Louis Vallon

1908 - 1981

Informations générales
  • Né le 12 août 1908 à Crest (Drôme - France)
  • Décédé le 1er mars 1981 à Paris (Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Seine
Groupe
Rassemblement du peuple français
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 25 novembre 1962 au 2 avril 1967
Département
Yvelines
Groupe
Union pour la nouvelle République-UDT
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IVe législature
Mandat
Du 30 juin 1968 au 1er avril 1973
Département
Paris
Groupe
Union des démocrates pour la République

Biographies

VALLON (Louis)
Né le 12 août 1901 à Crest (Drôme)
Décédé le 1er mars 1981 à Paris (13ème)

Député de la Seine de 1951 à 1955

Louis Vallon est le fils d’un couple d’instituteurs de Crest, Louis Vallon et Marie-Caroline Fontaine. Son père, homme de gauche, membre de la SFIO, membre de la Ligue des droits de l’homme, animateur d’œuvres laïques, maire de Crest de la Libération à 1947, emmena Louis Vallon, enfant, écouter Jaurès.

Elève à l’école primaire de Crest, au lycée de Valence, puis au lycée Saint-Louis de Paris, Louis Vallon est reçu, en 1921, à la fois à l’Ecole polytechnique et à l’Ecole normale supérieure. Il choisit Polytechnique, décision que, selon certains témoins, il regretta un temps, pensant que la rue d’Ulm lui aurait offert plus de possibilités pour se consacrer à la recherche. Il mène pourtant par la suite des recherches sur les ondes électromagnétiques qui l’amènent à déposer un brevet relatif à un « dispositif radioélectrique pour la mesure des distances », annonçant la découverte du radar. Après son service militaire, il entre à la Radiotechnique, puis devient directeur commercial à la Compagnie des lampes (groupe Thomson), avant de travailler à la revue de presse de Radio-Paris.

Louis Vallon adhère aux Jeunesses socialistes puis, en 1923, à la SFIO, où il appartient à la tendance de Pierre Renaudel. Délégué à la propagande de la fédération SFIO de la Drôme, Louis Vallon est candidat de la SFIO aux élections législatives de 1932 dans la circonscription de Die. Il n’obtient que 2 480 voix contre 7 816 au radical Archimbaud. En 1933, il quitte la SFIO pour rejoindre le Parti socialiste de France. Il est membre de son Comité central. Déçu par Marcel Déat, il est réintégré en février 1936 à la cinquième section SFIO de la Seine. Il est alors appelé par Léon Blum à la direction des émissions économiques et sociales de la Radiodiffusion.

Louis Vallon a en effet, pendant l’entre-deux-guerres, réfléchi aux questions de l’organisation économique et sociale et tenté, comme Henri de Man, de rénover le socialisme. Membre, dès l’origine, du groupe X-Crise (Centre polytechnicien d’études économiques), puis de X-collectiviste (Centre polytechnicien d’études collectivistes), séduit par le planisme, il est l’un des signataires du « plan du 9 juillet 1934 » par des jeunes fonctionnaires, des jeunes de la SFIO ou du Parti radical, des néo-socialistes et des Croix-de-Feu, sous l’autorité de Jules Romains, pour proposer au Parlement un programme de « redressement national ». De novembre 1935 à mai 1936, il se consacre à la rédaction d’un livre, Le socialisme expérimental, qu’édite X-Crise. Bénéficiant d’une rubrique économique à Syndicats, il est très critique envers le Front populaire qui n’a pas su « avoir la politique économique de sa politique sociale ». Il se rapproche à la fin des années 30 de la Gauche révolutionnaire et collabore aux Cahiers rouges, la revue théorique de cette tendance. En septembre 1938, il se range parmi les antimunichois. A cette époque, il appartient à l’Union des techniciens socialistes et coopère à sa revue, Etudes socialistes.

Mobilisé en 1938 au moment de Munich, puis en 1939 comme capitaine du génie dans une unité stationnée près de la ligne Maginot, il est fait prisonnier et interné dans un oflag d’officiers (oflag XIII A). Grâce à sa femme, Suzanne Braun, qu’il avait épousée à Paris le 9 novembre 1932, il obtient un congé de captivité en 1941 et rejoint la Résistance. Il entre à Libération-Nord, est l’un des dirigeants du mouvement, collabore au journal, puis devient l’un des adjoints du colonel Rémy, qu’il rencontre en janvier 1942, dans le réseau « Confrérie Notre-Dame ». Sous le pseudonyme de « Raucourt », il prend la direction de la section économique qu’il fait bénéficier d’informations d’ordre politique, industriel et technique, notamment grâce à Antonioni, alors secrétaire adjoint de la SNCF. La Résistance est déterminante dans son évolution politique. Dans L’histoire s’avance masquée, Louis Vallon écrit : « Grâce à (Charles de Gaulle), l’histoire reprend pour les Français le visage de l’espoir… Je deviens donc gaulliste. Depuis ma jeunesse, j’étais socialiste, je le reste aussi… Je rejoins de Gaulle en juillet 1942, fidèle à la fois à mon pays et à moi-même ».

À la suite d’une trahison qui provoque de nombreuses arrestations, Louis Vallon et son épouse doivent, en juillet 1942, gagner Londres via Gibraltar, en compagnie d’André Philip. Le 4 août 1942, le colonel Passy lui confie la direction de la section « non militaire » du Bureau central de renseignements et d’action, les services spéciaux de la France libre. Il s’occupe en particulier de la réorganisation du mouvement syndical.

Au début de 1943, il souhaite reprendre l’uniforme. Après un séjour de quelques mois à l’état-major de la 1ère division française libre, il est envoyé, en avril 1943, à Beyrouth comme directeur des affaires économiques des Etats du Levant, puis devient membre de l’Assemblée consultative provisoire, où il siège à la commission des finances. Désireux de former des unités de combat hautement entraînées dans les sabotages et les coups de main et destinées à être parachutées en France au moment du débarquement par le sud, il fonde à Staoueli, près d’Alger, le 1er groupe des commandos parachutistes de France. Tardivement envoyé en métropole (début octobre), ce groupe participe à la campagne de France (Vosges, Alsace).

Nommé fin 1944 directeur adjoint du cabinet du général de Gaulle, où il est chargé des questions économiques et financières, Louis Vallon devient directeur des Monnaies et médailles, après la démission du président du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Il est ensuite l’un des principaux responsables du Rassemblement du peuple français (RPF), auquel il appartient dès sa fondation. Membre du comité exécutif, puis du conseil de direction, il est délégué général pour la région parisienne dès 1947 et également, à partir de 1948, secrétaire national à l’action ouvrière et sociale. Aux assises de 1952, il est rapporteur des questions économiques, sociales et financières. Il donne de nombreux articles au Rassemblement et au Rassemblement ouvrier.

Le 17 juin 1951, il est élu député RPF dans le quatrième secteur de la Seine (cantons de Nogent-sur-Marne, Saint-Maur-des-Fossés, Charenton-le-Pont, Ivry-sur-Seine, Sceaux, Villejuif et Vanves). La liste qu’il conduit à la demande du général de Gaulle obtient 27,2 % des suffrages exprimés et trois élus. Selon Jacques Vendroux, Louis Vallon « a toujours été l’un des personnages marquants du Palais-Bourbon, où son intelligence supérieure et sa vivacité d’esprit ne laissaient aucun parlementaire, ni aucun critique, indifférent à ses propos ».

Membre, puis membre titulaire de la commission des finances (1951-1954), il appartient également à la commission du travail et de la sécurité sociale (1951-1952). La commission des finances le nomme à la commission de coordination pour l’étude des questions relatives à la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Durant son mandat, il est l’auteur de deux propositions de loi et intervient en séance à quarante-trois reprises. Il défend deux amendements, propose un ordre du jour et se démarque de la politique gouvernementale en déposant huit demandes d’interpellations et un rappel au règlement. Louis Vallon intervient essentiellement dans les débats concernant les questions économiques et financières.

Après s’être abstenu volontairement le 6 mars 1952, lors de l’investiture d’Antoine Pinay, il critique le 21 novembre « l’échec conjugué de la politique extérieure et de la politique financière et économique du gouvernement ».

Il dépose, le 2 décembre 1952, une proposition de loi tendant à l’établissement des contrats d’association « capital-travail ». Cette idée est au cœur des combats politiques que va mener Louis Vallon. Selon lui, un contrat devait lier les travailleurs à l’entreprise afin d’assurer à ceux-ci, en plus de leur salaire, le versement d’une part des bénéfices de l’entreprise. Il devait inclure l’ensemble des travailleurs qualifiés ou non qualifiés qu’emploie l’entreprise et aucune modification ne pouvait être apportée ultérieurement par la direction. Le 21 décembre 1951, le député gaulliste de la Seine a déposé une proposition de loi sur le contrôle et la règlementation des ententes industrielles et commerciales.

Le 13 décembre 1951, Louis Vallon a voté contre la question de confiance posée pour l’adoption de l’ensemble du projet relatif au pool charbon-acier. En 1952-1953, il développe ses critiques contre la CECA. Le 19 février 1953, il écrit dans Le Rassemblement : « La CECA sert l’Allemagne et menace la France ». Le 24 mars 1953, il reprend ses critiques à l’Assemblée nationale : « Nous nous trouvons placés non plus devant un marché vraiment concurrentiel, mais devant l’instauration d’un « super-dirigisme » supranational confié à un organisme pratiquement irresponsable créé par le traité (…). Si la France n’est pas vigilante, la Communauté tombera nécessairement sur l’hégémonie de l’Allemagne par l’intermédiaire de la fédération soi-disant européenne, préparée par des assemblées elles-mêmes irresponsables. (Or), la France ne saurait accepter une Europe au sein de laquelle l’Allemagne aurait ou risquerait d’avoir la prépondérance, une Europe où l’Union française et l’industrie française seraient en même temps sacrifiées ». Le 19 mai 1953, il assimile la politique de Jean Monnet à « celle de M. Adenauer et des néo-nazis ».

En juin 1953, il s’abstient lors du vote sur l’investiture de Pierre Mendès France : « La crise du régime d’assemblée est ouverte », explique-t-il, « seul un référendum permettrait de trancher les questions importantes et d’associer à l’action gouvernementale l’opinion publique. Il augmenterait l’autorité des dirigeants et dégagerait la politique des basses combinaisons parlementaires pour rallier ou écarter le verdict de l’Assemblée ». Il s’oppose ensuite au gouvernement Laniel, qu’il juge trop à droite, alors que « les deux tiers au moins du corps électoral seraient manifestement favorables à une politique réformatrice hardie soutenue par ceux qui peinent et qui souffrent dans ce pays ». Il dénonce à cette occasion l’attitude du Mouvement républicain populaire (MRP) qui soutient Laniel, et plus largement les partis démocrates-chrétiens européens : « On sait qu’ils négocient entre eux afin de chercher à hâter la conclusion des accords dits européens et de placer ainsi les pays de l’Europe de l’Ouest devant le fait accompli au cas où de nouvelles démarches soviétiques risqueraient de provoquer la révision de la politique extérieure des démocraties occidentales et l’effondrement du mythe de la petite Europe, c’est-à-dire de l’Europe allemande, car il vaut mieux l’appeler par son nom ». Selon lui, le MRP a rallié la candidature Laniel pour « essayer de sauver l’Europe de M. Monnet et de M. Robert Schuman ». Il critique ensuite violemment la politique indochinoise menée par Georges Bidault, notamment quand celui-ci envisage de faire appel aux Américains et demande alors des négociations directes avec Ho Chi Minh, estimant que « la politique suivie depuis huit ans par les gouvernements français successifs a placé l’Etat sous un protectorat occulte, puis de plus en plus affirmé, des Etats-Unis ».

Le 17 juin 1954, Louis Vallon vote en faveur de l’investiture de Pierre Mendès France. Au cours de l’été, il participe à de nombreuses réunions publiques dans le cadre de la campagne contre la Communauté européenne de défense (CED). Le 30 août 1954, il se félicite du rejet du projet, qu’il qualifie ensuite de « conjuration internationale qui prétendait dépouiller notre pays de sa souveraineté en l’enchaînant à un kombinat (sic) germano-américain destiné à dominer l’Europe de l’Ouest ». Le 12 octobre 1954, il ne prend pas part au vote sur les accords de Londres, qu’il juge moins néfastes que la CED et, le 29 décembre 1954, il vote contre les accords de Paris. Pour lui, « la combinaison du réarmement de l’Allemagne avec l’entrée de celle-ci dans l’OTAN constitue l’élément majeur d’inquiétude (…). Il s’agit de réarmer une Allemagne réactionnaire et chauvine ».

Le 23 février 1955, Louis Vallon refuse la confiance à Edgar Faure. Il s’oppose ensuite aux mesures prises pour répondre à la rébellion algérienne, notamment l’état d’urgence qui a permis l’ouverture de camps d’hébergement et d’internement. Le 29 juillet 1955, il affirme à l’Assemblée nationale : « En présence de la situation en Algérie, je songe souvent à ces bons Allemands qui ont découvert dans les cinémas, après leur défaite, l’existence de Buchenwald et d’Auschwitz. Ils n’étaient guère curieux durant la guerre, ils ne s’étaient aperçus de rien ». Il dénonce à cette occasion les « crimes du capitalisme colonial », les élections truquées, les arrestations arbitraires et il demande l’organisation d’élections libres, estimant que « le cessez-le-feu résultera du premier accord passé avec des interlocuteurs valables ».

Ainsi, au cours de la législature 1951-1956, Louis Vallon se rapproche-t-il souvent des thèses communistes. Cela est particulièrement net quand, en novembre 1953, il s’indigne contre l’interdiction faite à des candidats communistes de se présenter à l’Ecole nationale d’Administration (ENA), dans laquelle il voit une tentative de créer une sorte de « maccarthysme » à la française, quand, au même moment, il vote contre la levée de l’immunité parlementaire de Jacques Duclos ou quand, le 3 décembre 1954, il s’en prend, dans une longue intervention, à « Paix et liberté » de Jean-Paul David et au réseau du commissaire Dides à la préfecture de police, voyant dans ces réseaux parallèles « la secrète restauration des forces qui, jadis, ont porté et soutenu le régime de Vichy et la collaboration ».

Après l’échec du RPF, Louis Vallon n’a pas rejoint pas le groupe de l’Union des républicains d’Action sociale (URAS) et, à l’Assemblée nationale, siège parmi les non-inscrits. Il constitue une Union des groupes d’action pour l’indépendance nationale et le progrès social et publie le journal Seine-Banlieue, auquel collaborent notamment Claude Bourdet, Paul Rivet, Jean Cassou, Gilles Martinet et Pierre Stibbe. Le journal devient l’organe des groupes « Indépendance et Progrès ». En 1955, il fonde l’Union démocratique du travail, avec René Capitant, Yvon Morandat et Jean de Lipkowski. En novembre 1955, il propose la création d’un « Front populaire » incluant les communistes, donnant à son action une orientation encore plus marquée à gauche.

Le 29 novembre 1955, il vote contre la question de confiance. Aux élections législatives du 2 janvier 1956, il conduit, dans le quatrième secteur de la Seine, une liste d’action républicaine et socialiste pour l’union des gauches, qui, avec seulement 1 % des suffrages exprimés, arrive en avant-dernière position des treize listes qui se sont présentées. A la suite de cet échec, Seine-Banlieue suspend sa parution.

Réintégré dans l’administration des finances, il publie en 1958, aux Presses Universitaires de France, La France fait ses comptes, avec une préface de Pierre Mendès France, où il présente les comptes nationaux. Au cours de l’été 1958, il est, avec Léo Hamon, Philippe Dechartre, Jacques Debû-Bridel, le signataire d’un manifeste « Des hommes de gauche parlent aux hommes de gauche », appelant à soutenir le général de Gaulle : « Si l’on veut un gouvernement capable de prendre les initiatives nécessaires pour ramener la paix en Algérie, d’ouvrir des négociations, de rétablir les libertés, il faut donner au général de Gaulle le maximum d’autorité par un vote favorable massif et non l’affaiblir par une majorité étroite qui le laisserait impuissant devant les ultras d’Alger ».

S’il n’est pas candidat aux élections législatives de 1958, Louis Vallon poursuit néanmoins sa carrière sous la Cinquième République. Réélu en 1962 et en 1968 sous les couleurs gaullistes, il fait adopter, le 12 juillet 1965, « l’amendement Vallon » en faveur de l’intéressement des salariés dans les entreprises. Il se fait surtout remarquer par sa constante hostilité à l’égard de Georges Pompidou qu’il accuse d’avoir provoqué l’échec du référendum de 1969. Il appellera même à voter François Mitterrand aux élections présidentielles de 1974.

Louis Vallon était officier de la Légion d’honneur, décoré de la croix de guerre et de la Médaille de la Résistance. Il disparaît le 1er mars 1981 à Paris.

VALLON (Louis)
Né le 12 août 1901 à Crest (Drôme)
Décédé le 1er mars 1981 à Paris 13ème

Député de la Seine de 1951 à 1955

Député de Seine-et-Oise de 1962 à 1967

Député de Paris de 1968 à 1973

« Je suis de ceux, plus nombreux qu’on ne dit, qui se réclament à la fois du gaullisme et de la gauche ». Cette phrase, extraite du pamphlet que publie Louis Vallon en 1969, l’Anti-de Gaulle, résume aussi bien le sens de son combat politique sous la Ve République que son ambiguïté fondatrice et, à terme, dans une large mesure, son échec. Fils d’un instituteur socialiste, Louis Vallon est membre de la SFIO dans les années 1930 et du groupe X-Crise, réunissant des polytechniciens favorables aux thèses planistes comme Jean Coutrot, Alfred Sauvy ou Jules Moch. En 1942, ayant rejoint Londres pour se mettre au service de la France Libre, il contracte une fidélité durable au général de Gaulle, exerçant les fonctions de directeur adjoint de son cabinet à la Libération. C’est sous l’étiquette du Rassemblement du peuple français (RPF), qu’il fait ses premières armes au Parlement, où il est élu dans la Seine entre 1951 et 1955.

À l’orée de la Ve République, Louis Vallon a pris certaines distances avec la politique active. Battu en 1956, il est mis à disposition de l’administration du ministère des finances, comme directeur, commissaire du gouvernement auprès de la banque de Madagascar et des Comores, et auprès de la banque générale du crédit et des participations. C’est à ce titre qu’il publie en 1958 un ouvrage, La France fait ses comptes, dans lequel il assortit d’un commentaire pédagogique la présentation des comptes de la nation. Sans circonscription, il n’est pas candidat aux élections législatives de 1958. En revanche, son poids politique reste important, pour deux raisons. D’une part, il jouit de l’estime personnelle du général de Gaulle, qui dira à son sujet et à celui des gaullistes de gauche : « Ce sont de bonnes bouteilles, mais elles sont rares ». Ingénieur polytechnicien, ancien dépositaire dans les années 1930 d’un brevet anticipant la création du radar, il rejoint le 4 juin 1959 le Conseil économique et social au titre des « personnalités compétentes ». D’autre part, Louis Vallon jouit d’un poids personnel considérable au sein du parti gaulliste : en 1946, aux côtés de René Capitant, il fonde d’abord l’Union gaulliste, qui précède la création du Rassemblement pour le peuple français, puis en avril 1959, l’Union démocratique du travail (UDT), dont il devient le secrétaire général. L’UDT matérialise la présence, au sein du parti, d’hommes venus du socialisme comme lui, ou du mendésisme, au gaullisme. Louis Vallon crée, la même année, l’influent journal Notre République, dont il est l’un des principaux animateurs, et qui devient au fil des ans une tribune d’où Louis Vallon critique régulièrement la politique jugée « conservatrice » du premier ministre Georges Pompidou, fort peu sensible aux thématiques du gaullisme de gauche.

Paradoxalement, s’il compte parmi les leaders nationaux du parti gaulliste, Louis Vallon ne possède pas véritablement d’ancrage politique local : ses mandats lui servent à animer le débat politique national plus qu’à s’occuper de ses administrés, ce qui peut contribuer à expliquer qu’il n’ait jamais été réélu après un mandat parlementaire, en 1956 comme en 1967. Il lui faut attendre 1962 pour être investi comme tête de liste UDT-Union pour la nouvelle République dans la 10e circonscription de Seine-et-Oise (Ecouen, Luzarches). À cette occasion, le général de Gaulle impose à l’UNR de céder une trentaine de circonscriptions à l’UDT. Situation paradoxale pour lui, il se trouve confronté au député sortant socialiste, Paul Mazurier, et au maire communiste de Goussainville, Roger Gaston, face auxquels son salut passe par la mobilisation des voix de droite. Largement en tête au premier tour, Roger Gaston affronte Louis Vallon au second tour et, phénomène assez singulier, en dépit de la dynamique du cartel des non, la logique antigaulliste ne joue pas : Louis Vallon recueille au moins la moitié des voix socialistes sur son nom, ce qui lui assure une courte victoire, avec 1300 voix d’avance sur son adversaire communiste. Dans sa circulaire de second tour, le discours de Louis Vallon est d’ailleurs ambigu. Se réclamant du général de Gaulle, il appelle à voter contre le parti communiste «qui représente le totalitarisme et menace la démocratie » : sous la IVe République, Louis Vallon avait pourtant, à plusieurs reprises, et notamment dans son combat contre la Communauté européenne de défense (CED), rejoint les positions communistes. Pourtant, Louis Vallon reste fidèle à son credo, définissant le gaullisme comme l’association du « progrès social et de la grandeur nationale ».

Pierre Viansson-Ponté définit l’accolage des termes « gaulliste » et « de gauche » comme «douloureux ». De fait, Louis Vallon retrouve l’Assemblée nationale, six ans après l’avoir quittée, alors que Georges Pompidou a remplacé Michel Debré, et que le ministre de l’économie et des finances n’est autre que Valéry Giscard d’Estaing. Sa position dans le groupe parlementaire s’avère à la fois centrale et, effectivement, douloureusement marginale. Centrale car on lui reconnaît une très grande compétence technique, en particulier dans le domaine économique. Dès la première année de son premier mandat sous la Ve République, il connaît ainsi l’honneur d’être nommé rapporteur général de la commission des finances. Plus généralement, il est une personnalité écoutée du groupe parlementaire gaulliste, et bénéficie de notoriété publique de l’estime personnelle du chef de l’Etat. Extrêmement actif en séance, Louis Vallon participe à pas moins de 16 commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer des textes dans les domaines économique et financier, et présente pas moins de 92 rapports au nom de la commission des finances tout au long de la législature. De tous les députés, il est de ceux qui interviennent le plus souvent en séance.

Mais cette exposition est gênante et douloureuse pour le groupe gaulliste. En effet, Louis Vallon ne renie nullement son attachement aux dogmes du gaullisme de gauche, parmi lesquels l’ancienne association capital-travail, qualifiée à partir de 1967 de « participation » des salariés aux bénéfices. Louis Vallon défend inlassablement ce projet. En juillet 1965, il dépose un amendement au projet de loi modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers, qui devient par la suite loi n° 65-566 du 12 juillet 1965, précisant que « le gouvernement déposera avant le 1er mai 1966 un projet de loi définissant les modalités selon lesquelles seront assurés et garantis les droits des salariés sur l’accroissement des valeurs d’actifs des entreprises dû à l’autofinancement ». Il est donc à l’origine de l’ordonnance sur la participation des travailleurs aux fruits de l’expansion des entreprises adoptée par le gouvernement Pompidou en août 1967. Mais l’ancien ami, Georges Pompidou, jugé trop prudent sur le sujet, devient progressivement, pour Louis Vallon, un adversaire. De même, comme rapporteur de la commission des finances, il se fait de plus en plus critique à l’égard de la politique de Valéry Giscard d’Estaing, qu’il juge trop libérale.

On peut donc considérer que l’action politique de Louis Vallon soulève le paradoxe le plus inconfortable qui soit pour le gaullisme de gouvernement. Elle possède l’avantage de coller au message originel de « rassemblement » du général de Gaulle, et de suivre au plus près les inclinations personnelles du président de la République. Celui-ci a en effet promulgué, dès le 7 janvier 1959, une ordonnance sur l’association ou l’intéressement des travailleurs à l’entreprise, s’appuyant sur les travaux d’une commission mise en place dès 1947. Ce système, facultatif, ne fait pas école. C’est pourquoi le général de Gaulle revient à plusieurs reprises après 1965 sur l’importance qu’il accorde à la mise en place effective de la « participation ». On note toutefois que ces préoccupations n’étaient pas contradictoires avec les préoccupations monétaires du général de Gaulle qui, du plan Pinay-Rueff de 1959 au plan de stabilisation de 1963, soutient plusieurs initiatives pour le moins «orthodoxes » sur le plan économique et budgétaire : c’est après la victoire progressive sur l’inflation qu’il s’oriente vers la question de la redistribution des bénéfices. Mais la ligne de Louis Vallon présente l’inconvénient d’aller à l’encontre de l’évolution effective du spectre politique gaulliste, qui coïncide de plus en plus avec la droite traditionnelle à mesure que la gauche se redresse et s’unit : c’est particulièrement le cas après l'élection présidentielle de 1965, au cours de laquelle son candidat, François Mitterrand, contraint Charles de Gaulle à un ballottage inattendu. Enfin, par dessus tout, la ligne défendue par Louis Vallon souligne à chaque occasion les clivages opposant le général de Gaulle à Georges Pompidou. On comprend dès lors que celui-ci, après les décevantes élections législatives de 1967 ait mis sa démission dans la balance pour refuser l’entrée de gaullistes de gauche (en l’occurrence de René Capitant) dans son gouvernement, puis ait farouchement combattu le projet de participation. Louis Vallon mène, de son côté, une campagne décidée en faveur de la participation n’hésitant pas à qualifier, dans les colonnes de Notre République, les milieux d’affaires réticents, d’ « oies du capital ».

Pour Georges Pompidou, toute concession faite à la gauche dessert électoralement le gaullisme et, de fait, Louis Vallon n’échappe pas à cette indépassable contradiction. Elu en 1962 grâce aux voix de la droite et de la gauche modérée, il est nettement battu au second tour, en 1967, par le candidat d’union de la gauche. La bipolarisation progressive du champ politique ne lui laisse finalement d’autre rôle que celui d’ « enfant terrible » de la famille gaulliste, dans laquelle il est minoritaire. Seul son lien personnel avec la président de la République, et la sympathie que celui-ci continue à porter au gaullisme de gauche, permettent à Louis Vallon de survivre politiquement. Lors des élections législatives de juin 1968, parachuté dans la 25e circonscription de Paris (Grandes-Carrières), il doit encore faire face au candidat de la gauche unie, le député sortant Claude Estier, proche de François Mitterrand. Une fois encore, seules les voix de la droite indépendante permettent à Louis Vallon de l’emporter, assez largement, au second tour. Le gaullisme de gauche apparaît une impasse électorale, car les hommes qui s’en réclament, ne parvenant à prendre des voix à la gauche traditionnelle, ne connaissent de succès électoraux que par la bonne volonté des gaullistes orthodoxes. Ainsi, dans sa circulaire électorale, Louis Vallon peine à interpréter la crise de Mai 1968 : il accuse la fédération des gauches, et en particulier François Mitterrand, de s’être lancé dans une « aventure » et d’être « l’otage du Parti communiste », mais convient qu’ « un changement social est nécessaire » : « Nous faisons confiance à de Gaulle pour l’amorcer rapidement ».

Le troisième et ultime mandat parlementaire de Louis Vallon est le plus douloureux : il ne retrouve pas sa fonction de rapporteur de la commission des finances, et accompagne le général de Gaulle dans l’échec du référendum du 27 avril 1969. L’élection de Georges Pompidou à la présidence de la République accentue sa marginalisation au sein du groupe gaulliste et l’amène, à l’été 1969, à théoriser, dans un pamphlet, l’Anti-de Gaulle, son idée fondamentale, l’opposition profonde entre gaullisme et pompidolisme. En effet, après avoir dénoncé la duplicité de Georges Pompidou, accusé d’avoir joué un rôle actif dans l’échec du référendum de 1969, Vallon souligne la mainmise progressive de l’ancien premier ministre sur l’appareil gaulliste (en 1967, les gaullistes de gauche refusent ainsi de participer aux assises de Lille), avant de conclure impitoyablement à la « manœuvre sans grand scrupule moral des forces de l’argent qui a réussi à faire partir de Gaulle de l'Elysée pour lui substituer Georges Pompidou ». Cette publication vaut à Louis Vallon son exclusion du groupe Union des démocrates pour la République (UDR) à l’Assemblée puis de l’UDR, à la demande personnelle de Georges Pompidou. Louis Vallon réagit à cette mesure en déclarant : « Je ne vois pas pourquoi je serais exclu du gaullisme… par M. Pompidou. M. Pompidou ne me paraît pas compétent pour exclure quelqu’un du gaullisme. Seul le général de Gaulle le serait. » Ce n’est que dans les dernières semaines du mandat et de la vie de Georges Pompidou, au printemps 1974, que Louis Vallon renoue avec son ancien ami, déclarant alors à Jean-Raymond Tournoux : « Georges Pompidou a fini majestueusement. Je n’ai jamais été très pompidolien, mais en quelques jours, j’ai acquis une très grande estime pour lui. C’était un animal râblé, blessé, il s’est battu comme un sanglier contre la mort jusqu’à la dernière minute. Il y a un côté gaullien dans tout cela. Je ne sais pas ce que pense le Général dans sa tombe, mais cela ne doit pas lui déplaire ».

Cette réconciliation tardive intervient au terme de la propre carrière politique de Louis Vallon. Celui-ci ne se représente pas aux élections législatives de 1973. Enfin, tirant la logique de son parcours politique et renouant avec ses premiers engagements socialistes des années 1930, il appelle à voter à l’élection présidentielle de 1974 en faveur de François Mitterrand, et contre Valéry Giscard d’Estaing, qu’il avait durement combattu comme ministre des finances. N’ayant jamais exercé de mandat local, il se retire ensuite de la vie politique

Bien qu’il n’ait jamais été ministre, et qu’il ait incarné un courant profondément minoritaire, Louis Vallon, par l’originalité de son parcours et sa courageuse fidélité à ses idées et au général de Gaulle, doit être reconnu comme une figure importante, sinon majeure, de la vie politique française de l’après-guerre. Cependant, le gaullisme de gauche qu’il a incarné, bien loin de renforcer politiquement le courant gaulliste en élargissant son spectre, a plutôt contribué à le fragiliser et à en souligner les contradictions inhérentes que seule la dynamique politique personnelle impulsée par le général de Gaulle permettait de dépasser. En somme, le parcours de Louis Vallon incarne, mieux que quiconque les ambiguïtés recouvertes par la notion gaulliste de rassemblement. Proche de Georges Pompidou, Edouard Balladur estimera, en 1997, que « le rassemblement est largement un mythe tenant à la personne du général de Gaulle. Encore faut-il dire que, lorsqu’il a instauré l’élection du président de la République au suffrage universel en 1962, il n’avait peut-être pas aperçu que cela risquait d’enserrer le Président quel qu’il fût dans le tissu d’une opposition entre deux partis. En effet, lorsqu’il faut choisir, c’est l’un ou c’est l’autre, et c’est donc le contraire du Rassemblement ». Revenu au Parlement sous la Ve République, au moment même où cette dynamique bipolaire s’est enclenchée, Louis Vallon est dès lors condamné à n’être que le « caillou dans la chaussure » du gaullisme de gouvernement : il incarne la continuité d’un projet social gaulliste, et de son inachèvement. De même, la voie qu’il défend s’avère inaudible, sans doute trop complexe pour l’électorat français qui entre peu à peu dans une logique bipolaire. Seules les interventions personnelles du général de Gaulle permettent au gaullisme de gauche de survivre électoralement, bien au-delà de son poids réel dans la famille gaulliste. Mais Louis Vallon doit chacune de ces élections à l’électorat de droite traditionnelle. Les élections à l’Elysée de Georges Pompidou puis, surtout, de Valéry Giscard d’Estaing parachèvent l’échec de son combat, même si Valéry Giscard d’Estaing se montre lui aussi un temps sensible à la thématique de l’ouverture.

Louis Vallon meurt le 1er mars 1981 à Paris, quelques mois avant le retour de la gauche au pouvoir, qu’il avait, dans les dernières années de sa vie politique, appelé de ses vœux.

Officier de la Légion d’honneur, croix de guerre avec palmes, il était médaillé de la Résistance.