Jacques, Emile, Yves Soustelle
1912 - 1990
SOUSTELLE (Jacques, Emile, Yves)
Né le 3 février 1912 à Montpellier (Hérault)
Décédé le 6 août 1990 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
Ministre de l'information du 30 mai 1945 au 21 novembre 1945
Ministre des colonies du 22 novembre 1945 au 26 janvier 1946
Membre de la première Assemblée nationale constituante (Mayenne)
Député du Rhône de 1951 à 1959 et de 1973 à 1978
Ministre de l'information du 7 juillet 1958 au 8 janvier 1959
Ministre délégué auprès du Premier ministre chargé du Sahara, des TOM-DOM et de l’énergie atomique du 13 février 1959 au 5 février 1960
Né en 1912 dans une famille protestante d'origine cévenole et ouvrière - son père était un ouvrier devenu comptable et sa mère employée -, Jacques Soustelle fait ses études primaires à Villeurbanne puis au Lycée du Parc à Lyon (Rhône).
Jeune et brillant intellectuel, il est reçu premier à l'Ecole normale supérieure à 17 ans en 1929 et premier à l'agrégation de philosophie à 20 ans en 1932. Il se tourne vers l'ethnologie et séjourne de 1932 à 1934 au Mexique pour préparer sa thèse, soutenue en 1937, sur les Indiens Otomis du Mexique central. Soutenu par l'anthropologue Paul Rivet, Jacques Soustelle devenu spécialiste des civilisations précolombiennes est nommé en 1937 directeur adjoint du Musée d'ethnographie du Trocadéro, futur Musée de l'homme à Paris, puis chargé de cours au Collège de France. Après la guerre, il intègrera le CNRS où il finira sa carrière universitaire comme maître de recherches. Dans les années 1932-1934, Jacques Soustelle, proche du marxisme et de certains cercles intellectuels d'extrême gauche, participe au combat antifasciste notamment au sein du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA) présidé par Paul Rivet. Mais contrairement à ce que disent ses notices biographiques, en particulier dans le Who's who, l'ethnologue n'a jamais appartenu à la direction du CVIA. En revanche, après les accords de Munich, il devient l'un des deux secrétaires généraux de l'union des intellectuels français pour la justice, la liberté et la paix (UDIF), un mouvement antifasciste et antimunichois qui combat le climat délétère du moment.
Se trouvant au Mexique au moment de la déclaration de guerre, Jacques Soustelle rentre en France pour y être mobilisé et est renvoyé comme chargé de mission à Mexico en décembre 1939 où il devient l'adjoint de l'attaché militaire français en février 1940. Immédiatement opposé à la signature de l'armistice, il donne son adhésion au général de Gaulle en juillet 1940. Le chef de la France libre le charge d'organiser un comité de soutien au Mexique, puis après un voyage à Londres en décembre 1940 - janvier 1941, de superviser ces comités dans toute l'Amérique latine. En juillet 1942, le général de Gaulle nomme Soustelle Commissaire national à l'information dans le Comité national Français à Londres, fonction qu'il cède en 1943 à Henri Bonnet. Ce "gaulliste" de la première heure intègre le Cabinet du général de Gaulle et, lors de la difficile fusion des Français libres et des giraudistes, il est nommé à Alger le 27 novembre 1943 à la tête de la Direction générale des services spéciaux (DGSS). Il s'efforce de faire fusionner l'ancien BCRA londonien avec le Service de renseignements (SR) d'Alger afin d'intervenir aux côtés de la Résistance intérieure française. Il est en même temps secrétaire général du Comité d'action en France, un petit groupe ministériel restreint (six membres) présidé par de Gaulle décidant des actions clandestines en France occupée.
Après la libération de Paris, maintenu à la tête des services spéciaux réorganisés en Direction générale des études et des recherches (DGER), Jacques Soustelle s'oppose fermement au parti communiste, puis est nommé brièvement Commissaire régional de la République à Bordeaux, en remplacement de Victor Cusin en mai 1945. Le 30 mai 1945, le général de Gaulle appelle son fidèle compagnon à la tête du ministère de l'information.
Membre de l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), un nouveau parti formé par des personnalités résistantes, Jacques Soustelle est élu le 21 octobre 1945 député de la Mayenne à la première Assemblée nationale constituante à la tête d'une liste d'union républicaine et sociale et d'Action paysanne composée de trois résistants authentiques. Avec 20 % des voix, il est le seul élu (pour quatre sièges) d'une liste de sensibilité gaulliste mal perçue par les milieux catholiques influents. Dans le gouvernement formé le 21 novembre 1945, Jacques Soustelle passe au ministère des colonies. Les interventions du ministre devant l'Assemblée consultative provisoire, puis l'Assemblée Constituante sont limitées. Pendant son bref passage aux Colonies (deux mois) il n'a le temps de déposer que deux projets de loi, puis une proposition de création d'un fonds d'équipement économique et social de l'Union Française en mars 1946 alors qu'il est devenu député. Mis dans la confidence quelques jours auparavant, il apprend la démission du général de Gaulle le 20 janvier 1946 lors d'un voyage officiel à Dakar. Jacques Soustelle quitte le gouvernement alors que Félix Gouin lui aurait, selon lui, proposé le ministère de l'éducation nationale.
Conduisant une liste RGR (UDSR-radicaux), le député sortant est battu dans la Mayenne en juin 1946 et ne s'y représente pas en novembre. Il fait partie du noyau fondateur du Rassemblement du Peuple Français (RPF) du général de Gaulle au printemps 1947 et en devient l'actif secrétaire général jusqu'en 1951. Bon organisateur, Jacques Soustelle défend une ligne d'opposition intransigeante aux partis de la Troisième force.
En juin 1951, le dirigeant du RPF revient à Lyon, le fief du radical socialiste Edouard Herriot, pour y conduire la liste du RPF qui, avec 21,5 % des suffrages exprimés, obtient deux députés sur huit. Jacques Soustelle qui a recueilli 56 046 voix est porté à la présidence du groupe parlementaire gaulliste à l'Assemblée nationale composé de 120 membres sans grande expérience parlementaire. Considéré comme étant partiellement responsable de la crise du RPF consécutive au vote de 27 députés gaullistes en faveur d'Antoine Pinay le 6 mars 1952 et à la rupture de 26 puis 45 députés en juillet, il quitte la présidence du groupe en septembre 1952. Lors d'une crise ministérielle en janvier 1952, il n'avait pas d'emblée rejeté la possibilité de former le gouvernement acceptant même d'engager des consultations à la demande du président de la République Vincent Auriol. A l'Assemblée nationale, le député lyonnais, élu conseiller municipal en 1953, appartient à la Commission du suffrage universel et à celle de l'éducation nationale. Immédiatement, à l'été 1951, ses propositions de loi et ses interventions sur l'attribution de subventions à l'école privée confessionnelle et sur l'amnistie de certains condamnations de l'épuration mettent en difficulté le second gouvernement Pleven. Intervenant ensuite sur les droits des résistants, il dépose au total pendant la législature quatorze propositions de loi et plusieurs résolutions dont une demande pour ériger le 8 mai en "jour de fête nationale" (21 novembre 1951, 8 avril 1952). En 1953 et 1954, il défend la confédération générale des syndicats indépendants qui serait victime "d'illégalités" et le chercheur s'intéresse au développement des sciences humaines au CNRS (1er avril 1954). Ses interventions et interpellations au gouvernement dans l'hémicycle ou en commission sont très nombreuses, en particulier lors des débats d'investiture des présidents du Conseil, sur la politique scolaire et étrangère, européenne (contre la CED et sur les accords de Londres en octobre 1954), et sur les problèmes coloniaux, en particulier en Tunisie et en Indochine au moment de Dien Bien Phu. Jacques Soustelle s'affirme alors comme l'un des députés les plus influents. Ayant voté l'investiture de Pierre Mendès France le 18 juin 1954, celui-ci a nommé le 26 janvier 1955 Jacques Soustelle comme gouverneur général de l'Algérie peu avant d'être renversé le 6 février. Connu pour ses positions libérales, très mal accueilli à son arrivée le 15 février par les Pieds-Noirs, - on fait courir le bruit qu'il est juif -, Jacques Soustelle, partisan de l'intégration, devient rapidement un adversaire résolu du FLN.
C'est à ce poste qu'il est réélu député du Rhône le 2 janvier 1956. Il y avait douze listes en présence et trois apparentements dans le Rhône pourtant, avec 37 536 voix (10,8 % en moyenne de liste), Jacques Soustelle est le seul réélu pour les républicains sociaux. Les républicains sociaux participent au Front républicain mais le nouveau président du Conseil, le socialiste Guy Mollet remplace Jacques Soustelle par le général Catroux en Algérie. Son départ d'Alger le 2 février 1956 provoque des scènes d'hystérie, tant la foule veut s'opposer à son retour en métropole, qui tournent à l'émeute le 6 février lors de la venue à Alger de Guy Mollet. Redevenu député, Jacques Soustelle fonde et préside en mars 1956 l'Union pour le salut et le renouveau de l'Algérie française (USRAF), un mouvement qui va rassembler les partisans les plus déterminés de "l'Algérie française", s'opposer aux modestes projets de réformes des gouvernements (loi-cadre en 1958) et qui entretient en mai 1958 des liens étroits avec les milieux insurgés d'Alger et les gaullistes de Paris. Sans avoir participé directement au 13 mai, Jacques Soustelle contribue à rallier au gaullisme une partie de la population algéroise (où il s'est rendu en échappant à la surveillance de la police), ce qui lui vaut, même si de Gaulle s'en méfie, d'être nommé ministre de l'information du 7 juillet 1958 au 9 janvier 1959 dans le dernier gouvernement de la Quatrième République.
De 1956 à 1958, à la commission du suffrage universel, il a déposé six propositions de loi et plusieurs propositions de résolution portant surtout sur les ressortissants français en Tunisie, devenue indépendante, ou à l'étranger. Ses interventions sur la guerre d'Algérie sont très nombreuses (vote des pouvoirs spéciaux le 9 mars 1956, appui à la politique menée par son successeur Lacoste, crise de Suez, situation militaire en Algérie). L'ancien gouverneur prône une politique de fermeté et de guerre contre le FLN dans ses fréquentes interpellations au gouvernement tout en proposant une politique d'intégration. Bourguiba et la Tunisie deviennent une de ses cibles en 1958 du fait de leur soutien au FLN et à l'ALN alors que le député de Lyon refuse l'intervention de l'ONU, l'internationalisation du conflit et "les bons offices" des Etats-Unis. Redevenu ministre du général de Gaulle, Jacques Soustelle est réélu député de Lyon en novembre 1958 et il participe à la fondation de l'UNR, le nouveau parti gaulliste dont il est membre du comité central. Après l'élection de Charles de Gaulle à la présidence de la République, Jacques Soustelle est nommé ministre délégué auprès du Premier Ministre Michel Debré, chargé des DOM-TOM et du Sahara.
Le 5 février 1960, au lendemain de la semaine des barricades à Alger, il est évincé à l'occasion d'un remaniement ministériel. En effet, il s'oppose de plus en plus durement à la politique algérienne du général de Gaulle qui s'est prononcé pour l'autodétermination. Après l'échec du putsch des généraux d'Alger (22-25 avril 1961), Jacques Soustelle prend le parti des ultras de l'Algérie française et de l'OAS. Après une conférence de presse le 18 décembre 1961, il s'enfuit à l'étranger pour échapper aux poursuites "pour atteinte à l'autorité de l'Etat". Pendant sept ans d'exil, il séjourne dans plusieurs pays européens en reprenant ses travaux scientifiques et en publiant plusieurs ouvrages. Candidat à Lyon aux élections législatives de 1967 - il n'a pas été condamné pénalement -, il ne rentre en France que le 24 octobre 1968 à la suite de la loi d'amnistie de juillet et devient en 1969 Professeur à l'Ecole pratique des Hautes Etudes en 1969.
En 1970, Jacques Soustelle fonde un nouveau parti, le Mouvement national "Progrès et Liberté", est réélu conseiller municipal de Lyon en 1971, puis député de Lyon en 1973 en battant un gaulliste. Non inscrit, il rejoint le groupe des réformateurs, des centristes et des démocrates sociaux en 1974 et est vice-président du conseil régional de Rhône-Alpes de 1975 à 1977. Battu aux élections municipales de 1977, il l'est à nouveau aux élections législatives de 1978 par le jeune Michel Noir. En 1983, l'ethnologue est élu à l'Académie française, au fauteuil de Pierre Gaxotte.
Ce spécialiste reconnu des sociétés amérindiennes meurt à Neuilly-sur-Seine le 6 août 1990.