politique menée par l’exécutif, Jacques Sourdille s’abstient volontairement lors de la loi sur l’IVG du 20 novembre 1979.
Aux élections législatives de 1981, malgré son ancrage local, Jacques Sourdille est emporté par la « vague rose ». S’il recueille 45,6% des voix au premier tour devant les candidats du PS (37,8%) et du PCF (13,2%), il ne dispose pas de réserve de voix suffisante. Il est battu au second tour par le socialiste Gilles Charpentier qui recueille 52,6% des suffrages exprimés.
En 1986, la liste RPR-UDF conduite par Jacques Sourdille obtient 42,3% des suffrages, loin devant celle du PS, emmenée par Roger Mas, et celle du PCF de René Visse.
Pendant toute la durée de la VIIIe législature, Jacques Sourdille siège à la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Il est rapporteur spécial des crédits de la coopération dans le cadre du projet de la loi de finance pour 1987 et 1988. Il est en outre nommé, en 1986, au comité directeur du fonds d'aide et de coopération.
Le député des Ardennes défend l’augmentation de l’aide publique au développement de la France (22 et 23 octobre 1987, examen du projet de loi de finances pour 1988). Il souhaite le développement de l’action sanitaire, de l’assistance technique et de l’action culturelle française en Afrique. Il regrette l’état de la dette des pays en voie de développement (12 novembre 1987). Il intervient dans la discussion générale des crédits de la recherche et de l’enseignement supérieur pour 1987 (4 novembre 1986).
Aux élections législatives de 1988, le député sortant affronte, au premier tour, le socialiste Jean-Paul Bachy, le communiste Claude Soulet et le candidat du Front National Jean-Pierre L’Hoste, qui recueillent respectivement 37,9 %, 11,9 % et 8,2 %. Jacques Sourdille obtient 42% des suffrages exprimés. Au second tour, le socialiste l’emporte pourtant largement, obtenant 22 789 voix (51,9 %) contre 21 126 (48,1 %) pour Jacques Sourdille. En 1993, il décide de ne pas se représenter.
Victime en 1995 d'un grave accident cérébral, Jacques Sourdille renonce à la présidence du conseil général des Ardennes. Profondément affecté par le décès de son fils, il estime n’être plus capable d’assumer pleinement son mandat de conseiller général. Le 9 juillet 1996, il s’éteint à l’âge de 74 ans. Il était officier de la légion d’honneur, décoré de la croix de guerre 1939-1945 et de la médaille de la Résistance ainsi que commandeur du Lion du Sénégal.