Charles, Joseph Tillon
1897 - 1993
* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936
Le fonds Charles Tillon, qui représente 24,8 mètres linéaires, est conservé par le Centre d’histoire de la Fondation nationale des sciences politiques, sous la cote CT. Il a été donné en 1996. Ces archives sont liées aux activités politiques de Charles Tillon et couvrent la 1919-1992. Elles sont décrites dans un inventaire analytique. Leur consultation est soumise aux délais fixés par le code du patrimoine. De plus amples renseignements sur ce fonds sont disponibles sur le site Internet du Centre d’histoire
Né le 3 juillet 1897 à Rennes (Ille-et-Vilaine). Député de la Seine de 1936 à 1940.
Fils d'une famille d'ouvriers, Charles Tillon fait son apprentissage de métallurgiste à l'école professionnelle de Rennes jusqu'en 1913 et travaille ensuite comme ouvrier ajusteur.
En 1916, il est mobilisé dans la marine et embarque sur le croiseur Guichen qui assure le transport des troupes pour l'Orient. En 1919, le quartier-maître Tillon joue un rôle actif dans la mutinerie des marins de- la mer Noire. Arrêté en Grèce, il est condamné par le conseil de guerre de Brest à 5 ans de travaux forcés, dont il effectue une partie au pénitencier de Dar-Bel-Hamri au Maroc.
De retour à Rennes après sa libération, Charles Tillon retrouve un emploi d'ajusteur dans différentes usines de machines agricoles et de produits chimiques ; c'est à cette époque qu'il adhère au parti communiste ; son action se développe principalement sur le plan syndical : il organise le syndicat local des métaux, devient secrétaire de l'union départementale, puis de l'union régionale des syndicats unitaires ; après avoir conduit plusieurs mouvements, il anime la grève des sardiniers de Douarnenez. En 1928, il est chargé de l'union régionale des syndicats de Nantes. Deux ans plus tard, il se voit confier le secrétariat de la fédération unitaire des produits chimiques à Paris. En 1934, il est chargé de réorganiser la fédération unitaire des ports, docks et transports.
C'est en 1925 qu'il commence sa carrière politique, en se faisant élire conseiller municipal de Douarnenez ; parallèlement, il exerce des responsabilités au sein du parti communiste, dont il est nommé membre du comité central en 1932, puis membre du bureau politique.
Le 26 mai 1935, il est élu conseiller général de la Seine, canton d'Aubervilliers.
Aux élections législatives de 1936, il est élu député de la Seine dans la 3e circonscription de Saint-Denis : en tête au premier tour avec 11.322 voix sur 23.501 votants devant le député sortant le socialiste indépendant Foulon 7.729 voix, il l'emporte au second tour avec 14.752 voix sur 21.280 votants contre 1.480 seulement à Favé et 430 à Foulon.
Au Palais-Bourbon, il siège notamment à la commission de la marine marchande dont il devient vice-président, puis au cours des deux dernières années de son mandat, à la commission d'assurance et de prévoyance sociale ; il s'intéresse alors tout particulièrement aux questions d'allocations de chômage : il est l'auteur et le rapporteur de plusieurs propositions de loi et de résolution sur ce sujet.
Par ailleurs, en cette période troublée, il se préoccupe de problèmes plus politiques et demande à interpeller le gouvernement aussi bien sur les incidents de Saint-Denis de novembre 1936 qu'en 1939 sur des sévices infligés à des réfugiés espagnols, l'action de la justice contre les hommes politiques qui se seraient enrichis frauduleusement dans l'exercice de leur mandat et la livraison au gouvernement de Franco de l'or déposé à la Banque de France. Son soutien aux républicains espagnols n'est pas seulement verbal, puisqu'en avril 1939 il est fait prisonnier à Alicante aux côtés des derniers d'entre eux.
Charles Tillon est déchu de son mandat de député le 20 février 1940, en application de la loi du 20 janvier 1940.
TILLON (Charles)
Né le 3 juillet 1897 à Rennes (Ille-et-Vilaine)
Décédé le 13 janvier 1993 à Marseille (Bouches-du-Rhône)
Député de la Seine de 1936 à 1940.
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Seine)
Député de la Seine de 1946 à 1955
Ministre de l’air du 10 septembre 1944 au 21 novembre 1945
Ministre de l’armement du 21 novembre 1945 au 16 décembre 1946
Ministre de la reconstruction et de l’urbanisme du 22 janvier au 4 mai 1947
(Voir la première partie de la biographie dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), tome VIII, p. 3096)
La déchéance de son mandat de député, le 20 février 1940, ne remet pas en cause la fidélité de Charles Tillon envers le Parti communiste français (PCF). Clandestin - il est un des neuf députés communistes à ne pas être arrêtés -, il est condamné par contumace à cinq ans de prison. A ce moment, en tant qu’un des quatre instructeurs inter-régionaux du PCF, il réorganise le parti dans une dizaine de départements du Sud-Ouest. Mais, dès la débâcle, Charles Tillon fait preuve d’une attitude nettement plus opposée aux occupants que la direction du PCF. Si celle-ci tend à faire le silence sur la présence des Allemands pour concentrer ses coups sur Vichy, Charles Tillon - dans ses textes publics des 17 juin et 18 juillet 1940 – insiste, lui, sur le nécessaire combat pour la libération nationale. Il ne remet pas en cause les principaux aspects de la politique communiste (la dénonciation de la guerre impérialiste, la demande de la conclusion de la paix), mais il ne s’engage pas dans une politique d’entente plus ou moins tacite avec l’occupant. Pendant les premiers mois de l’Occupation, Charles Tillon poursuit la réorganisation du PCF dans les départements du Sud-Ouest dont il a la charge. Toujours en 1940, Jacques Duclos et Benoît Frachon font appel à lui pour devenir le troisième membre du secrétariat clandestin du PCF. A partir de mars 1941, ces trois dirigeants se réunissent une ou deux fois par mois.
Lorsque l’attaque allemande contre l’Union soviétique met, pour le PCF, la lutte armée à l’ordre du jour, Charles Tillon se voit confier la tâche des questions militaires. Pour ne pas limiter l’action armée aux seuls communistes, il est décidé de créer une organisation spécifique, non communiste - les Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF) - et de rattacher ces combattants au Front national, l’organisation de masse du PCF, théoriquement indépendante de ce dernier. En mars-avril 1942, un Comité militaire national des FTP est mis sur pied, dirigé par Charles Tillon. A ce titre, celui-ci est le principal animateur de la Résistance armée communiste. Officiellement, Charles Tillon est un des trois dirigeants clandestins du PCF. En réalité, il ne demeure qu’associé à la direction effective du parti assurée par Jacques Duclos.
A la Libération, essentiellement en raison de ses éminentes activités de résistant, les responsabilités de Charles Tillon croissent notablement puisqu’il devient maire, député et ministre, tout en demeurant naturellement un des principaux dirigeants communistes. Sur le plan personnel, il perd sa femme, Colette, en 1947, dont il a eu deux fils, Claude (1928) et Jacques (1942). En 1951, il épouse sa nouvelle compagne, Raymonde Barbé, dont il a deux enfants, Itea (1950) et Nadia (1952).
Les mandats électifs qu’il recueille s’inscrivent dans la continuité de l’avant-guerre : ancien conseiller général d’Aubervilliers (1935) et député de la Seine (1936), Charles Tillon préside, à la Libération, la municipalité provisoire d’Aubervilliers et il en devient le maire à l’issue des élections municipales d’avril-mai 1945. Il est reconduit dans ses fonctions après les municipales de 1947.
Dans le même temps, Charles Tillon a logiquement été nommé membre de l’Assemblée consultative provisoire, et il entreprend avec succès de retrouver son siège conquis en 1936. En octobre 1945, il est élu membre de la première Assemblée constituante. Il occupe la deuxième place sur la liste communiste présentée dans cette sixième circonscription de la Seine, derrière Jacques Duclos, mais devant l’ancien ministre de l’air, Fernand Grenier. Cette disposition de la liste demeure identique jusqu’aux élections de 1951. Dans ce bastion communiste de la banlieue-Est de Paris, les résultats électoraux sont élevés : 46,6% puis 45,6% des suffrages exprimés lors des élections pour les deux constituantes, puis 48,1% et 43,9% lors des législatives de 1946 et de 1951. Ces résultats permettent d’obtenir quatre députés sur sept, lors des trois premières consultations, le léger tassement de 1951 se traduisant par la perte du quatrième siège.
Etant données ses responsabilités ministérielles, l’activité parlementaire de Charles Tillon n’est pas sa tâche prioritaire jusqu’au mois de mai 1947. Pendant cette période, il n’intervient devant l’Assemblée qu’à une reprise, en sa qualité de ministre, le 7 mars 1947. Après avoir été relevé de ses fonctions ministérielles dans le gouvernement Ramadier, Charles Tillon intervient essentiellement sur les questions dont il a eu à traiter au gouvernement : les problèmes de l’armée de l’air, de l’armement et de la reconstruction. En toute logique, Charles Tillon appartient à la commission de la défense nationale (1947-1951) et à celle de la reconstruction et des dommages de guerre (1947-1948). Entre 1951 et 1952, il dépose quatre propositions de loi et une proposition de résolution dont le point commun est le thème des collectivités territoriales et leur organisation. L’une d’entre elles, la proposition de loi déposée le 17 juillet 1951, a trait aux retraites du personnel ouvrier titulaire de la société d’exploitation industrielle du tabac et des allumettes (SEITA). En revanche, il n’intervient pas à la tribune, durant cette année-là. Sa dernière action parlementaire à l’Assemblée, le dépôt d’une proposition de résolution, date du 25 mars 1952, année de sa « disgrâce » politique.
Après la Libération, l’essentiel de l’activité publique de Charles Tillon est constituée par sa carrière ministérielle. Le général de Gaulle veut s’assurer la présence au gouvernement d’un représentant de la Résistance militaire communiste. Il a d’abord opté pour l’animateur de l’organe de commandement des Forces françaises de l’Intérieur (FFI), le Comité d’action militaire (le COMAC), le responsable communiste du Front national, Pierre Villon, avant finalement de choisir Charles Tillon en septembre 1944. Celui-ci devient, dans les gouvernements présidés par le général de Gaulle, ministre de l’Air, du 10 septembre 1944 au 21 novembre 1945, puis ministre de l’armement du 21 novembre 1945 au 20 janvier 1946. Après la démission du Général, Charles Tillon conserve les mêmes fonctions ministérielles dans les cabinets présidés par Félix Gouin, puis par Georges Bidault, du 23 janvier au 16 décembre 1946. Enfin, dans le dernier gouvernement à participation communiste, gouvernement présidé par Paul Ramadier, il prend en charge le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme, du 22 janvier au 4 mai 1947. Dans son activité ministérielle, tout en soutenant la ligne politique de son parti, Charles Tillon fait preuve d’une certaine indépendance d’esprit, s’opposant ainsi à la direction du PCF qui, engagée dans une lutte parlementaire contre le général de Gaulle, exige une brutale réduction des crédits militaires.
Pendant toutes ces années, Charles Tillon reste toutefois un dirigeant discipliné, membre du Comité central, du Bureau politique et du secrétariat du PCF. Après l’éviction des ministres communistes, Charles Tillon devient, avec Laurent Casanova, un des deux principaux responsables des questions militaires du PCF. Il prend en charge le secteur de « la lutte pour la paix », qu’il envisage dans un premier temps moins comme l’appendice du combat diplomatique du camp socialiste que comme la prolongation du combat de la Résistance. Devant cette initiative personnelle, Maurice Thorez et Jeannette Thorez-Vermeersch ont vraisemblablement craint que Tillon profitât de son passé résistant pour mettre en danger les positions détenues par ceux qui, pour toute légitimité, ne disposait que du soutien de Staline.
Dans un premier temps, lors d’une réunion du secrétariat du parti, le 26 mai 1952, seul André Marty - ancien mutin de la Mer noire, ancien secrétaire de l’Internationale communiste et dirigeant des Brigades internationales en Espagne - est mis en cause pour une opposition supposée à la ligne du parti. Puis, le 1er septembre 1952, l’accusation contre André Marty s’aggrave – il est accusé d’activité fractionnelle – et s’élargit, puisque Charles Tillon est censé représenter l’autre moitié de la fraction. Allant toujours crescendo, le Comité central, lors de sa session du 7 décembre 1952, évoque les liaisons policières d’André Marty. Celui-ci est exclu du parti, tandis que Charles Tillon est privé de toutes ses responsabilités et rétrogradé à la base. Immédiatement, de nombreuses voix se sont interrogées sur les raisons de la mise à l’écart de militants aux biographies si prestigieuses. Il semble désormais établi que, poursuivant tous les communistes des pays de l’Est coupables de « nationalisme », autrement dit de tiédeur dans l’affirmation de leurs sentiments pro-soviétiques, les services soviétiques se soient mis à la recherche des complices occidentaux de ces « espions » démasqués en Tchécoslovaquie, en Hongrie ou ailleurs. Stéphane Courtois signale ainsi que L’Humanité avait publié, le 5 mars 1951, un entrefilet intitulé « La bande Clementis-Slansky [les dirigeants communistes tchécoslovaques alors accusés de trahison] voulait prendre contact avec des espions au sein des partis communistes français et italien. » En tout état de cause, c’est en juillet de la même année, au lendemain d’une visite qu’il rend à Maurice Thorez, alors soigné en URSS, que le responsable de la commission des cadres du PCF, Marcel Servin, met sur pied une commission d’enquête sur les activités d’André Marty et de Charles Tillon. En définitive, le « procès » fait par le PCF à Charles Tillon et à André Marty, en 1952, appartient à cette série d’épurations touchant les partis communistes au pouvoir comme ceux dans l’opposition, et frappant certains dirigeants disposant d’une légitimité antifasciste autonome, qu’elle fût acquise dans les Brigades internationales ou dans la Résistance. Au demeurant, à l’image de ses camarades emprisonnés puis exécutés dans les pays de l’Est, Charles Tillon rejette ces accusations d’opposition politique et affirme longtemps sa fidélité envers le PCF et le communisme.
En effet, pendant de longues années, Charles Tillon garde à la fois le silence et sa carte du parti. Sa seule initiative publique est de publier, en 1962, un ouvrage historique à la gloire des FTP, ouvrage qu’il avait d’abord rédigé en tant que dirigeant communiste pour servir la gloire du parti, mais que la direction du PCF avait mise au pilon lors de sa « disgrâce ».
Ce sont les événements de 1968, en Tchécoslovaquie et en France, qui font sortir Charles Tillon de sa réserve. Condamnant la normalisation en Tchécoslovaquie (5 janvier 1970), la politique du PCF en 1968 et son fonctionnement (appel du 3 juin 1970, « Il n’est plus possible de se taire », cosigné par Roger Garaudy, Maurice Kriegel-Valrimont et Jean Pronteau) et la répression de l’extrême-gauche en France (12 juin 1970), il est exclu du PCF, par sa cellule, le 3 juillet 1970. Il riposte à cette exclusion en dénonçant le passé du nouveau secrétaire général du PCF, Georges Marchais, et entame alors un long travail d’écriture autobiographique, essentiellement marqué par la publication de ses Mémoires en 1977 : On chantait rouge.
Charles Tillon était commandeur de la Légion d’honneur. Il disparaît le 13 janvier 1993, dans sa quatre-vingt-seizième année.