Gérard, Henri, Gaston Vée
1912 - 1986
VÉE (Gérard, Henri, Gaston)
Né le 15 décembre 1912 à Sainpuits (Yonne)
Décédé le 11 janvier 1986 à Paris (5ème)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Yonne)
Député de l’Yonne de 1946 à 1951
Gérard Vée est issu d’une famille bourguignonne de petits notables ruraux, agriculteurs et entrepreneurs de battages. Depuis le début du siècle, son grand-père et son père ont été conseillers municipaux, puis maires de Sainpuits. Il fréquente l’école primaire du village, où il obtient le certificat d’études primaires. Agriculteur lui-même, sa carrière est totalement liée à ses activités politiques et syndicales.
Gérard Vée adhère tout d’abord à la Ligue des droits de l’Homme en 1930, à la section de Treigny-Sainpuits dont il devient secrétaire. Puis, l’année suivante, il rejoint la SFIO. Il va consacrer l’essentiel de sa vie à la défense des travailleurs de la terre. En 1933, il s’efforce de créer une section de la Confédération nationale paysanne (CNP), organisation socialisante, dans l’Yonne. Son action militante s’interrompt provisoirement lorsqu’il effectue son service militaire actif au 408ème Régiment de chars de combat (RCC) à Lunéville, en 1934-1935.
Revenu à la vie civile, Gérard Vée participe à la création des « Foyers paysans de culture et d’émancipation intellectuelle », dont il est le secrétaire et devient rédacteur à La Volonté paysanne (1935-1939), le journal de la CNP. Avec l’ancien député Maxence Roldes, il fonde, à la fin 1936, la fédération de l’Yonne de la CNP ; Gérard Vée devient l’un des adjoints d’Elie Calvayrac, le fondateur du mouvement. Après la victoire du Front populaire et la création de l’Office du blé, il est désigné comme secrétaire général de la Fédération nationale des coopératives de blé, de janvier 1937 à 1939, et entre au secrétariat parisien de la CNP en janvier 1938. Il collabore à L’Ordre et au Populaire où il anime la page agricole (1938-1939) et appartient à la commission agricole de la SFIO dès 1938. Il prend une part active à la vie intérieure du parti lorsque celui-ci se divise sur la question de la guerre. Membre du comité de direction du journal Agir pour la paix, pour le socialisme, au côté des deux députés socialistes spécialistes des questions agricoles François Tanguy Prigent et Georges Monnet, il se situe avec eux dans le camp des fervents antimunichois. À la veille de la guerre, il publie un ouvrage intitulé L’exode rural.
Mobilisé en septembre 1939 au 408ème régiment des pionniers, Gérard Vée est fait prisonnier en juin suivant. Captif dans des stalags en Allemagne durant trente-cinq mois, il est rapatrié avec un contingent de techniciens agricoles, le 12 décembre 1942, dans le cadre d'échange de paysans contre des ouvriers, négocié avec les Allemands. Une tentative d'évasion en septembre 1941 a échoué, après une cavale de 800 kilomètres.
Aussitôt revenu en France, il entre dans le mouvement Libération-Nord, sous le pseudonyme de François Lejeune (son frère Gaston Vée étant responsable de l'Yonne), puis, en 1943, crée un mouvement d’anciens prisonniers, le mouvement clandestin des Prisonniers rapatriés et résistants, distinct du Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (MNPGD) qu’il juge vichyste. Il fonde le journal La Défense des prisonniers qui devient La République combattante, au début de 1944. Désigné secrétaire de la commission de l’agriculture du Conseil national de la Résistance, Gérard Vée utilise les Foyers paysans comme boîte aux lettres. Il fonde encore, avec Tanguy Prigent, La Résistance paysanne, journal socialisant qui devient, à la Libération, le journal de la Confédération générale de l’agriculture (CGA), sous le nom de La Résistance paysanne. Deux ans plus tard, il jugera que ce transfert a été une erreur.
A la Libération, Gérard Vée est présent sur de très nombreux fronts politiques et médiatiques et dans les cabinets ministériels. Il réorganise la fédération socialiste, le secrétaire Raymond Vauthier étant déporté, et prépare avec elle les élections législatives. Dans le même temps, il joue un rôle important à la CGA ; il est le rédacteur en chef du journal, La Moisson, que la SFIO cherche à implanter dans le monde agricole dès lors qu’elle constate l’échec de sa politique unitaire. Collaborateur de la Radio française et de la BBC en 1944 et 1945, il crée et dirige encore, de 1945 à 1950, un autre hebdomadaire agricole La France rurale. Tanguy Prigent, devenu ministre de l’agriculture, l’appelle à son cabinet en septembre 1944, comme chef de son secrétariat particulier, jusqu’à son élection au Parlement.
Gérard Vée est élu au quotient à la première Assemblée nationale constituante, dans l’Yonne, en octobre 1945, sur une liste SFIO-Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) qui recueille 38 442 voix sur 132 268 suffrages exprimés. Il est nommé membre de la commission des affaires économiques, des douanes et des commandes commerciales et, à la commission de l’agriculture et du ravitaillement. Il dépose des propositions de loi visant à créer divers offices nationaux, du bois ou du machinisme agricole, présente le rapport sur la création d’offices agricoles départementaux, qui va aboutir, et des propositions de loi visant à la défense des emplois des anciens prisonniers et déportés de l’administration. Il participe activement, en rédigeant de nombreux amendements, à l’élaboration de la loi portant statut du fermage et du métayage présentée par Tanguy Prigent.
Réélu le 2 juin 1946, à la deuxième Assemblée nationale constituante et à la plus forte moyenne, en dépit de la perte d’un tiers de ses voix, avec 25 701 voix sur 136 648 suffrages exprimés, Gérard Vée est reconduit dans les mêmes commissions. Il dépose deux propositions de loi et une proposition de résolution, reprenant des textes de la précédente législature.
Le 10 novembre 1946, Gérard Vée est élu à la première assemblée législative de la Quatrième République, avec 25 176 voix sur 128 820 suffrages exprimés. Reconduit à la commission de l’agriculture le 17 décembre 1946, il y siège jusqu’à la fin de la législature et en devient secrétaire le 20 janvier 1949. Il est membre aussi à la commission de la presse (1946-1950), de la commission des affaires étrangères (1946-1947) et de la commission du ravitaillement (1947-1949). Le 17 février 1947, il intègre la commission parlementaire d’enquête sur les vins qui le désigne comme rapporteur général. Enfin, il est appelé à figurer sur la liste des jurés de la Haute Cour de justice pour la session du 7 décembre 1948. Il se montre un parlementaire particulièrement actif, déposant trente-cinq textes : onze propositions de loi, quatorze propositions de résolution, huit rapports et deux avis. Ses nombreuses interventions - trente-quatre - portent essentiellement sur les questions agricoles, mais aussi sur les prisonniers et anciens combattants, les « vieux » et les intérêts de son département. Il défend alors vingt-et-un amendements, un sous-amendement, dépose deux demandes d’interpellation, un amendement additionnel. A trois reprises, il est rapporteur pour avis et, par deux fois, remplit les fonctions de rapporteur : proposition de loi relative au prix du blé (28 juillet 1949) ; rapport de la commission d’enquête sur le vin (29 mars 1950).
Gérard Vée, redevenu secrétaire de la fédération SFIO en 1949, se représente volontairement à la deuxième place sur la liste pour les législatives du 17 juin 1951. Il fait campagne pour son compagnon de résistance, Jacques Rébeyrol. Leur liste ne rassemble que 14 301 suffrages sur 124 774 suffrages exprimés. Gérard Vée est arrivé en tête des candidats avec 15 014 voix. Ayant cessé d’être parlementaire, il est chargé, en 1951-1952, de la productivité agricole en Europe par la Mutual security Agency, organisme qui assure les prolongements du plan Marshall.
Le 27 avril 1953, frappé par la poliomyélite, Gérard Vée doit être hospitalisé durant près d’un an. Il raconte son expérience dans le livre Condamné, Lève toi (Gallimard 1954). Guéri mais atteint d’une infirmité, il reprend son activité professionnelle en obtenant sa réintégration à l’office des Céréales, au poste qu’il a occupé en 1945.
Le 2 janvier 1956, l’ancien parlementaire figure en deuxième position, derrière Jacques Piette, sur la liste SFIO aux législatives. Seul Piette est élu, avec 12 991 voix sur 132 132 suffrages exprimés. Gérard Vée mène la liste socialiste à une législative partielle en juillet 1956, après l’invalidation du poujadiste Jean Lamalle et la démission de l’indépendant Jean Chamant qui refuse d’être proclamé élu à la place de celui-ci. Gérard Vée n’arrive qu’en cinquième position avec 12 347 suffrages sur 112 255 suffrages exprimés. Jean Chamant est réélu au second tour avec 56,1 % des voix.
La carrière personnelle de Gérard Vée suit les aléas de la vie politique nationale. Membre du cabinet de Guy Mollet, de janvier 1956 à juillet 1957, il devient commissaire adjoint au pavillon de l’Algérie à l’exposition universelle de Bruxelles. Puis, il retourne au ministère de l’agriculture, où il est chargé de mission de 1958 à 1974. Enfin, ayant pris sa retraite du ministère de l’agriculture, il entre au Conseil économique et social où il appartient à la section des activités sociales, de 1975 à 1976, et à la section du cadre de vie, de 1978 à 1980.
A partir de 1958, une deuxième carrière politique, locale, s’ouvre pour Gérard Vée. Alors qu’il a été battu au Conseil général en 1949 à Bleneau (avec 839 voix sur 2 668 votants), il l’emporte de justesse en 1958 à Saint-Sauveur-en-Puisaye, le sortant ne se représentant pas. Il représente le canton de 1958 à 1982, prenant progressivement des responsabilités au sein de l’Assemblée départementale ; rapporteur général du budget, il est nommé de 1979 à 1982 premier vice-président du conseil général de l’Yonne. Il est enfin élu conseiller municipal de Sainpuits en 1971 et préside alors plusieurs syndicats intercommunaux d’électrification, d’eau ou à but scolaire.
Ancien parlementaire et élu local bien implanté, Vée est bien intégré dans le tissu des réseaux départementaux. Délégué cantonal de l’éducation nationale, il est secrétaire général puis président adjoint de la Fédération nationale des combattants républicains et également préside l’Union départementale de l’Yonne de l’Union française des anciens combattants et victimes de guerre. Il reste donc un candidat socialiste incontournable pour les élections parlementaires : candidat au Conseil de la République en juin 1958, puis à l’Assemblée nationale dans la première circonscription de l’Yonne en novembre suivant (il obtient 4927 suffrages au premier tour sur 53 415 inscrits et 37 891 exprimés et 3 339 au second tour), il se représente au Sénat en 1959, puis de nouveau à l’Assemblée nationale en 1962 (4 822 suffrages sur 53 013 inscrits et 32 401 votants au premier tour).
Après la fin de la guerre d’Algérie, Gérard Vée s’éloigne de la SFIO. Déjà, dans les années cinquante, il s’était engagé dans le mouvement des Clubs et s’était progressivement rapproché de François Mitterrand. Membre du Club des Jacobins dès 1953, il appartient au Club des Montagnards en 1957, puis intègre le groupe national de travail de « L’Atelier républicain » (1964). Après les élections présidentielles de 1965, il rejoint la Convention des institutions républicaines (CIR). En 1967, il est suppléant de Louis Périllier, élu député de la Fédération de la Gauche démocrate et socialiste (FGDS). Avec lui, il rejoint le parti socialiste en 1971. Mais il le quitte après la signature du programme commun en 1973, et adhère au Mouvement démocratique de France de Max Lejeune. En 1978, il se présente pour la dernière fois aux législatives, dans la dixième circonscription de Paris, comme candidat « Démocratie socialiste-Union pour la démocratie française ».
Le dernier combat de Gérard Vée est en faveur des handicapés et des malades de la poliomyélite. Président fondateur de plusieurs associations de handicapés et blessés, dont le Comité national pour l’insertion et la promotion des handicapés moteurs, il fonde la première maison de repos spécialisée pour convalescents handicapés en 1960. Il est aussi directeur de la revue Santé information France handicapés moteurs et préside l’Association pour la formation et le perfectionnement des travailleurs sociaux de Bourgogne-France-Comté, de 1967 à 1982. C’est dans le cadre de ce combat qu’il a écrit le Mémento du handicapé moteur en 1972. Il était enfin président actif, puis président d’honneur de la Société des Amis de Colette.
Gérard Vée, titulaire de la croix de guerre 1939-1945, de la croix d’officier de la Légion d’honneur est officier du Mérite agricole et officier de la Santé publique. Il disparaît le 11 janvier 1986 à Paris.