Henri Terré
1900 - 1978
TERRE (Henri, Bernard, Elie)
Né le 16 février 1900 à Paris
Décédé le 13 octobre 1978 à Troyes (Aube)
Député de l’Aube de 1958 à 1967
Sénateur de l’Aube de 1968 à 1978
Henri Terré naît à Paris. Sa famille est installée depuis plusieurs générations dans la capitale. Ses parents y travaillent comme bourreliers, fabriquant les bâts et les harnais destinés aux bêtes de somme. La scolarité d’Henri Terré a pour cadre les écoles élémentaires du 17ème arrondissement, rue de Saussure et rue Jouffroy d’Abbans. Il obtient son certificat d’études, mais n’effectue son service militaire qu’au lendemain de la première guerre mondiale, de 1920 à 1922. En 1923, il s’installe à Troyes comme industriel. Il reste fidèle à cette ville jusqu’à la fin de sa vie. Mobilisé en septembre 1939, Henri Terré retourne à la vie civile après la campagne de France. Il ne peut cependant se résoudre à la défaite et prend contact avec la Résistance auboise. Son action pendant les années d’Occupation devait lui valoir d’être décoré de la Légion d’honneur et de la croix du combattant volontaire de la Résistance à la Libération.
L’industriel troyen s’impose comme une des principales personnalités politiques modérées de l’Aube dans les années d’après-guerre, aux côtés d’André Mutter et du gaulliste Louis Briot. Il adhère au Parti républicain de la liberté (PRL) au début de la IVème République. Henri Terré se présente aux élections municipales d’octobre 1947 à Troyes : il conduit une liste d’union où figurent des membres du MRP, du PRL, du Parti radical et du RPF. Après l’intervention du préfet de l’Aube auprès du général de Gaulle, ce dernier accepte en effet de déroger à la règle consistant à présenter des listes gaullistes « homogènes » dans toutes les villes de plus de 9000 habitants et accorde son soutien à la liste d’Henri Terré. Les modérés obtiennent 53% des voix le 19 octobre 1947 à Troyes, contre 36% pour les communistes et 10% pour la liste socialiste. Henri Terré est élu maire de la préfecture de l’Aube ; il a un gaulliste pour premier adjoint en la personne du docteur Mahée. Le premier magistrat troyen s’éloigne néanmoins du RPF peu après et dirige une liste de « Concentration républicaine » lors des élections au Conseil de la République de 1948. Il n’obtient que 154 voix sur 741 au premier tour de scrutin. En 1949, il défait le sortant communiste dans le canton de Troyes-III et entre au Conseil général de l’Aube, dont il prend alors la présidence. Réélu maire de Troyes en 1953, il conduit un programme ambitieux de rénovation des îlots urbains et de destruction des taudis.
Henri Terré accueille favorablement le retour au pouvoir du général de Gaulle le 1er juin 1958. Il est favorable à la Constitution de la Vème République, que les Français ont approuvée le 28 septembre 1958, et décide de se présenter aux élections législatives de novembre 1958 dans la 2ème circonscription de l’Aube. Il reçoit l’investiture du Centre national des indépendants et paysans. Sa profession de foi se caractérise par sa brièveté : le maire de Troyes et président du Conseil général de l’Aube néglige de s’y présenter aux électeurs, estimant qu’il leur est connu et que « le passé est garant de l’avenir ». Il invite cependant les Aubois à rompre « une fois pour toutes avec un régime qui conduisait le pays à sa perte » en confirmant leur vote positif du 28 septembre 1958. Il souhaite que le nouveau pouvoir s’attelle à la lutte contre l’inflation, qu’il juge « le pire des impôts » et met l’accent sur les engagements européens et atlantiques de la France. Son principal adversaire est le député sortant communiste Marcel Noël. Henri Terré arrive en tête du premier tour avec 42,2% des suffrages exprimés. Il l’emporte dans l’ensemble des dix cantons de la 2ème circonscription de l’Aube et obtient son meilleur résultat dans ceux d’Evry-le-Châtel (48%) et d’Aix-en-Othe (46,8%). Il est élu député de l’Aube le 30 novembre 1958, grâce au soutien de 66,3% des électeurs.
Il s’inscrit au groupe des Indépendants et paysans d’action sociale (IPAS) et siège d’abord à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale à l’Assemblée nationale. En novembre 1961, il y rejoint la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Henri Terré appartient également au Conseil national des services départementaux et communaux à partir de juin 1959. Il s’intéresse surtout aux questions qui concernent le secteur du bâtiment et des travaux publics sous la première législature de la Vème République. Il se montre assez critique envers la politique conduite par le gouvernement Debré et son ministre de la construction Pierre Sudreau à partir de 1959. Le 23 novembre 1959, il regrette ainsi que le Haut conseil de l’aménagement du territoire créé en 1955 n’ait plus été réuni depuis le changement de régime. Pour « éviter le grave danger d’un suréquipement de la capitale au détriment de la province » ou favoriser « l’implantation d’industries » en milieu rural, il conviendrait pourtant, selon lui, de consulter en priorité cet organisme. Le maire de Troyes attire l’attention de l’exécutif sur deux dossiers prioritaires : une modification de la législation sur l’apport exigé des candidats à la propriété et la destruction des taudis. Ses observations sur le budget de la construction pour 1962 sont à nouveau marquées du sceau de la critique, le 31 octobre 1961. Il salue certes l’ambition affichée par le ministre de la construction devant le congrès des fédérations HLM de France, mais regrette l’insuffisance des moyens dévolus à la politique du logement comme à la création d’espaces verts. Le député de l’Aube reproche à l’exécutif d’user de méthodes autoritaires pour conduire sa politique ou préparer le IVème plan de développement économique et social (6 juin 1962).
Henri Terré évolue de la majorité vers l’opposition entre 1958 et 1962. Il approuve le programme du gouvernement de Michel Debré (16 janvier 1959) comme le projet de règlement définitif de l’Assemblée nationale (3 juin 1959). Il vote contre la loi qui modifie le financement de l’enseignement privé (23 décembre 1959), mais accorde les pleins pouvoirs au gouvernement pour ramener l’ordre en Algérie (2 février 1960). Il soutient le programme du gouvernement de Georges Pompidou (27 avril 1962), s’abstient volontairement sur la question de la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault (5 juillet 1962), mais apporte sa voix à la motion de censure du 4 octobre 1962, qui renverse le gouvernement de Georges Pompidou.
L’Union pour la nouvelle République investit Pierre Daure, recteur de l’Académie de Caen, dans la deuxième circonscription de l’Aube, à l’occasion des élections législatives de novembre 1962. Il s’agit pour les gaullistes de sanctionner l’opposition du sortant Henri Terré au pouvoir. Le maire de Troyes, soutenu par le Centre national des indépendants, n’attaque pas directement ses adversaires gaulliste, communiste ou socialiste dans sa profession de foi. Ses documents électoraux avancent peu d’engagements précis, mais insistent sur la nécessité pour l’Europe d’évoluer vers une « organisation fédéraliste ». Le premier tour de scrutin conduit à une très forte dispersion des voix : 31,8% des suffrages se portent sur Henri Terré contre 28,8% pour le gaulliste Pierre Daure, 22,8% pour le communiste Marcelin Ninoreille et 16,6% pour Roger Gouaille, candidat de la SFIO. Henri Terré ne doit qu’à quelques dizaines de voix d’être réélu le 25 novembre 1962. Il obtient en effet 34,1% des suffrages exprimés, tandis que Marcelin Ninoreille et Pierre Daure sont respectivement soutenus par 33,9% et 32% des électeurs.
Henri Terré s’inscrit alors au groupe des Républicains indépendants de l’Assemblée nationale. Il appartient à la Commission de la défense et des forces armées de décembre 1962 à avril 1964. Il retrouve à cette date la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il continue de s’affirmer comme un spécialiste de la politique du logement. L’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1964 lui offre l’occasion de critiquer l’insuffisance de l’effort budgétaire en matière de construction de logements. Il estime en particulier que les conséquences de l’arrivée en métropole des rapatriés d’Algérie n’ont pas été tirées au regard de la politique de la construction. Il en appelle à une politique plus « hardie » en faveur de la rénovation urbaine. Il s’inquiète à nouveau de la « médiocrité » des dotations du budget pour 1966 et de ce « qu’à ce rythme modeste, beaucoup trop modeste », « la crise du logement social n’est pas près d’être résorbée » (séance du 22 octobre 1965). Un an plus tard, il attribue à « l’incohérence des programmes » successifs la persistance de cette crise du logement ; membre de la commission nationale des logements défectueux, il menace de ne plus y apporter son concours au gouvernement si les crédits qu’exige la rénovation des îlots urbains ne sont pas augmentés (8 novembre 1966).
S’il s’autorise une liberté de ton assez étendue à l’égard de l’action gouvernementale, le député de l’Aube n’en soutient pas moins l’action de l’exécutif entre 1962 et 1967. Il se prononce en faveur de la ratification du traité de l’Elysée (13 juin 1963), de l’encadrement du droit de grève dans les services publics (26 juillet 1963) et de la réforme du service national (26 mai 1965).
Maire de Troyes et président du Conseil général de l’Aube, Henri Terré semble dominer la vie politique de son département dans la première moitié des années 1960. Sa défaite aux élections législatives de mars 1967 bouleverse dès lors les équilibres politiques locaux entre modérés et gaullistes. Candidat au renouvellement de son mandat de député, il réalise un bon résultat au premier tour de scrutin (40,7%) et l’emporte dans huit des dix cantons de la deuxième circonscription de l’Aube. Son bilan de parlementaire et d’élu local est contesté par Bernard Pieds, maire de Bar-sur-Seine, investi par la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), et qui s’était déjà porté candidat en novembre 1958 sous l’étiquette SFIO. Porté par une tendance nationale favorable à l’opposition lors du scrutin décisif, Bernard Pieds l’emporte sur Henri Terré le 12 mars 1967 avec 54% des suffrages exprimés. L’industriel aubois est également battu aux élections cantonales en 1967 et perd la présidence de l’Assemblée départementale.
Il n’abandonne pas pour autant la vie publique. Renonçant à se présenter aux élections législatives de juin 1968, qui permettent au ministre Robert Galley de commencer à s’implanter dans l’Aube, Henri Terré se porte candidat à la sénatoriale partielle du 22 septembre 1968. Avec 201 voix de grands électeurs sur 799, le maire de Troyes devance au premier tour son successeur à la présidence du Conseil général Pierre Labonde. Il est élu sénateur de l’Aube lors du scrutin décisif (501 voix sur 760). Henri Terré a bénéficié dans cette élection de son image d’élu indépendant face à un Pierre Labonde qui, président de la section nationale des fermiers et métayers de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), apparaissait comme le candidat du pouvoir. Au Sénat, Henri Terré s’intéresse aux débats sur les questions de logement et d’équipement. Réélu en 1971, il siège au Palais du Luxembourg à la Commission des affaires sociales. Il abandonne son mandat de premier magistrat en 1972.
Le sénateur de l’Aube meurt âgé de 78 ans. Les registres d’état civil précisent qu’il est décédé à l’Hôtel de ville de Troyes.