Paul Bert
1833 - 1886
Représentant à l'Assemblée nationale en 1872 et député de 1876 à 1886, né à Auxerre (Yonne), le 19 octobre 1833, mort à Hanoï (Tonkin), le 11 novembre 1886, après avoir fait ses études à Auxerre, il suivit à Paris les cours de l'Ecole de droit et de l'Ecole de médecine, fut reçu licencié en droit, puis docteur en médecine (1864) et docteur ès sciences naturelles deux ans après.
Il fut préparateur du cours de Claude Bernard au Collège de France, nommé professeur à la Faculté des sciences de Bordeaux, suppléant de Flourens au Muséum, et professeur de physiologie à l'Ecole pratique des hautes études à Paris (décembre 1869). Pour ses remarquables travaux sur l'influence de l'air comprimé sur les fermentations, et sur les conditions de la vie humaine à différentes altitudes, il reçut, en 1875, de l'Académie des sciences, le grand prix de 20 000 francs.
Il était entré dans la vie politique, après le 4 septembre 1870, comme secrétaire général de la préfecture de l'Yonne, et avait été nommé, le 15 janvier 1871, préfet du Nord, poste qu'il occupa moins d'un mois, ayant démissionné au moment où Gambetta, qui l'avait fait nommer, quittait le ministère de l'Intérieur et de la Guerre. Paul Bert, qui avait décliné la candidature aux élections du 8 février suivant, obtint néanmoins dans l'Yonne 10 828 voix.
M. Javal, député de l'Yonne, étant mort le 28 mars 1872, Paul Bert se présenta pour le remplacer, à l'élection partielle du 9 juin suivant, comme candidat républicain radical, et fut élu par 34 813 voix, sur 70 541 votants et 111 547 inscrits, contre MM. Javal fils, candidat centre gauche, qui eut 21 554 voix, et de Clermont-Tonnerre, candidat conservateur, 13 080 voix.
Il prit place à extrême gauche, se mêla aux discussions relatives aux questions d'instruction publique, présenta même à la fin de la législature un projet de réorganisation de l'enseignement supérieur, et vota :
- contre la démission de Thiers (24 mai 1873),
- contre l'arrêté sur les enterrements civils (24 juin),
- contre le septennat (20 novembre),
- contre le maintien de l'état de siège (4 décembre),
- contre le ministère de Broglie (16 mai 1874),
- pour la dissolution de l'Assemblée (29 juillet),
- pour l'amendement Wallon (30 janvier 1875),
- pour l'ensemble des lois constitutionnelles (25 février)
La vie politique avait pour lui beaucoup d'attraits, et, à la veille des élections de 1876, il écrivait à un ami (31 décembre 1875) « que la bataille électorale allait commencer, et qu'il comptait s'y jeter à corps perdu. » Il fut élu le 20 février suivant, dans la 2e circonscription électorale d'Auxerre, par 8 466 voix sur 13 580 votants et 17 740 inscrits, contre M. Cherest, candidat conservateur (4 986 voix). Il déposa des projets de loi sur les commissions d'enseignement, sur le recrutement des instituteurs primaires, et fut au nombre des 363 députés qui entrèrent en lutte contre le ministère de Broglie.
Réélu, le 14 octobre 1877, par 9 739 voix contre M. Tarbé des Sablons, bonapartiste (4 912 voix), il poursuivit la réorganisation de l'enseignement, dont il s'était fait le champion au double point de vue de l'obligation et de la laïcité. En juin 1879, il présenta à la tribune la loi sur l'enseignement supérieur comme une loi de défense sociale, attaqua l'intolérance de l'Eglise, et soutint « que la tolérance n'est pas due aux intolérants ». L'article 7 le ramena, quelques jours après, à la tribune ; il attaqua vivement les congrégations, surtout les Jésuites, au moyen de citations choisies dans leurs auteurs, et a la session du conseil général qui se tint au mois d'août suivant, à Auxerre, dans un dîner officiel, porta le toast suivant en présence du ministre de l'Intérieur : « Je bois à la destruction des phylloxera. Le département de l'Yonne a eu le bonheur jusqu'ici d'échapper à ces deux fléaux : le phylloxera qui se cache sous la vigne, et le phylloxera que l'on cache avec des feuilles de vigne. Pour le premier, nous avons le sulfure de carbone, pour le second, l'article 7 de la loi Ferry, etc. » En avril 1880, il déposa une proposition tendant à exiger des membres de 1'enseignement et des ministres des cultes une année de service militaire, parla, en mai, contre les lettres d'obédience « condamnées par tous les inspecteurs d'Académie, et même par les évêques d'Angers et de Nancy », et prit une part importante à la discussion de la loi sur l'enseignement primaire dont il était rapporteur, en demandant l'exclusion de l'enseignement religieux de l'école, en défendant la gratuité absolue attaquée par M. Beaussire, et en insistant sur le principe de l'obligation, qui fut d'ailleurs le moins discuté. Le 11 avril 1881, sur une interpellation de M. Janvier de la Motte relative à l'entreprise de Tunisie, Paul Bert déposa un ordre du jour « qui approuvait la conduite du gouvernement, avec confiance dans sa prudence et dans son énergie », et qui fut voté par 322 voix contre 124.
Paul Bert fut réélu, sans concurrent, aux élections du 21 août 1881 par 9 368 voix sur 10 357 votants et 18 072 inscrits. Lorsque Gambetta accepta le ministère (15 novembre 1881), il donna le portefeuille de l'Instruction publique et des Cultes à Paul Bert, qui avait le plus rigoureusement fait de la parole du maître : « Le cléricalisme, voilà l'ennemi », la devise constante de sa politique ; mais le « grand ministère » tombait (22 janvier 1882), avant même que son programme de réformes eût reçu un commencement d'exécution. Dans la discussion relative au certificat pédagogique (2 juillet 1882), Paul Bert obtint que l'examen portât exclusivement sur l'histoire des doctrines pédagogiques et sur la législation de l'enseignement; il demanda aussi, à propos du budget, la faculté pour le gouvernement de supprimer ou de suspendre les traitements ecclésiastiques. Le 15 octobre 1883, dans une réunion à Saint-Etienne, il soutint les doctrines de gouvernement exposées par M. Jules Ferry dans son discours du Havre et tendant à se séparer du radicalisme; il suivit d'ailleurs obstinément ce ministre dans la question du Tonkin, et fit voter à plusieurs reprises des ordres du jour de confiance à ce sujet ; il interpella, en décembre 1883, le gouvernement pour l'inviter à surseoir à l'importation des salaisons américaines jusqu'au vote d'une loi sur la matière. Dans la délibération sur la loi militaire (juin-juillet 1884), il fit repousser un amendement de M. Durand demandant l'exemption de 300 ou 400 jeunes gens de l'enseignement supérieur, interpella le gouvernement sur le choléra de Toulon, et, en décembre 1884, demanda 5 000 000 pour l'amélioration du traitement des instituteurs; la Chambre accorda 1 150 000 francs; elle rejeta, en janvier 1885, par 267 voix contre 177, l'amendement qu'il proposa au budget, tendant à désaffecter immédiatement les biens domaniaux affectés à des services du culte en dehors des prescriptions du Concordat.
Elu dans l'Yonne, aux élections d'octobre 1885, au 2e tour de scrutin, le 4e sur 6, par 53 2533 voix sur 86 690 votants et 109 551 inscrits, également élu dans la Seine, il opta pour son département d'origine. Il parla encore, en décembre, en faveur des crédits demandés pour le Tonkin, et fut nommé par M. de Freycinet, le 31 janvier 1886, résident général dans cette colonie et s'embarqua à Marseille le 14 février.
Il s'occupait activement sur place de la réorganisation des services multiples de la colonie, lorsqu'il fut emporté par le choléra, le 11 novembre 1886.
Il avait été élu membre de l'Académie de médecine, le 3 avril 1882.