Alice Sportisse Gomez-Nadal
1909 - 1996
SPORTISSE (Alice, Gilberte née CRÉMADÈS) Née le 9 juillet 1909 à Lavarande (Algérie) Décédée le 3 juin 1996 à Agen (Lot-et-Garonne) Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Oran) Député d’Oran de 1946 à 1955 Issue d’une famille modeste d’origine espagnole installée dans l’Oranais depuis 1842, Alice Sportisse est la fille d’un employé des chemins de fer entré au PLM comme « poseur de rails ». Boursière d’Etat, elle étudie à l’école communale de Berroughia où elle obtient son brevet élémentaire en 1924. Elle part alors pour Oran suivre les cours de l’Ecole de commerce qu’elle finance en travaillant comme comptable. Bien que d’extraction familiale catholique, elle épouse en 1937 Lucien Sportisse un juif également d’origine espagnole et tôt converti au communisme. C’est du reste cet engagement qui les rapproche puisque Alice Crémadès a adhéré à la section oranaise du parti communiste en 1935 et où elle s’occupe rapidement de la condition et des organisations féminines comme de la cause des républicains espagnols repliés en Algérie. Elle est ainsi appelée à Paris, en 1937, par les organisations d’aide à l’Espagne républicaine, puis désignée comme déléguée du Comité international de coordination pour l’aide à l’Espagne républicaine auprès du gouvernement républicain, puis secrétaire de l’Office international pour l’enfance. Fortement influencée par son mari, elle développe assez tôt la conviction que les combats communiste et anticolonial sont indissociables. L’entrée en guerre de la France, le 3 septembre 1939, oblige Lucien Sportisse à rejoindre les rangs de l’armée et participer aux combats en métropole. Fait prisonnier durant la campagne de 1940, il est interné mais parvient à s’évader et à rejoindre la résistance communiste à Lyon où il devient rapidement directeur du journal clandestin Le Patriote. Arrêté par la Gestapo à la veille de la Libération, il est abattu le 24 mars 1944. La seconde guerre mondiale se déroule, quant à elle, en deux temps. Participant tout d’abord à l’action illégale du PCF en métropole où elle se trouve encore, elle est rappelée en Algérie en mai 1942, soit quelque cinq mois avant le débarquement anglo-américain du 8 novembre, où elle s’occupe de l’aide aux prisonniers et déportés. En août 1943, elle devient secrétaire générale de l’Union des femmes d’Algérie et s’affirme déjà comme l’une des personnalités communistes avec lesquelles il faudra compter à la Libération. La mort de son mari n’infléchira pas l’ardeur de son engagement politique. Veuve à trente-cinq ans Alice Sportisse se remariera sept ans plus tard à un républicain espagnol devenu traducteur à la CGT, Emilio Gomez-Nadal, tout en continuant de porter son nom marital en hommage à celui qui aura marqué sa formation politique et idéologique. Devenue l’une des principales figures du parti communiste en Algérie, elle est naturellement désignée par les instances de son parti pour conduire la liste communiste lors des premières élections constituantes d’octobre 1945. Avec 32 712 des 127 741 suffrages exprimés, soit 25,6% des voix, sa liste se place aisément en tête du scrutin et recueille deux des cinq élus à pourvoir. Elle est également élue au même moment conseiller général de la première circonscription d’Alger qu’elle perd aux élections suivantes, en 1951. Pour l’heure, une fois son élection validée, elle rejoint la commission de la Constitution et est nommée juré à la Haute Cour de Justice. Elle intervient à trois reprises en séance, pour rapporter sur les élections en Vendée et dans les Somalis, surtout pour interpeller le gouvernement sur la situation économique en Algérie. Elle vote bien entendu pour l’ensemble des nationalisations et pour le projet constitutionnel. Naturellement confirmée dans sa première position sur la liste communiste lors de l’élection de la seconde Assemblée nationale constituante, elle enregistre une relative augmentation du nombre de suffrages se portant sur son nom mais que n’enraye pas le succès de la liste de « Défense des libertés républicaines » qui, derrière François Quilici et Marcel Gatuing, rassemble quelque 41,5% des suffrages exprimés et obtient trois des cinq élus à pourvoir. La liste communiste recueille, quant à elle, 37 497 suffrages soit 27% des voix, ne conservant qu’un seul des deux sièges conservés, le dernier incombant à la SFIO. Alice Sportisse retrouve donc son mandat et, après la validation de son élection, le 14 juin 1946, les commissions de la Famille, de la population et la santé publique, de l’Algérie, de l’administration générale, départementale et communale, de la commission de graçe amnistiante en Algérie. Elle est par ailleurs reconduite dans ses fonctions de juré de Haute Cour de Justice. Durant cette période, elle dépose trois rapports et propositions de résolution portant exclusivement sur les problèmes électoraux algériens qui visent, entre autres, à instaurer une commission spécifique de l’Algérie (4 juillet 1946) ou à promouvoir l’abolition du caïdat, des communes mixtes et du régime des territoires du sud (8 août 1946). Ses interventions, au nombre de six, ne trahissent pas ses préoccupations algériennes. Outre la question de la validité du déroulement des élections dans le Constantinois, elle prend part, en réponse à Quilici dont elle combat les prises de position « colonialistes », à la discussion générale relative à la place comme au rôle que l’Union française devra tenir dans la future constitution (19 septembre 1946). Elle esquisse même la perspective que les femmes musulmanes puissent être candidates à la députation en Algérie (4 octobre 1946) pour se rétracter aussitôt devant l’hostilité de ses collègues. Elle vote de nouveau en faveur du second projet constitutionnel. L’adoption de la constitution conduit à la désignation de la première Assemblée nationale de la IVe République. Alice Sportisse dirige logiquement la liste présentée par le parti communiste en novembre 1946. Avec 36 331 des 127 141 suffrages exprimés, soit 28,6% des voix, elle conserve son siège de député tout comme la SFIO, la liste Quilici perdant l’un des trois qu’elle détenait au profit d’une liste de « rassemblement français et républicain pour la défense de l’Algérie ». Après la validation de son élection le 29 novembre 1946, elle est nommée membre des commissions de l’intérieur (1946-1951) puis du suffrage universel du règlement et des pétitions (1950-1951). Avec neuf rapports ou propositions de loi ou de résolution et une quarantaine d’interventions en séance, elle entretient durant cette première législature une activité parlementaire des plus soutenues. Elle développe une activité parlementaire essentiellement consacrée à l’Algérie. Elle intervient notamment et longuement sur le statut de l’Algérie les 19 et 27 août 1947 où elle présente le projet du Parti, incluant notamment le droit de vote des femmes musulmanes ou la désignation de délégués algériens au parlement de l’Union française. Elle prend aussi la parole pour défendre la sécurité sociale pour les Algériens, plus généralement l’égalité des droits entre ces derniers et les Européens devant le travail ou les retraites. Durant cette première législature, Alice Sportisse vote à l’unisson de ses collègues communistes. Il s’oppose à la confiance posée le 4 mai 1947 qui conduit au départ des communistes du gouvernement, s’abstient sur le statut de 1947 de l’Algérie, contre le plan Marshall, contre le pacte atlantique, contre les conventions collectives de travail, les apparentements et le renouvellement de l’Assemblée nationale. Il vote l’investiture de Léon Blum mais s’oppose ensuite à l’ensemble des gouvernements. Elle se présente de nouveau aux élections législatives du 17 juin 1951 à la tête d’une liste d’ « communiste et d’union démocratique » et est réélue 35 529 des 134 136 suffrages exprimés, soit 26,5% des voix. Les quatre sièges se répartissent entre la SFIO, la liste Quilici de « réconciliation républicaine et de sauvegarde de l’Algérie française », le néo-pétainiste Roger de Saivre et le RPF. Son élection est validée le 6 juillet 1951 et elle rejoint la commission des affaires étrangères (1951) et retrouve celle de l’intérieur (1951-1955). Elle dépose une demi-douzaine d’avis, rapports et propositions de loi et intervient une quarantaine de fois en séance. L’Algérie reste une fois encore au cœur de ses préoccupations. Elle réclame notamment l’amnistie de toute personne condamnée pour crime politique en Algérie (20 juillet 1951). Elle intervient très régulièrement sur les problèmes sociaux, la politique scolaire et la misère des travailleurs algériens. Elle dénonce presque systématiquement la politique du gouvernement et « l’incapacité de la bourgeoisie française, même lorsqu’elle le prétend, à sortir des voies du colonialisme » et se prononce pour « une Assemblée nationale souveraine représentant tous les Algériens et chargée de discuter librement avec la France des relations futures des deux pays » (18 juin 1953). Elle est du reste rappelée à l’ordre pour ces propos. Elle continue tout au long de la législature de critiquer la politique armée et violente des cabinets successifs. Elle prend également la parole pour dénoncer la répression française au Maroc et en Tunisie en 1952. Elle défend le procès de Prague (16 décembre 1952) et multiplie les déclarations contre la politique étrangère du gouvernement susceptible d’ouvrir un conflit avec l’URSS (8 octobre 1954). Elle vote contre les lois Marie et Barangé, contre la CECA, l’adoption de l’échelle mobile des salaires, pour le premier cessez-le-feu en Indochine, contre la mise en place de la TVA, pour les accords de Genève, pour l’adoption de la motion Aumeran, c’est-à-dire contre la CED, contre les accords de Londres, contre les accords de Paris, contre la proclamation de l’état d’urgence en Algérie. À l’exception de l’investiture de Pierre Mendès France auquel elle accorde sa confiance, elle vote contre tous les gouvernements de la seconde législature. Le report des élections législatives du 2 janvier 1956 en Algérie prive Alice Sportisse de l’opportunité de se représenter. Quoique très engagée contre la guerre d’Algérie, elle quitte la direction du PCA et s’efface progressivement de la vie politique. Rentrée en France au moment de l’indépendance de l’Algérie, elle se retire à Valence d’Agen où elle s’occupe presque exclusivement avec son mari de leur petite fille née handicapée. Si elle reste membre du parti communiste jusqu’à sa mort, elle ne brigue désormais plus aucun suffrage. Elle est décédée le 3 juin 1996.