Pierre Truffaut
1894 - 1974
TRUFFAUT (Pierre, Théodore, Marie)
Né le 14 mai 1894 à Carentan (Manche)
Décédé le 11 juin 1974 à Challans (Vendée)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Charente-Maritime)
Député de la Charente-Maritime de 1946 à 1951
Pierre Truffaut est un homme de l’ouest. Issu d’une famille qui pratique le commerce des beurres en Normandie, il poursuit des études secondaires jusqu’à la Grande guerre. Mobilisé, il participe à la campagne d’Orient et reçoit la médaille militaire. Il commence, après la guerre, une brillante carrière dans les assurances, successivement en Vendée, en Charente-Maritime, puis à Paris. En effet, en 1928, il épouse un Olonnaise et s’installe dans la commune de sa belle-famille. Du mariage, naissent trois enfants. Il tient un cabinet d’assurances aux Sables d’Olonne jusqu’en 1945, date à laquelle il franchit la Vendée pour s'installer sur la rive charentaise, à La Rochelle, où il tient durant cinq ans un autre cabinet d’assurances. Ce chrétien fervent se lance alors dans la politique et participe avec le docteur Poirier, maire de Montendre, à la mise en place de la fédération MRP de la Charente-Maritime. Ce dernier a l’avantage d’être bien connu dans le département et permet à Pierre Truffaut de s’y enraciner. Ces racines ne plongent toutefois pas profondément dans le sol charentais, peu propice à la démocratie chrétienne : en 1938, la Charente-Maritime fait partie des quatorze départements où le Parti démocrate populaire (PDP) ne compte pas de fédération. Le succès relatif de la liste du Mouvement républicain populaire (MRP) en 1945, puis 1946 apparaît donc comme strictement conjoncturel. La vague nationale en faveur du MRP permet l’élection de Pierre Truffaut, alors que les cadres traditionnels de la droite modérée font largement défaut à l’électorat conservateur de la Charente-Maritime. En octobre 1945, la liste conduite par Pierre Truffaut arrive en troisième position, avec 33 382 suffrages, soit 19,5 % des voix. En juin 1946, elle confirme son score et sa troisième place, malgré la concurrence d’une liste du Parti républicain de la liberté (PRL), avec 39 014 suffrages, soit 20 % des voix. En s’opposant au projet constitutionnel porté par la SFIO et le PCF, le MRP capitalise les voix de ceux qui craignent une mainmise marxiste sur le pays. En novembre 1946, l’essoufflement se fait sentir, puisqu’il glisse en quatrième position derrière une liste de concentration républicaine et paysanne et perd cinq mille électeurs avec 17,8 % des voix, loin des résultats nationaux du MRP (25,9 %). Malgré un journal fédéral combatif et de qualité, Forces charentaises, le MRP n’arrive pas à prendre racine, et Pierre Truffaut subit un grave échec en 1951. Il lui a peut-être manqué un mandat local afin de mieux nouer le contact avec son électorat, alors que le scrutin de liste ne facilite pas ce lien entre l’élu et son département. En effet, en juin 1951, la liste MRP est largement battue, passant en cinquième position avec seulement 17 209 voix alors que le Rassemblement des gauches républicaines - RGR gagne 11 000 voix et que la liste du Rassemblement du peuple français (RPF) réussit à capitaliser 65 527 suffrages, soit le tiers des voix. Malgré l’apparentement avec la SFIO et le RGR, Pierre Truffaut ne parvient pas à conserver son siège.
Ce député très actif a su mettre son expérience professionnelle et sa compétence au service des questions techniques les plus délicates. Il se préoccupe directement de la législation concernant les assurances. Le premier texte qu’il dépose en décembre 1945 tend à étendre les dispositions de la loi du 31 décembre 1936 sur l’arbitrage obligatoire aux relations entre agents et compagnies d’assurances. Il intervient également à plusieurs reprises dans le débat concernant les nationalisations de certaines sociétés d’assurances en décembre 1945. Il participe aussi au débat sur la prévention des accidents du travail (4 octobre 1946). Au cours de la première législature de la Quatrième République, il appartient, comme sous des deux constituantes, à la commission des finances (1946-1951) et à la commission chargée d’enquêter sur les déficits constatés dans l’exploitation des services publics des collectivités locales. Il est aussi appelé à figurer sur la liste des jurés de la Haute Cour de justice, pour la session de mai 1947. Les initiatives parlementaires de Pierre Truffaut sont très variées ; il dépose une proposition de loi, trois propositions de résolution, trois extraits du rapport général de la commission des finances, quinze avis, un avis supplémentaire. Il présente également quarante et un rapports et deux rapports supplémentaires, dont l’essentiel a trait à l’indemnisation de victimes de catastrophes naturelles, comme le cyclone du 26 et 27 janvier 1948 en Guadeloupe, les orages de grêle qui ont ravagé toitures et cultures au nord de la Loire, du 20 au 25 mai 1950, ou la tempête qui a frappé les marins pêcheurs de l’île d’Houat, le 27 janvier 1951. A ce titre, il déclare, le 7 juillet 1948, qu’il faut simplifier les formalités pour les victimes et débloquer sans délai les crédits publics.
Toutefois, Pierre Truffaut ne cantonne pas son activité de député à ce rôle de secours aux victimes, aussi nécessaire que soit ce versant de l’activité parlementaire. Bien que ni maire, ni conseiller général, il s’intéresse vivement aux finances locales. Il présente, le 1er octobre 1946, un rapport pour avis sur les contrats passés par les collectivités locales, rapport renouvelé le 30 février 1947. Il donne, au nom de la commission des finances, un avis le 20 février 1947, puis le 8 juillet et le 25 août et, enfin, le 1er juin 1950, sur les frais de mission et les indemnités des conseillers municipaux et des maires. Le 24 mars 1950, il présente un avis sur les indemnités des membres du Conseil général de la Seine.
Pierre Truffaut se consacre également au budget du ministère de l’intérieur. Il participe, le 3 juin 1947, au rapport général sur les dépenses du budget ordinaire de l’exercice de 1947 et, le 29 avril 1948, sur la lettre rectificative concernant les dotations de 1947, reconduites pour l’exercice suivant. Le 22 novembre 1949, il est rapporteur du budget pour les crédits affectés aux dépenses de fonctionnement des services civils du ministère de l’intérieur (exercice 1950), fonction qu’il retrouve pour l’exercice suivant.
Logiquement, soixante interventions en séance portent soit sur l’indemnisation des victimes de calamités naturelles, soit sur le vote du budget de l’intérieur. Il n’oublie pas le département dont il est l’élu. Le 4 juillet 1950, il dépose une proposition de résolution pour indemniser les habitants de La Rochelle et de Saint-Jean-d’Angély, victimes de la grêle. Le 31 mai 1949, il défend un amendement visant à subventionner le transport maritime entre les îles du littoral métropolitain et la terre ferme, pour éviter les surcoûts de la vie insulaire, à un moment où ni l’île d’Oléron, ni l’île de Ré - les deux îles les plus peuplées du littoral atlantique - ne sont desservies par un pont. Le 7 juin 1949, il s’élève contre la fermeture de l’arsenal de Rochefort, qui liquide deux siècles et demi d’une prestigieuse histoire militaire. Son regard ne s’arrête pas à la rive orientale de l’Atlantique puisqu’il porte un intérêt soutenu aux Antilles françaises, à la Guyane et à la Réunion. Il est rapporteur pour avis de la proposition de loi tendant à classer la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion comme départements français. Il rédige également un rapport sur le projet de création d’un fonds d’investissement pour le développement économique et social de l’Outre-mer. Entre 1946 et 1951, Pierre Truffaut a défendu trente-deux amendements et un sous-amendement. Il a déposé une demande d’interpellation. A quatre reprises, il a rempli les fonctions de rapporteur pour avis de la commission des finances, à huit reprises celles de rapporteur pour avis. Il a été rapporteur à vingt-et-une reprises, ce qui montre nettement son investissement au Palais-Bourbon.
L’activité parlementaire de Pierre Truffaut donne de lui l’image d’un technicien. Il a également une vision politique, qu’il exprime peu dans l’hémicycle, préférant s’effacer derrière les leaders du MRP. L’avant dernier texte qu’il dépose le 25 avril 1951 est une proposition de résolution invitant le gouvernement à mettre en place une réforme de la fiscalité. Pierre Truffaut a en effet beaucoup combattu à ce sujet. Il a exposé ses principales idées dans L’Aube, le 24 novembre 1948. Il estime que la fiscalité doit impérativement être orientée vers la croissance économique, quitte à moins jouer le rôle de redistribution qu’on lui assigne. Avant même la naissance de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), il encourage un impôt sur la consommation, qui est beaucoup moins douloureux que l’impôt sur le revenu. Il écarte fermement toute idée d’impôt sur le capital, frein à l’activité économique. L’intérêt de desserrer la pression fiscale sur les revenus est d’encourager l’épargne, fondement de la richesse nationale. Il n’a pas approuvé la politique financière de Pleven à la Libération et il juge irréaliste d’espérer une croissance des revenus fiscaux grâce à une hypothétique augmentation de la richesse nationale. Les comptes rendus des débats au sein du groupe parlementaire MRP montrent également un Pierre Truffaut très présent. Il défend notamment, au moment de la crise gouvernementale ouverte par la chute du gouvernement Marie en 1948, l’idée d’un ministère MRP homogène, sur le modèle italien, si aucun accord n’est trouvé avec les socialistes. Il repousse avec vigueur toute idée de gouvernement associant le MRP à la droite.
La défaite de 1951 ne l’empêche pas de reprendre une vie professionnelle réussie. Il participe à la formation de la Compagnie Immobilière pour le Développement des Antilles Françaises (CIDAF) et, de 1952 à sa mort, entre au conseil d’administration de cette dernière, dont le siège est à Paris. Outre ses activités à la CIDAF, il est élu président de la Fédération nationale des agents généraux d’assurances.
Décoré de la légion d’honneur comme chevalier au titre du ministère des finances en 1957, il meurt à Challans, en Vendée, le 11 juin 1974.