André, Pierre, Gabriel, Amédée Tardieu
1876 - 1945
Un fonds d’archives André Tardieu, couvrant la période 1914-1939, est conservé au ministère des Affaires étrangères et européennes sous la cote 166 PAAP. Il représente 553 volumes. De plus amples informations sont disponibles sur le site Internet du ministère.
Né le 22 septembre 1876 à Paris.
Député de Seine-et-Oise de 1914 à 1924
Député du Haut-Rhin de 1926 à 1936.
Haut-Commissaire aux Etats-Unis du 15 avril au 12 septembre 1917.
Commissaire général aux Affaires de guerre franco-américaines du 19 juin 1918 au 1er avril 1919.
Ministre des Régions libérées du 6 novembre 1919 au 18 janvier 1920.
Ministre des Travaux publics du 23 juillet au 6 novembre 1928.
Ministre de l'Intérieur du 11 novembre 1928 au 22 octobre 1929.
Président du Conseil et ministre de l'Intérieur du 3 novembre 1929 au 17 février 1930 et du 2 mars au 4 décembre 1930.
Ministre de l'Agriculture du 27 janvier 1931 au 12 janvier 1932.
Ministre de la Guerre du 14 janvier au 16 février 1932.
Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères du 20 février au 10 mai 1932.
Ministre d'Etat du 9 février au 8 novembre 1934.
Après comme avant sa disparition de la scène politique, André Tardieu est resté pour beaucoup de Français un personnage difficile à comprendre.
Dès ses débuts, l'avenir se présentait pour lui sous un aspect si éblouissant qu'il ne pouvait manquer de provoquer jalousie et méfiance. Enfant prodige, issu d'une famille fixée à Paris dès 1670, longue lignée de graveurs, solide dynastie bourgeoise, c'est un « gosse de riches » qui habite avenue de Messine. C'est le fort en thème du lycée Condorcet, le lauréat du concours général, c'est le jeune et désinvolte major au concours de Normale, le « cacique », comme on dit rue d'Ulm où pourtant il décline l'honneur d'entrer. Il est reçu premier au concours des Affaires étrangères et pourtant il ne passera que quelques mois au Quai d'Orsay !
Place Beauvau, auprès de Waldeck-Rousseau, il prend goût à l'exécutif et apprend les mystères de l'administration et pourtant il se déclare allergique aux cartons verts !
Il lui faut le combat. Dès lors il pénètre au Figaro et au Temps et s'avère journaliste dans l'âme, ce qu'il restera jusqu'à son dernier souffle : un labeur qui exige à la fois une documentation sûre, une forme claire et incisive, une grande rapidité de jugement convenait à ses dons..
Mais le jeune journaliste savait que dans le régime où il vivait, le baptême du suffrage universel est indispensable à qui prétend modeler le destin du pays.
C'est alors que commence pour cet homme jusque-là toujours heureux une aventure qui lui valut certes des succès mais aussi des déceptions. Il accueillit ces dernières avec une élégante sérénité, mais elles n'en laissèrent pas moins en lui des traces durables d'amertume. Ses débuts furent faciles et brillants auprès de ses électeurs de Seine-et-Oise. En effet, quand il décida en 1914 de se présenter, il apportait à la vie publique un bagage exceptionnel : la connaissance des questions étrangères, domaine alors réservé à une poignée de spécialistes, de même pour les questions militaires. Attaché d'ambassade, il avait pris des contacts directs avec Guillaume II, Edouard VII, le président Théodore Roosevelt, avec des diplomates, le prince de Bülow, Paul et Jules Cambon..
Il fut élu sous l'étiquette républicain de gauche, contre tous pronostics, au premier tour de scrutin par 7 218 voix contre 5 506 à son concurrent le mieux placé, Laurent.
Deux mois plus tard c'était l'attentat de Sarajevo et le 2 août 1914, membre de la commission de l'armée, âgé de 37 ans, déclaré inapte au service armé, Tardieu était mobilisé au ministère de la Guerre, mais rejoignait le 5 août le grand quartier général en qualité d'interprète.
Une carrière militaire s'ouvrait inopinément à ce « polyvalent risque-tout » qui lui permit de rivaliser, auprès de Joffre et de Foch, avec les brevetés d'Etat-major, puis de conduire au feu une compagnie de chasseurs à pied, et voici un trait essentiel de sa valeur morale... En effet, écrira-t-il lui-même « la domestication brillante mais continue que comporte le service d'Etat-major, même dans les conditions individuelles les plus excellentes, ne répondait ni à mes goûts ni à mes habitudes civiles. »
Le 15 avril 1917, Ribot qui vient de succéder à Briand, le nommait haut-commissaire de la République française aux Etats-Unis.
Personne ne conteste le succès et l'efficacité avec lesquels Tardieu se consacra à cette tâche : coordonner les efforts de guerre franco-américains en un temps où les Anglais jugeaient cette intervention avec scepticisme et non sans réticence. Il s'agissait de concilier les besoins américains et français. Les troupes transportées en France, qui se montaient en juillet 1917 à 28 000 hommes, en janvier 1918 à 195 000, en juillet à 1 200 000, atteignaient 2 086 000 lors de l'armistice. Pendant le même temps, les approvisionnements furent de 7 500 000 tonnes. L'aide à la France représenta 13 milliards et demi de francs au pair, 5 millions de tonnes de ravitaillement, 5 de matériel et 1 million et demi de tonnes d'acier.
Il faisait beau, paraît-il, d'après ses collaborateurs (la meilleure équipe qu'il ait jamais connue) voir Tardieu et sa prodigieuse mémoire se retrouver dans ce chaos d'effectifs, de crédits, de tonnages, d'obus, de blé, de saindoux, et finalement décider.
La mission se continua avec le ministère Painlevé, mais ne trouva son véritable ton qu'avec Clemenceau, celui qui fut vraiment pour Tardieu le « Patron », celui qu'on suit, qu'on admire et qu'on aime.
La guerre terminée, à partir de décembre 1918, il collaborera directement avec le Père la Victoire, en qualité de plénipotentiaire à la Conférence de la paix, puis en 1919 et 1920 au ministère des régions libérées.
Alors que dans la Chambre élue le 16 novembre 1919, où Tardieu entra sur une liste républicaine d'union nationale recueillant 89 638 suffrages, tout semblait pousser au premier rang l'ancien capitaine de chasseurs et le plénipotentiaire de Versailles, l'échec de Clemenceau à l'Elysée le 17 janvier 1920 allait, pendant six ans, écarter Tardieu du pouvoir.
C'est son ardeur à défendre le Traité au milieu de l'indifférence presque générale, et après que Clemenceau eût quitté la vie politique, qui lui conféra sur ce grand acte diplomatique, une sorte de droit de paternité, et ce droit allait peu à peu dresser contre lui à la fois les partis de gauche et la formation bigarrée du Bloc national, groupée autour de Millerand. Et non seulement le climat devait l'écarter de l'exécutif, mais le conduire à l'échec électoral en 1924.
Mais Tardieu, s'il ne regrette pas les vanités et les facilités matérielles de la vie politique, en regrette la bataille, le goût des coups échangés.
Après avoir écarté par deux fois la chance de revenir à la Chambre à l'occasion d'élections partielles à Paris, parce qu'il ne voulait plus subir les solidarités du scrutin de liste, Tardieu accepte de se présenter au scrutin, uninominal cette fois, dans le Territoire de Belfort.
A l'élection partielle du 14 février 1926, il surclassait avec 9 840 voix son concurrent radical Py (6 217 voix) et écrasait son adversaire socialiste Naegelen (2 567 voix), adversaire qu'il devait battre encore en 1928 et en 1932.
C'est sur l'insistance de Poincaré que Tardieu devait accepter d'entrer dans un cabinet ministériel ; il avait été en effet extrêmement frappé par la clarté technique et politique du plan du « sauveur du franc ».
Au ministère des Travaux publics et à celui des Régions libérées, il fit merveille.
Après le congrès d'Angers, il se vit offrir le portefeuille de l'Intérieur et s'y montra ministre à poigne, plein d'allant et combatif.
Le 3 mai 1929, chef incontesté de la majorité parlementaire issue des élections précédentes, il devenait président du Conseil et présentait un plan quinquennal d'équipement national et de prospérité que Léon Blum devait appeler le « panneau réclame ».
Malgré ses dons indiscutés, son expérience du gouvernement et des appuis assez rares, Tardieu devait échouer assez vite, après quatorze mois d'exercice du pouvoir.
Où chercher les raisons de son échec ? D'après lui, dans les institutions : « Il est démontré par l'histoire de l'après-guerre que le régime présent est impuissant et dangereux. Les pouvoirs publics, exécutif et législatif, maîtres constitutionnels de l'acte indispensable de réforme, y sont irréductiblement hostiles, voilà le drame. Ou bien l'on persévérera dans l'immobilité et alors, venant du dedans ou du dehors ce sera la catastrophe, ou bien les Français n'auront d'autre issue que celle, toujours périlleuse, d'une révolution voulue. »
C'est au cours des derniers mois de 1933 que Tardieu décida de renoncer à une action parlementaire jugée stérile et de se consacrer à une sorte de croisade intellectuelle. Mais les événements de 1934 allaient briser ses projets neufs et le rappeler au gouvernement. Il accepta de Doumergue, qui lui avait témoigné une constante amitié, le poste, à la fois sans responsabilité et sans pouvoir, de ministre d'Etat. Sa santé le préoccupait alors et c'est en clinique qu'il apprit la retraite de Doumergue. Cet échec renforça sa volonté d'abandonner la vie parlementaire.
Il se retira non loin de Menton, près de la forêt de Lubag-Foran, au petit village de Monti, et se mit à la tâche, car s'il avait quitté le Parlement, ce n'était pas pour « fuir la bataille, mais pour se battre mieux ».
Il avait entrepris une œuvre considérable : « La Révolution à faire ». Le tome premier, intitulé Le Souverain captif fut tiré à 45 000 exemplaires. Le tome II fut également publié en 1937 sous le titre La Profession parlementaire.
Le 22 juillet 1939, Tardieu se trouvait, la plume en main, terrassé par le mal affreux dont il ne devait pas se relever. Cet homme tout d'élan et de clarté devait finir ses jours torturé par la paralysie et la cécité.
Si l'on tentait de dresser le bilan d'une vie étincelante et laborieuse, il faudrait tout d'abord inscrire dans la colonne de l'actif, la mission aux Etats-Unis. Du Traité de Versailles il a été souvent médit, mais il convient de se rappeler que la mise en œuvre de ce contrat n'a pas été confiée à ceux qui l'avaient rédigé ; dès lors la responsabilité de Clemenceau et de Tardieu ne saurait être mise en cause. Dans le domaine de la politique intérieure et dans l'exercice du pouvoir, Tardieu fut avant tout un constructeur ; ni l'imagination ni l'esprit de décision ne lui faisaient défaut.
Alors que le ciel s'assombrissait, Tardieu a sonné l'alerte. Pour lui le plus urgent était de réformer l'esprit public. Ayant fait l'expérience du gouvernement, il avait condamné le régime : « Je crois que la bourgeoisie, le parlementarisme et la démocratie sont présentement forces aussi vides qu'étaient il y a cent cinquante ans la noblesse, les Etats généraux et la royauté. Le confort général assure une indifférence somptueuse à la Nation ».
Sa carrière politique avait embrassé trois grands objets, qui ont ouvert - comme il se doit - trois grandes controverses : la paix de Versailles, le plan d'équipement national, la réforme de nos institutions. Le recul du temps permet de mieux mesurer la taille de l'homme politique, alors que ses interlocuteurs ne voyaient et n'entendaient qu'un « debater » de grande classe et souvent sarcastique.
Tardieu fut-il un homme d'Etat ? C'est une question qui fut souvent et longtemps débattue. François Piétri, fidèle de Tardieu, écrit « l'homme de gouvernement s'adapte, les qualités de l'homme d'Etat ne sont pas incompatibles avec celles de l'homme de gouvernement. Mais elles montent bien plus haut dans l'échelle des valeurs politiques. L'homme d'Etat ne se borne pas à vivre, il crée ; à réparer, il construit ; à transiger, il décide. Il est la clairvoyance au lieu de l'habileté, l'invention au lieu de l'art, l'action au lieu de la manœuvre ». C'est à propos de son ami que l'ancien ministre du Budget, des Colonies et de la Marine écrivait ainsi.
Mais Tardieu qui débuta comme l'héritier de cette bourgeoisie libérale de formation humaniste qui donna à la IIIe République son armature intellectuelle et morale réunissait en lui les traits les plus contradictoires de l'homo parisianus, le sens de la majesté historique de la France et le goût de la blague. Né dans le VIIIe arrondissement, il n'était pas sans ressemblance avec les gars de Belleville ou de Ménilmontant. Il s'amusait volontiers à caricaturer ceux qui l'entouraient d'un trait schématique aussi vierge de retouches que sa prose.
Par ailleurs, André Tardieu ne se refusa aucun des plaisirs que peut donner l'existence. Il se conformait, habitué des coulisses des théâtres subventionnés, aux rites de la vie parisienne ; il faisait figure de maître dans l'art de la gastronomie. Toutefois, l'épicurien faisait place au stoïcien dès qu'il s'agissait de mettre la main à l'ouvrage, sans mesurer que l'élan égal de part et d'autre risquait d'abréger son existence.
Toujours élégant et lustré, avec son fameux long fume-cigarette dardé comme une épée, la denture ostentatoire, toujours avec ce sentiment de précellence du parisien, dont les provinciaux s'accommodent si mal, le « mirobolant », comme l'appelait Léon Daudet qui ne l'aima jamais, semblait bien s'appliquer à fausser sur lui-même le jugement de ses contemporains.
TARDIEU (André, Pierre, Gabriel, Amédée)
Né le 22 septembre 1876 à Paris
Décédé le 15 septembre 1945 à Menton (Alpes-Maritimes)
Député de Seine-et-Oise de 1914 à 1924
Député du Haut-Rhin de 1926 à 1936
Ministre des régions libérées du 6 novembre 1919 au 18 janvier 1920
Ministre des travaux publics du 23 juillet au 6 novembre 1928
Ministre de l’intérieur du 11 novembre 1928 au 22 octobre 1929
Président du Conseil et ministre de l’intérieur du 3 novembre 1929 au 17 février 1930 et du 2 mars au 4 décembre 1930
Ministre de l’agriculture du 27 janvier 1931 au 12 janvier 1932
Ministre de la guerre du 14 janvier au 16 février 1932
Président du Conseil et ministre des affaires étrangères du 20 février au 10 mai 1932
Ministre d’Etat du 9 février au 8 novembre 1934
(Voir première partie de la biographie dans le Dictionnaire des parlementaires français, 1889 -1940, tome VIII, p. 3051, 3053)
Très diminué par son attaque cérébrale du 22 juillet 1939, André Tardieu meurt à Menton, le 15 septembre 1945, à quelques jours de son soixante-neuvième anniversaire.
André Tardieu est notamment l’auteur de La Réforme de l’Etat et de La Révolution française à refaire. Au Parlement, son nom reste aussi attaché à la fondation du groupe parlementaire du centre républicain, en 1932.